Pénurie:«donner la priorité à l’espérance de vie» Mais qui songe aujourd’hui à aider l’Italie?

Bonjour

10/03/2020. Qui, en France ou en Europe, songe aujourd’hui à venir en aide à l’Italie ?

Ce sont des mots redoutables, au carrefour de la médecine, de l’éthique et de la déontologie. Des mots générés par l’épidémie et que l’on n’aurait jamais imaginé entendre en Italie. Ils sont rapportés aujourd’hui dans Le Monde par nos confrères Jérôme Gautheret et  Chloé Hecketsweiler. On les lira à la lumière de l’avis émis, il y a onze ans déjà, par le Comité national français de bioéthique et dont nous venons de résumer le contenu et la portée sur Slate.fr.

Ainsi donc le président du conseil italien, Giuseppe Conte, a annoncé lundi 9 mars au soir, depuis la salle de presse du Palais Chigi et « dans une ambiance d’extrême gravité » la généralisation des restrictions à l’ensemble du pays, jusqu’au 3 avril. « Avec plus de 1 800 cas supplémentaires diagnostiqués en vingt-quatre heures, soit plus de 9 000 tests positifs et 97 morts, ce qui porte le nombre de décès à 463, c’est tout le système sanitaire italien qui menace de s’effondrer, observe Le Monde. Le nombre de nouveaux cas croît de 25 % à 30 % par jour, à un rythme très supérieur aux nouveaux moyens mobilisables. Cette aggravation semble justifier, à elle seule, les mesures d’urgence annoncées le 9 mars.»

On sait que la crise a pour foyer principal la Lombardie, la région, à la fois la plus peuplée et la plus riche d’Italie. Pour autant ses infrastructures médicales et hospitalières ne semblent pas dimensionnées pour répondre à cette crise épidémique. Pour le Dr Antonio Pesenti, coordinateur de l’unité de crise de la région, 18 000 patients devraient y être hospitalisés d’ici au 26 mars, dont environ 3 000 en soins intensifs. Or ce sont là des chiffres très supérieurs aux ressources disponibles : pour l’heure, sur l’ensemble de son territoire, et aussi surprenant que cela puisse apparaître, l’Italie ne dispose que de 5 100 lits de ce type.

« Désormais, nous sommes obligés d’installer des lits de soins intensifs dans le couloir, dans les salles d’opération, dans les salles de réveil. Nous avons vidé des salles d’hôpital entières pour faire de la place aux personnes gravement malades. L’un des meilleurs systèmes de santé au monde, celui de la Lombardie, est à deux pas de l’effondrement », explique le Dr Pesenti dans une interview au quotidien milanais Il Corriere della Sera.

Cauchemar et médecine de guerre

La situation est d’autant plus tendue que le nombre de respirateurs artificiels est limité. « Nous faisons de notre mieux, mais sommes dans une situation de pénurie, reconnaît le Dr Matteo Bassetti, qui dirige le service des maladies infectieuses de l’hôpital San Martino (Gênes). Nous les réserverons aux patients qui ont le plus de chance d’en bénéficier ».

Le Monde ajoute que pour accompagner au mieux les médecins italiens réanimateurs dans leurs décisions, des recommandations éthiques viennent d’être publiées. Objectif : « assurer un traitement intensif aux patients ayant les plus grandes chances de succès thérapeutique : il s’agit donc de donner la priorité à l’espérance de vie », estime la Societé italienne des réanimateurs. Il n’est plus possible, dans un tel contexte, d’appliquer la règle du « premier arrivé, premier servi ».

« C’est un cauchemar, lâche le Dr Bassetti. Nous avons beaucoup de patients âgés avec des comorbidités, mais nous avons aussi beaucoup de patients plus jeunes, qui souffrent de pneumonies avec une insuffisance respiratoire », explique le médecin, ce qui requiert « une ventilation pendant une semaine ou deux ». 

Et puis on lit ceci : à Bergame, tout près de l’épicentre de l’infection, les médecins se retrouvent « à devoir décider du sort d’êtres humains, à grande échelle, témoigne le Dr Christian Salaroli, réanimateur à l’hôpital dans un entretien au Corriere della Sera. Pour l’instant, je dors la nuit. Parce que je sais que le choix est basé sur l’hypothèse que quelqu’un, presque toujours plus jeune, est plus susceptible de survivre que l’autre. C’est au moins une consolation. » 

Et ce médecin italien d’évoquer « une médecine de guerre », une médecine dont l’objectif est de « sauver la peau » du plus grand nombre. Une pénurie hospitalière révélée par une épidémie et qui conduit à des choix que l’on n’imaginait plus devoir faire, au carrefour de la médecine, de l’éthique et de la déontologie.

Où l’on en vient à se demander pourquoi aucun des pays amis de l’Italie ne semble encore avoir songé à lui venir en aide.

A demain @jynau

NB 1 Conséquence immédiate des mesures drastiques de quarantaine, les prisons italiennes sont, depuis lundi 9 mars le théâtre de protestations particulièrement violentes : sept morts au sein de la prison de Modène (Emilie-Romagne), une cinquantaine de détenus tentant de s’évader de Foggia (Pouilles) et des incidents signalés sur vingt-sept sites. Les détenus dénoncent à la fois la promiscuité et les restrictions aux droits de visite provoquées par la crise sanitaire nationale.

NB 2 « Inside China’s All-Out War on the Coronavirus. Dr. Bruce Aylward, of the W.H.O., got a rare glimpse into Beijing’s campaign to stop the epidemic. Here’s what he saw. » ( Donald G. McNeil Jr.). The New York Times, 4 mars 2020

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