Mandarins des hôpitaux : les chefs de service sont-ils toujours des généraux d’Empire ?

Bonjour

11/05/2020. Ce sont quelques lignes prélevées aujourd’hui dans « La lettre politique » de Laurent Joffrin. Le patron de Libération l’a intitulée « Déconfinement : bobos et prolos ». Il y traite, actualité oblige, de ce « premier jour de déconfinement ». « A 7 heures, écrit-il, les rames de RER et de métro étaient bondées ; à 8h30, elles étaient vides. A 7 heures les prolos, à 8h30 les bobos ? Nous sommes tous égaux devant le déconfinement mais, de toute évidence, certains le sont plus que d’autres. On croit que la France est divisée par la géographie sanitaire, qui distingue les régions à risque et les régions moins touchées. Erreur : elle est surtout coupée en deux dans le sens horizontal, entre celles et ceux qui doivent impérativement se rendre à leur travail – plutôt en bas – et les autres, qui peuvent continuer à s’adonner aux joies et aux tracas du télétravail – plutôt en haut. »

Le journaliste rappelle le slogan inventé jadis par Nicolas Sarkozy : «la France qui se lève tôt». Puis il nuance son propos. Non, il n’ y a pas d’un côté les « dominés exposés à la contagion » et de l’autre les « dominants protégés ». « Beaucoup de petits patrons, ou même de grands, sont sur le pont, à leur poste de travail, enserrés comme les autres, par les masques et les gestes barrières, sur leur lieu de travail, explique-t-il.  Les chefs de chantier sont à pied d’œuvre, comme les ouvriers, les propriétaires de salons de coiffure ou de magasins de vêtement accueillent les clients, comme leurs employés. »

Souffle hugolien et métaphore guerrière

Et c’est ici que Laurent Joffrin use d’une image qui ne peut que marquer son lecteur. Après les chefs de chantier, les propriétaires de salons de coiffure ou de magasins de vêtement » il parle des « mandarins des hôpitaux » :  

« Tels des généraux d’Empire, ils étaient à la tête de leurs troupes au plus fort du combat contre le virus, courant les mêmes risques que leurs subordonnés. Ils ne disaient pas ‘’En avant !’’ mais ‘’Suivez-moi !’’».

Où l’on retrouve une nouvelle fois, avec le souffle hugolien, la métaphore guerrière imposée d’emblée ici par Emmanuel Macron. Où l’on retrouve aussi le recours au vieux concept du « mandarin hospitalier », détenteur de tous les savoirs, de tous les pouvoirs. Concept largement obsolète ? Des « mandarins » qui plus est, suivis de leurs « subordonnés » ? Cette entité existerait-elle encore dans le monde hospitalo-universitaire actuel ; un monde qui traverse depuis plusieurs années une crise majeure ; une crise matérielle et identitaire que nul responsable politique, nul citoyen, ne saurait plus ignorer ; une crise marquée notamment par l’ascendant délétère pris par le managérial sur le médical 1.

Un espoir ? Que le « combat contre le virus » et la formidable réponse, largement médiatisée, qu’ont su apporter (et qu’apportent) l’ensemble des soignants offre la possibilité, ultime peut-être, d’imposer le sauver le système hospitalier français. Coûte que coûte. Maréchaux d’Empire ou pas.   

A demain @jynau

1 Sur ce thème, du Pr Stéphane Velut : « L’Hôpital est une industrie » (Gallimard, Collection Tracts)  

3 réflexions sur “Mandarins des hôpitaux : les chefs de service sont-ils toujours des généraux d’Empire ?

  1. Vous avez raison, « mandarins’, bof. Cliché. Le mot on l’a vu a plusieurs significations non forcément exclusive mais dans un journal de gauche le voir associé à une action décrite comme empreinte de panache et d’efficacité, c’est intéressant.

    « la formidable réponse, largement médiatisée, qu’ont su apporter (et qu’apportent) l’ensemble des soignants  »

    En effet et cela me rappelle la phrase amusante mais révélatrice d’un anesthésiste réanimateur de l’hôpital Cochin, Alexandre Mignon , dans un émission de France 5 je cite à peu près « les médecins ont repris les clefs du camion , ils ont dit à l’administration ce qu’il fallait faire, l’administration a fait et ça marche très bien ». Je l’ai également constate dans une hôpital francilien que je connais bien , lorsque l’on se préparer à affornter la vague , le tsunami que l’on entendait gronder à la suite de la catastrophe de Lombardie et à la sumersion du Bas Rhin, qui a organisé l’hôpital, fait préparer les cliniques alentours, multiplié et organisé les lits de réanimation ? Des médecins, et des cadres infirmiers.

    C’est logique mais on avait tenté de faire oublier les fondamentaux du fonctionnement d’un hôpital. Ce n’est pas une usine, une plateforme de service. C’est un hôpital (ou une clinique).

    Il a été bon que ce soient des médecins qui « aient les clefs du camion ».
    Il était bon que les soignants soient à la manoeuvre.

  2. Corrections :
    Vous avez raison, « mandarins », bof. Cliché. Le mot on l’a vu a plusieurs significations non forcément exclusives :
    https://www.cnrtl.fr/definition/mandarin

    Mais dans un journal de gauche le voir associé à une action décrite comme empreinte de panache et d’efficacité, c’est intéressant.

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