Les amphétamines de Bernard-Henri Lévy et les injections sanguines de la star Neymar

Bonjour

Du pain et des bleus. « 19-24 Désespérant » titre justement L’Equipe au lendemain d’un match catastrophe du XV de France cintre le XV de Galles. Où l’on pressent que le jeu de rugby, à l’échelon français, est une éponge du moral national. Et sans jamais pouvoir le démontrer on pourrait soutenir l’hypothèse que les violences inhérentes aux Gilets Jaunes ne sont pas étrangères aux malheurs des Bleus. Un vrai chef vous manque, et c’est le désespoir.

Nous avions laissé  Neymar da Silva Santos Júnior, 26 ans, souffrant d’une « élongation des adducteurs droits ». C’était en novembre. Nous voici en février, le gracile génie est à nouveau blessé. L’Equipe nous apprend que l’homme vient de faire un aller-retour en urgence à Barcelone. Là il a « reçu une injection de plasma riche en plaquettes (PRP) par leDr Ramón Cugat Bertomeu, chirurgien orthopédiste et spécialiste international de cette pratique régénératrice».

Traitement des tendinopathies chroniques

Chacun sait que Neymar s’est blessé contre Strasbourg (2-0) en Coupe de France, le 23 janvier. La star brésilienne salariée par le Qatar à Paris « souffre d’une pseudarthrose, c’est-à-dire un défaut de consolidation de la fracture du cinquième métatarsien du pied droit opéré en pars dernier par Rodrigo Lasmar, le médecin de la sélection brésilienne ». Pas d’intervention, cette fois, mais « un traitement conservateur à base de kiné, de magnétothérapie et d’injection de PRP ».

User ou pas du PRP ? On lit ceci dans la précieuse Revue Médicale Suisse, sous la signature de Jean-Luc Ziltener, Maxime Grosclaude et Lara Allet (Service d’orthopédie et traumatologie de l’appareil moteur, Hôpitaux Universitaires de Genève).

« Les tendinopathies chroniques chez le sportif sont fréquentes et pour certaines difficiles à traiter. La guérison et la régénération tendineuse sont sous le contrôle, entre autres, de nombreux facteurs de croissance. Il est actuellement possible de concentrer quelques facteurs de croissance autologues dans une fraction plasmatique du sang prélevé chez un sujet (plasma riche en plaquettes – PRP), et de la réinjecter au site lésionnel. La recherche de base et animale paraît plutôt prometteuse. Néanmoins, en clinique, le nombre d’études scientifiquement acceptables dans cette indication est faible. Actuellement, il n’est ainsi pas possible de recommander formellement ce type d’injections sanguines pour le traitement des tendinopathies chroniques chez l’homme. »

Passer chez Ruquier ou descendre une piste noire ?

L’Equipe, toujours (supplément papier glacé) et un « auto-portrait » glaçant (propos recueills par Estelle Lenartowicz – photo Roberto Frankenberg) de « Bernard-Henri Lévy, 70 ans, écrivain ». Où l’on en apprend un peu plus encore sur ses centaines de chemises toujours portées sans cravate (peur d’étouffer, « vieux truc d’enfant asthmatique ») ; sur ses modalités d’écriture dans une piscine (magnétophone, brasse papillon, un peu de dos crawlé) ; sur sa pratique, jeune, des sports de combat (judo, ju-jitsu, bâton japonais) ; sur le ski (« Passer chez Ruquier, c’est comme descendre une piste noire à ski » – sic).

Sans oublier le dopage aux amphétamines 2 :

« Jusqu’à il y a quinze ans, il m’est arrivé de me doper. Pour rendre plus pertinente cette partie du corps qu’est mon cerveau. Sous amphétamines, on se sent invincible, extralucide, invulnérable. Je ne regrette pas cette époque mais elle est derrière mois. Aujourd’hui j’ai besoin de bouger, de brûler mon énergie, de respirer. Je nage ».

Et L’Equipe de compléter : « 0 cigarette depuis trente ans après avoir fumé 5 paquets par jour. Au théâtre Antoine à Paris, le 20 mai, dans sa pièce ‘’Looking for Europe’’ ».

