Overdose mortelle : l’ « Uber Eats » de l’héroïne sera-t-il reconnu comme coupable ?

Bonjour

15/09/2020. On connaît le cas où le responsable d’un débit de boissons alcooliques  est accusé d’avoir laissé trop boire un client en sachant qu’il se mettra bientôt à son volant. Doit-il être reconnu responsable, coupable, en cas d’accident de la circulation ?

C’est une question proche mais comme inversée qui est aujourd’hui soulevée à Besançon. Un jeune homme âgé de 23 ans a été mis en examen et écroué après avoir vendu de l’héroïne particulièrement pure à une femme de 48 ans décédée d’une overdose – annonce faite par le procureur de la République de Besançon.

Le suspect a été mis en examen pour «trafic de stupéfiants» et «homicide involontaire». Il «livrait à domicile entre 20 à 30 clients pas jours (…) une héroïne pure à 24 %, soit trois à quatre fois plus pure que ce qu’on trouve à Besançon», a expliqué le procureur, Etienne Manteaux, lors d’une conférence de presse. «C’était l’Uber Eats des stupéfiants, un phénomène qui monte», a-t-il ajouté. Unber Eats appréciera-t-il ? Engagera-t-il une action en justice ?

Déjà condamné pour trafic de stupéfiants, le jeune homme avait été interpellé par les enquêteurs de la sûreté départementale de Besançon qui ont saisi quelque 650 grammes d’héroïne, 182 grammes de cocaïne, quelques grammes d’ecstasy et 6.000 euros en numéraire. Un complice a également été interpellé et mis en examen pour «trafic de stupéfiants». Il a été placé sous contrôle judiciaire.

« Début novembre, une femme qui sortait d’une cure de désintoxication était décédée d’une overdose. L’amie qui se trouvait avec elle et qui avait prévenu les secours avait également été victime d’une overdose, mais avait survécu, rapporte l’AFP. Elles s’étaient faites livrer de l’héroïne à domicile pendant la soirée.

Les policiers de Besançon ont remonté leurs contacts téléphoniques. Ils ont «emmagasiné beaucoup de temps d’écoute» pour finalement identifier et interpeller «cet individu, qui n’aura plus la possibilité de fournir de la drogue à un très très grand nombre de clients», a relevé la commissaire Juliette Dupoux, cheffe de la sûreté départementale de Besançon. Jusqu’à quand ? Après l’action médicale et le travail policier, la justice devra se prononcer.

A demain @jynau

Faux certificats de virginité, gaz hilarants, stupéfiants : le nouveau plan du gouvernement

Bonjour

07/09/2020. L’heure politico-médiatique est donc à la « lutte contre l’insécurité ». Et deux membres du gouvernement s’y emploient à merveille. En témoigne un entretien fleuve donné au Parisien (Olivier Beaumont et Jean-Michel Décugis) par un tandem idéologiquement contre nature : le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin  et sa ministre déléguée à la Citoyenneté, Marlène Schiappa. Ce duo révèle les grandes lignes de la feuille de route qu’ils présenteront mercredi 9 septembre lors du séminaire gouvernemental de rentrée. Quelques extraits suffiront pour prendre la mesure et les limites de l’entreprise.

1 La lutte contre la drogue, priorité des priorités. « La lutte contre les stupéfiants doit être l’alpha et l’oméga de toutes nos interventions. A travers ce sujet, il y a la lutte contre le crime organisé, avec la traite des êtres humains et le financement du terrorisme, mais aussi une grande mesure de santé publique. Et, bien sûr, un lien avec la lutte contre l’insécurité du quotidien. Quand on voit qu’aujourd’hui un gamin de 14 ans peut gagner plus que son père en faisant le « chouf » (le guet), il ne faut pas s’étonner qu’il y ait une crise d’autorité dans notre pays.

« Il faut s’occuper de tous les trafics. Des gros réseaux jusqu’au bout de la chaîne, c’est-à-dire le consommateur. Il faut sanctionner tout le monde, y compris dans les beaux quartiers de Paris. Grâce à l’action de mon prédécesseur, nous avons tout de même saisi 34 tonnes de cannabis depuis le début de l’année, 6 tonnes de cocaïne. On doit pouvoir encore augmenter ces chiffres (…) Je n’ai pas l’esprit de capitulation. La drogue, c’est de la merde, ça finance le crime organisé, ça tue la vie de milliers de personnes et ça peut concerner toutes les familles de France. Le rôle d’un responsable politique, ce n’est pas d’accompagner tout doucement la mort d’une société.

2 L’interdiction des gaz hilarants. «  J’ai demandé à mon administration de me proposer des dispositions pour interdire purement et simplement l’utilisation des cartouches ou capsules de protoxyde d’azote. Je suis élu local, je sais que cela cause des nuisances et que cela pourrit le quotidien de nombreux Français.

3 Les certificats médicaux de virginité. « Nous allons aussi nous attaquer aux ‘’certificats de virginité’’. Certains médecins osent encore certifier qu’une femme est vierge pour permettre un mariage religieux, malgré la condamnation de ces pratiques par le Conseil de l’Ordre des médecins 1. On va non seulement l’interdire formellement, mais proposer la pénalisation. On va également mettre clairement dans la loi qu’aucun élu ne pourra prendre de dispositions pour favoriser l’inégalité entre les femmes et les hommes pour mettre en place des pratiques communautaires, comme réserver des horaires de piscine à un sexe plutôt qu’un autre.

