Bonjour
04/05/2020. Il y a les hautes sphères, le pouvoir, les ors de l’exécutif, les puissances médiatiques et leurs cortèges de spécialistes en plateau. Et puis il y a ce que, depuis les hauteurs, on nomme les « terrain ». Parfois les politiques l’évoquent, se montrent quand ils vont « à sa rencontre ». Les médias généralistes s’en font, ici ou là, d’aimables porte-voix. C’est le cas des Echos (Elsa Freyssenet @ElsaFreyssenet). Aujourd’hui la parole est donnée au Dr Yacine Tandjaoui-Lambiotte médecin réanimateur à l’hôpital Avicenne de Bobigny. Extraits édifiants d’un pré-déconfinement :
« Ce qui domine, c’est l’incertitude. Nous fermons peu à peu les lits supplémentaires de réanimation que nous avions ouverts, mais nous ne sommes pas certains de bien faire. Depuis six semaines, nous étions dans l’action contre l’épidémie, nous ramions à contre-courant et maintenant que le courant a faibli, nous nous disons qu’il faut rester sur le qui-vive.
« Nous, soignants, évoluons dans une zone grise assez similaire, je crois, à celle que vivent les citoyens. Comme eux, nous ne comprenons pas grand-chose à ce virus qui reste encore très mystérieux et nous naviguons à vue pour le déconfinement. La seule différence est que les citoyens sont confinés chez eux et que les soignants le sont à l’hôpital. Même si je fais confiance aux épidémiologistes qui conseillent les décideurs pour le déconfinement, nous avons tous peur d’une nouvelle marée de patients contaminés alors que nous n’avons pas encore soufflé.
« Afin d’anticiper, nous conservons le matériel accumulé : l’unité post-réanimatoire que nous avions créée avec des respirateurs légers a été fermée et l’espace a été rendu au service de cardiologie, mais nous gardons les respirateurs à demeure. Nous venons de baisser le nombre de médecins de garde de nuit mais nous avons déjà prévenu de le réaugmenter dans quelques semaines quand le virus circulera à nouveau. Résultat : aucun de nous ne prend ses congés. C’est usant mais nous préférons nous préparer que de nous retrouver à nouveau sous l’eau. Il y a une forme d’incertitude avec laquelle il nous faut travailler et vivre. Au mieux pour les semaines à venir, au pire jusqu’à ce qu’un vaccin soit trouvé. »
« Même l’AP-HP vient de s’y mettre »
Et puis ce médecin a ces mots, ces euphémismes : « Dans ce contexte, la course à la communication sur des traitements, ou supposés tels puisqu’il n’y a pas de données scientifiques publiées, peut créer des perturbations. » Voici son témoignage :
« A la suite de l’offensive du professeur Raoult à propos de l’hydroxychloroquine et l’emballement médiatique qui a suivi, nous avons eu des familles de patients en réanimation qui exigeaient ce traitement et ne pouvaient pas entendre, compte tenu de la gravité de l’état de leur parent, quand il y avait des contre-indications.
« Même l’AP-HP vient de s’y mettre en communiquant sur un essai sur le tocilizumab, censé donné des résultats encourageants pour combattre la phase inflammatoire de la maladie. Elle l’a fait avant même que les données aient été publiées, ce qui, du point de vue scientifique, est surprenant voire dérangeant. Or, il vaudrait mieux ne pas se tromper : un patient qui en plus d’une inflammation pulmonaire due au Covid aurait une infection bactérienne serait tout bonnement tué par la tocilizumab. Mais chacun veut être LE premier… ».
Les majuscules sont des Echos. On saura bientôt tout du trop célèbre Pr Raoult. On se souvient de l’étrange communication de l’AP-HP sur le tocilizumab de Roche. Qui, sur le « terrain », sera LE premier ?
A demain @jynau
J’entends le même discours de bien des réanimateurs de région parisienne.