Mort subite : le gouvernement devrait se pencher sur les défibrillateurs automatiques

Bonjour

On se souvient d’avoir interrogé le service de presse de la SNCF. C’était bien avant la remis en cause du statut des cheminots. Nous souhaitions en savoir plus sur les défibrillateurs des TGV – des appareils « utilisables par toute personne » répétaient les contrôleurs. Combien d’appareils embarqués ? Pour quel coût ? Quels taux d’utilisation ? Aucune réponse de ce service que l’on dit pléthorique. On insiste.  « Ces chiffres doivent exister mais nous ne savons pas où les trouver ! ». Puis on raccrocha.

Mars 2018. Ce sont de dérangeantes confidences faites au Quotidien du Médecin (Damien Coulomb). A commencer par celles du Pr Pierre-Yves Gueugniaud, chef du pôle urgences et réanimation médicale Edouard Herriot des Hospices Civils de Lyon, président de la Société Française de Médecine d’Urgence. Des accusations graves distillées lors du séminaire organisé par l’Association pour le recensement et la localisation des défibrillateurs Arlod.

« Ce désintérêt des pouvoirs publics dénoncé par le Pr Gueugniaud, et d’autres participants, trouve son illustration dans la gestion, ou plutôt l’absence de gestion, de la problématique des défibrillateurs automatiques externes (DAE) mis à disposition du public depuis 2007, résume Le Quotidien. Il n’est possible, à l’heure actuelle, de connaître ni le nombre, ni la localisation de ces appareils dont la maintenance est très aléatoire. Une évaluation menée par le fabricant Schiller et le distributeur Matecir estime que 30 à 40 % des 180 000 DAE en accès public ne sont pas fonctionnels. »

On avancera que ces chiffres ne sont pas retrouvés dans les données du Registre électronique des arrêts cardiaques (RéAC) – selon elles 0,6 % seulement des tentatives d’utilisation de DAE se heurent à des problèmes techniques. « Il y a un biais, prévient le Pr Gueugniaud. Les défibrillateurs installés dans les lieux très fréquentés qui servent parfois plusieurs fois par an sont aussi ceux qui sont les mieux entretenus. ».

Actions en justice

L’affaire peut être grave et et conduire à des actions en justice. À plusieurs reprises, des DAE n’ont pas fonctionné lors de tentatives de réanimations. « Ce fut notamment le cas lors du malaise cardiaque d’un basketteur de 25 ans de Vannes, décédé en janvier 2012, rapporte Le Quotidien.  Un réanimateur présent sur les lieux a réalisé trois cycles de massage cardiaque, avant de découvrir que la batterie du défibrillateur disponible est à plat. Plus récemment, une jeune sportive a connu le même destin dans un stade parisien. »

 « Les petits distributeurs proposent des contrats de maintenance de 20 à 30 euros par an, confie le Dr Bruno Thomas-Lamotte, président de l’Arlod. Ils se contentent d’envoyer un mail et de passer un coup de fil. » Quand il a fondé cette Association pour le recensement et la localisation des défibrillateurs le Dr Thomas-Lamotte souhaitait établir une base de données géolocalisées, disponible sur le net« Nous pensions que les pouvoirs publics prendraient rapidement le relais, mais cela fait maintenant 11 ans et nous sommes toujours là. »

« Avec un financement public de seulement 20 000 euros, et armé de la bonne volonté de bénévoles, Arlod recense désormais environ 25 000 dispositifs  soit moins de 10 % du total, précise Le Quotidien. Cette base de données reste le seul outil d’envergure nationale permettant aux médecins régulateurs de signaler la présence d’un défibrillateur à proximité du lieu de l’appel. »

Quinze ans après

Le gouvernement ? Il ne semble guère intéressé par le sujet. Le législateur ? L’Assemblée nationale a voté, le 13 octobre 2016, une proposition de loi du député du Nord Jean-Pierre Decool, encadrant l’installation et l’entretien des défibrillateurs automatiques externes :

« Un décret en Conseil d’État détermine les types et catégories d’établissement recevant du public qui sont tenus de s’équiper d’un défibrillateur automatisé externe visible et facile d’accès, ainsi que les modalités d’application de cette obligation. »

