« Hydroxychloroquine – Didier Raoult », la grande affaire française étrillée depuis Genève

Bonjour

04/06/2020. C’est acquis : l’affaire « Didier Raoult – Chloroquine » est devenue la grande affaire nationale française du moment. Elle intègre à merveille la peur et l’espoir, la médecine à la science, la croyance à la politique, le médiatique aux polémiques, les élites aux Gilets Jaunes. Jouant miraculeusement de l’étrange, l’homme parle où et quand il veut, délivre des messages, philosophe sur la médecine, cet art qui se nourrit de science, dénonce les vices de sa confrérie, accuse les méthodologistes-mathématiciens glorifie en permanence son parcours et ses compétences.

C’est sans précédent et cela dure, l’affaire s’auto-alimente. Pour autant, sauf à imaginer une rapide propulsion vers les sphères politiques (Didier Raoult, ministre de la Santé et/ou maire de Marseille) le sujet, bientôt, s’épuisera.

Pour l’heure, tout ceci intéresse-t-il au-delà de nos frontières ? Comment, par exemple, perçoit-on ce phénomène depuis Genève ? Donnons ici un extrait du « bloc-notes » 1 que tient le Dr Bertrand Kiefer dans la Revue Médicale Suisse dont il est le rédacteur en chef :

« Il était un savant de Marseille qui, depuis son bain de bulles, affirmait que la pandémie commençante serait moins mortelle que les accidents de trottinette. Il savait, avec certitude. Le même savant annonce ces jours la fin imminente de la pandémie. Il sait, là encore. Et c’est lui qui, enveloppé dans son immense savoir et télégénisé par son look ésotérico-rebelle, a entraîné le monde sur la piste savonneuse d’un antimalarique miracle.

« Avec ses disciples (groupe qui comprend une partie non négligeable de l’humanité, quantité de chefs d’État, plein de professeurs et de médecins de tous poils, et un quarteron de spécialistes fumeux), il affronte les autres, l’élite, les « bien-pensants », affirmant que l’urgence pandémique exige d’abandonner la servitude de la méthode et de l’éthique de la recherche scientifique. S’imposerait donc, selon lui, l’instinct, le savoir infus.

La bouée, le parachute et le savoir du gourou

« Quand quelqu’un se noie, on lui lance une bouée, sans d’abord vérifier son efficacité, ou encore, quand on saute d’un avion, on utilise un parachute, même s’il n’a jamais fait l’objet d’une recherche contre placebo (cet argument prend au sérieux un article du BMJ sur le sujet, publié dans l’un des numéros de Noël connus pour servir de défouloir annuel à l’humour british). Certes, mais comment savoir qu’on a bien affaire à une bouée ou un parachute ? Le gourou, lui, sait.

« En conséquence, tout a été fait à l’envers. Courant derrière l’engouement international, quantité d’études ont été lancées, impliquant des dizaines de milliers de patients dans le monde, sans coordination, avec des protocoles souvent bâclés. Il a fallu trois mois d’un immense effort pour que la marge d’ignorance se resserre. Résultat : l’antimalarique n’est en tout cas pas le médicament-miracle annoncé, celui qui devait sonner la « fin de partie » (selon le savant) ou s’imposer en « game changer » (selon un autocrate narcissique nord-américain). Mais l’argent et l’énergie drainés par ces études (sans compter la difficulté à recruter les patients : personne ne voulant plus prendre le risque de se trouver dans un bras autre ou placebo) ont empêché de tester d’autres hypothèses intéressantes, à l’efficacité a priori autant, voire davantage plausible. Un immense gâchis. »

Il nous restera à comprendrecomment une telle « flambée d’irrationnel » a pu se mondialiser à la vitesse de la pandémie. « Il faudrait analyser les ressorts archaïques qui meuvent les humains, même à l’ère des réseaux sociaux, écrit le Dr Kiefer. Besoin de croire, transes émotionnelles, attachement à la figure sacrée de la victime (le savant persécuté), violence mimétique antiscience et anti-establishment ? Les technologies de l’information sont de formidables machines à amplifier les vieux modèles. » Il ajoute :

