« Cannabis ? 150 euros et vous êtes libre… ! » : la France aux antipodes de la légalisation

Bonjour

27/07/2020. « La France confirme qu’elle est un vieux pays répressif dans un vieux continent qui, lui ose en légalisant. Vive l’Europe ! » C’est le commentaire du Dr William Lowenstein, président de SOS Addictions à l’annonce de Jean Castex relative au cannabis . Une annonce faite par le Premier ministre lors d’un déplacement à Nice, samedi 25 juillet, avec les ministres de l’intérieur et de la justice.

Il a notamment annoncé, dans le cadre de « la sécurité » la généralisation « dès la rentrée » des amendes forfaitaires pour consommation de drogue. Une mesure qui doit permettre, selon lui, de « lutter contre les points de vente qui gangrènent les quartiers ». Pour un peu les délinquants souriraient. Sans parler des usagers.

Cette procédure (une amende forfaitaire de 200 euros) s’applique « à toutes les drogues » mais vise d’abord les usagers de cannabis. On court-circuite ici une justice devenue trop occupée à d’autres priorités. Mais dans le même temps, fort étrangement, le Premier ministre a eu ce mot : « La justice a trop longtemps été délaissée », a souligné M. Castex, citant le philosophe criminaliste du XVIIIe siècle Cesare Beccaria : « l’important dans une peine, ce n’est pas sa sévérité, mais sa certitude », or « l’Etat, faute de moyens suffisants, a laissé s’installer l’incertitude ».

Déjà, Gérard Collomb

« Généralisation de la forfaitisation des délits de stupéfiants ». Une vieille histoire déjà, annoncée en 2018 par Gérard Collomb, alors ministre de l’Intérieur et qui n’imaginait pas ce que serait la suite de son parcours politique. Le projet est déjà testé. En mars 2019, un article du Code de procédure pénale a concrétisé la volonté gouvernementale et ouvert la voie à l’expérimentation de la mesure dans plusieurs villes françaises. Le site de Gendinfo (magazine de la gendarmerie nationale) précise que le dispositif est expérimenté cet été en deux temps, pendant « une durée moyenne de deux mois ». La première phase est terminée, tandis que la seconde concerne depuis le 16 juillet « toutes les unités de la gendarmerie du ressort des tribunaux judiciaires de Marseille, Rennes, Reims, Lille » et le groupement de gendarmerie départemental d’Ille-et-Vilaine. Le projet sera donc ensuite généralisé dès la rentrée, comme l’a annoncé le Premier ministre samedi.

Cette mesure, explique franceinfo  consiste à sanctionner d’une amende forfaitaire et systématique l’usage de drogue, en cas de flagrant délit. L’objectif est de punir immédiatement les consommateurs âgés de plus de 18 ans. L’amende de 200 euros est payable sous 45 jours, afin d’éviter des procédures judiciaires longues et à l’issue hypothétique. Si elle est réglée sous quinze jours, elle est minorée à 150 €. Au-delà de 45 jours, elle est majorée à 450 €. 

Près d’un million d’usagers quotidiens…

Mieux : « Le paiement de l’amende met fin aux poursuites judiciaires », précise le gouvernement. Un dispositif forfaitaire existe déjà pour les délits de conduite : volant et psychotropes illégaux, même combat ? Faudrait-il rappeler que la France compte 900 000 usagers quotidiens de cannabis selon les autorités ? Comment imaginer qu’autant de consommateurs seront dissuadés du fait des amendes immédiates ?

Officiellement, en sanctionnant la possession et la consommation de drogue de manière systématique et immédiate, le gouvernement explique lutter contre la lenteur de la chaîne pénale et s’assurer que des « sanctions » soient appliquées. Toujours officiellement la consommation de stupéfiants est en France un délit passible d’un an de prison et de 3 750 euros d’amende. Or si environ 140 000 personnes chaque année sont interpellées pour usage de stupéfiants, la justice a prononcé, en 2015,  moins de 40 000 condamnations, parmi lesquelles ne figurent qu’environ 3000 peines de prison.

Par ailleurs, en vingt ans (de 1990 à 2010), le nombre de personnes interpellées pour usage simple de cannabis a été multiplié par sept tandis que le nombre de celles mises en cause pour trafic a été quasiment divisé par deux …. C’est tout dire de la réalité.

Attention : l’objectif affiché n’est pas celui de « dépénaliser la consommation de stupéfiants », nullement, mais bien de la pénaliser plus efficacement. « L’amende forfaitaire n’exclut pas pour autant des poursuites judiciaires. Ainsi, le consommateur pourra être traduit en justice, par exemple en cas de récidive ou s’il est un trafiquant ou producteur présumé » précise franceinfo. Pour autant comment se satisfaire d’une telle distorsion entre la loi et la pratique, d’un tel laisser-aller thérapeutique ?

Des effets catastrophiques et contre-productifs en termes de santé publique

En mars 2019, de nombreuses associations 1 publiaient une tribune où elles expliquaient redouter qu’en automatisant « la répression de l’usage de drogues », le gouvernement n’aille « à l’encontre de la logique de prévention, de réduction des risques et de prise en charge qui devrait prévaloir ».

« Nous réitérons que cette nouvelle disposition aura des effets catastrophiques et contre-productifs en termes de santé publique et de dommages sociaux et réaffirmons que le cadre pénal actuel n’est pas à la hauteur des enjeux posés par la consommation de drogues. Il est nécessaire d’en changer et de prôner une nouvelle politique publique visant une véritable régulation de l’usage de drogues et davantage de prévention et de réductions des risques. »

On peut le dire autrement : « La France confirme qu’elle est un vieux pays répressif dans un vieux continent qui, lui ose en légalisant. Vive l’Europe ! »

A demain @jynau

1 Quinze organisations représentent la société civile française dans sa diversité (policiers, avocats, magistrats, usagers, consommateurs, citoyens, médecins, professionnels du secteur médico-social, acteurs communautaires) : AIDES ; ASUD (Autosupport des usagers de drogues) ; CIRC (Collectif d’information et de recherche cannabique) ; Fédération Addiction ; Ligue des droits de l’Homme ; Médecins du Monde ; NORML France ; OIP (Observatoire international des prisons) – Section française ; collectif Police Contre la Prohibition ; Principes Actifs ; Psychoactif ; SAFE ; SOS Addictions ; Syndicat de la Magistrature ; Syndicat SUD-Intérieur – Union syndicale Solidaires.

Une réflexion sur “« Cannabis ? 150 euros et vous êtes libre… ! » : la France aux antipodes de la légalisation

  1. On aimerait …
    – plus que l’air marin …
    – plus que des déclarations de foi d’associations ou syndicats
    – plus que des affirmations sans étai apparent
    – un peu de douceur angevine et scientifique.

    Ou est la science dans tout ça ?
    Ou est la démonstration ?
    Comme dirait quelqu’un « qui le dira ?  »

    Cela existe peut-être mais Nous sommes d’humeur trop paresseuse pour chercher des études et dissertations non biaisées , espérons que des convaincus d’une option ou de l’opposée viendront l’indiquer les références dénuées de conflit d’intérêt notamment de CI d’intellectuels…

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