Bonjour
10/04/2020. C’est un nouveau message en temps de crise que vient d’adresser à ses confrères et consœurs le Dr Patrick Bouet, président du Conseil national de l’Ordre des médecins. Un message qui aborde quelques points politiques, éthiques et déontologiques essentiels. A commencer par celui de la « priorisation » entre les patients.
L’Ordre national avait déjà traité de ce difficile sujet le 6 avril dernier dans une prise de position sur les décisions médicales, en situation de crise sanitaire. Le Dr Bouet y revient aujourd’hui dans un souci de pédagogie déontologique.
« Je sais qu’avoir à déterminer, après avoir épuisé toutes ses ressources et en l’absence de toute alternative, celui d’entre ses patients qui a le plus de chances de survivre est la décision la plus douloureuse qui soit pour un médecin, écrit-il. En premier lieu, l’Ordre y rappelle que l’intérêt du patient doit primer en toutes circonstances. Le médecin doit fonder toute décision sur une évaluation clinique individualisée du patient, prenant en compte notamment ses comorbidités et conduite en toute indépendance. Cela veut dire que l’âge en tant que tel du patient, sa situation sociale, son origine, une maladie mentale, un handicap ou tout autre facteur discriminant ne peuvent être l’élément à retenir. » Il ajoute :
« Face à des situations extrêmes qui se présenteraient à lui, deux obligations déontologiques importantes s’imposent aux médecins. D’abord, celle de respecter la volonté du patient telle qu’il peut ou a pu l’indiquer dans des directives anticipées, ou par le témoignage de la personne de confiance ou de la famille ou des proches ; et ensuite celle de la collégialité minimale des décisions à prendre, tracée dans le dossier, sur la base d’une appréciation globale centrée par l’état du patient. »
Responsabilité politique, administrative et organisationnelle
Plus largement le président de l’Ordre des médecins tient à réaffirmer, de manière solennelle « qu’aucune contrainte politique, administrative, organisationnelle, ne peut imposer à un médecin des critères de prise en charge prédéterminés par d’autres acteurs ». « Nous nous opposerons avec fermeté à toute volonté de contrevenir à ce principe fondamental qu’est l’indépendance du médecin dans sa prise de décision » prévient-il les responsables politiques et administratifs.
Cette prise position est exprimée dans un contexte où la responsabilité politique, administrative et organisationnelle n’est nullement absente. « Alors que nous continuerons, pendant de longues semaines encore, à accompagner et à soigner nos patients, les conséquences de l’état d’urgence sanitaire auquel nous faisons face sont déjà alarmantes, écrit-il encore. Le déséquilibre entre les moyens humains, thérapeutiques, matériels et médicamenteux dont nous disposons et les situations auxquelles nous devons faire face va croissant. » Et ce sont bien ces « conditions d’exercice hors du commun » qui peuvent, en pratique, confronter tout médecin « à des interrogations déontologiques et des cas de conscience face auxquels nous pouvons tous être désemparés ».
Message politique encore puisque le président du Conseil de l’Ordre explique qu’il faudra le moment venu tirer toutes les leçons de la crise actuelle pour garantir la pérennité d’un système de santé « affaibli depuis plusieurs années ». « Si aujourd’hui nous sommes tous mobilisés contre ce virus, conclut-il, nous saurons le moment donné rappeler la mobilisation des soignants et les engagements pris devant eux lors de la crise. »
A demain @jynau