« A quoi se reconnaît un pseudo-scientifique ? A ceci : il sait. Il est soit infatué, soit incompétent. Mais l’infatué ne cherche pas à savoir. Et savoir qu’on est incompétent demande d’être compétent. »

A demain @jynau

1 Kiefer B Science et doutes : le bazar Rev Med Suisse 2020; volume 16. 1068-1068

12 réflexions sur “« Hydroxychloroquine – Didier Raoult », la grande affaire française étrillée depuis Genève

  1. Pourquoi faire de Raoult un fou solitaire alors qu’il travaille avec une équipe fort nombreuse qui a traité des milliers de patients dont apparemment aucun ne s’est à ce jour plaint. Il affirme vouloir seulement traiter les malades qui se présentent. Aucune ambition politique contrairement à ce qui est partout annoncé. OK pour le big ego mais à part ça? Le bon Dr Kiefer avait d’abord eu une vocation religieuse: un peu de charité envers Frère Didier?
    https://www.amge.ch/2005/01/17/dr-bertrand-kiefer-il-lance-la-%C2%AB-revue-medicale-suisse-%C2%BB/

    • Il vaut mieux s’inquiéter des malades.

      Et ne pas leur proposer de traitement au bénéfice inconnu et au risque même minime ou alors pourquoi pas la nicotine en tartelettes ?

      On devrait aussi s’interroger sur les morts induites par cette affaire.

      Car si l’ hydroxychlorozithromycine marche , avoir négligé d’en montrer correctement le bénéfice / risque en a privé les patients

      Car si elle ne marche pas et que les morts rapportées sont imputables (voir Centre Anti-Poison de Nice) c’est heu… fâcheux.

      Car le sabotage de pas mal d’essais thérapeutiques par l’interférence de l’affaire hydroxychlorozithromycine retarde la mise en évidence d’évetuels traitements efficaces.

      Cliquer pour accéder à hydroxy-chloroquine_et_covid-19.pdf

  2. Les gates sont fermées. Double rétractation.

    https://www.thelancet.com/lancet/article/S0140673620313246
    https://www.nejm.org/doi/full/10.1056/NEJMc2021225?query=featured_home

    Philppeboucher,

    L’article de Mehra du Lancet n’était pas une évaluation du traitement proposé par l’IHU de Marseille. Puisqu’il ne s’agissait pas de dossiers de malades au tout début.

    La létalité dont se vante DR, je crois que c’est 0,5% , je me trompe ?
    Je ne sais pas l’intervalle de confiance.

    – d’une part on ne sait pas si les malades ainsi traités sont représentatifs des malades de la covid ,

    – d’autre part c’est exactement la létalité attendue SANS hydroxychlorozithromycine: 0,53%
    (95% CrI: 0.28-0.88)

    https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC7223792/

    Alors ? Que conclure ?

    Certes DR est très habile et intelligent et les journalistes qui le questionnent n’ont ni les nerfs ni le niveau ni la légitimité pour faire apparaitre les failles d’un dialectitien qui élude ou ignore les points de faiblesse.

    D’autre part, DR a dit énormément de choses pertinentes et vraies lors de sa pénible interview par les 2 journalistes de BFM. A part sur l’hydroxychlorozithromycine.

    • Non. Pas du tout. (A part la revue générale des genevois qui date d’avant la retractation).

      Je fais reference à d’autres etudes (voir les genevois par exemple , qui compilent pour et contre il n’y a pas que Mehra et complices, mais surtout à la pharmacovigilance française.
      A noter , habituellement il est estime que 5% des effets secondaires sont déclarés.
      https://tinyurl.com/ya5mnf4h

      Mais avant que de regarder les effets secondaires , où est l’effet bénéfique ?

