Bonjour
21/03/2020. Derrière les interrogations sur la durée de notre confinement, soudain, celles sur la politique de dépistage. C’est un entretien qui soulève, soudain, de nouvelles et graves questions quant à la gestion de la crise épidémique que nous traversons : l’entretien accordé au Monde (Paul Benkimoun et Chloé Hecketsweiler) et celui accordé à La Croix (Loup Besmond de Senneville) par le Pr Jean-François Delfraissy.
Ce dernier joue depuis plusieurs semaines un rôle décisif, à l’articulation du scientifique, de l’éthique et du politique. Il préside notamment, depuis le 11 mars le conseil scientifique mis en place par le ministre de la santé, Olivier Véran, afin d’éclairer la décision publique face au Covid-19. Le Pr Delfraissy avait été nommé en 2014 coordinateur interministériel de la réponse à l’épidémie africaine d’Ebola et présidait depuis 2016 (et jusqu’à ces derniers jours) le Comité consultatif national d’éthique. Sous sa présidence, le conseil scientifique a déjà rendu trois avis essentiels qui viennent d’être rendus publics 1.
Le Monde revient sur les déclarations que ce spécialiste réputé avait faites le 18 mars sur France 2. Il avait alors indiqué que le confinement mis en place la veille « durerait certainement plus longtemps que quinze jours ». Réponse :
« J’ai en effet déclaré que le confinement pourrait durer au moins quatre semaines pour porter ses fruits. La question est évidemment ensuite comment sortir du confinement. Le conseil scientifique mis en place pour éclairer la décision publique dans la gestion de la situation sanitaire liée au Covid-19 y réfléchit. Parmi les stratégies envisageables, il y a celle qu’a appliquée la Corée du Sud. Elle associe une très large quantité de tests et un suivi des personnes testées positives en ayant recours à une application numérique permettant de tracer les individus, ce qui représente une atteinte aux libertés. »
Ce qui signifie aussi, ajoute le Pr Delfraissy « que si nous disposons de médicaments à l’efficacité démontrée, il serait possible d’appliquer en France une politique testant et traitant immédiatement toutes les personnes chez lesquelles l’infection est découverte ». « Cette stratégie de tests massifs, utilisée notamment pas les Coréens, est celle que nous préconisons de mettre en œuvre pour la sortie du confinement, explique-t-il, en parallèle, à La Croix. Dans 30 ou 40 jours, lorsque le confinement commencera à être desserré, il faudra ainsi tester massivement la population. Si un traitement a émergé d’ici là, il faudra aussi soigner systématiquement tous ceux qui sont positifs au Covid-19.»
« Nous avons un énorme problème avec les réactifs utilisés dans les tests »
Où l’on en revient, immanquablement, à la grande question qui, avec celle de la pénurie de masques protecteurs, apparaît désormais comme l’une des failles majeures de la politique aujourd’hui mise en œuvre en France : la question du dépistage. Pourquoi la France n’a-t-elle pas mis en œuvre une politique de dépistage du même type que celle mise en œuvre en Corée du Sud ? Réponse du Pr Delfraissy :
« Parce que nous en sommes incapables et que ce n’est pas l’enjeu dans la phase de montée de l’épidémie. Nous ne possédons pas les capacités de tester à la même échelle que la Corée du Sud. En France, environ 8 000 tests sont réalisés chaque jour. Les laboratoires privés vont s’y ajouter mais nous avons un énorme problème avec les réactifs utilisés dans les tests. Ces réactifs de base proviennent de Chine et des Etats-Unis. La machine de production s’est arrêtée en Chine et les Etats-Unis les gardent pour eux. »
Hier, interrogé par Le Figaro (Vincent Bordenave), Olivier Véran, ministre de la Santé répondait ceci à la question de savoir si l’absence de tests systématiques en France répondait « à des raisons économiques ou doctrinales » :