4 « Ensauvagement » ? Oui, en dépit des interdits du Premier ministre, Gérald Darmanin continuera à employer ce terme. « Oui, je continue à penser qu’il y a des actes de sauvagerie, et un ensauvagement d’une partie de la société. J’ai mes propres mots, ma propre sensibilité, et j’utilise les mots de mes concitoyens de Tourcoing. Mais je respecte la sensibilité de chacun, et celle en particulier du garde des Sceaux. »

Or Eric Dupond-Moretti estime pourtant que c’est ici reprendre la sémantique du Rassemblement national… Marlène Schiappa : « Si Marine Le Pen dit que le ciel est bleu, je ne vais pas dire qu’il pleut pour me différencier (sic). Je ne fais pas de politique en fonction du RN, mais pour les gens. J’assume l’utilisation de ce terme d’ensauvagement, et personne ne peut me soupçonner d’appartenir à la droite dure. Je viens de la gauche républicaine. Marine Le Pen n’est pas notre boussole (re-sic). Tout notre combat au ministère de l’Intérieur est aussi d’empêcher sa progression. »

A quel prix ? Marlène Schiappa le sait-elle ? Si oui, elle ne le dit pas.

A demain @jynau

1 « Certificats de virginité » : ce que tout médecin se devrait de savoir quant au respect de l’intimité, Journalisme et santé publique, 3 mars 2019

Faux certificats de virginité, gaz hilarants, stupéfiants : le plan du gouvernement

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07/09/2020. L’heure politico-médiatique est donc à la « lutte contre l’insécurité ». Et deux membres du gouvernement s’y emploient à merveille. En témoigne un entretien fleuve donné au Parisien (Olivier Beaumont et Jean-Michel Décugis) par un tandem idéologiquement contre nature : le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin  et sa ministre déléguée à la Citoyenneté, Marlène Schiappa. Ce duo révèle les grandes lignes de la feuille de route qu’ils présenteront mercredi 9 septembre lors du séminaire gouvernemental de rentrée. Quelques extraits suffiront pour prendre la mesure et les limites de l’entreprise.

1 La lutte contre la drogue, priorité des priorités. « La lutte contre les stupéfiants doit être l’alpha et l’oméga de toutes nos interventions. A travers ce sujet, il y a la lutte contre le crime organisé, avec la traite des êtres humains et le financement du terrorisme, mais aussi une grande mesure de santé publique. Et, bien sûr, un lien avec la lutte contre l’insécurité du quotidien. Quand on voit qu’aujourd’hui un gamin de 14 ans peut gagner plus que son père en faisant le « chouf » (le guet), il ne faut pas s’étonner qu’il y ait une crise d’autorité dans notre pays.

« Il faut s’occuper de tous les trafics. Des gros réseaux jusqu’au bout de la chaîne, c’est-à-dire le consommateur. Il faut sanctionner tout le monde, y compris dans les beaux quartiers de Paris. Grâce à l’action de mon prédécesseur, nous avons tout de même saisi 34 tonnes de cannabis depuis le début de l’année, 6 tonnes de cocaïne. On doit pouvoir encore augmenter ces chiffres (…) Je n’ai pas l’esprit de capitulation. La drogue, c’est de la merde, ça finance le crime organisé, ça tue la vie de milliers de personnes et ça peut concerner toutes les familles de France. Le rôle d’un responsable politique, ce n’est pas d’accompagner tout doucement la mort d’une société.

2 L’interdiction des gaz hilarants. «  J’ai demandé à mon administration de me proposer des dispositions pour interdire purement et simplement l’utilisation des cartouches ou capsules de protoxyde d’azote. Je suis élu local, je sais que cela cause des nuisances et que cela pourrit le quotidien de nombreux Français.

3 Les certificats médicaux de virginité. « Nous allons aussi nous attaquer aux ‘’certificats de virginité’’. Certains médecins osent encore certifier qu’une femme est vierge pour permettre un mariage religieux, malgré la condamnation de ces pratiques par le Conseil de l’Ordre des médecins 1. On va non seulement l’interdire formellement, mais proposer la pénalisation. On va également mettre clairement dans la loi qu’aucun élu ne pourra prendre de dispositions pour favoriser l’inégalité entre les femmes et les hommes pour mettre en place des pratiques communautaires, comme réserver des horaires de piscine à un sexe plutôt qu’un autre.