A demain

@jynau

1 Traitement des tendinopathies chroniques : intérêt des injections de plasma riche en plaquettes (PRP) Rev Med Suisse 2011; volume 7. 1533-1537

2 Dans Le Figaro daté du 3 juillet 2014 (Emilie Geffray), en réponse à la question de savoir s’il avait été gêné des  révélations sur France 2  (par sa femme Arielle Dombasle) de ses prise de « psychotropes » Bernard-Henri Lévy répondait : « Il y a une vraie tradition, vous savez, des écrivains consommateurs de substances. Artaud et le peyotl, Henri Michaux, Baudelaire et Théophile Gautier. À quoi sert un corps, pour un écrivain, sinon à produire le maximum de texte possible? Et de la meilleure qualité? Les amphétamines, parfois, m’y ont aidé. »

 

Les Gros Pardessus, ou la descente aux enfers programmée des joueurs de rugby français 

Bonjour

Hier L’Equipe résumait en deux mots l’objectif de la saison rugbystique 2018-2019 : préserver « l’intégrité physique » (sic). Message repris à l’envi, ruissellement de bonnes intentions officielles insufflées aux arbitres et claironnées aux entraîneurs. Du vent, en somme. Une manière pour les Gros Pardessus de se protéger : il en va de l’avenir du sport sur lequel ils prospèrent et qui, pour l’heure engrange de substantielles recettes. Tout fait ventre en Ovalie. Jusqu’à quand ?

« Intégrité physique ». Il faut voir là une conséquence du décès, le 10 août dernier de Louis Fajfrowski, 21 ans joueur d’Aurillac, disparu après un match amical. Conséquenc paradoxale puisque rien n’est encore établi quant au lien de causalité entre sa mort et le placage magistral qui l’a précédée. Mais conséquence éclairante quant au malalaise qui gagne au vu de la violence croissante qui, désormais, caractérise un jeu qui semble n’avoir jamais connu les grâces de la légèreté. Pour la première journée du Top 14, samedi 25 et dimanche 26 août, une minute d’applaudissements précédera chaque match. Applaudir ? « Une forme d’hommage » dit-on. Et ensuite ?

Applaudir ? La vérité est que rien n’est prévu pour agir en amont des fameuses « commotions cérébrales » qui commencent à terroriser les joueurs. Rien et surtout pas une refonte radicale du règlement concernant les placages – aucun ne devrait plus être autorisé au dessus de la ceinture abdominale. Aucune mesure, non plus, pour réduire les violences inhérentes aux invraisemblables déblayages. Aucune amorce, en somme, d’une prise de conscience de la nécessité d’une politique de réduction des risques. Aucune anticipation quant au fait que cette dernière, loin de lui nuire, ajouterait à la beauté du spectacle.

On entend déjà les plus férus des Gros Pardessus réciter leur rugby. Et de citer, comme pour s’exonérer, la mort de l’Agenais Michel Pradié, 18 ans, des suites d’un placage en 1930. « Mais le drame actuel s’inscrit dans l’évolution du rugby, où les professionnels courent de plus en plus vite, tapent de plus en plus fort, façonnés au rythme de leurs séances de musculation, rapporte Le Monde.  Il y a un mois, l’un des meilleurs joueurs au monde lançait déjà l’alerte sur ce rugby moderne : le capitaine gallois Sam Warburton a préféré prendre sa retraite dès l’âge de 29 ans. « Une décision devenue évidente » à force d’endurer blessures et opérations, selon l’homme de Cardiff, qui désire maintenant préserver ‘’sa santé’’ et ‘’son bien-être’’ ».

Nimier, Lalanne, Lacouture, Georges, Cormier, Blondin …

Et puis ce courage de Jefferson Poirot (Union Bordeaux-Bègles, XV de France) : « Pour être honnête, je ne suis pas totalement sûr de vouloir que mon fils de 9 mois fasse du rugby… ». Ce pilier ose avouer qu’il attend « des mesures pour améliorer les choses » : « Cette question de la santé des joueurs, on doit se la poser toute l’année ». Comme dans un métier. Sauf à imaginer, sous son pardesssus, que le spectacle passe avant la santé. Et que l’argent des retransmissions télévisées prime tout. Jefferson Poirot :

 « A la télé, on voit le ralenti d’un gros choc trois ou quatre fois, alors qu’un cadrage-débordement, ça peut être bien plus efficaceMon fils, s’il fait du rugby, je l’encouragerai à pratiquer ce rugby d’évitement qu’on ne voit plus assez. »

Rien de plus beau que l’absurde beauté de la mêlée quand elle porte en gestation l’intelligence à venir de l’évitement-cadrage-débordement.  Rien de plus suave qu’une entreprise de déménageurs qui permettra, demain, d’entendre pianoter sur l’ensemble de la gamme. A condition que personne ne meure dans l’affaire. Une affaire qui, égoïsme bien compris, concerne aussi l’écriture et le journalisme. Pour ne citer qu’eux:  Denis Lalanne, Jean Lacouture, Pierre Georges et Jean Cormier.

