«PMA pour toutes» : est-il éthique de vouloir la faire rembourser par la collectivité ?

Bonjour

C’est fait : l’accès aux techniques de PMA « à toutes les femmes » a franchi une étape supplémentaire. Le Sénat, en dépit de l’opposition d’une partie de la droite, a voté cette « disposition-phare ». «L’article 1 a été ‘sauvé’», s’est aussitôt réjouie la sénatrice PS Laurence Rossignol sur Twitter. Tout en exprimant un vif regret :

L’article 1 a été « sauvé » mais nous avons échoué, face à la droite, à conserver le remboursement de la #PMAPourToutes par la sécurité sociale. #DirectSenat

C’est que le Sénat se rangera à la version du texte adoptée en commission : il réserve la prise en charge par l’assurance maladie « aux demandes fondées sur un critère médical ». La gauche a mené bataille sans succès pour rétablir le remboursement pour toutes les femmes (également défendu par le gouvernement). C’est un amendement présenté par la sénatrice LR et rapporteuse du projet de loi, Muriel Jourda, qui a modifie la prise en charge de la PMA par la sécurité sociale : contrairement à ce qu’avaient voté les députés, l’assistance à la procréation médicale ne serait remboursée que dans les cas d’infertilité biologique.

On peut le dire autrement : pour le Sénat seuls les couples hétérosexuels infertiles pourraient bénéficierd’une prise en charge. « Les femmes célibataires ou en couple avec une femme devront quant à elles s’acquitter de la facture, résume France Inter.   » Il ne s’agit pas d’une mesure punitive à l’égard des couples homosexuels », a fait valoir Muriel Jourda pendant les débats, invoquant le texte fondateur de l’assurance maladie. « La solidarité nationale prend en charge la maladie, et pas le type d’acte dont nous sommes en train de discuter », a-t-elle lancé.

On aimerait ici les lumières du directeur général de la CNAM, Nicolas Revel. Le sujet est essentiel : il avait déjà provoqué d’âpres discussions au moment de l’examen du texte par les députés. Les Républicains s’étaient particulièrement opposés à un remboursement universel. « Que la société s’organise pour que les principes de la Sécurité sociale soient dévoyés, c’est un vrai problème« , avait fustigé la députée Valérie Boyer. 

Sur les bancs de la gauche, on dénonce à l’inverse une « rupture d’égalité » entre les couples hétérosexuels d’un côté, et de l’autre les couples homosexuels et les femmes célibataires. Plusieurs amendements ont été déposés afin de revenir à la version initiale du texte. Sans remboursement universel, « on ouvre un droit formel, pas un droit réel », soulignait également l’été dernier la ministre de la Santé Agnès Buzyn sur France Inter, soulignant le faible impact économique de la mesure. 

L’économique et le symbolique

Faible impact économique, peut-être, mais forte dimension symbolique. Actuellement, comme le précise Le Mondele coût total moyen d’une fécondation in vitro s’élève, pour les pouvoirs publics, à près de 5 000 euros, en incluant les traitements, la ponction d’ovocytes, l’hospitalisation, les arrêts de travail. 

C’est dans ce contexte que Jean-François Delfraissy, président du Comité consultatif national d’éthique, s’est exprimé sur RTL. Il a rappelé que ce Comité « avait laissé la porte ouverte mais qu’il était globalement favorable à un remboursement » parce que « ne pas rembourser c’est créer aussi une certaine forme d’inéquité » (sic). Ce qui est un résumé un peu trop rapide de l’avis du Comité qu’il préside 1. Inéquité ou inquité ? Iniquité !

« Iniquité » :  Caractère de ce qui est inique, injuste; injustice grave. 1.  Comportement contraire à l’équité, à la justice.  2. Ce qui est inique; acte commis contrairement à la justice, à l’équité. Suprême iniquité. Commettre une iniquité, des iniquités (Ac. 1835-1935). Mirabeau et l’abbé Grégoire (…) ont surtout défendu les victimes d’iniquités indignes d’une époque de lumières (Weill, Judaïsme,1931, p. 36)

A demain @jynau

1 Extrait de l’avis n°129 du CCNE : « Un autre point à mentionner, apparu dans les États généraux de la bioéthique, est la question de la prise en charge et du remboursement en cas d’ouverture pour les demandes d’AMP pour les couples de femmes et femmes seules et de confronter ce projet aux responsabilités et aux priorités éthiques dans le cadre de la réduction des inégalités en santé. Cette question fait partie intégrante des aspects éthiques du sujet et la solution adoptée (prise en charge complète, ou différenciée sous conditions de ressources quel que soit le type de demande, financement par les mutuelles, ou autres) devra être soigneusement étudiée au regard des critères de justice. »

3 réflexions sur “«PMA pour toutes» : est-il éthique de vouloir la faire rembourser par la collectivité ?

  1. « les lumières du directeur général de la CNAM »
    Je ne suis pas d’accord à les lui demander.
    Quel que soit le respect pour ce directeur certainement soucieux du bien public, il a un rôle technique et n’a pas à décider ni orienter une décision sur le fond du remboursement qui relève à l’évidence de la représentation nationale.

    « Actuellement, comme le précise Le Monde, le coût total moyen d’une fécondation in vitro s’élève, pour les pouvoirs publics, à près de 5 000 euros »

    Les pouvoirs publics ici comme ailleurs, n’assument pas le coût des dépenses publiques.

    Si quelqu’un disait « le coût total moyen d’une fécondation in vitro s’élève, pour les contribuents, à près de 5 000 euros » on dirait de lui qu’il n’est pas neutre et tente de denigrer le remboursement.
    Dire « les pouvoirs publics » qui n’a aucun sens, est peu journalistique mais très militant, de la même manière. Qui aime les « pouvoirs publics » à notre époque populiste ?

    • Oups !
      « Je ne suis pas d’accord POUR les lui demander. »
      « contribuables » pas contribuents.

      C’est la faute au pinot grigio de tout à l’heure.
      D’après ce que j’entends à la radio, maintenant on dit « la faute à « , pas « de la faute de ». O tempora o mores !

  2. Non c’est faux la solidarité nationale prend en charge la maladie, et la maternité (à 100 % d’ailleurs).
    La distinction entre droit formel et droit réel est encore un des avatars du socialisme ambiant qui gangrène ce pays.
    Il y a des des droits, le droit de propriété, le droit de vote, la libre circulation, par exemple, et il y a des bricolages juridiques pour politiciens en mal de progrès.

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