4 « Ensauvagement » ? Oui, en dépit des interdits du Premier ministre, Gérald Darmanin continuera à employer ce terme. « Oui, je continue à penser qu’il y a des actes de sauvagerie, et un ensauvagement d’une partie de la société. J’ai mes propres mots, ma propre sensibilité, et j’utilise les mots de mes concitoyens de Tourcoing. Mais je respecte la sensibilité de chacun, et celle en particulier du garde des Sceaux. »

Or Eric Dupond-Moretti estime pourtant que c’est reprendre la sémantique du Rassemblement national… Marlène Schiappa : « Si Marine Le Pen dit que le ciel est bleu, je ne vais pas dire qu’il pleut pour me différencier (sic). Je ne fais pas de politique en fonction du RN, mais pour les gens. J’assume l’utilisation de ce terme d’ensauvagement, et personne ne peut me soupçonner d’appartenir à la droite dure. Je viens de la gauche républicaine. Marine Le Pen n’est pas notre boussole (re-sic). Tout notre combat au ministère de l’Intérieur est aussi d’empêcher sa progression. »

A quel prix ? Si elle le sait, Marlène Schiappa ne nous le dit pas.

A demain @jynau

1 « Certificats de virginité » : ce que tout médecin se devrait de savoir quant au respect de l’intimité, Journalisme et santé publique, 3 mars 2019

Le médecin aux mains d’or qui ne parvenait pas à comprendre ses pulsions sexuelles

Bonjour

06/09/2020. De la richesse de la presse quotidienne régionale. L’affaire vient d’être rapportée dans le détail par L’Indépendant (Laure Moysset). Celle d’un médecin des Pyrénées-Orientales reconnu coupable jeudi 3 septembre de harcèlement sexuel. Un médecin spécialiste en réadaptation fonctionnelle et père de trois enfants. Il passait en jugement devant le tribunal correctionnel de Perpignan pour des faits « d’atteinte et harcèlement sexuels » commis entre 2012 et 2017 – et ce sur sept femmes, infirmière, personnel médical mais aussi sur une patiente. Trois d’entre elles étaient présentes face à lui.

« Sept longues années de procédure à nier farouchement les accusations, raconte L’Indépendant. Et une poignée de secondes à la barre du tribunal hier – après le refus d’un huis clos exceptionnel demandé par son avocat pour préserver sa dignité- avant que ce médecin spécialiste en réadaptation fonctionnelle et père de trois enfants, change tout à coup de ligne de défense. L’homme, tenue classique en polo pâle et pantalon en toile, casier vierge, jette ses yeux noirs par-dessus ses lunettes rectangulaires. Demande à faire une déclaration, qu’il a préalablement consignée sur un bout de papier. Et, caché derrière son masque, reconnaît tout. Tout… ce que ces femmes avaient toujours maintenu. »

Où l’on apprend le harcèlement, durant des années ; les propos et comportements déplacés ; les caresses sur la hanche, le bras, le bas du dos, la main sur la cuisse ; les tentatives répétées pour embrasser sur la bouche les soignantes des établissements spécialisées où il travaillait, en les enlaçant, les bloquant dans l’ascenseur ou derrière une porte. « Il assume aussi l’agression d’une de ses patientes, précise L’Indépendant. Les commentaires humiliants sur son maquillage et sa prise de poids, sa proposition d’aller boire un verre à l’extérieur ou encore ces quelques mots dérangeants : ‘’toi un jour je t’aurai’’… »

« En contestant les faits, j’ai contesté ma propre intégrité »

Le médecin : « Je tiens sincèrement et profondément à m’excuser devant toutes les victimes présentes ou non, pour le mal que j’ai fait à cette époque. Je demande pardon. Je ne minimise pas mes responsabilités. Mais c’était la période la plus difficile de ma vie (…) J’ai aujourd’hui conscience de la nécessité de suivre une thérapie spéciale pour aller mieux. J’ai besoin d’être accompagné. Je n’agis pas avec calcul, ni préméditation. J’avais des pulsions que je n’arrivais pas à comprendre. Oui, j’en souffre encore mais j’essaye de les maîtriser de toutes mes forces. C’étaient des horreurs. J’étais très pervers. J’étais dans le déni. En contestant les faits, j’ai contesté ma propre intégrité ».

Des propos d’une particulière intensité mais nullement convaincants pour les avocats des trois victimes présentes – et moins encore pour le procureur : « Il est inadmissible de venir devant nous sans avoir mis en place de mesures de soins, à part des séances de yoga ou de méditation. En outre, ce sont des faits qui portent atteinte à l’image d’une profession car il rompt le lien de confiance ».

L’avocat de la défense évoque « un médecin aux mains d’or qui a commis des actes stupides ». Le tribunal s’en remet alors à l’Ordre des médecins mais, pour autant condamne : 18 mois de prison avec sursis probatoire, assorti d’une obligation de soins et d’indemniser les victimes. Sans oublier 20 000 € d’amende et l’inscription au fichier des délinquants sexuels. Et, conclut L’Indépendant, un message clair : « Réglez vos pulsions tout de suite. Cette décision ne vous donne plus le droit à aucune erreur ».

A demain @jynau

Etre pris avec de la drogue devient l’équivalent d’une contravention de stationnement

Bonjour

01/09/2020. C’est donc fait. « A compter de ce 1er septembre, toute personne surprise avec un joint au bec ou de la drogue dans les poches pourra se voir adresser une amende de 200 euros par voie postale ou électronique, si l’usager accepte la destruction de son produit, nous rappelle Libération (Charles Delouche). A la manière d’une amende de stationnement, la somme pourra être minorée à 150 euros si elle est payée dans les quinze jours. Mais pourra grimper jusqu’à 450 euros en cas de retard. Lancée dans certaines villes de France depuis la mi-juin, On parle ici d’amende forfaitaire délictuelle (AFD) doit s’appliquer à « toutes les drogues » mais qui vise en particulier les consommateurs de cannabis – un procédé testée depuis juin dans plusieurs villes, dont Reims, Créteil ou Rennes.