  3. < On devrait aussi s’interroger sur les morts induites par cette affaire … Oui … mais combien sont eux aussi … fantômes ??? … Et le seront probablement définitivement …

  4.  » Il faudrait analyser les ressorts archaïques qui meuvent les humains… » asserte le Dr Kiefer ; « Comment, par exemple, perçoit-on ce phénomène depuis Genève ? » vous demandez-vous : ça tombe bien il y a en suisse un anthropologue qui s’est exprimé à plusieurs reprises sur ces questions. Jean-Dominique Michel .

    Position critique mais mesurée sur les différentes mesures adoptées par les autorités helvètes au cours du temps.

    Sur l’HC , vers 8:53 J.-D. Michel rappelle le paradoxe helvète ( et français ?) : autorisation de l’utilisation de l’HC à l’hôpital mais interdiction aux libéraux d’y avoir recours. JDM comprend la justification de cette interdiction au tout début de la crise quand on craignait une rupture de stocks mais s’interroge sur les motifs qui l’ont perpétuée après que les Labos en aient proposé de grandes quantités. L’expression de « dictature sanitaire » est lâchée.

    JDM rappelle également que la suisse n’a pas de système de déclaration des conflits d’intérêts…(vers 17:09) . Swissmedic en prend pour son grade (?).

    Insiste beaucoup (trop?) sur les questions de conflits d’intérêt, des pratiques mafieuses, au risque de passer même auprès des personnes les mieux disposées pour un affreux complotiste… ( réponse sur son blog aux anticomplotistes complotistes…)

    (29:07) : « les épidémies sont des maladies d’écosystème » serait sont principe de base, qui fait de l’Italie un cas d’épouvante et appelle à regarder avec nuance la situation suédoise. Il indique que là-bas (!) les gens tombant malades de la covid dans les maisons de retraite ne sont pas hospitalisés MÊME s ‘il y a une capacité hospitalière disponible (vers 29:23) !!!???

    D’avis que c’est la capacité hospitalière suisse qui différencie d’avec l’Italie.

    C’est en 30:30 que JDM exprime le plus clairement son positionnement / actions des autorités suisses : soutenant entièrement les décisions prises AU DÉBUT il trouve problématique les décisions prises une fois que la situation s’est un peu clarifiée ; il n’hésite pas à qualifier la communication gouvernementale de propagande.

    La défaillance gouvernementale qu’il pointe c’est de ne pas avoir mobiliser l’appareil industriel suisse pour produire des tests .

    Il semblerait qu’en suisse ALEMANIQUE des critiques se lèvent concernant ce que JDM considère comme un ratage gouvernemental, pour ne pas parler des ratages au niveau des cantons.

    JDM considère tout de même que le mensonge d’État a été plus important en France qu’en Suisse.

    (en 42:26) considérations que le Dr et religieux B. Kiefer pourrait reprendre à son compte (?)

    JDM sait qu’il choque, va choquer beaucoup de gens en disant qu’en terme d’épidémie c’est pas très grave ( cf considérations age médian des décès covid-espérance de vie 84 ans sur la grippe -qu’il persiste à référer comme influenza-) tout en reconnaissant que du point de vue clinique cela a été exceptionnel.

    Nota : dans sa vie JDM a été trois fois malades de la grippe, pas d’une quelconque gripette : cette expérience personnelle nourrit son analyse. (il a aussi été malade de la covid)

    Intéressantes considérations sur le confinement (54:25) et notamment sur l’effet d’un confinement stricte mais court comme adopté en Nouvelle-Zélande.

    (55:40) Rappelle l’effet contreproductif d’un confinement tardif à cause de la surinfection liée à la CHARGE virale. Or en Suisse on a identifié, rétrospectivement, des cas dès novembre 2019 !

    [il me faut provisoirement arrêter là]
    L’émission est longue, des passages sont un peu lourds, irritants, mais ….

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