Roger Nimier (Arts, 13 avril 1960), rapportant un France-Irlande joué à Colombes « où un public de hasard, groupé sur un stade misérable, vient se livrer à son sport favori, le chauvinisme » :

« L’homme naît mauvais, la société le déprave, mais le rugby le sanctifie. Aussi un paradis toujours verdoyant attend-il les âmes de Cahors, de Pau, de Cork, de Brive, d’Edimbourg ou de Lourdes. C’est pourquoi -il est intéressant de le savoir- un joueur de rugby ne meurt pas. A la touche, il saute directement au ciel. A moins qu’il ne soit directement talonné par saint Pierre, qui recueille le bon et le mauvais de nos mêlées humaines et sauve tout ce qu’il peut des ballons – souvent ingrats – que nous lui fournissons ».

Applaudissements.

A demain

Nimier R. « Variétés » Arléa éditions (mars 1999)

« Maladie de Lyme » : l’étrange voyage dans la forêt sans tiques des faux diagnostics

 

Bonjour

C’est confidentiel: on en saura plus, dans quelques jours, sur la maladie de Lyme, sa prévalence, ses impasses diagnostiques et thérapeutiques. Ses polémiques. Dans l’attente de données officielles il faut aujourd’hui compter avec celles présentées dans le cadre des « 19e Journées nationales de l’infectiologie » organisées à Nantes du 13 au 15 juin. Le Pr Éric Caumes devait y présenter les résultats d’une étude qu’il a menée dans sa consultation (groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière). Des résultats rapportés en avant-première par Le Quotidien du Médecin (Fabienne Rigal)et qui ne seront guère de nature à apaiser les esprits enfiévrés.

L’étude a porté sur 301 patients, ayant consulté entre le 1er janvier 2014 et le 31 décembre 2017, pour une borréliose de Lyme « supposée », au département des maladies infectieuses et tropicales de la Pitié-Salpêtrière. 301 patients dont183 femmes – âge médian de 50 ans. Explications du Pr Caumes au Quotidien :

 « Nous avons retenu quatre critères diagnostiques pour définir une borréliose de Lyme. D’abord, un critère épidémiologique : l’exposition aux tiques, critère volontairement large et inclusif, qui concernait 91 % de nos patients (seulement 54 % avaient avec certitude été mordus). Puis un critère clinique caractéristique (présence de signes cliniques de type arthrite, érythème migrant, méningoradiculite…). Ensuite un critère sérologique : nous avons pour celui-ci retenu un test ELISA (qui n’est pas très exigeant et entraîne de nombreux faux positifs) ou un Western Blot, à 3 bandes (là où les Américains en demandent 5, mais il n’y a pas de consensus scientifique à ce sujet). Enfin, nous avons pris en compte la réaction du patient au traitement, en vérifiant s’il était ou non répondeur à une antibiothérapie. »

Parmi les 301 patients, 78 n’avaient pas reçu de traitement avant la consultation, et le diagnostic était en fait très clair. Pr Caumes :

« J’ai ainsi reçu une patiente présentant tous les symptômes d’une maladie de Parkinson, que j’ai envoyée chez un neurologue qui a confirmé le diagnostic ; ou encore une autre qui souffrait d’un syndrome de stress post-traumatique, réactivé à l’occasion d’un voyage dans son pays d’origine, où elle avait subi des violences graves étant enfant. »

Ne rien dire de plus

Pour 72 autres patients (qui n’avaient pas reçu de traitement) le diagnostic n’était pas clair. Par ailleurs, 135 avaient été « surtraités » (traitements antibiotiques trop longs) et 16 « sous-traités ». Les 72 patients non traités et les 16 sous-traités ont reçu un traitement antibiotique prescrit par le Pr Caumes (à base de doxycycline ou de ceftriaxone), et sur ces 88 patients, 46 n’ont pas été améliorés et 42 l’ont été.