Surpris ? Fin juillet, lors d’un déplacement à Nice, le premier ministre, Jean Castex, avait annoncé sa généralisation à la rentrée afin d’aider les forces de l’ordre à « appliquer une sanction sans délai » et de lutter « contre les points de revente qui gangrènent les quartiers ». Dans les villes tests, au 26 août, 545 amendes avaient été infligées, dont 172 à Rennes, selon le procureur de la République de la ville, Philippe Astruc. Sur ces 172 verbalisations, « 166 portaient sur du cannabis et 7 sur de la cocaïne », a-t-il précisé dans un communiqué. « 70 % des avis d’infraction ont été transmis aux contrevenants dont 32 % se sont déjà acquittés du paiement de l’amende », a ajouté le procureur.

Et une fois de plus cette impasse que l’exécutif s’obstine à ne pas vouloir prendre en compte : en dépit d’une politique parmi les plus répressives d’Europe les Français demeurent les premiers consommateurs de cannabis et se placent au troisième rang pour la cocaïne. Ainsi, en août, le ministre de l’Intérieur, Gérard Darmanin, a promis que cette amende, qui sera appliquée « partout en France, dans les quartiers de Créteil comme dans le 16e arrondissement de Paris » (sic), est une « technique qui consiste à tuer tout trafic de drogue » (re-sic).

Rappel et commentaires : la loi de 1970, qui indique qu’un consommateur risque un an de prison et 3 750 euros d’amende, s’est donc vue agrémentée d’une possibilité de verbaliser directement sur la voie publique une personne surprise avec de la drogue. On est passée de la «tronçonneuse inutilisable» de la loi de 1970 à une «agrafeuse de masse» avec cette AFD estime fort justement, dans Libération, le Dr William Lowenstein, addictologue et président de SOS Addictions. «La répression contre le trafic de stupéfiants a sa place en France. Mais à condition qu’elle se fasse en même temps que le soin, la prévention et la réduction des risques, ajoute-t-il. Un pilier sécuritaire ne peut pas à lui seul corriger une politique de santé des addictions.» 

Pour le Dr Lowenstein, une idée efficace, «évoquée depuis quinze ans» pour lutter contre les problèmes d’addiction serait la création d’unités d’urgence en addictologie. «La prohibition seule ne peut pas avoir valeur de protection préventive ». Selon Jean Maxence Granier, également interrogé par Libé, président de l’association Asud (Auto support des usagers de drogues), cette AFD n’est que «la reconduite d’une politique de prohibition qui ne fonctionne pas depuis cinquante ans. La criminalisation de l’usage va à l’encontre de ce qu’il se passe dans le monde en matière de drogues».

Dès le 30 juillet, un collectif d’associations s’est formé en opposition à ce projet. Le Syndicat des avocats de France, la Ligue des droits de l’homme ainsi que des organismes spécialisés dans la santé tels que la Fédération Addiction ou Médecins du monde dénoncent une «promesse de fermeté illusoire» de la part du Premier ministre.

Rien n’y fait. Comme depuis des décennies, lee président de la République, le Premier ministre et le ministre de l’Intérieur n’écoutent pas les arguments des soignants. Et l’actuel ministre de la Santé, que l’on avait cru sensible à une politique de réduction des risques, se tait. Désespérer ?

A demain @jynau

Les annonces sanitaires du Premier ministre … et les suites de la rave party de Lozère

Bonjour

11/08/2020. Il y a le discours de l’exécutif. Et puis il y les faits. On peut, parfois, les rapprocher. Et s’étonner. Jean Castex, Premier ministre, en déplacement au CHU de Montpellier, vient de déplorer une « mauvaise nouvelle » sur le front sanitaire : la dégradation de la situation depuis deux semaines. Il a, dans le même temps, dévoilé quelques mesures visant à renforcer le contrôle de la progression de l’épidémie.

Le Premier ministre a donné l’instruction aux préfets « de se rapprocher des élus locaux pour étendre le plus possible l’obligation du port du masque dans les espaces publics ». « Il faut aller au-delà » des arrêtés existants dans plusieurs villes concernant cette obligation, a-t-il noté. Jean Castex a ensuite annoncé la prolongation, jusqu’au 30 octobre, de l’interdiction des événements de plus de 5 000 personnes (qui devait initialement expirer en septembre).

Pas très loin de Montpellier, la Lozère et sa désormais célèbre « rave party ». Au moment où s’exprimait le Premier ministre quelque 2500 personnes étaient toujours sur le site de cette manifestation géante (et interdite) qui a réuni depuis le 8 août plus de 10.000 personnes dans le massif des Cévennes.