« Nous avons scrupuleusement suivi les doctrines de l’OMS. En stades 1 et 2, nous testions les cas suspects dans les zones de regroupement de cas. Nous avons été un peu plus loin en testant les personnes gravement atteintes de syndromes pulmonaires. Depuis le passage à la phase 3 nous ne testons plus systématiquement. L’épidémie étant installée sur le territoire, le test systématique est beaucoup moins utile. Mais nous en avons tout de même réalisé plus de 4 000 hier. Qui plus est, les tests répondent à des normes lourdes. On a des pistes très sérieuses pour en développer de beaucoup plus simples. S’ils devaient être opérationnels rapidement, nous réévaluerions notre doctrine, une fois le confinement terminé, pour anticiper une éventuelle résurgence du virus. »
Aujourd’hui, les précisions du Pr Jean-François Delfraissy font plus que compléter la réponse ministérielle. Elles fournissent une donnée nouvelle et majeure, pour la première fois ainsi clairement exposée. Une donnée qui complique singulièrement l’équation sanitaire tout en lui conférant une dimension politique et diplomatique. Une donnée qui éclaire d’un jour nouveau la situation présente et vient (comme dans le cas des masques ou des médicaments), malheureusement dire les failles nées d’une absence d’autonomie nationale (et d’anticipation de la puissance publique nationale) sur des sujets sanitaires à ce point stratégiques .
A demain @jynau
1 Les avis du Conseil scientifique en charge de conseiller le gouvernement sont aujourd’hui publics (ce que demandaient ses membres depuis le 12 mars) : « COVID-19 : Conseil scientifique COVID-19 ». Sur ce thème : « Macron a tout à gagner à dévoiler ses sources scientifiques sur le coronavirus » Slate.fr 19 mars 2020
Il est clair que la gestion hasardeuse des masques au début de la décennie où l’on serait passé d’un stock d’Etat de 1 milliard à moins de 100 millions commande qu’une fois passé l’épidémie, qu’une enquête parlementaire soit réalisée pour en analyser les tenant et les aboutissants. Par la même occasion, la gestion des lits hospitaliers et notamment de réanimation devra faire l’objet d’une analyse. L’expérience de cette épidémie apportera sans doute une modification des paradigmes qui intégreront la notion d’adaptabilité des capacités d’hospitalisation en soins critiques en cas de crise sanitaire, même si le plan blanc prévoyait déjà des actions, plutôt qu’une réduction drastique au seul motif économique. Une réserve en matériel de réanimation, une adaptabilité des unités de production ainsi qu’une formation formation continue des professionnels non réanimateurs à la gestion clinique des différentes situation médicales urgentes, avec des exercices de simulation ou des stages dans les services de soins critiques, paraissent nécessaires.
J’apprends grâce à votre commentaire l’existence des plans blancs. Le Web indique qu’ils sont chapeautés par le dispositif ORSAN, un acronyme qui n’apparaît qu’une seule fois (et maintenant 2 ) sur le blog de JYNau : un prochain sujet d’investigation ?
« Si un traitement a émergé d’ici là, il faudra aussi soigner systématiquement tous ceux qui sont positifs au Covid-19.» »
Quid des patients testés positifs mais ne développant que de légers symptômes, et qui, peu confiants dans le traitement proposé ( cf Tamiflu/H1N1 et co-morbidité…), refusaient ces bontés ?….
Aux citoyens ingrats, parjures sociaux, proches irresponsables et quasi-parricides un seul traitement : la roche-labo tarpéienne ?
« Parmi les stratégies envisageables, il y a celle qu’a appliquée la Corée du Sud…très large quantité de tests et un suivi des personnes testées positives …une application numérique permettant de tracer les individus, ce qui représente une atteinte aux libertés. »
Tel que c’est dit on pourrait croire que c’est l’atteinte aux libertés qui fait que l’on n’applique pas cette stratégie en France ?!
Je ne vois pas en quoi la question de l’atteinte aux libertés relève des compétences d’un conseil scientifique… et d’ailleurs qui pourrait dire que la stratégie actuelle envers toute une population n’est pas une atteinte aux libertés au moins aussi importante qu’un suivi de personnes positives…