Bonjour
28/03/2020 Combien de temps tiendra-t-il à ce rythme ? « Dans un nouveau tweet devenu la marque de fabrique de ses communications scientifiques, le Pr Didier Raoult a publié hier 27 mars, tard dans la soirée, les résultats très attendus de son essai clinique clandestin portant cette fois sur 80 patients. Il y annonce « la démonstration in vitro de la synergie hydroxychloroquine/azithromycine pour contrer la réplication du Sars-Cov2 », le coronavirus covid-19 » écrivent Les Echos (Paul Molga) qui ont toujours ouvert largement leurs colonnes à l’infectiologue marseillais contesté.
On trouvera ici cette communication dont nul ne sait où et quand elle sera relue et publiée : « Clinical and microbiological effect of a combination of hydroxychloroquine and azithromycin in 80 COVID-19 patients with at least a six-day follow up: an observational study ». Pour le Pr Raoult aucun doute, comme souvent, n’est plus permis, ses nouveaux travaux « permettent de continuer à démontrer l’efficacité de notre protocole, sur 80 patients et pertinence de l’association de l’hydroxychloroquine et de l’azithromycine ».
Cette annonce a aussitôt été saluée par ses partisans et, une nouvelle fois, amplement critiquée dans la communauté scientifique spécialisée – et ce pour les mêmes raisons que la précédente étude (menée sur 24 malades) : une méthodologie déficiente qui interdit de conclure et a fortiori d’extrapoler. On se retrouve ainsi dans la même impasse médicale et scientifique, avec exacerbation des tensions politiques et des questions éthiques.
Alors que nombre de médias généralistes cherchent toujours à évaluer la valeur des travaux marseillais certains, parmi les meilleurs spécialistes en sont venus à ne plus vouloir se prononcer sur les résultats du Pr Raoult avant de connaître les résultats d’essai cliniques randomisés en double aveugle correctement conduits. Soit pas avant plusieurs semaines.
Combien de temps tiendra-t-il à ce rythme ? Le Monde (qui s’est toujours montré raisonnablement et justement critique à son endroit) ouvre aujourd’hui ses colonnes au Pr Didier Raoult : « Le médecin peut et doit réfléchir comme un médecin, et non pas comme un méthodologiste ». C’est une intéressante tribune-credo qui suscitera bien des réflexions, bien des commentaires. Il y justifies ses méthodes et s’en prend, sans gants, aux règles éthiques aujourd’hui en vigueur. Extraits :
« Il est nécessaire que la société s’exprime sur les problèmes de l’éthique, et, en particulier, de l’éthique médicale. Des institutions ont été créées pour y répondre, telles que le Comité consultatif national d’éthique pour les sciences de la vie et de la santé (CCNE) ou les Comités de protection des personnes, chargés de l’évaluation des projets de recherche médicale. Malheureusement, ces structures ont évolué sous l’influence des spécialistes de la méthode et, petit à petit, la forme a fini par prendre le dessus sur le fond (…)
« L’envahissement des méthodologistes amène à avoir des réflexions purement mathématiques. Husserl disait : « Les modèles mathématiques ne sont que les vêtements des idées. » C’est-à-dire que l’on utilise la méthode, en réalité, pour imposer un point de vue qui a été développé progressivement par l’industrie pharmaceutique, pour tenter de mettre en évidence que des médicaments qui ne changent pas globalement l’avenir des patients ajouteraient une petite différence. Ce modèle, qui a nourri une quantité de méthodologistes, est devenu une dictature morale. Mais le médecin peut et doit réfléchir comme un médecin, et non pas comme un méthodologiste (…)
« Je pense qu’il est temps que les médecins reprennent leur place avec les philosophes et avec les gens qui ont une inspiration humaniste et religieuse dans la réflexion morale, même si on veut l’appeler éthique, et qu’il faut nous débarrasser des mathématiciens, des météorologistes dans ce domaine.
« On voit bien dans le cadre actuel de la lutte contre le coronavirus les gens qui s’occupent de maladies infectieuses, dont le travail thérapeutique a consisté à faire des comparaisons d’essais thérapeutiques chez des patients infectés par le virus du sida entre des molécules nouvelles. Ils ne sont pas en phase avec les moments de découvertes, où la mise au point rapide de stratégies thérapeutiques évolutives est nécessaire.
« Cela explique pourquoi je n’ai pas voulu continuer de participer au Conseil scientifique, dans lequel on trouvait deux modélisateurs de l’avenir (qui pour moi représentent l’équivalent de l’astrologie), des maniaques de la méthodologie. Les médecins confrontés au problème du soin représentaient une minorité qui n’a pas nécessairement l’habitude de s’exprimer et qui se trouvaient noyés par cet habillage pseudoscientifique. Enfin, il y a un conflit d’intérêts entre devenir le porte-parole de la stratégie gouvernementale et la présidence du comité d’éthique. »
On lira aussi, dans Le Monde (Damien Leloup et Lucie Soullier) : « Coronavirus : comment le professeur Didier Raoult est devenu une figure centrale des théories complotistes ; Les débats autour du traitement à l’hydroxychloroquine pratiqué par ce médecin ont inspiré des théories conspirationnistes, avec une question récurrente : pourquoi n’est-il pas généralisé ? »
Combien de temps le Pr Didier Raoult tiendra-t-il à ce rythme ?
A demain @jynau
La seule question que je me pose : comment un Professeur de Médecine de ce niveau a t il pu (laisser) publier un tel article au niveau méthodologique (qui est montré dans toutes les conf d’ECN comme l’article qu’il ne faut pas publier, en terme méthodologique). Ou alors, il y a autre chose dessous qu’on ne connait pas encore.
Sur le fond, l’avenir parlera : soit c’est le sauveur de l’humanité et il aura le prix Nobel, soit c’est du placebo et il aura des procès pour mise en danger des patients qu’il aura traité (principe de précaution oblige)
Ayant subi les moralisateurs de tout poil qui ont massacré le baclofène à coup de « les études blablabla … », je suis forcément attentive aux propos du Pr Raoult … De toute façon la question est qui serait près à attendre la fin des études si un de ses proches était concerné ? A mon avis personne. Et puis, laissons les patients décider de ce qu’ils veulent, chacun devrait avoir le choix
Il ne me semble pas que l étude discovery teste l association Hydroxychloroquine-Azythromicyne.
Hors c est cette association spécifique qui semble efficace.
L Azythromicyne est connue pour son action antivirale qui pourtant n est pas sa fonction première.
C est dommage car cela aurait pu faire avancer les choses et aussi stopper les polémiques.
Oui Sylvie à condition que ce choix soit éclairé, ce qui n’est pas une mince affaire dans le cas précis car même les médecins ne sont pas d’accord.
Bonjour
Je pensais aussi à l’exemple du Baclofène. Beaucoup d’espoirs et au final une efficacité mitigée…des effets indésirables parfois graves.
Toujours la balance bénéfices risques, il faut pouvoir faire un ECG et autres examens…