Que fait l’exécutif ?  «La présence d’enfants en bas-âge, les conditions sanitaires précaires en lien avec la consommation d’alcool et de stupéfiants, et la diminution rapide du nombre de participants liée aux contrôles conduits par les forces de l’ordre, justifient pleinement à ce stade la décision des services de l’État de ne pas procéder à l’évacuation forcée du site» se défend la préfecture dans un communiqué.

L’évacuation forcée des raveurs-fêtards

La préfecture a dans le même temps dénoncé les actions de treize agriculteurs de la Coordination rurale de la Lozère ( un «syndicat minoritaire») qui ont bloqué plusieurs routes en réclamant l’évacuation forcée des raveurs-fêtards. Ces agriculteurs «ne sont pas concernés par l’occupation du site et ne sont mandatés ni par le propriétaire des lieux ni par la Chambre d’agriculture, qui se désolidarisent totalement de leur action», insiste la préfecture.

Les agriculteurs de la Coordination «ont menacé de bloquer l’autoroute A75 si une évacuation forcée du site …n’était pas immédiatement engagée», rappelle la préfecture. Empêchés de mener cette action, ils ont ensuite bloqué ou ralenti le trafic sur plusieurs routes avant «de se rassembler au centre» de Mende, «où ils ont fait du tapage à partir de 23H30», a regretté la préfecture.

«Il est regrettable que l’action des agriculteurs de la Coordination rurale ait détourné une partie des forces de l’ordre de la mission prioritaire qui leur est assignée sur le site du teknival» (sic), a-t-elle ajouté. On rappellera que le département de la Lozère, le moins peuplé de France, a jusqu’ici été le plus épargné depuis le début de la pandémie. Dix mille personnes… A Montpellier, le Premier ministre n’a pas commenté.

A demain @jynau

Plus de dix mille personnes à la rave party de la Lozère : que font la police et l’exécutif ?

Bonjour

11/08/2020. Pas de hasard sans humour : c’était à Hures-la-Parade (Lozère). Résumé édifiant de l’AFP : « Rave party en Lozère : entre 5000 et 7000 personnes encore sur place le 10 août dans la matinée. L’événement, interdit et illégal, est organisé depuis le 8 août sur un terrain agricole du parc national des Cévennes. » Où l’on en vient à se demander sur ce que fait – sur ce que peut faire – la police face à un tel phénomène. Et, au-delà, sur le regard porté sur un exécutif qui ne peut que laisser faire ce qu’il interdit.

«Deux escadrons de la gendarmerie mobile, soit 120 hommes, ainsi que 50 gendarmes départementaux se relaient sur place pour surveiller le site et éviter que les véhicules ne repartent pour des questions sanitaires, liées au risque de propagation du Covid-19, et aussi de sécurité routière», a indiqué la préfecture à l’AFP. «Beaucoup de personnes ne sont pas en état de conduire», a-t-elle ajouté.

Les gendarmes ont certes procédé à des verbalisations pour alcoolémie et usages de produits stupéfiants. Par ailleurs le rassemblement est situé sur un plateau calcaire, le Causse Méjean, traversé par des gorges, a rappelé la préfecture. Mais il était trop tard : le 8 août vers minuit, plusieurs centaines de véhicules avaient envahi ce terrain agricole sur la commune d’Hures-la-Parade pour installer une rave party géante 1.

Selon les agriculteurs, la mairie et les gendarmes interrogés par l’AFP, plus de 10.000 personnes étaient présentes le 9 août pour cet événement interdit et illégal (faut-il rappeler que les manifestations de plus de 5000 personnes sont toujours interdites en France en raison de l’épidémie de Covid-19 ?)

« Danser libre, quel que soit ton âge, ton genre, ton origine »

«Les Lozériens ont été très sérieux avec le Covid, ils ont respecté les gestes barrières et cette arrivée massive de gens qui ne respectent rien les a profondément choqués», a déclaré, impuissante, la préfète Valérie Hatsch. Seule initiative préventive : des gendarmes avaient barré (bien trop tard) les accès pour empêcher d’autres raveurs de rejoindre le site. De très jeunes enfants sont sur place, avait indiqué la préfète en évoquant le déploiement d’un poste médical avancé et la présence de la Croix-rouge. Magnanimes, les autorités ont distribué quantités de masques et de gel hydro-alcoolique aux raveurs… Ravé masqué et hydro-alcoolisé ?

Comprendre ? «  Free party dans les Cévennes par temps de Covid: ‘’La fête avant nos vies’’ résume Libération (Grégoire Souchay) :

« L’idée d’une grande free party dans le sud se murmurait depuis des semaines. Samedi 8 août, hors réseaux sociaux, c’est un unique point GPS qui circule dans la soirée et dès 23 heures des centaines de camionnettes suivies de la sono débarquent dans un creux de vallon près du hameau de Drigas, commune d’Hures-la-Parade (Lozère), au milieu du causse Méjean. Près de 5 000 personnes vivaient encore ce lundi ‘’la teuf de l’année’’. (…)