« Il est créé une base de données nationale relative aux lieux d’implantation et à l’accessibilité des défibrillateurs automatisés externes sur l’ensemble du territoire, constituée au moyen des informations fournies par les exploitants de ces appareils à un organisme désigné par décret pour la gestion, l’exploitation et la mise à disposition de ces données. »

Ce texte n’a toujours pas été examiné par le Sénat… On annonce aussi une proposition de loi visant à la prévention de la mort subite (50 000 personnes par an en France) ainsi qu’une « Journée nationale annuelle de la lutte contre la mort subite ».  Cette journée, ni fériée ni chômée, serait fixée au 26 juin, jour anniversaire de la mort, au stade Gerland de Lyon, du footballeur Marc-Vivien Foé. Il avait 28 ans. C’était il y a quinze ans.

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Le Monde du 5 décembre 1967: « La greffe d’un cœur constitue un grand succès technique »

Bonjour

C’était il y a un demi-siècle. A Paris les rotatives du sous-sol allaient bientôt, peu après midi, faire trembler l’auguste immeuble du 5-7 de la rue des Italiens. Avec une encre à peine sèche on lirait alors un titre teinté d’une prudente espérance : « La greffe d’un cœur constitue un grand succès technique ». Et sous le titre, ceci, en provenance d’un pays où sévirait encore longtemps l’apartheid :  :

« L’état de M. Washkansky, Sud-Africain d’origine lituanienne, âgé de cinquante-cinq ans, et sur lequel a été pratiquée une greffe de cœur dans la nuit de samedi à dimanche, dans un hôpital du Cap, est toujours satisfaisant. Il vit en respiration assistée, par le jeu d’une canule introduite dans la trachée, et subit un traitement  » immunodépresseur « , visant à amoindrir les défenses organiques devant les greffes étrangères. Il est soumis également à des médications anticoagulantes, dans le but d’éviter la formation de caillots (embolies).

 « Il est évidemment impossible de se prononcer, comme l’ont souligné les cardiologues responsables de l’hôpital Groote-Shurr, du Cap, où a été accomplie cette greffe, avant que la première période difficile des deux premières semaines ait été franchie. Il est d’ailleurs tout aussi difficile de se prononcer pour l’avenir, car cette greffe d’organe pose, comme toutes les autres, le problème biologique non encore totalement résolu des réactions de défense, de rejet, par lequel l’organisme humain tente de détruire les substances, tissus ou organes étrangers qu’on lui a imposés.

Jeune Noir de dix ans

 « Sur le plan technique, l’intervention avait été décidée, semble-t-il, il y a déjà un mois. Une équipe de trente chirurgiens, anesthésistes, médecins, techniciens et infirmiers étaient, depuis cette époque, mobilisés vingt-quatre heures sur vingt-quatre dans l’attente de l’intervention, qui exigeait la possibilité du prélèvement immédiat d’un cœur sain chez un malade décédé. Elle avait été envisagée il y a six jours, mais le délai écoulé entre la mort du  » donneur  » et la possibilité de prélèvement de son cœur s’était avéré trop long.

 « Dans la nuit de samedi, une jeune femme de vingt-cinq ans fut admise à l’hôpital de Groote-Shurr dans un état désespéré, à la suite d’un accident de la route. Elle fut immédiatement placée dans un appareil cœur-poumon artificiel et, dès que son décès fut constaté, et l’accord des parents obtenu, refroidie à 28 degrés. Le cœur et les deux reins furent ensuite retirés, toujours sous refroidissement accentué, cependant qu’une équipe chirurgicale dirigée par le professeur Christian Barnard et le professeur Schrire procédait à l’ablation du cœur malade de M. Washkansky. Cette même équipe devait greffer le cœur ainsi prélevé, apparemment sans aucune difficulté technique, au cours d’une intervention qui dura cinq heures. Dans le même temps, les reins de la jeune fille étaient transplantés, à l’hôpital Karl-Bremmer, sur un jeune Noir de dix ans qui se mourait d’urémie progressive.

