Bonjour
27/02/2020. Les épidémies émergentes suscitent parfois des comportements atypiques – y compris chez les plus rationnels, les plus compétents, les plus connus. On se souvient encore, à Paris, de l’ « affaire de la cyclosporine » au début de l’émergence du sida (octobre 1985). Aujourd’hui il nous faut, toute proportion gardée, évoquer l’ « affaire de la chloroquine ». Soit la prise de parole à Marseille, un tantinet provocatrice (et hautement médiatisée), du Pr Didier Raoult, directeur de l’Institut hospitalo-universitaire (IHU) Méditerranée, l’un des experts internationalement reconnu dans le champ de la lutte contre les maladies infectieuses – et personnalité atypique.
Nous venons de rapporter que, dans une vidéo intitulée « Coronavirus : fin de partie ! » mise en ligne mardi 25 février, l’homme fait état d’une « excellente nouvelle » sur le front de la lutte contre le coronavirus SARS-CoV-2 : la chloroquine, un antipaludéen ancien et peu onéreux, aurait apporté des « améliorations spectaculaires » chez des patients infectés. Le Covid-19 « est probablement l’infection respiratoire la plus facile à traiter », ajoutait le directeur de l’Institut hospitalo-universitaire (IHU) Méditerranée infection.
Tout autre que le Pr Raoult aurait, ici, été aussitôt définitivement cloué au pilori par ses confrères. Comment tirer de telles conclusions définitives d’ume micro-publication scientifique chinoise manquant totalement de recul ? Comment, plus encore, donner espoir dans un tel contexte épidémique international ? Et comment laisser croire que cette spécialité pharmaceutique (la chloroquine ou Nivaquine®) est un médicament dénué de tout danger ?L’affaire a eu un grand écho dans les médias généralistes et plus encore sur les « réseaux sociaux ». Le Monde (Hervé Morin » a entrepris d’exposer, calmement, tous les éléments de l’équation : « Un antipaludéen pourra-t-il arrêter l’épidémie de Covid-19 ? La chloroquine, efficace in vitro contre le SARS-CoV-2, a été adoptée dans l’arsenal thérapeutique par les autorités sanitaires chinoises à la suite d’essais cliniques encore très peu détaillés ». Le Figaro (Cécile Thibert) a fait de même : « La chloroquine, un remède miracle contre le coronavirus? La molécule plutôt utilisée contre certaines maladies auto-immunes a été testée à maintes reprises lors de précédentes épidémies, notamment sur le Sras ».
Laissons un instant la vidéo devenue virale (105 secondes sur lesquelles il faudra revenir) De quoi parle-t-on ? Les déclarations du Pr Raoult s’appuient sur une très courte « lettre » mise en ligne en urgence par BioScience Trends le 18 février. Trois chercheurs de Qingdao font état d’essais cliniques en cours dans plus de dix hôpitaux chinois. « Pour l’instant, les résultats sur plus de cent patients ont démontré que le phosphate de chloroquine est supérieur au médicament contrôle [traitement habituel] dans l’inhibition de la pneumonie, qu’il améliore les résultats de l’imagerie pulmonaire, favorise la disparition du virus et réduit la durée de la maladie », écrivent-ils.
« Le contenu de l’article scientifique reprend en fait celui d’un point presse du Conseil national chinois qui s’est tenu le 17 février, au cours duquel les autorités ont annoncé qu’un consensus s’était dégagé pour inscrire la chloroquine dans l’arsenal thérapeutique national contre l’épidémie de Covid-19, précise Le Monde. Ces guides destinés aux soignants sont régulièrement actualisés : on en est actuellement à la sixième version pour la présente épidémie. »
Puis, le 20 février, dans le Chinese Journal of Tuberculosis and Respiratory Diseases, des experts de la province du Guangdong publiaient un article reprenant ces conclusions. La posologie indiquée était de 500 mg deux fois par jour pendant dix jours – avec un certain nombre de contre-indications – parmi lesquelles l’âge : les plus de 65 ans, la tranche d’âge dont la létalité est la plus élevée, faisaient partie des personnes chez qui l’administration de chloroquine est contre-indiquée.
« Le point presse et les préconisations d’usage de la chloroquine avaient été mentionnés par l’agence de presse Xinhua le 17 février, observe encore Le Monde. Mais le faible nombre de patients concernés par ces essais cliniques, l’absence de précisions sur le traitement de référence qui a servi de point de comparaison et l’absence d’éléments chiffrés et de détails sur l’état clinique initial des patients invitent cependant à une lecture prudente de cette annonce. » Pour l’heure, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) n’a pas inclus la chloroquine dans la liste des traitements prioritaires face à la Covid-19, mais les études où ce médicament est testé dans cette nouvelle indication figurent bien dans la liste des essais en cours dressée par l’institution.
