Bonjour
Tout dire ou se taire ? Comment « communiquer » face à une tragédie, un drame, une faute ? Quels rôles peuvent jouer les (peut-on faire jouer aux) médias ? Quelles leçons collectives en tirer ? Nous nous bornerons, ici, à rapporter les éléments disponibles sur une affaire médiatiquement datée du 25 juillet.
1 Les éléments de France 2, repris par France Info. « ENQUÊTE FRANCE 2. Une erreur humaine à l’origine de la mort d’un enfant à l’institut Gustave-Roussy, le plus grand centre anti-cancer d’Europe. Des médecins pointent des dysfonctionnements à répétition et des surdosages dus à « un problème d’organisation global », notamment au sein de la pharmacie de l’hôpital où sont fabriquées les poches de chimiothérapie.
« Un grand hôpital pointé du doigt. Des médecins exerçant au centre de lutte contre le cancer Gustave-Roussy, à Villejuif (Val-de-Marne) dénoncent, jeudi 24 juillet, dans « L’Œil du 20 heures », des erreurs répétées dans les traitements par chimiothérapie, avec notamment une surdose de médicament ayant conduit à la mort d’un enfant en mai 2019 (…)
« Un hôpital d’excellence et à la réputation sans tache, jusqu’à ce courrier du 14 juin adressé au préfet d’Ile-de-France et à la ministre de la Santé Agnès Buzyn, et que révèle « L’Œil du 20 heures ». Ce texte, signé par des professeurs et médecins spécialistes du cancer, dénonce « une série d’éléments préoccupant », « des anomalies récurrentes dans la chaîne de contrôle de la production de la délivrance de chimiothérapie », « des erreurs répétées conduisant à des conséquences graves ».
« Selon les informations recueillies par « L’Œil du 20 heures« , une erreur de référencement serait la cause de cet accident gravissime. Cible de toutes les interrogations : la pharmacie de l’institut Gustave-Roussy. Au sous-sol de l’hôpital, près de 300 poches de chimiothérapie sont préparées chaque jour, manuellement ou par deux robots. Mais depuis deux ans, le service est sous tension en raison de problèmes de personnels et de plus en plus de malades à soigner, selon la direction et les syndicats.
« Les
pharmaciens et préparateurs ont tous refusé d’être interviewé
par France 2. En revanche, deux anciennes patientes témoignent des
problèmes d’organisation de la pharmacie. Elles ont lancé une pétition pour
réclamer, entre autre, le renforcement des effectifs.
« Cette hantise était partagée par certains médecins de l’institut dès 2017, comme le révèlent de nombreux courriels envoyés à la direction. L’un de ces messages, que « L’Œil du 20 heures » a pu consulter, rapporte notamment une erreur de dosage le 3 mars 2017. « Hélas, ce n’est pas anecdotique. Nous sommes à la troisième erreur depuis trois mois », déplore ainsi un médecin.
Un cancérologue, interrogé par France 2, estime que la direction n’a pas pris la mesure du problème. « Ces incidents étaient des indicateurs d’un problème d’organisation global de la pharmacie qui était très sérieux, qui n’était pas pris en compte correctement par les instances de la direction au plus haut niveau », estime-t-il sous couvert d’anonymat. (…) »
2 Le
communiqué de presse publié par Gustave-Roussy « après la diffusion de
ce sujet par France 2 » :
« Villejuif, le 25 juillet 2019
Le Journal Télévisé de 20h de France 2 a diffusé ce jeudi 25 juillet 2019 un reportage sur un accident dramatique qui a eu lieu à Gustave-Roussy en pédiatrie il y a un peu plus de deux mois. Bouleversé par ce drame, le personnel de l’établissement renouvelle toutes ses excuses à la famille que l’Institut a informée et accompagnée dans cette épreuve depuis le début. Gustave Roussy assume pleinement l’erreur pharmaceutique à l’origine du décès et souhaite faire toute la lumière sur les causes de ce drame et sur les mesures mises en place pour qu’aucun événement de cette nature ne puisse plus se reproduire, et ce au-delà des polémiques internes et de l’exploitation qui peut en être faite.
