Bonjour
15/03/2020. La question n’est plus de savoir si les élections municipales auront lieu. Elle est de savoir s’il aurait fallu les annuler. Et c’est une question qui sera longtemps posée. Nous y reviendrons. Il faudra notamment reprendre la liste des alertes lancées par différents spécialistes expliquant que le principe de « distanciation » et le concept de « réduction des risques » imposait de reporter ces élections. A fortiori quand on décidait le passage au « stade 3 ». Ce fut notamment le sens des propos tenus ces derniers jours par plusieurs spécialistes dont le Pr Antoine Flahault directeur de l’Institut de Santé Globale, Faculté de Médecine, Université de Genève).
« Le passage au stade 3 est une application d’une des mesures importantes de distanciation sociale, qui vise à éloigner les gens infectés des gens non encore infectés, nous explique-t-il. On sait que cette mesure fonctionne lorsqu’elle est appliquée tôt dans le processus épidémique et suffisamment longtemps durant l’épidémie. Tous ces critères sont remplis. La seule exception qui n’est pas cohérente avec cette ambition gouvernementale c’est la tenue au premier et au second tour des élections municipales en France. D’ores et déjà, comme pour prendre date, un groupe de médecins spécialisés vient d’adresser une lettre ouverte (Le Figaro) au président de la République 1.
« Je soutiens totalement leur démarche, commente aujourd’hui le Pr Flahault. Tout le pays aurait compris et avait sans doute attendu un tel report. Quel était le problème de laisser les équipes municipales en place trois mois de plus et d’organiser ces élections fin juin ou début septembre ? On voit à la télévision à 20h un Premier ministre grave qui reproche à ses compatriotes d’avoir trop profité de l’espace public un beau samedi de mars dans les rues de la capitale et, en leur annonçant que ce ne sera plus possible des le même soir à minuit, il leur demande de bien vouloir sortir le lendemain pour aller voter en masse dans les bureaux de vote ? Ces bureaux de vote étant situés, pour la plupart, dans des écoles qu’il ferme par ailleurs dès lundi matin ! On est en plein dans l’injonction paradoxale au plus haut sommet de l’Etat. »
Des appels au boycott des élections sont lancés ici ou là… Les spécialistes annoncent des taux d’abstention historiques… Qu’en sera-t-il de la situation épidémique au moment du second tour des élections ? On mesure mal, à ce stade, la somme des conséquences à venir d’une telle décision. Il faudra, aussi, pour mieux comprendre, décrypter au mieux l’articulation qui existe, aujourd’hui, entre « l’analyse scientifique » du risque épidémique et la « gestion politique » de ce même risque. Comprendre la constitution, la composition et le mode de fonctionnement de l’actuel « Conseil scientifique » qui, selon l’exécutif est à l’origine de sa décision de maintenir les élections municipales.
A demain @jynau
1 «Monsieur le président de la République,
Nous avons bien compris les enjeux juridiques, mais au vu de la situation exceptionnelle, il nous semble indispensable de repousser les élections dans une démarche de protection de la santé et de la vie de chacun de nos concitoyens. Confronté à une pandémie exceptionnelle, dont la diffusion et la gravité ont surpris le monde entier, vous avez proposé des mesures de protection essentielles pour la maîtrise du phénomène COVID-19.
Actuellement, nos structures de santé sont en tension maximale, alors que l’épidémie n’en est qu’à son début. Dans ce contexte, la mise en place le jour des élections des mesures barrières de prévention de la transmission du SARS-CoV-2, nous semble utopique et génératrice d’effets collatéraux.
En effet :- Le contrôle des distances entre les personnes est complexe à mettre en œuvre, que ce soit dans un bureau de vote ou à l’extérieur. Les élections sont un moment de convivialité, potentiellement génératrices de regroupements.
– L’observance de l’hygiène des mains par les votants et membres du bureau de vote, paraît illusoire. Le port de masque en population générale est inutile, excepté pour les personnes présentant des signes d’infections respiratoires, lorsqu’elles sont en contact avec d’autres personnes.
– La désinfection systématique des surfaces, bien que secondaire dans le mode de transmission du virus, est impossible.
Les modes de contamination ne sont pas encore bien compris. Les données actuelles de la science décrivent une capacité du SARS-CoV-2 à se diffuser par l’intermédiaire de personnes porteuses ne présentant pas ou peu de symptômes. C’est d’ailleurs une des raisons pour lesquelles vous avez pris les décisions aussi cruciales que la limitation des regroupements et la fermeture des écoles et universités.
Le maintien des élections est un mauvais signal pour la population par rapport à la sévérité de cette pandémie, seuls les pays ayant pris des mesures importantes de confinement ont limité ce fléau.
Par ailleurs, les personnes âgées de plus de 60 ans présentent un risque majeur de formes sévères de la maladie. Il convient donc de ne pas les exposer au risque COVID-19, qu’ils soient votants ou membres du bureau de vote, en toute cohérence avec les autres décisions que vous avez prises pour cette tranche de la population.