 « Nous parvenons à 9,6 % de Lyme certain (dont quelques-uns n’avaient en effet pas été diagnostiqués précédemment, avec par exemple une arthrite de Lyme typique à côté de laquelle rhumato et infectio étaient passés) et 2,6 % de Lyme possible. 

« Pour les autres, nous sommes parvenus à un diagnostic de maladie relevant de la médecine générale ou de troubles psychologiques (dépression, syndrome de stress post-traumatique, épuisement professionnel, harcèlement moral ou sexuel…) pour 30,8 % ; de troubles musculo-squelettiques et rhumato (polyarthrite rhumatoïde, spondylarthrite ankylosante, arthrose diffuse, scoliose…) pour 20,5 % ; de la neurologie (sclérose en plaques, Parkinson, sclérose latérale amyotrophique…) pour 14,4 % ; d’autres pathologies (dont l’apnée du sommeil) pour 19,3 % ; et de polypathologies (par exemple de l’arthrose doublée d’une névralgie cervico-brachiale, ou d’une sciatique).

« Aucun diagnostic n’a pu être porté pour une vingtaine de patients. Quelques maladies systématiques (lupus, maladie de Horton…) ont aussi été observées. »

Que  dire de plus ? Rien. C’est précisément ce que fait Le Quotidien du Médecin

 

A demain

Marché du genou : Marisol Touraine fera-t-elle un geste pour les solutions visco-élastiques ?

 

Bonjour

Ce sont des entreprises qui pleurent. Elles commercialisent des « solutions injectables et  visco-élastiques d’acide hyaluronique  ». Objectif : soigner les personnes qui souffrent d’arthrose du genou.  Ne pas les guérir bien sûr. Mais les prendre en charge, un petit geste.  Et ceux qui souffrent de gonarthrose savent ce que peut représenter ce geste.

En 2005 on doutait déjà de l’efficacité de ces solutions. Ces entreprises avaient déjà lancé une alerte en 2013. Elles s’adressent aujourd’hui à la presse. Nous sommes en septembre et elles déplorent une décision prise en plein été – une décision dont elles ont été informées par un simple et double courrier de la Direction de la Sécurité Sociale et de la Direction Générale de la Santé.

Fin des filets de sécurité

Le courrier était daté d’août  et on ne leur laissait que trente jours  pour réagir. Sinon : déremboursement total. Fin des filets de sécurité. Plus de rentes. Surtout ne pas épiloguer sur la forme employée. Mais bien dénoncer le fond : l’absence de prise en compte des résultats des études cliniques qui aurait été menées sur cet acide hyaluronique. Des études cliniques « dont la Commission Nationale d’Evaluation des Dispositifs Médicaux et des Technologies de Santé  avait validé la méthodologie ».

Parlons clair, parlons chiffres, parlons « déremboursement » :

« L’arthrose du genou est la première cause d’incapacité chronique dans les pays développés. Elle concerne 1,5 millions de personnes en France, en majorité de plus de 60 ans, parmi lesquelles plus de 500 000 reçoivent une à trois injections par an d’acide hyaluronique.

« Dérembourser totalement les dispositifs visés contraindrait des centaines de milliers de personnes à payer de leur poche un dispositif médical qui conditionne leur capacité à mener une vie normale : ne pas souffrir, se déplacer, travailler… 

 « La ‘’visco-supplémentation’’ est le seul traitement spécifique non chirurgical de l’arthrose du genou actuellement remboursé. Il n’est prescrit qu’après échec des médicaments contre la douleur et des anti-inflammatoires. Il aide à reconstituer le liquide synovial dans lequel baigne le cartilage de l’articulation. Il vise ainsi à réduire les symptômes douloureux de l’arthrose et à prévenir son aggravation. »

Marché du genou

Pire :   le déremboursement de ces traitements de l’arthrose aura pour effet non seulement de pénaliser l’accès aux soins, mais risque également d’entraîner un report des patients vers des prises en charge plus coûteuses, au premier rang desquelles la chirurgie réparatrice.Où l’on comprend ce qu’il en est de l’équilibre du marché du genou.

 Ce sont des entreprises qui pleurent dans le désert : elles supplient Marisol Touraine, ministre de la Santé, de renoncer au déremboursement total et définitif des solutions visco-élastiques d’acide hyaluronique. La ministre les entendra-t-elle ? La France est-elle encore un pays riche ?

A demain