5 juin 2020 : le scandale du Lancet éclate; l’épidémie de Covid «sous contrôle » en France

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Bonjour

05/06/2020. On l’attendait sur le scandale de l’affaire de la rétraction du papier « hydroxychloroquine » du Lancet. Il s’est bien gardé d’aborder le sujet. Le message à faire passer était d’un autre ordre, médical et politique.  L’épidémie de Covid-19 est actuellement « contrôlée » en France a déclaré, vendredi 5 juin sur France Inter, le Pr Jean-François Delfraissy, président du Conseil scientifique du gouvernement.

« Le virus continue à circuler, en particulier dans certaines régions (…) mais il circule à une petite vitesse. Là où on avait à peu près plusieurs dizaines de milliers de cas, autour de 80 000 nouveaux cas par jour début mars avant le confinement, on estime qu’on est maintenant autour de 1 000 cas à peu près. »

Il s’agissait pour lui de médiatiser le contenu du dernier avis en date de ce Conseil, avis, rendu public jeudi 4 juin ; un avis dans lequel les auteurs évoquent les « quatre scénarios probables » pour les mois à venir, allant d’une « épidémie sous contrôle » à une « dégradation critique ».

Le premier scénario, « le plus favorable », est celui d’une « épidémie sous contrôle » avec seulement quelques foyers « localisés pouvant être maîtrisés ». Les autres envisagent « des clusters critiques laissant craindre une perte de contrôle des chaînes et contamination » et « une reprise progressive et à bas bruit de l’épidémie, plus difficile à identifier ». Le dernier serait celui d’une « dégradation critique des indicateurs » de suivi de l’épidémie, traduisant « une perte du contrôle » de cette dernière.

Dans ce contexte le conseil scientifique « souligne la nécessité de préparer » des « mesures appropriées » à chacun de ces scénarios, dans le but d’« éviter un nouveau confinement généralisé » comme celui qu’a connu le pays du 17 mars au 11 mai. Ces mesures doivent être « élaborées dès maintenant » pour pouvoir les « activer le plus rapidement possible » « lorsque cela sera nécessaire », insiste l’avis.

Pour compléter sa communication, dans un entretien au Parisien, le professeur Delfraissy estime que « quoi qu’il arrive, on ne pourra pas refaire un confinement généralisé en France ».

« La première fois, il était indispensable, on n’avait pas le choix, mais le prix à payer est trop lourd, explique-t-il. La population ne l’accepterait sûrement pas, les conséquences économiques seraient majeures et, même d’un point de vue sanitaire, cela n’est pas souhaitable. En dehors du Covid, il y a eu toutes les autres malades qui ont eu des retards de diagnostic durant cette période. Une fois qu’on a dit cela, qu’est-ce qu’on fait si la situation empire ? Il faut donc un grand plan de prévention ».

Et le Pr Delfraissy, sur France Inter, de tacler à sa manière Alain Minc qui dénonçait il y a peu le poids trop important du Conseil scientifique dans le champ de la décision politique.

Un discrédit majeur jeté sur l’ensemble du système des publications scientifiques

C’est dans ce contexte que The Lancet a annoncé, jeudi 4 juin, la rétractation d’une étude publiée le 22 mai dans ses colonnes ; étude désormais célèbre qui suggérait que l’hydroxychloroquine, associée ou non à un antibiotique comme l’azithromycine, augmentait la mortalité et les arythmies cardiaques chez les patients hospitalisés pour Covid-19 ; étude qui avait aussitôt été suivie en France d’une abrogation de la dérogation qui permettait l’utilisation de cette molécule contre le nouveau coronavirus SARS-CoV-2, ainsi que la suspension d’essais cliniques destinés à tester son efficacité.

La médiatisation internationale decette publication avait conduit l’OMS a suspendre   le recrutement de patients qui auraient reçu de l’hydroxychloroquine dans un le vas essai clinique international, Solidarity. En France, les seize essais cliniques expérimentant les effets de l’hydroxychloroquine avaient aussi été immédiatement suspendus à la demande de l’Agence nationale de sécurité des médicaments (ANSM). Et Olivier Véran ministre des Solidarités et de la Santé avait aussitôt abrogé la dérogation qui permettait de prescrire dans certaines circonstances cette molécule en milieu hospitalier.