Aujourd’hui le Pr Didier Raoult revient sur le sujet, dans les colonnes des Echos (Yann Verdo). Extraits.
« Vous avez évoqué la solution offerte par la chloroquine avec le nouveau ministre de la Santé, Olivier Véran. Comment a-t-il réagi ?
- De façon très positive, car c’est un homme intelligent. Je pense qu’il a pris les mesures nécessaires pour faire descendre l’information à la direction générale de la santé afin que celle-ci se penche enfin sur la question. Cependant, le ministre m’a dit que personne avant moi ne lui avait encore parlé de la chloroquine, ce qui montre qu’il y a un problème, en France – en tout cas à Paris 1 –, sur la façon dont sont abordées les maladies infectieuses…
« Vous-même, vous connaissez ce médicament depuis longtemps ?
- Très longtemps ! Avec mon équipe à Marseille, nous avons été les premiers, dans les années 1990, à utiliser la chloroquine contre d’autres maladies infectieuses que le paludisme. En particulier, j’ai traité avec elle 4.000 patients atteints de deux infections par bactéries intracellulaires contre lesquelles nous ne disposions pas d’autres traitements : la fièvre Q et la maladie de Whipple. Par ailleurs, nous savons que la chloroquine peut être efficace contre différents coronavirus. Cette efficacité avait déjà été montrée sur trois d’entre eux, ce qui a naturellement induit les chercheurs chinois à la tester contre Covid-19, d’où la première étude de synthèse parue en ligne le 19 février dans leur revue BioScience Trends.
« Que dit cette étude ?
- Au moment de sa parution, les Chinois avaient déjà engagé une quinzaine d’essais thérapeutiques sur la chloroquine appliquée à Covid-19. Et ce ne sont pas de simples tests in vitro, comme cela a été dit un peu légèrement par quelques étourdis qui n’y connaissent rien ! La publication dans « BioScience Trends » s’appuie au total sur plus de 100 patients. Les résultats montrent l’efficacité de la chloroquine pour contenir l’évolution de la pneumonie provoquée par le coronavirus, pour améliorer l’état des poumons des malades et pour leur permettre de redevenir négatifs au virus. La chloroquine est la meilleure réponse à l’épidémie. Il n’y a plus qu’à l’appliquer.
« N’a-t-elle pas des effets secondaires ?
- On évoque parfois à son sujet des atteintes rétiniennes… La chloroquine est l’un des médicaments les plus sûrs qui existent. C’est d’ailleurs aussi, sous son nom commercial de Nivaquine®, l’un des plus prescrits au monde avec l’aspirine : des milliards de gens en ont absorbé quotidiennement dans les pays tropicaux dans le cadre de la prévention contre le paludisme. Quant aux atteintes rétiniennes que vous évoquez, je ne les ai moi-même jamais constatées, alors même qu’il m’est arrivé de prescrire de fortes doses sur de longues durées, 600 milligrammes par jour pendant deux ans, par exemple (…)
« Comment agit la chloroquine dans le cas du coronavirus ?
- Le virus se loge dans un petit sac à l’intérieur de la cellule que l’on nomme la vacuole. L’organisme se défend alors en augmentant l’acidité à l’intérieur de cette vacuole, mais les virus pathogènes, loin d’en être affectés, en tirent bénéfice. La chloroquine, elle, fait diminuer ce niveau d’acidité : le pH remonte d’un point. Cette alcalinisation – l’alcalinité est le contraire de l’acidité – fait que le virus n’arrive plus à activer son système enzymatique et donc à sortir de la vacuole pour infecter la cellule.
« Si l’efficacité de la chloroquine est aussi patente que vous le dites, on a du mal à comprendre le relatif silence qui a entouré la publication chinoise… Cela aurait-il été différent si cette étude était sortie dans une grande revue internationale comme Nature ou Science ?
- Les Chinois ont voulu sortir leurs résultats le plus vite possible, raison pour laquelle ils ont privilégié la publication en ligne dans l’une de leurs « revues maison » plutôt que de passer sous les fourches Caudines des grandes revues internationales, ce qui prend un temps fou. Cette volonté d’aller vite répond à une exigence éthique, alors même que l’épidémie s’étend et provoque toujours plus de morts. Cela dit, je suis bien d’accord avec vous pour dire qu’il y a un problème dans notre façon de penser et de gérer les maladies infectieuses. Il faut – comme le ministre actuel le fait – s’appuyer sur les compétences de tout le pays, compétences qui ne sont pas automatiquement localisées à Paris… »
A demain @jynau
1 Le Figaro : «À la lueur de ce papier qui ne raconte rien, on ne peut rien dire et certainement pas préconiser largement l’utilisation de la chloroquine», souligne le Dr Paul-Henri Consigny, chef du service de pathologie infectieuse au centre d’infectiologie Necker Pasteur. «Ce n’est pas un article scientifique, je ne peux pas le commenter car personne n’a accès aux résultats», abonde le Pr Bruno Hoen, directeur de la recherche médicale à l’Institut Pasteur de Paris
Mmmm….
