Sous la Dépakine®, le Plavix® : Sanofi refuse 116 millions d’euros à l’Assurance-maladie !

Bonjour

Rebondissement médiatique dans l’affaire de la Dépakine® : le groupe pharmaceutique Sanofi a annoncé lundi 3 février sa mise en examen pour « tromperie aggravée » et « blessures involontaires » dans l’affaire de la commercialisation de ce médicament anti-époleptique de référence. Sanofi fait valoir que cette mise en examen lui permettrait « de faire valoir tous ses moyens de défense et sera l’occasion de démontrer qu’il a respecté son obligation d’information et fait preuve de transparence ».

Le géant pharmaceutique français a par ailleurs assuré qu’il « continuera de coopérer pleinement avec les autorités judiciaires et a toute confiance dans les suites de la procédure ». Aurait-il un instant songé à ne pas pleinement coopérer avec la justice de son pays ?

Ce rebondissement s’inscrit dans le cadre d’une enquête ouverte en 2016 et qui vise  à établir s’il y avait eu « tromperie sur les risques inhérents à l’utilisation du produit et les précautions à prendre ayant eu pour conséquence de rendre son utilisation dangereuse pour la santé de l’être humain » et couvrait la période allant de 1990 à avril 2015.

Un demi-siècle de commercialisation

Le valproate de sodium est commercialisée depuis plus d’un demi-siècle sous la marque Dépakine® par Sanofi. Cette enquête fait suite à une procédure lancée en mai 2016 par l’Association d’aide aux parents d’enfants souffrant du syndrome de l’anticonvulsivant (Apesac), qui représente 4 000 personnes, pour moitié des enfants malades, et s’appuyant sur quatorze cas de mères ayant reçu de la Dépakine lors de leur grossesse.

Rappel : il y a un an précisément on apprenait que Sanofi avait refusé de donner suite aux premières demandes d’indemnisation des victimes de Dépakine®. En d’autres termes il rejettait sur les autorités sanitaires française l’entière responsabilité de ce qui était désormais médiatiquement présenté comme un « scandale sanitaire ». Le Monde précisait alors que la Dépakine® était accusée d’avoir provoqué des malformations et des retards de développement chez des milliers d’enfants dont la mère prenait cet antiépileptique (principe actif : acide valproïque) durant sa  grossesse.

Selon les estimations de l’Assurance-maladie et de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, la Dépakine®  et ses dérivés sont directement responsable (depuis 1967) de malformations (entre 2 150 et 4 100 cas suspectés) et de troubles du neuro-développement (entre 16 600 et 30 400 cas). Les risques de malformations liées au valproate de sodium ont été mis en lumière par des études scientifiques dès les années 1980 et  les risques neuro-développementaux l’ont été à partir du début des années 2000.

Quand le géant Sanofi osait dénigrer ses concurrents

Voilà pour la Dépakine®. Passons au dossier (moins connu des médias généralistes)  du Plavix® (clopidogrel) dont on imagine qu’il figure en bonne place sur le bureau de Nicolas Revel, directeur général de l’Assurance Maladie. Et ce accompagné d’une croustillant exclusivité des Echos (Yann Duvert @yann-duvert) « Comment l’Assurance-maladie a raté l’occasion de se faire rembourser des millions par Sanofi ». Un petit bijou de papier, un rideau à moitié sur un spectacle financé par des deniers publics mais qui, trop souvent, nous échappe. Une affaire que nous avions pour notre part évoqué fin 2016 : « Sanofi n’aurait pas du dénigrer les génériques pour faire la promotion de son Plavix®».

La Cour de cassation avait alors confirmé une amende de 40,6 millions d’euros infligée à Sanofi en 2013 par l’Autorité de la concurrence, pour avoir mené une campagne de dénigrement des génériques concurrents de son célébrissime antiagrégant plaquettaire. Elle confirmait un jugement de la cour d’appel de Paris de décembre 2014, qui avait « caractérisé une pratique de dénigrement » mise en œuvre pendant cinq mois (entre 2009 et 2010) par le géant français. « La position dominante » de Sanofi avec le Plavix®  et son générique maison, Clopidrogel Winthrop ® , a eu pour effet « de limiter l’entrée de ses concurrents sur le marché français » jugeait la Cour.

Trois ans plus tard, extraits des Echos :

« Parfois, mieux vaut ne pas trop tergiverser, surtout si des millions sont en jeu. La Caisse nationale d’assurancemaladie des travailleurs salariés (CNAMTS) en a fait l’amère expérience, dans le cadre du litige qui l’oppose au laboratoire Sanofi. Alors qu’elle réclamait plus de 115 millions d’euros au géant de la pharmacie, le tribunal de commerce de Paris vient de rejeter sa demande, au motif que l’action engagée était prescrite.

Après la condamnation de l’Autorité de la concurrence et l’amende de 40,6 millions d’euros pour abus de position dominant certains concurrents de Sanofi ont tenté de se faire rembourser le préjudice subi.

« Selon nos informations, Teva, qui a attaqué Sanofi en justice et lui réclamait 30 millions d’euros, a finalement trouvé un accord à l’amiable avec son concurrent. Idem du côté de Sandoz, une filiale de Novartis, qui évaluait son préjudice à 15 millions d’euros environ. Le laboratoire allemand Salutas et le slovène Lek, qui réclamaient respectivement 2 millions et 2,6 millions d’euros, ont fait de même. »

« En revanche, aucun accord n’a été conclu entre Sanofi et la CNAMTS, gestionnaire du régime général de l’assurance-maladie, et par conséquent amenée à rembourser le Plavix aux patients. La Caisse a attaqué le laboratoire devant le tribunal de commerce de Paris, lui réclamant 115,9 millions d’euros. Mais pour une raison inexpliquée, la procédure n’a été lancée qu’en 2017.

« Le tribunal a estimé en octobre dernier que le délai de prescription de cinq ans avait été dépassé. Selon la jurisprudence, ce délai démarre au moment où la CNAMTS a eu connaissance des agissements anticoncurrentiels de Sanofi. Soit selon la justice dès 2011, lorsqu’elle a témoigné auprès du gendarme de la concurrence sur les pratiques du laboratoire. ‘’Dans cette affaire, c’est clairement l’inertie de la CNAM qui a été sanctionnée, d’autant qu’elle aurait pu agir avant la décision de l’Autorité de la concurrence en déposant une assignation, quitte à compléter le dossier ensuite’’, s’étonne un expert. »

Qui a fauté ? Où est la morale ? Contactée par Les Echos la CNAM n’a pas souhaité s’exprimer. Le géant Sanofi, de son côté, n’a pas souhaité faire de commentaires. Nul ne sait où sont les 115,9 millions d’euros en question. Ni ce qu’ils deviendront.

A demain @jynau

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