Monsieur le président de la République, dans ce contexte, il nous semble indispensable de repousser les élections dans une démarche de protection de la santé de chacun de nos concitoyens. Ne pas le faire reviendrait à exposer davantage les Français à ce danger. Nous ne sommes en effet qu’au début de cette épidémie. Dès à présent, la prise de décisions fortes et cohérentes doit nous permettre de ralentir la dynamique épidémique et de maintenir les capacités et performances du système de santé français à soigner les malades, tout en préservant la sécurité des professionnels (…)
Olivier MARES, Docteur en chirurgie, Nîmes., Marion FAGES, Docteur en Médecine de santé publique, APHP Sorbonne Université, Paris. Laure ROUX, Docteur en pharmacie, PH d’hygiène hospitalière CHU Nîmes. Stéphanie GIBERT, Docteur en Anesthésie réanimation, Groupe hospitalier Saint Vincent, Strasbourg. Florent LAVERDURE, Docteur en Réanimation, Hôpital Marie Lannelongue, Paris. Catherine PILORGE, Docteur en Réanimation, Hôpital Marie Lannelongue, Paris. Christian BENGLER, Docteur en Réanimation, Responsable de la cellule qualité CHU Nîmes. Gabriel BIRGAND, Docteur en Pharmacie, Responsable du centre de prévention des infections associées aux soins des Pays de la Loire, Nantes. Arnaud DUPEYRON, Professeur de Médecine, Nîmes. Pierre Luc MAERTEN, Docteur en médecine d’urgence, Chef de service du SAMU du CH d’Arras. Emilie GALANO, Docteur en Médecine, Rééducateur, Nîmes. Priscilla AMARU, Docteur en Réanimation, Hôpital Marie Lannelongue, Paris. Frédéric PELLAS, Docteur en Médecine, Rééducateur, Nîmes. Jean Yves LEFRANC, Docteur en Réanimation, Nîmes. Thibault GENTIL, Docteur en Réanimation, Groupe hospitalier Saint Vincent, Strasbourg. Marine VERGES, Docteur en cardiologie, Montpellier. Éléonore EBERST, Docteur en dermatologie, Montpellier
Et il n’y a même pas un texte qui annule une élection au delà d’un certain taux d’abstention, ce qui aurait pu eventuellement freiner le gouvernement.
Qu’il y ait des politiques qui ne se soucient que de leur avenir au détriment de la santé publique est très problématique. Cà rappelle l’histoire des tests HIV, où la santé publique était passée après l’intérêt industriel du pays.
Bonjour JeanJean,
Juste pour rappels:
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Lorsque les institutions de la République, l'indépendance de la Nation, l'intégrité de son territoire ou l'exécution de ses engagements internationaux sont menacés (1) d'une manière grave et immédiate et que le fonctionnement régulier des pouvoirs publics constitutionnels est interrompu, le Président de la République prend les mesures exigées par ces circonstances, après consultation officielle du Premier ministre, des Présidents des Assemblées ainsi que du Conseil constitutionnel.
Il en informe la Nation par un message.
Ces mesures doivent être inspirées par la volonté d'assurer aux pouvoirs publics constitutionnels, dans les moindres délais, les moyens d'accomplir leur mission. Le Conseil constitutionnel est consulté à leur sujet.
Le Parlement se réunit de plein droit.
L'Assemblée nationale ne peut être dissoute pendant l'exercice des pouvoirs exceptionnels.
Après trente jours d'exercice des pouvoirs exceptionnels, le Conseil constitutionnel peut être saisi par le Président de l'Assemblée nationale, le Président du Sénat, soixante députés ou soixante sénateurs, aux fins d'examiner si les conditions énoncées au premier alinéa demeurent réunies. Il se prononce dans les délais les plus brefs par un avis public. Il procède de plein droit à cet examen et se prononce dans les mêmes conditions au terme de soixante jours d'exercice des pouvoirs exceptionnels et à tout moment au-delà de cette durée.
NOTA :
(1) : Cet article fut originellement publié avec une faute d'orthographe. Le terme " menacés " devrait en effet s'écrire " menacées ".
Source : article 16: https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexteArticle.do?idArticle=LEGIARTI000019241008&cidTexte=LEGITEXT000006071194&dateTexte=20080725
En outre, quelle sera le sens, la légitimité, voire la légalité d’une élection où de nombreux citoyens auront l’impression, soit de risquer leur vie, soit de participer à l’aggravation générale de l’épidémie si ils vont voter? N’y aura-t-il pas matière à invalidation ultérieure? Le pouvoir a-t-il été politiquement contraint de maintenir le vote pour que l’opposition ne lui reproche pas d’avoir différé pour des raisons inavouables, les municipales étant en général défavorables à la majorité en place? On a l’impression que ni le gouvernement, ni l’opposition ne sont adultes dans ce petit jeu de billard à deux bandes. Espérons une abstention si massive que l’épidémie ne s’aggravera pas, et que l’invalidation sera inéluctable.
N’avoir pour seule argumentation que l’avis du conseil scientifique, qui de façon rationnelle, mais purement rationnelle a a répondu à la question posée et considéré que la tenue des élections était faisable sous réserve de respecter les consignes d’hygiène, est un peu facile quant on sait qu’il est difficile de faire respecter les consignes de précautions par la population. Cela étant, il faut probablement laisser tomber cette polémique pour s’intéresser aux prochaines semaines qui vont être cruciales, en espérant que l’on disposera enfin de ces masques qui nous font cruellement défaut.