 « Il semble que M. Washkansky ait fait, il y a sept ans, un infarctus du myocarde. Une seconde alerte devait conduire quelques années plus tard à une hospitalisation prolongée. Enfin, il y a trois mois, l’homme d’affaires d’origine lituanienne était hospitalisé à nouveau pour un troisième infarctus, qui devait le laisser dans un état d’insuffisance cardiaque définitive. Il semble que depuis un mois le patient ne vivait plus que grâce à une assistance mécanique permanente et son cœur, aurait déclaré le professeur Barnard, présentait un état de dégénérescence fibreuse accentuée. C’est dans ces conditions, et devant la quasi-certitude d’une issue fatale à brève échéance, que la greffe a été proposée au malade. »

 « M. Washkansky est mort au Cap » titrait Le Monde du 22 décembre 1967. Et l’on pouvait y lire, sous la plume du Dr Claudine Escoffier Lambiotte :

«  (…) Mais le problème de conscience tenant à l’indication chirurgicale elle-même, au poids de la vie que l’on retire ou que l’on donne, aux risques encourus, au succès ou à l’échec restera pour sa part entier, et l’on peut penser qu’il gardera dans l’avenir l’importance majeure qu’il devrait occuper aujourd’hui dans la réflexion médicale. Il ne serait pas souhaitable cependant qu’il pèse sur les décisions à prendre dans le sens d’un conservatisme étriqué. Ce serait alors, comme l’a souligné souvent le professeur Hamburger,  » à désespérer de l’aventure humaine « . »

Combien sont-ils, durant ce demi-siècle, a avoir désespéré de cette aventure ?

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Comment ausculter l’état de conscience en écoutant battre les cœurs des comateux 

 

Bonjour

C’est, à sa façon, une révolution : établir, simplement, si un patient est conscient lorsque ce dernier est incapable de communiquer. Publiée dans Annals of neurology  ( « Brain–heart interactions reveal consciousness in noncommunicating patients ») une étude établit que la modification des battements cardiaques en réponse à une stimulation sonore constitue un bon indicateur de l’état de conscience. Ce travail é été mené par un groupe de chercheurs dirigés par le Pr Jacobo Sitt (Inserm, Institut du cerveau et de la moelle épinière, hôpital de la Pitié-Salpêtrière, Paris)

Le test consiste à faire écouter des séquences sonores initialement répétitives puis présentant, de manière rare et aléatoire, des variations. Lors de ces perturbations, les chercheurs déterminent si le rythme des battements cardiaques s’en trouve modifié,  traduisant une prise de conscience des bruits environnants.

Nouvelles perspectives

Les chercheurs ont étudié les données de 127 patients (soit en « état végétatif » soit en état de « conscience minimale ») admis à la Pitié-Salpêtrière entre février 2008 et avril 2015 pour une évaluation de l’état de la conscience. Et ils ont  constaté que les cycles cardiaques étaient effectivement modulés par la stimulation auditive – et ce uniquement chez les patients conscients ou minimalement conscients. Ils ont également démontré que ces résultats étaient complémentaires des résultats obtenus en EEG. La combinaison de ces deux tests (« test cardiaque » et EEG) améliore nettement les performances de prédictions de l’état de conscience d’un patient.

« Ces résultats ouvrent de nouvelles perspectives sur une approche globale pour évaluer l’état de conscience des patients » estiment les auteurs. Ils souhaitent étendre le cadre à d’autres signaux physiologiques modulés par des processus conscients (comme la respiration ou la dilatation des pupilles) pour mettre au point un outil complet d’évaluation de l’état de conscience au lit du patient – sans avoir obligatoirement recours aux examens sophistiqués de l’IRM fonctionnelle ou du PET scan.

On estime entre 1.500 et 1.700 personnes le nombre des personnes qui, en France, sont dans une forme ou une autre de « coma profond ».

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Un cœur artificiel a été implanté au Kazakhstan. On ne saura ni quand, ni comment

Bonjour

Début octobre la société française Carmat quittait l’Hexagone pour le lointain Kazakhstan. Les séquelles d’une brouille technico-éthique récurrente avec les autorités de tutelle et quelques médias. La volonté, aussi, d’avancer au plus vite et d’engranger.