Résumons : cette « rétractation » est un événement de taille qui jette un discrédit majeur sur la revue britannique et, au-delà, sur l’ensemble du système des publications médicales et scientifiques. Dans un communiqué, The Lancet indique que le retrait de l’article a été demandé par trois des quatre coauteurs – mais pas par le Dr Sapan Desai, chirurgien et fondateur de la société Surgisphere qui était supposée avoir collecté les données médicales de 96 000 patients « dans 671 hôpitaux sur six continents » – données qui avaient fondé leur analyse. Mandeep Mehra (Harvard Medical School), MD, Frank Ruschitzka (hôpital universitaire de Zurich) et Amit Patel (Université de l’Utah)« n’ont pas été en mesure d’effectuer un audit indépendant des données qui sous-tendent leur analyse, écrit The Lancet. Ils en viennent (mais un peu tard) à reconnaître qu’ils « ne peuvent plus garantir la véracité des sources de données primaires. Dans le texte de la rétractation, les trois coauteurs tentent de s’expliquer et présentent leurs excuses à la revue comme à ses lecteurs « pour tout embarras ou désagrément que cela aurait pu causer ».

Pour autant il convient de rappeler que tous ces éléments, pour ravageurs qu’ils sont vis-à-vis de la communication médicale ne doivent en aucune façon permettre de conclure, comme le fait le Pr Didier Raoult, que l’efficacité de l’hydroxychloroquine contre la Covid-19 est démontrée. Le sera-t-elle jamais ?

A demain @jynau

5 réflexions sur “5 juin 2020 : le scandale du Lancet éclate; l’épidémie de Covid «sous contrôle » en France

  1. Heu… Je ne vois pas en quoi le merdage du Lancet jette le discrédit sur l’ensemble du système de publications médicales. Il existe de nombreuses revues, qui publient chaque année des milliers d’articles. Nous dire que les scientifiques qui arbitrent ces publications (et souvent les rejettent) sont tous les abrutis ou des vendus, c’est à peu près aussi faux que les fadaises de Raoult (qui ne perd jamais une occasion de parler de ses 200 publications tout en disant que les gens qui gèrent les revues sont des ratés).

    Il faut tout simplement être raisonnable et garder à l’esprit que les études non « randomisées et en double aveugle » apportent des *informations* mais un faible niveau de preuve, et que les études qui répondent à ces critères ne sont pas parfaites non plus. Une étude ne vaut pas grand chose tant qu’elle n’est pas confirmée par des plusieurs études du même niveau de qualité et menées par des équipes indépendantes.

    Mais évidemment, c’est plus simple de croire en un gourou…

  2. Je suis bien d’accord que l’emballement des auteurs de la pluie de publications ou pré-publications Medrxiv * ou hélas NEJM et consoeurs nulles (pour ne pas tâcher ce blog des qualificatifs plus appropriés qui me vienne au clavier) est la cause des publications nulles qui dominent le marché. Le publish or perish les hubris et orbi y sont aussi pour quelque chose. .

    *https://connect.medrxiv.org/relate/content/181

  3. Bonjour,
    La rétractation d’un article est un des mécanismes qui permet de construire un consensus. Celle ci est beaucoup plus rare que la publication d’articles dont personne n’arrive à reproduire les résultats et qui sont progressivement oubliés mais persistent dans les bases de données de bibliographie. Seuls les auteurs ou l’Éditeur de la revue peuvent rétracter une publication et laisser une trace visible dans les bases de données de l’anomalie qu’elle constitue. C’est un panneau dos d’âne placé sur une chaussée pour prévenir l’automobiliste d’un risque sur son trajet. Est-ce un discrédit majeur sur le travail des services de la DDE ?
    Rémi Dufourcq-Lagelouse
    Pharmacien, Docteur en immunologie

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