Bonjour
17/03/2020. Ne compte plus, aujourd’hui en France, que la déclaration de guerre à un « ennemi invisible » -en réalité un fragment d’information génétique. La déclaration de guerre et ses innombrables conséquences sociales, médicales, politiques et économiques.
Dans ce contexte d’urgence une mesure n’est guère commentée : la décision prise par l’Union européenne de fermer les frontières à l’entrée de l’UE et de l’espace Schengen. C’est là une mesure spectaculaire, tardive, qui ne manque pas d’étonner et d’interroger. Qui a pris cette décision, sur quelles bases et à quelles fins politiques ou sanitaires ? Comment parvenir à comprendre que « l’épicentre de l’épidémie » décide de se murer – et ce pour se protéger contre un virus qui circule désormais plus en son sein qu’à l’extérieur. Comment ne pas se souvenir que cette mesure avait, sur le Vieux Continent, été dénoncée quand, le concernant, elle avait été prise par Donald Trump se barricadant contre un « virus étranger »?
Marine Le Pen ne s’y est pas trompée qui, en France, vient de se féliciter de la fermeture des frontières de l’UE tout en dénonçant une nouvelle fois « l’idéologie » qui prévalait jusqu’alors pour justifier l’absence de cette mesure.
Objectif avancé par l’UE : empêcher que la propagation du virus mais aussi limiter, autant que possible, la pression sur les systèmes de soins européens, mis à rude épreuve par la pandémie. Il s’agit donc de fermer temporairement les frontières de l’Europe, élargies aux quatre pays non-membres de l’UE qui ont adhéré à l’espace Schengen, c’est-à-dire la Suisse, l’Islande, le Liechtenstein et la Norvège. Elles englobent aussi le Royaume-Uni, puisque les discussions entre Londres et Bruxelles sur la relation future ont à peine commencé et que la Grande-Bretagne fait encore partie de l’UE, jusqu’au 31 décembre au moins.
Il convient toutefois de rappeler que dans quel contexte sont prises ces décisions de fermeture des frontières nationales ou européennes. « Elles sont en violation flagrante de la recommandation de l’OMS émise dans le cadre de l’Urgence de Santé Publique de Portée Internationale pour le COVID-19 (règlement sanitaire international), rappelle le Pr Antoine Flahault, directeur de l’Institut de santé globale (Université de Genève). On peut s’étonner que l’OMS ne relève seulement pas ces violations répétées désormais. »
On trouvera ici la recommandation datée du 29 février dernier : « Updated WHO recommendations for international traffic in relation to COVID-19 outbreak » Extraits:
« Les données montrent que restreindre la circulation des personnes et des biens lors des urgences de santé publique est inefficace dans la plupart des situations et peut détourner des ressources d’autres interventions. En outre, les restrictions peuvent interrompre l’aide et le soutien technique nécessaires, perturber les entreprises et avoir des effets sociaux et économiques négatifs sur les pays touchés. Cependant, dans certaines circonstances, des mesures qui restreignent la circulation des personnes peuvent s’avérer temporairement utiles, comme dans des contextes avec peu de connexions internationales et des capacités de réponse limitées.
« Les mesures de voyage qui interfèrent considérablement avec le trafic international ne peuvent être justifiées qu’au début d’une flambée, car elles peuvent permettre aux pays de gagner du temps, ne serait-ce que quelques jours, pour mettre en œuvre rapidement des mesures de préparation efficaces. Ces restrictions doivent être fondées sur une évaluation minutieuse des risques, être proportionnées au risque pour la santé publique, être de courte durée et être réexaminées régulièrement à mesure que la situation évolue. (…)»
L’exemple de l’épidémie de fièvre Ebola
« L’OMS recommande dans la plupart des cas de ne pas fermer les frontières. Cette réaction est en accord avec le RSI qui vise à la fois à protéger la santé des populations et à protéger le trafic et le commerce international (art. 2RSI), explique la Pr Stéphanie Dagron, juriste à la Faculté de Droit de l’Université de Genève et à l’Institut de santé globale. C’était par exemple le cas en 2014 avec Ebola : ‘’il ne doit pas y avoir d’interdiction générale appliquée aux voyages ou au commerce…’’ 1. Il est à noter que le Conseil de sécurité en septembre 2014 (première intervention du conseil pour une crise sanitaire) avait également demandé aux Etats de lever les restrictions aux déplacements (voir texte Résolution 2177 : https://undocs.org/fr/S/RES/2177(2014)) »
Et aujourd’hui, que fait l’OMS ? « Cette situation inédite semble troublante pour l’OMS qui n’a rien précisé depuis le 29 février concernant le trafic international, observe le Pr Dagron. Elle informe que les Etats ont pris des mesures supplémentaires pour fermer les frontières, mais ne se prononce pas sur la légalité de ces mesures. » Pourquoi ? En quoi la situation présente (et le stade de développement de l’épidémie) permettrait-elle de violer les règles toujours en vigueur ? Des règles, faut-il le rappeler, édictées au nom de la santé publique et de la réduction des risques.
A demain @jynau
« Comment parvenir à comprendre que « l’épicentre de l’épidémie » décide de se murer – et ce pour se protéger contre un virus qui circule désormais plus en son sein qu’à l’extérieur » On peut aussi le voir sur le point de vue « ne pas contaminer « les voisins » même si c’est probablement un raisonnement naïf dans le contexte.