Aujourd’hui quelques lignes d’un communiqué de presse. Carmat y annonce que « la première implantation internationale de son cœur artificiel bioprothétique a été effectuée au National Research Center for Cardiac Surgery (Astana, Kazakhstan) ». Cette expérience s’est faite « dans le respect du protocole » approuvé par l’Agence Nationale française de Sécurité du Médicament et des Produits de Santé (ANSM) et « conformément aux autorisations locales ». Cette implantation réalisée par l’équipe du Dr. Yuriy Pya, chirurgien cardiaque et directeur général du centre, « s’est déroulée de manière satisfaisante ».

L’objectif de l’étude (qui devrait inclure au total une vingtaine de patients souffrant d’insuffisance cardiaque biventriculaire avancée) est « d’évaluer la sécurité et les performances du système ». Les résultats de l’étude « seront intégrés dans le module clinique du dossier de marquage CE ». Et Carmat « ne communiquera pas individuellement sur les implantations des patients, conformément aux bonnes pratiques cliniques » (sic). En revanche, Carmat « communiquera durant l’étude sur l’ouverture de nouveaux centres et sur l’avancement général du recrutement ».

Avec son cœur artificiel, Carmat compte apporter, dit-on,  au moins cinq ans d’espérance de vie à des malades considérés jusqu’alors comme étant en phase terminale.
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Réparer les vivants : pourquoi le cœur artificiel français s’exile-t-il au Kazakhstan ?

Bonjour

Attention, langage de communicant : « Paris, le 5 octobre 2017 – CARMAT concepteur et développeur du projet de cœur artificiel total le plus avancé au monde, visant à offrir une alternative thérapeutique aux malades souffrant d’insuffisance cardiaque biventriculaire terminale, annonce aujourd’hui avoir obtenu l’autorisation d’effectuer, dans le respect du protocole de l’étude PIVOT approuvé par l’Agence Nationale de Sécurité du Médicament et des Produits de Santé (ANSM), les implantations de son cœur artificiel total chez l’homme au National Research Center for Cardiac Surgery (Astana, Kazakhstan). »

Le « National Research Center for Cardiac Surgery » d’Astana ? « Un site de référence mondiale en cardiologie et un centre leader dans la conduite d’études cliniques de dispositifs cardiaques destinés au marché européen, avec plus de 8 000 interventions par an dont 31 dispositifs cardiaques implantés et 15 greffes de cœur réalisées en 2016 ».

Les implantations des prothèses cardiaques CARMAT ? « Elles seront effectuées par les équipes du Dr. Yuryi Pya, Directeur général du National Research Center for Cardiac Surgery et chirurgien reconnu internationalement dans l’implantation de dispositifs cardiaques ». Et le site est « actuellement en phase de recrutement et de screening de CT scans (scanners du thorax) pour identifier les patients éligibles aux implantations ».

Débrider l’innovation médicale

« Nous avons reçu l’autorisation du ministère de la santé du Kazakhstan et sommes impatients de débuter les implantations dans le cadre de cette étude clé pour l’avenir de cette innovation de rupture » a déclaré le Dr. Yuryi Pya.

Comment comprendre ? Après la mort, il y a un an du cinquième greffé en France les relations étaient devenues très tendues avec l’Agence nationale de sécurité du médicaments, autorité de tutelle. Le groupe CARMAT avait notamment évoqué des procédures trop « lourdes » qui « brideraient l’innovation médicale ».  « Les demandes de documents sont trop importantes par rapport au problème identifié. Si l’attente des autorités est le risque zéro, beaucoup vont être déçus, en premier lieu les patients qui attendent d’être implantés » avait déclaré son directeur général.

Faudrait-il en conclure que les procédures seront plus légères et que l’on demandera moins de documents à Astana, capitale de la République du Kazakhstan ?

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Autoriser les manipulations génétiques de l’embryon humain à des fins thérapeutiques ?

