Bonjour
C’est une nouvelle étape dans la maîtrise raisonnée des pratiques médicales dites « de fin de vie ». Une étape à laquelle les médias seraient restés insensibles sans l’affaire qui voit deux médecins normands interdits d’exercice et poursuivis par la justice. Une affaire qui a suscité un mouvement sans précédent au sein du corps des médecins généralistes 1. Un mouvement mené, non sans courage, par le Dr Jean-Paul Hamon, président de la Fédération des médecins de France via une pétition de soutien.
Dans ce texte, les signataires reconnaissent avoir elles et eux aussi, «au cours de leur vie professionnelle, accompagné des patients en fin de vie pour les aider à partir dignement sans souffrance, parfois au prix d’entorses aux règlements en cours».
Document à forte teneur politique
Cette nouvelle étape, majeure, a aujourd’hui la forme d’un simple communiqué de presse de la Haute Autorité de Santé (HAS) : « Patient en fin de vie hospitalisé ou à domicile : quels médicaments et comment les utiliser ? ». C’est là une « recommandation sur les modalités d’utilisation des médicaments – y compris hors AMM – nécessaires pour accompagner les patients en fin de vie par une sédation ». Que cette sédation soit « proportionnée, profonde, transitoire ou maintenue jusqu’au décès ».
C’est aussi et surtout un document à forte teneur politique puisque la HAS « demande aux pouvoirs publics, sur la base de cette recommandation, de permettre la dispensation effective de ces médicaments aux médecins qui prennent en charge des patients en fin de vie à leur domicile ». On peut le dire autrement : la HAS demande à Agnès Buzyn, ministre des Solidarités et de la Santé (qui présida cette même HAS) de modifier la réglementation pharmaceutique pour permettre aux médecins généralistes de pouvoir utiliser le midazolam (Hypnovel®) dans le cadre d’un processus de sédation terminale. Une révolution.
« Tous les médecins sont confrontés à l’accompagnement de patients en fin de vie, dont beaucoup demandent à pouvoir rester chez eux, reconnaît (enfin) la HAS. Ce sont toujours des situations singulières et complexes. » Dans le contexte de mise en œuvre de la loi Clayes-Leonetti du 2 février 2016 créant un droit à la sédation profonde et continue maintenue jusqu’au décès, la HAS a réfléchi : comment aider les professionnels de santé à prendre en charge ces patients dans les conditions les plus humaines et les moins douloureuses possibles. Elle a ainsi publié, en 2018, le guide parcours de soins « Comment mettre en œuvre une sédation profonde et continue maintenue jusqu’au décès ? ». Il s’agissait de « proposer des outils pour aider à la décision et à la mise en œuvre de cette sédation ». On y « évoquait » l’ensemble des médicaments utilisables en fin de vie pour réaliser une sédation profonde et continue, maintenue jusqu’au décès.
Désert médicamenteux français
Poursuite pragmatique du travail. Où l’on apprend qu’aucun médicament en France n’a aujourd’hui d’AMM pour la sédation profonde, continue et maintenue jusqu’au décès. Corollaire : les médicaments qui peuvent être utilisés sont hors AMM. Conséquence : aucune information n’est disponible sur leurs modalités d’utilisation dans cette situation.
Recommandations pratiques de la HAS : « Le midazolam injectable – qui dispose en France d’une AMM pour les anesthésies – est le médicament de première intention pour la sédation profonde et continue maintenue jusqu’au décès. S’il s’avère non-adapté à la situation ou au patient, viennent en seconde intention la chlorpromazine et la lévomépromazine (des antipsychotiques). » Dans la recommandation les posologies et modalités d’administration de ces médicaments sont détaillées pour une utilisation en ville comme à l’hôpital. L’objectif est de guider les professionnels de santé en réponse à la demande des patients et de leurs familles de pouvoir choisir de mourir chez soi.
Une précision de taille toutefois : la HAS rappelle que, conformément à la réglementation, la mise en place d’une sédation profonde et continue maintenue jusqu’au décès doit impérativement reposer sur une décision collégiale, quel que soit le lieu de prise en charge.
Et une question politique de première importance : Agnès Buzyn osera-t-elle (aura-t-elle l’autorisation de) modifier la réglementation pharmaceutique pour permettre désormais à tous les médecins, de ville comme hospitaliers, de mettre en place une sédation proportionnée ou profonde et continue comme le prévoit désormais la loi ?
A demain @jynau
1 Lire « Les généralistes veulent assumer leur rôle dans l’aide médicale à mourir » Slate.fr (20 janvier 2020)