« Sur place, Esther s’enthousiasme ainsi de vivre ce ‘’un formidable espace de liberté’’. Le principe des free partys est toujours celui de l’autonomie et de l’autogestion. Chacun fait ce qu’il veut, ‘’dans un esprit de tolérance’’ avec pour seul but de ‘’danser libre, quel que soit ton âge, ton genre, ton origine’’, rappelle la pancarte à proximité des stands de prévention. Libre aussi de consommer les produits qu’il veut, mais avec le matériel mis à disposition pour ‘’limiter les risques’’. »

C’est précisément l’épidémie qui pour les raveurs, justifient  «un gros lâchage», au moment où les clubs et discothèques restent désespérément fermés. Corollaire de cette liberté, le milieu ne vit que dans le respect strict de l’anonymat et du secret. Silence radio donc du côté des initiateurs.  Et colère des éleveurs et des agriculteurs devant les dégradations de leur sol et de l’environnement. Qui paiera ? Que peut la police ? Que fait l’exécutif ? Où sont les épidémiologistes ?

A demain @jynau

1 Une rave party, ou simplement rave, est un rassemblement autour de la musique électronique underground, habituellement organisé en pleine nature, ou dans des lieux déserts (entrepôt désaffecté, usines abandonnées, etc.). Les bases idéologiques de ces rassemblements sont un refus des valeurs mercantiles du système et la recherche de la transcendance au travers de la musique. Une rave party est organisée par un sound system,  collectif d’artistes (musicaux ou visuels), de techniciens, de DJs, et de décorateurs. Ce collectif recherche dans un premier temps le lieu idéal pour organiser l’événement, et une fois ce lieu établi, il en fait circuler les coordonnées, puis installe la logistique nécessaire au bon fonctionnement du son ainsi que les décorations et lumières.

Le cannabis à 150 euros : réquisitoire contre les mesures et la «posture» du gouvernement

Bonjour

28/07/2020. C’est peu dire que la majorité des soignants professionnels spécialisés en addictologie n’ont pas apprécié l’annonce par le premier ministre de la généralisation de l’amende forfaitaire à 200 euros pour les usagers de drogues illicites. Une mesure présentée comme « sécuritaire »….  A peine évoquée par le futur président de la République cette mesure avait  été très largement critiquée par les spécialistes  pour son incohérence et sa très probable inefficacité. Puis vinrent l’heure des auditions au Parlement. « Ces auditions se sont avérées être une consultation de façade puisque le projet présidentiel est resté identique » regrette aujourd’hui, amèrement, l’Association nationale de prévention en alcoologie et en addictologie (ANPAA).

Et de dénonce le fond, la forme et la méthode. « Alors qu’une expérimentation était en cours depuis peu à Marseille, Lille, Reims, Rennes et Créteil, le Premier ministre a décidé la généralisation à l’ensemble du territoire national sans attendre l’évaluation de cette expérimentation, dont nous ne connaitrons jamais les résultats ni les modalités de cadrage local » observe l’ANPAA.

Elle ajoute que l’amende forfaitaire a pour objectif initial d’alléger la charge de travail des policiers et gendarmes, alors même que Jean Castex annonce une intensification des contrôles. « Le Premier ministre considère que l’efficacité de cette politique dépend de la certitude de la sanction pour les contrevenants. Or aujourd’hui, les contrôles ne concernent qu’une faible proportion des consommateurs (175 000 selon l’OFDT en 2016) alors que les consommateurs réguliers sont estimés à 1,2 millions sans parler des consommateurs occasionnels (près de 5 millions). On voit mal comment la certitude de la sanction pourrait se concrétiser sans une mobilisation considérable des forces de police alors que l’objectif est d’alléger leur charge de travail en ce domaine. »

« Seule une légalisation encadrée du cannabis …. »

Comment le Premier ministre peut-il présenter cette mesure comme un moyen de lutter contre l’insécurité alors même que la prohibition est à la racine de l’économie souterraine et de l’enrichissement des réseaux mafieux ? Pourquoi développer une politique en apparence répressive alors que la logique sanitaire voudrait avant tout un effort accru de prévention – une prévention dont le candidat Emmanuel Macron avait fait l’une de ses priorités. Et ce réquisitoire de l’ANPAA :

« Mais c’est surtout la philosophie politique de la mesure qui parait de plus en plus anachronique. Alors que le constat de l’échec de la guerre à la drogue fait désormais consensus, que nous avons la politique la plus répressive d’Europe et que se multiplient les appels à dépénaliser l’usage de stupéfiants et réformer la politique des drogues, le gouvernement persiste dans une logique qui a démontré son absurdité.

« Traiter le problème de manière cohérente supposerait un courage politique qui aborderait les drogues de manière universelle, en particulier pour les plus consommées qu’elles soient légales (tabac, alcool) ou illégales (cannabis). Seule une légalisation encadrée du cannabis peut permettre une prévention cohérente, et un assèchement des réseaux mafieux qui en vivent et qui enferment des cités dans des ghettos de pauvreté. Ce courage pourrait trouver des arguments dans un grand débat citoyen sur le modèle de la convention pour le climat. »

« Mais le nouveau gouvernement démontre que l’heure n’est pas à l’ambition, ni au débat transparent sur des sujets difficiles, pas plus qu’à la recherche de solutions efficaces à un problème sociétal chronique. C’est pourquoi il faudra se contenter jusqu’aux présidentielles de postures et de coups de menton. »

On connaît les coups de menton en politique. Mais quelles différences entre « posture » 1 et « imposture » 2 ?  