« Une enquête interne approfondie a été diligentée immédiatement après l’accident, conduite en lien avec l’Agence Régionale de Santé. L’analyse précise des causes du décès a montré qu’il s’agissait d’une erreur humaine d’enregistrement d’un produit dans le stock de la pharmacie sous une mauvaise référence, qui n’a pas été décelée ensuite lors de la préparation de la chimiothérapie, en dépit des quatre contrôles existants au cours de la production.
« L’Institut a immédiatement mis en place des mesures informatiques correctives visant à empêcher la reproduction de l’erreur première de gestion de stock, et a déployé un dispositif de contrôle analytique libératoire permettant de valider la conformité du contenu de la totalité des poches dosables produites, adultes et enfants, avant leur administration au patient. Une zone de quarantaine accueille ainsi à présent les poches qui doivent être testées préalablement à leur envoi dans les services, et elles ne peuvent en sortir qu’après retour favorable du laboratoire de contrôle. La réalisation du contrôle pharmaceutique libératoire est désormais clairement signifiée par un symbole vert apposé sur la poche.
« Cette nouvelle organisation, et l’erreur à laquelle elle répond, confirment la nécessité de continuer d’avancer dans le plan de modernisation et de sécurisation de la pharmacie engagé en 2017 en lançant notamment l’acquisition de deux robots de production de chimiothérapies, installés en janvier et juillet 2018, permettant de produire à ce jour 40 % des poches de manière automatisée et sécurisée grâce aux différents contrôles embarqués par ces équipements.
« Le déploiement du contrôle analytique libératoire par spectrométrie qui a été rendu possible par les travaux de validation des méthodes d’analyse des différentes molécules conduits ces derniers mois par la pharmacie, permet maintenant de sécuriser 50 % supplémentaires de la production. Cette étape garantit que toutes les poches dosables fabriquées manuellement sont conformes à la prescription au moment de leur dispensation.
« Les 10 % restants ne peuvent pas faire l’objet d’une fabrication par robot ou d’un contrôle libératoire, car il s’agit souvent de molécules innovantes pour lesquelles il n’existe pas encore de méthode de dosage. Ces préparations bénéficient d’une première étape de validation pharmaceutique, d’un double contrôle de la préparation des flacons, puis d’un double contrôle durant la préparation reposant sur la vérification systématique par un préparateur de ce qui a été produit par un autre préparateur, soit au total cinq étapes de sécurisation du processus. En complément, l’achat d’un spectromètre de dernière génération a été lancé et l’installation d’un dispositif de caméra permettant de vérifier les étapes de production des préparations non dosables est à l’étude.
« L’acquisition d’un nouveau robot de production est par ailleurs en cours d’instruction afin de poursuivre l’automatisation de la chaîne de production et accompagner le développement d’activité. Deux nouveaux pharmaciens ont été recrutés pour renforcer les équipes sur les deux secteurs stratégiques que sont la production de chimiothérapies et les essais cliniques.
« Ces différentes mesures doivent permettre de sécuriser 100 % des 90 000 poches produites chaque année par la pharmacie de l’établissement. Elles ont été à ce titre soumises ce mercredi 24 juillet à l’Agence Régionale de Santé qui accompagne l’Institut dans cette démarche et fera en sorte que ce qui est arrivé ici ne puisse pas se reproduire ailleurs.
« Le reportage évoque également les difficultés que rencontre la pharmacie de Gustave Roussy depuis deux ans. Celles-ci sont systématiquement tracées dans un outil dédié, permettant leur analyse et la recherche de solution de correction. La très grande majorité d’entre elles sont liées à des aspects organisationnels entraînant à titre principal des retards de livraison des poches et par conséquent de longs temps d’attente en hôpital de jour, toutefois sans conséquences cliniques pour les patients. Les erreurs pouvant aboutir à des conséquences cliniques sont exceptionnelles et traitées immédiatement dans le cadre d’un système de gestion des risques permettant d’adapter au plus vite les dispositifs de sécurisation et éviter ainsi leur reproduction. »
Tenter de se taire ou essayer, coûte que coûte, de tout dire ?
A demain @jynau