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03/08/2020. Pragmatisme ou provocation ? Ce sera donc une nouvelle polémique, médicale autant que politique. Elle a été lancée hier dans les colonnes du Parisien, par le Pr Eric Caumes : laisser les jeunes se contaminer entre eux pour favoriser une « immunité collective ». Après une première « volée de bois vert de ses confrères », le Pr Éric Caumes, chef du service des maladies infectieuses à l’hôpital de la Pitié Salpêtrière était l’invité de RTL. Il confirme, persiste et signe.
Et il assure « dire tout haut ce que beaucoup de ses confrères pensent tout bas ». « C’était assez réfléchi, je pars du constat que les jeunes ne nous ont pas demandé notre avis, ils se réunissent, font la fête parfois par milliers. À partir du moment où on ne fait rien pour empêcher ça, il faut l’accepter », souligne-t-il.
« Les jeunes sont les premières victimes économiques du virus, il faut les comprendre. Je me pose la question, je pense qu’il n’est pas interdit de se poser la question, je me demande même si on peut encore penser dans ce pays, poursuit le Pr Caumes. Ces jeunes ne sont pas dénués de formes graves, elles sont possibles. Maintenant, si on doit débuter l’immunité collective par une partie de la population la moins à risque, c’est par celle-là ».
Selon le professeur Éric Caumes, le problème aujourd’hui sont les rassemblements des jeunes. « Je constate le laisser faire », explique-t-il. D’où sa volonté de laisser les jeunes se contaminer entre eux. « De toute façon on n’a pas le choix, regardez comment ils se comportent. Vous voulez faire quoi ? Vous voulez envoyer l’armée ? ». Evoquant un « virus intelligent », ce spécialiste, qui reconnaît que sa proposition n’est pas «politiquement correcte », prend par ailleurs soin de bien préciser que cela vaut « à condition qu’ils ne voient pas leurs parents et leurs grands-parents » pour éviter d’être « un réservoir de contamination ».
« Je me demande si on habite le même pays »
« Ces propos sont très dérangeants et surtout à mon avis contre-productifs, nous a déclaré le Pr Antoine Flahault directeur de l’Institut de Santé Globale de Genève. Éric Caumes propose une solution à la nord-américaine avec le succès qu’on lui connaît. Je suis d’accord pour dire qu’on n’observe pas de seconde vague en Europe et aussi pour ne pas stigmatiser les jeunes, mais je persiste à penser que nous devons poursuivre sans relâche toutes les mesures qui visent à minimiser la transmission en attendant le vaccin. Cette stratégie reste jusqu’à preuve du contraire le meilleur moyen de prévenir un engorgement des hôpitaux et éviter le chaos que les USA qui ont aussi choisi de laisser faire (au début) ont connu, avant de faire machine arrière. »
Pour l’épidémiologiste Catherine Hill, cette stratégie serait « catastrophique ». Interrogée par LCI, elle rappelle que « les jeunes ne vivent pas sur une planète isolée » et « interagissent avec des personnes plus âgées ». La spécialiste ne croit d’ailleurs pas à la théorie de l’immunité collective, qui nécessiterait selon elle « que les deux tiers de la population aient rencontré le virus. […] Très mauvaise idée, irréaliste ». « Je ne suis pas du tout d’accord avec le professeur Caumes et je me demande si on habite le même pays. Les jeunes travaillent avec des vieux, croisent des vieux tout le temps, ils ne vivent pas dans une bulle», affirme-t-elle sur RTL.
Robert Sebbag, infectiologue : « Ces gens peuvent contaminer des personnes à risque et c’est ce qui nous fait extrêmement peur », a-t-il prévenu sur BFMTV . Une inquiétude partagée sur la même chaîne par le Pr Bruno Mégarbane, chef du service réanimation de l’Hôpital Lariboisière, qui met aussi en doute le bien-fondé des théories sur l’immunité collective. « En Suède, où on a tablé sur la circulation spontanée du virus, rappelle-t-il. L’immunité n’est pas si élevée et le nombre de décès rapporté à la population suédoise est beaucoup plus important que dans d’autres pays européens ».
« Envoyer l’armée » ? Au moment où le Pr Caumes s’exprimait sur RTL le premier ministre, Jean Castex arrivait à Lille pour une visite de quelques heures destinée à faire un point sur la résurgence de l’épidémie dans la métropole, où le port du masque est désormais obligatoire dans certains lieux publics ouverts. Il était accompagné non pas de la ministre des Armées mais de celui de l’intérieur, Gérald Darmanin – ainsi que de Gabriel Attal, porte-parole du gouvernement. Nul ne sait si la proposition du Pr Caumes sera évoquée.
A demain @jynau