A demain @jynau

1 « Attitude, position du corps, volontaire ou non, qui se remarque, soit par ce qu’elle a d’inhabituel, ou de peu naturel, de particulier à une personne ou à un groupe, soit par la volonté de l’exprimer avec insistance ».

2 « Acte, parole qui tend à tromper autrui dans le but d’en tirer profit ».

Un géant de Big Tobacco accuse Olivier Véran de ne pas faire appliquer la loi sur le tabac

Bonjour

28/07/2020. Publicitaire et commerciale l’affaire n’en est pas moins à la fois troublante et cocasse. On sait que depuis le 20 mai 2020, les cigarettes mentholées sont interdites à la vente au sein de l’Union européenne. Pour autant il est établi que certains fabricants continuent de mettre sur le marché des produits de tabac contenant du menthol. Or on apprend aujourd’hui que le géant British American Tobacco (BAT) 1 demande au ministère de la Santé de se prononcer rapidement sur la légalité de la présence d’arôme caractérisant dans ces cigarettes.

« Deux mois après l’interdiction du menthol, 62% des anciens fumeurs de menthol consomment toujours du tabac et 12,5 % se sont tournés vers de nouvelles cigarettes contenant encore du menthol sous forme résiduelle  : les références Camel Shift Fresh et Winston Xsphere Fresh, commercialisées par Japan Tobacco International (JTI) » dénonce BAT.

À la suite du lancement de ces nouvelles références, et face à la suspicion d’arôme caractérisant mentholé, BAT explique « avoir réalisé une étude sensorielle sur ces nouveaux produits en interne et par un institut français spécialisé ». « Il en ressort que le panel de fumeurs a significativement identifié la caractéristique « mentholée » de ces produits et ce de manière spontanée » ajoute le géant.

La présence de ces cigarettes mentholées sur le territoire interpelle

Pascal Marbois, Directeur des Affaires Publiques de BAT : « La présence de ces cigarettes mentholées sur le territoire interpelle, deux mois seulement après l’entrée en vigueur de l’interdiction. La France doit assumer son statut de leader européen en matière de lutte contre le tabagisme (sic). D’autres pays comme l’Autriche et le Danemark ont déjà réagi avec plus de célérité ».

BAT nous apprend aussi que le 15 juin 2020, une enquête a été ouverte par les pouvoirs publics français pour étudier ces références, mesurer le niveau de menthol et déterminer leur légalité. L’ensemble des acteurs du secteur attendent toujours les résultats. Ailleurs en Europe, la situation a été prise en charge rapidement. En Autriche et au Danemark par exemple, les Ministères de la Santé et les autorités exécutives respectives se sont penchés sur la légalité de ces produits et ont demandé au fabricant des observations dans un délai imparti.

Or en France, malgré l’ouverture de l’enquête depuis un mois et demi, le Ministère de la Santé ne s’est pas encore prononcé sur ce sujet. On ajoutera que BAT se fait fort de ne pas commercialiser de cigarettes à « l’arôme caractérisant mentholé », le géant préférant « accompagner les anciens fumeurs de menthol vers des produits à risques potentiellement réduits comme le vapotage ». Sans doute est-ce ici qu’il convient d’applaudir.

A demain @jynau

1 British American Tobacco (BAT) se présente ainsi : entreprise fondée en 1902, est la seconde plus grande entreprise de tabac manufacturé au monde en parts de marché. Ses marques sont vendues dans plus de 200 pays. Sa filiale française, British American Tobacco France emploie près de 250 collaborateurs à travers le pays. Son activité comprend le soutien commercial, la vente et la distribution des produits du tabac du Groupe BAT sur le territoire national ainsi que ses gammes innovantes de produits de vapotage à travers la marque Vype

« Cannabis ? 150 euros et vous êtes libre… ! » : la France aux antipodes de la légalisation

Bonjour

27/07/2020. « La France confirme qu’elle est un vieux pays répressif dans un vieux continent qui, lui ose en légalisant. Vive l’Europe ! » C’est le commentaire du Dr William Lowenstein, président de SOS Addictions à l’annonce de Jean Castex relative au cannabis . Une annonce faite par le Premier ministre lors d’un déplacement à Nice, samedi 25 juillet, avec les ministres de l’intérieur et de la justice.

Il a notamment annoncé, dans le cadre de « la sécurité » la généralisation « dès la rentrée » des amendes forfaitaires pour consommation de drogue. Une mesure qui doit permettre, selon lui, de « lutter contre les points de vente qui gangrènent les quartiers ». Pour un peu les délinquants souriraient. Sans parler des usagers.

Cette procédure (une amende forfaitaire de 200 euros) s’applique « à toutes les drogues » mais vise d’abord les usagers de cannabis. On court-circuite ici une justice devenue trop occupée à d’autres priorités. Mais dans le même temps, fort étrangement, le Premier ministre a eu ce mot : « La justice a trop longtemps été délaissée », a souligné M. Castex, citant le philosophe criminaliste du XVIIIe siècle Cesare Beccaria : « l’important dans une peine, ce n’est pas sa sévérité, mais sa certitude », or « l’Etat, faute de moyens suffisants, a laissé s’installer l’incertitude ».

