Coronavirus – symboles : au-delà de mille morts, le médecin martyr, la génuflexion de l’OMS

Bonjour

« 2019-nCoV » : Il est des images médiatisées qui impressionnent, qui prennent des valeurs de symboles. Des images virales. Il en va de même de certains chiffres. Le pouvoir exécutif en joue, jusqu’au moment où il est dépassé. 11 février 2020 : le nombre de morts en Chine  a dépassé la barre des mille (1 018 à l’heure où nous écrivons ces lignes). Les autorités sanitaires chinoises font fait état de 108 nouveaux décès en vingt-quatre heures, le plus lourd bilan quotidien enregistré à ce jour ; et plus de 42 000 personnes contaminées.

Dans le même temps la Chine et le monde ont pu découvrir le président, Xi Jinping, apparaissant, pour la première fois à la télévision nationale, le visage recouvert d’un masque de protection. Six semaines après l’émergence du nouveau virus il s’est rendu dans un quartier résidentiel de Pékin pour assister aux efforts de lutte contre la contagion et visiter un hôpital. Et le maître de la Chine communiste « s’est aussi laissé prendre la température de l’avant-bras à l’aide d’un thermomètre électronique ». Traduire :  le chef suprême n’échappe pas au rituel anti-épidémique à l’entrée des lieux publics. Comment, une nouvelle fois, ne pas songer à George Orwell, à Simon Leys.

On peut, pour mieux comprendre, lire Frédéric Lemaître, correspondant du Monde à Pékin qui vient de répondre aux questions des internautes.

Croire l’OMS quand elle parle de stabilisation de l’épidémie ? « Le directeur général de l’OMS qui, depuis sa visite à Pékin le 28 janvier — où une photo le surprend en train de faire une génuflexion devant Xi Jinping — n’a pas manqué de couvrir la Chine d’éloges, semble en effet faire preuve de davantage de prudence. Il n’exclut pas, qu’au niveau international, ‘’nous ne voyons que la partie émergée de l’iceberg’’. Ce qui est une expression tout sauf rassurante. »

Croire la Chine et ses chiffres officiels ? « Si autant de personnes doutent des chiffres officiels, c’est que la Chine a perdu la bataille de la communication… Et c’est ce qui est en train de se produire pour trois raisons. La première est que la Chine a, durant plus de trois semaines, nié l’importance voire l’existence de la crise. La deuxième est qu’elle fait taire ceux qui veulent enquêter ou attirer l’attention sur des situations difficiles. La troisième raison est que les moyens déployés sont tels – notamment la mise en quarantaine de la province du Hubei mais aussi les restrictions imposées aux déplacements quotidiens dans nombre de villes du sud du pays – que beaucoup de gens se demandent ce que tout cela cache. Même s’il n’y a peut-être rien à cacher… Il y a une autre raison de se méfier des chiffres : les autorités ne sont sans doute pas non plus au courant de la situation réelle, car nombre de Chinois, en ce moment, hésitent à se rendre à l’hôpital. »

Que disent les médias officiels chinois ? « Pour le moment, le discours chinois consiste à dire : ‘’Vous pouvez remercier la Chine, nous contribuons à améliorer la santé dans le monde en ayant partagé toutes les informations sur le virus, en construisant un hôpital à Wuhan dans un temps record et en mettant en quarantaine près de 60 millions de personnes pour éviter la propagation du virus.’’ Sous-entendu : ‘’La Chine sacrifie une de ses provinces pour sauver le monde.’’

Notre confrère ajoute qu’au journal télévisé, les Chinois découvrent, tous les soirs, les messages de remerciements et de félicitations venus du monde entier ; que les ambassadeurs chinois sont très présents, tant sur les réseaux sociaux que dans les médias des pays où ils sont en fonction. « Mais s’il ne faut évidemment pas être dupe de ce discours, il n’est pas interdit de penser qu’il y a aussi une exploitation politique de cette crise par certains, notamment aux Etats-Unis. La crise du coronavirus est aussi une guerre de communication (…) il est faux de croire que le Parti ne tient pas compte de l’avis de la population. C’est toute l’ambiguïté de ce régime. Les dirigeants savent très bien que l’harmonie à laquelle ils aspirent – et qui leur assure de rester au pouvoir – ne peut être trouvée qu’en répondant à certaines demandes de la population. »

La mort du Dr Li Wenliang, médecin lanceur d’alerte ?  « Cette mort contribue à mettre le pouvoir en porte-à-faux vis-à-vis de son opinion. Elle renforce les critiques à son égard et elle donne un visage à cette épidémie. Elle lui donne aussi un martyr. »

Se laisser tuer plutôt que d’abjurer. Et graver son nom pour la postérité. Pourquoi cette génuflexion onusienne? Quels usages politiques peut-on, à Pékin en 2020, faire du symbole du martyr ?

A demain @jynau

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