Déclarations hubris et orbi ?
De mon côté je ne trouve pas d’étude comparative avec tirage au sort contre placebo en double aveugle.
Y ‘en a t-il ?
J’ai peut être mal cherché. Les chinois semblent sous entendre qu’il y en aurait.
Le reste est sujet à caution car le plus souvent cette maladie évolue favorablement. On peut se trouver si on ne fait pas de test contre placebon, avec un succès du même tonneau que les antibiotiques contre la bronchite virale: ça guérit quand même…
Mais ce serait bien que la chlotoquine marche avec la précaution de ne pas laisser trainer les boites c’est un poison mortel à dose pas très forte mais trop forte.. Toxicité cardiaque sevère.
J’ai vu une phrase dans l’un des articles de Chine
« Here we found that treating the patients diagnosed as novel coronavirus pneumonia with chloroquine MIGHT improve the success rate of treatment »
MIGHT : pourrait.
En logique « pourrait » est strictement équivalent à « pourrait ne pas ».
Les auteurs qui ne fournissent aucune donnée , sont malgré tout prudents.
Si le Prof Raoult pouvait communiquer les résultats ce serait chouette !
Parce que c’est pas cher et de faibles doses seraient (= ne seraient pas) efficaces.
En 1982 un livre est sorti et a fait beaucoup de bruit… Suicide mode d’emploi a été très vite interdit à la vente car accusé d’inciter au suicide. Et ce grâce à un médicament disponible à l’époque sans prescription la Nivaquine. Le livre précisait qu’une dose faible était suffisante pour se tuer à tout coup…
Bonjour,
J’arrive ici après la bataille. il me semble toutefois utile de poster un extrait d’un billet de Christian LEHMANN (édité le même jour que celui de JYNau, soit le 27/02/2020…en d’autres temps !): « Dans le contexte actuel de méfiance généralisée par rapport à la parole scientifique, de défiance par rapport aux gouvernements, de prise de conscience ( tardive et parfois disproportionnée) de l’influence de Big Pharma, et alors que la crainte des débuts laisse place à une véritable panique chez certains à chaque nouveau cas recensé, le risque que des gens inquiets s’automédiquent ( parce qu’on nous cache tout on nous dit rien le gouvernement veut tuer les vieux pour régler le problème des retraites) en prenant de la Nivaquine n’importe comment n’est pas nul
Donc
Si vous avez de la Nivaquine chez vous, n’y touchez pas sans avis médical. N’en prenez pas en pensant vous protéger.
Attendez que les données médicales soient examinées, validées ( ça va aller vite vu l’urgence) et qu’une stratégie de prise en charge cohérente soit adoptée. »
Autant que je me souvienne, les rations journalières des militaires appelés ou de carrière durant la guerre d’ Algérie contenaient chacune un comprimé de Nivaquine; personnellement je les prenais très irrégulièrement et j’en avais rempli une pleine boite de films 24/36 ramenée chez moi puis remises en pharmacie des années plus tard. Nous n’avions aucune contr’indication ni consils de précaution particulière.
Puisque vous dites que les civils doivent en toute occasion obéir le doigt sur la couture du pantalon…
Un article que vous auriez mieux fait de ne pas écrire. Aujourd’hui 24/3, le traitement à la chloroquine est validé et recommandé dans plusieurs pays. Mais il y a toujours des bouffons qui exigent la très renommée « étude en double aveugle » sans se rendre compte qu’ils n’ont aucun autre traitement et que des gens meurent pendant les 6 à 12 mois qui seront nécessaire à les convaincre. Alors les bureaucrates doivent-ils décider de laisser mourir 10, 20, 30 ou 50.000 personnes dans l’attente de leur évaluation bien dactylographiée et signée par 5 médecins puis publiée dans une revue reconnue ?? Les crétins préfèrent de beaux papiers qui laissent les gens crever.
Cher Collignon, d’entendre les propos tenus hier par Anne Claude Crémieux, professeure de maladies infectieuses à l’hôpital Saint-Louis vous donnera l’occasion soit d’aller taper encore plus fort sur les casseroles à 20 h ( avec slogan ad-hoc en option) soit d’être plus civil à l’égard de JYNau et allii : https://radionotredame.net/emissions/enquetedesens/23-03-2020/
(c’est en tout début d’émission)
Bien sûr vous pourrez aussi considérer que ce pofesseure mérite également les quolibets dont votre rate s’est soulagée : vous avez raison, il y a des c. partout.