Mayotte : pourquoi est-elle soudain exposée à un risque d’« embrasement épidémique» ?

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11/05/2020. L’alerte avait pourtant été lancée en temps et en heure. Nous étions début avril et le gouvernement rendait public un « Avis du Conseil scientifique COVID-19 pour les territoires d’outre-mer » (daté du 8 avril). Un document remarquable à bien des égards, et une série de recommandations pratiques faites à l’exécutif. Le cas du département de Mayotte (279 000 habitants) était tout particulièrement analysé. Extraits :

« La situation à Mayotte est particulièrement préoccupante : plus de 80 % de la population vit sous le seuil de pauvreté, 30 % des habitations n’ont pas l’eau courante et l’offre de soins est limitée. Cependant, 50 % des habitants ont moins de 18 ans et seulement 4% plus de 70 ans ; à tempérer par le fait que diabète et obésité, facteurs de risque de formes graves de Covid-19, touchent une partie importante de la population.

« Il faut anticiper que le système de santé, du fait de l’hyper-concentration de son service et de la méfiance d’une partie importante de la population envers l’administration, sera totalement dépassé lorsque les quartiers pauvres de Mamoudzou, comme le bidonville de Kaweni, seront touchés. En raison du risque important d’explosion épidémique et de paralysie du système de santé, Mayotte est dans une catégorie à part. Cette situation exige donc un confinement « aménagé » avec un couvre-feu nocturne. »

Selon le Conseil scientifique, trois mesures devaient impérativement être mise en œuvre :

1.La quatorzaine préventive pour les arrivants sur le territoire. « Parce que les premiers cas de Covid-19 sont arrivés par avion et par bateau, Mayotte a rapidement mis en place des mesures de contrôle à l’arrivée des voyageurs. La continuité territoriale a été maintenue, assortie de restriction des rotations des transporteurs. Des contrôles sanitaires ont été mis en place à l’arrivée des avions et des bateaux, avec dépistage du Covid-19 pour les voyageurs symptomatiques. Une quatorzaine préventive à l’arrivée des voyageurs a été mise en place dans une structure dédiée, comme cela avait été le cas en début d’épidémie dans l’hexagone, lors du retour des expatriés français de Wuhan, début février.

La place du test de diagnostic PCR du Covid-19 est bien établie lorsque les voyageurs présentent des symptômes suspects. La place du test de dépistage systématique chez les voyageurs est en cours de réflexion. Cette mesure permettrait de limiter le risque d’introduction du Covid-19 par des malades asymptomatiques, dont on ignore la prévalence, mais dont on sait qu’ils jouent un rôle important dans la propagation de l’épidémie. Le Conseil scientifique recommande de pratiquer un test de dépistage du Covid-19 à tous les voyageurs présentant des symptômes évocateurs. Un test systématique en fin de quatorzaine préventive chez le voyageur asymptomatique est également conseillé tant que la proportion des cas d’infections importées est significative par rapport aux cas autochtones. »

2 L’isolement des cas avérés en structure contrôlée extrahospitalière

3. Le suivi actif des personnes contacts.

Le Conseil scientifique évoquait aussi « une situation sanitaire particulièrement difficile pour les plus précaires ». « A Mayotte, de nombreuses personnes vivant à la rue ou dans des habitats précaires n’ont pas d’accès à l’eau, expliquait-il. La gratuité d’accès à l’eau est indispensable dans le cadre du confinement. Jusqu’à présent, les personnes les plus vulnérables rechargeaient leurs bidons avec des cartes magnétiques, mais le confinement ainsi la perte de revenus qu’il a entrainée en raison de la fermeture de commerces le plus souvent informels les empêchent aujourd’hui de recharger cette carte et d’avoir accès à l’eau. Un circuit d’aide alimentaire performant doit aussi être établi durant la période de confinement évitant ainsi les longs déplacements de personnes pour rejoindre les commerces les plus proches, mais aussi pour permettre aux plus précaires de se nourrir. »

Prolongation du confinement

Un mois plus tard la France commence, ce lundi 11 mai, son déconfinement progressif. A l’exception notable du département de Mayotte qui , du fait d’une circulation élevée du virus, doit prolonger son confinement.

Selon le dernier bulletin publié le 11 mai par l’Agence régionale de santé (ARS) de Mayotte, le seuil du millier de personnes infectées par le SARS-CoV-2 a été franchi : 1 061 cas avaient été officiellement recensés – contre 650 une semaine auparavant – 46 personnes sont hospitalisées, dont 9 en réanimation, et on compte 11 décès. L’ARS estime que le pic de l’épidémie est attendu autour du 20 mai. A cette situation explosive s’ajoutent les 3 600 cas de dengue, avec 16 morts répertoriés depuis le début de l’année.

« Mayotte souffre depuis des années d’être un immense désert médical, avec 18 médecins de ville pour les 279 000 habitants officiellement recensés par l’Insee. En intégrant les médecins du centre hospitalier de Mayotte (CHM), cela représente près de 80 médecins pour 100 000 habitants, contre 324 en métropole, souligne Le Monde (Laurent Canavate). Or, l’essentiel des moyens du CHM est concentré sur la maternité qui, avec près de 10 000 naissances par an, accueille surtout des femmes originaires des îles voisines des Comores. Près de 75 % des naissances sont le fait de femmes en situation irrégulière. La population mahoraise est ainsi constituée pour moitié de clandestins vivant dans des bidonvilles. Cette situation génère tous les ingrédients pour un risque d’ ‘’embrasement épidémique’’, s’alarme la directrice de l’ARS de Mayotte, Dominique Voynet. »

A demain @jynau

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