Déjà, Gérard Collomb

« Généralisation de la forfaitisation des délits de stupéfiants ». Une vieille histoire déjà, annoncée en 2018 par Gérard Collomb, alors ministre de l’Intérieur et qui n’imaginait pas ce que serait la suite de son parcours politique. Le projet est déjà testé. En mars 2019, un article du Code de procédure pénale a concrétisé la volonté gouvernementale et ouvert la voie à l’expérimentation de la mesure dans plusieurs villes françaises. Le site de Gendinfo (magazine de la gendarmerie nationale) précise que le dispositif est expérimenté cet été en deux temps, pendant « une durée moyenne de deux mois ». La première phase est terminée, tandis que la seconde concerne depuis le 16 juillet « toutes les unités de la gendarmerie du ressort des tribunaux judiciaires de Marseille, Rennes, Reims, Lille » et le groupement de gendarmerie départemental d’Ille-et-Vilaine. Le projet sera donc ensuite généralisé dès la rentrée, comme l’a annoncé le Premier ministre samedi.

Cette mesure, explique franceinfo  consiste à sanctionner d’une amende forfaitaire et systématique l’usage de drogue, en cas de flagrant délit. L’objectif est de punir immédiatement les consommateurs âgés de plus de 18 ans. L’amende de 200 euros est payable sous 45 jours, afin d’éviter des procédures judiciaires longues et à l’issue hypothétique. Si elle est réglée sous quinze jours, elle est minorée à 150 €. Au-delà de 45 jours, elle est majorée à 450 €. 

Près d’un million d’usagers quotidiens…

Mieux : « Le paiement de l’amende met fin aux poursuites judiciaires », précise le gouvernement. Un dispositif forfaitaire existe déjà pour les délits de conduite : volant et psychotropes illégaux, même combat ? Faudrait-il rappeler que la France compte 900 000 usagers quotidiens de cannabis selon les autorités ? Comment imaginer qu’autant de consommateurs seront dissuadés du fait des amendes immédiates ?

Officiellement, en sanctionnant la possession et la consommation de drogue de manière systématique et immédiate, le gouvernement explique lutter contre la lenteur de la chaîne pénale et s’assurer que des « sanctions » soient appliquées. Toujours officiellement la consommation de stupéfiants est en France un délit passible d’un an de prison et de 3 750 euros d’amende. Or si environ 140 000 personnes chaque année sont interpellées pour usage de stupéfiants, la justice a prononcé, en 2015,  moins de 40 000 condamnations, parmi lesquelles ne figurent qu’environ 3000 peines de prison.

Par ailleurs, en vingt ans (de 1990 à 2010), le nombre de personnes interpellées pour usage simple de cannabis a été multiplié par sept tandis que le nombre de celles mises en cause pour trafic a été quasiment divisé par deux …. C’est tout dire de la réalité.

Attention : l’objectif affiché n’est pas celui de « dépénaliser la consommation de stupéfiants », nullement, mais bien de la pénaliser plus efficacement. « L’amende forfaitaire n’exclut pas pour autant des poursuites judiciaires. Ainsi, le consommateur pourra être traduit en justice, par exemple en cas de récidive ou s’il est un trafiquant ou producteur présumé » précise franceinfo. Pour autant comment se satisfaire d’une telle distorsion entre la loi et la pratique, d’un tel laisser-aller thérapeutique ?

Des effets catastrophiques et contre-productifs en termes de santé publique

En mars 2019, de nombreuses associations 1 publiaient une tribune où elles expliquaient redouter qu’en automatisant « la répression de l’usage de drogues », le gouvernement n’aille « à l’encontre de la logique de prévention, de réduction des risques et de prise en charge qui devrait prévaloir ».

« Nous réitérons que cette nouvelle disposition aura des effets catastrophiques et contre-productifs en termes de santé publique et de dommages sociaux et réaffirmons que le cadre pénal actuel n’est pas à la hauteur des enjeux posés par la consommation de drogues. Il est nécessaire d’en changer et de prôner une nouvelle politique publique visant une véritable régulation de l’usage de drogues et davantage de prévention et de réductions des risques. »

On peut le dire autrement : « La France confirme qu’elle est un vieux pays répressif dans un vieux continent qui, lui ose en légalisant. Vive l’Europe ! »

A demain @jynau

1 Quinze organisations représentent la société civile française dans sa diversité (policiers, avocats, magistrats, usagers, consommateurs, citoyens, médecins, professionnels du secteur médico-social, acteurs communautaires) : AIDES ; ASUD (Autosupport des usagers de drogues) ; CIRC (Collectif d’information et de recherche cannabique) ; Fédération Addiction ; Ligue des droits de l’Homme ; Médecins du Monde ; NORML France ; OIP (Observatoire international des prisons) – Section française ; collectif Police Contre la Prohibition ; Principes Actifs ; Psychoactif ; SAFE ; SOS Addictions ; Syndicat de la Magistrature ; Syndicat SUD-Intérieur – Union syndicale Solidaires.