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31 janvier 2020. Les médias ne parlent que du Brexit et des mille et une facettes du phénomène épidémique. A commencer par la décision a minima de l’OMS : décréter une urgence de santé publique de portée internationale qui n’en est pas tout à fait une. Décret planétaire pris par le Dr Tedros Adhanom Ghebreyesus, directeur général qui a suivi l’avis de son comité ad hoc présidé par le Pr Didier Houssin, ancien directeur général français de la Santé.
Selon le règlement sanitaire international (RSI) en vigueur depuis 2005, l’urgence de santé publique de portée internationale est « un événement extraordinaire dont il est déterminé qu’il constitue un risque pour la santé publique dans d’autres Etats en raison du risque de propagation internationale de maladies et qu’il peut requérir une action internationale coordonnée ».
Tout pourrait être simple. Rien ne l’est. L’OMS, par la voix de son directeur général a avant tout rempli une fonction de diplomate, prenant le soin de souligner que cette initiative n’était en aucun cas « un acte de défiance vis-à-vis de la Chine » et qu’elle était motivée non pas « par ce qu’il se passe en Chine mais par ce qu’il se passe dans les autres pays ».
A quand l’alerte « orange » ?
Le Monde (Marie Bourreau) : « Devant les journalistes réunis en conférence de presse, le docteur Tedros a justifié cette mesure par l’augmentation du nombre de cas et de pays touchés ; 9 692 cas ont été répertoriés en Chine – qui enregistre aussi l’ensemble des 213 morts répertoriés à ce jour. C’est plus que lors de l’épidémie de SRAS (syndrome respiratoire aigu sévère) en 2002-2003, au cours de laquelle 5 327 personnes avaient été infectées. (…) De nombreux experts critiquent le fonctionnement binaire du système qui a poussé à déclarer une urgence mondiale alors que les chiffres des malades en dehors de la Chine restent pour l’instant très faibles. Lors d’une rencontre avec les journalistes, le Dr Tedros lui-même avait laissé entendre qu’une alerte intermédiaire ‘’orange’’ aurait sans doute été plus représentative du risque actuel. »
Résumons : dix mille cas (officiels) en Chine et plus de deux cents morts Une centaine de cas identifiés (officiellement) dans une vingtaine de pays le plus souvent en Asie, en Europe et en Amérique du Nord. Avec, ce qui inquiète surtout le comité d’urgence – et qui a « presque unanimement » recommandé le lancement de cette alerte mondiale, selon le Pr Houssin : les cas de transmissions interhumaines enregistrées dans cinq pays (France, Etats-Unis, Allemagne, Japon, Vietnam). Un phénomène qui soulève de manière très concrète la question de la contagiosité des patients asymptomatiques.
« L’organisation onusienne craint aussi un deuxième scénario catastrophe : la possibilité que l’épidémie puisse atteindre des pays dont le système de santé ne serait pas capable de gérer une telle crise sanitaire, en Afrique notamment, un continent avec lequel la Chine entretient de nombreux liens commerciaux » observe Le Monde.
Or cette crainte est exprimée alors même que le Conseil de supervision de la préparation globale (GPMB) a averti, jeudi 30 janvier, que de nombreux pays n’étaient pas prêts à faire face à l’épidémie de pneumonie virale. « Tous les pays et gouvernements locaux, y compris ceux qui n’ont pas été touchés, doivent d’urgence consacrer des ressources au renforcement de leurs capacités essentielles de préparation », souligne cet organe indépendant constitué en 2018 par l’OMS et la Banque mondiale,
Arrondir les angles et ronds de jambe
Ajoutons que le déclenchement de l’alerte sanitaire mondiale doit précisément permettre d’aider les Etats membres des Nations unies à mettre en place des mesures de prévention et de détection adéquates et de dégager des fonds pour combattre le virus. Pour l’heure les pays aujourd’hui les plus touchés actuellement (Chine, Japon, Allemagne, Etats-Unis, Corée du Sud et Vietnam) peuvent lutter sans réclamer de soutien financier. Mais demain si, venant de Chine, le virus émerge et diffuse sur le continent africain ?
Dès lors comment comprendre que l’OMS demande aux Etats membres de se tenir prêts à détecter les nouveaux cas, à les isoler et à suivre les chaînes de transmission pour éviter la propagation de la maladie et que, dans le même temps, elle déconseille de limiter les voyages et les échanges commerciaux avec la Chine ? Selon « un diplomate » (cité par Le Monde), c’est l’effet boomerang d’une telle mesure. « Il y a maintenant un tampon OMS officiel. Tous les ministères de la santé sont en alerte et vont pouvoir décider de mesures qui pourront être jugées trop restrictives par l’organisation. »
Et que pourra l’OMS face aux mesures bilatérales et à la pression internationale ? Moscou vient de décider de fermer ses 4 250 km de frontières communes avec la Chine. Il faut compter avec l’arrêt des liaisons aériennes entre certaines grandes capitales européennes et la République populaire ; avec l’évacuation de ressortissants étrangers par la France, le Japon et les Etats-Unis qui, de fait instaure un isolement international de Pékin.
De retour de la capitale chinoise, sur les blanches hauteurs de Genève et face aux journalistes, le directeur général de l’OMS a une nouvelle fois loué « la transparence et la rapidité avec laquelle la Chine a détecté le virus puis partagé ses informations ». Il a aussi affirmé « n’avoir jamais vu ça de [sa] vie » (sic). Selon lui, « la Chine est tout à fait capable de contrôler l’épidémie » grâce aux mesures « radicales » prises par Pékin avec le confinement de plus de 60 millions de personnes à travers le pays.
En langage diplomatique on parle ici « d’arrondir les angles ». Le Monde : « La déférence du chef de l’OMS à l’égard de Pékin étonne jusque dans l’écosystème onusien, pourtant habitué aux ronds de jambe des diplomates. »
A demain @jynau