Bonjour

Publiée dans Nature (« Correction of a pathogenic gene mutation in human embryos ») la nouvelle fait un grand bruit médiatique et soulève mille et une questions : « Gene-editing experiment pushes scientific and ethical boundaries ».

Une nouvelle fois il s’agit ici de la technique dite « Crispr-Cas9 » qui, pour résumer, permet de modifier pratiquement à volonté tel ou tel élément d’un génome. Et il s’agit de l’usage fait de cette technique sur des embryons humains – des embryons qui, cette fois, ont été conçus à cette seule fin. Dirigés par Shoukhrat Mitalipov (Center for Embryonic Cell and Gene Therapy, Oregon Health & Science University, Portland) des chercheurs chinois coréens et américains sont parvenus à corriger au stade embryonnaire l’anomalie génétique responsable d’une maladie cardiaque (cardiomyopathie hypertrophique due à une mutation du gène MYBPC3).

 Possibilités réalistes

Cette équipe a créé, par fécondation in vitro, 77 embryons à partir du sperme d’un homme porteur de la mutation du gène MYBPC3. Parmi eux 19 n’ont pas été manipulés (embryons « témoins ») et parmi les 58 autres la mutation génétique a pu, via Crispr-Cas9, le plus souvent être corrigée lorsqu’elle était présente.  Les chercheurs expliquent ne pas avoir laissé se développer les embryons plus de trois jours.

Ce n’est certes pas la toute première fois que cette approche technique est utilisée sur des embryons humains. Pour autant cette publication marque une nouvelle étape dans la réédition de génomes au stade embryonnaire et donc de modifications génétiques transmissibles – un seuil généralement considéré à l’échelon international comme ne devant pas être franchi pour des raisons éthiques.  Tel commence à ne plus être le cas.

« Fin 2015, un groupe international de scientifiques, réunis par l’Académie américaine des sciences (NAS), s’était prononcé pour une suspension de ce type d’essais, arguant qu’il fallait résoudre les problèmes de sûreté et d’efficacité avant de poursuivre plus avant, rappelle Le Figaro. Mais en mars 2017, la NAS avec l’Académie américaine de médecine estimait que des progrès significatifs avaient été réalisés, ‘’ouvrant des possibilités réalistes qui méritaient de sérieuses considérations’’ ».

Convention d’Oviedo

Une nouvelle fois c’est l’argument thérapeutique qui est mis en avant, les auteurs soulignant qu’il existe environ dix mille maladies dues, comme la cardiomyopathie hypertrophique, à la mutation d’un seul gène. « Notre but est de guérir des maladies graves » expliquent-ils. Ils ajoutent que la correction génétique ainsi apportée récupérerait des embryons mutants, augmenterait le nombre d’embryons disponibles pour une implantation et, au bout du compte, améliorerait le taux de grossesse ». Certains estiment d’ores et déjà que cette méthode pourrait être appliquée à d’autres mutations génétiques, comme celles concernant les gènes BRCA1 et BRCA2 dont on sait qu’elles peuvent prédisposer aux cancers du sein et de l’ovaire.

C’est toutefois oublier la pratique du diagnostic préimplantatoire qui permet, après fécondation in vitro, de dépister les embryons indemnes d’une mutation délétère avant de les implanter. C’est aussi oublier les interdits éthiques – comme la convention d’Oviedo pour la protection des droits de l’Homme et de la dignité de l’être humain – qui n’autorise les interventions sur le génome humain « qu’à des fins préventives, diagnostiques et thérapeutiques et seulement si elles n’entraînent pas de modification dans le génome de la descendance ».

Cette convention, dont on célèbrera cette année le vingtième anniversaire en France, est le « seul instrument juridique contraignant international pour la protection des droits de l’Homme dans le domaine biomédical ». C’est aussi, il est vrai un instrument totalement ignoré par de nombreux pays. A commencer par la Chine et les Etats-Unis.

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Jupiter, mystère des fibrillations auriculaires et réforme du Code du travail

Bonjour

C’est une étude rêvée pour la CGT. Mandée de Finlande, elle est parfaitement résumée par Medscape France (Vincent Bargoin). Et le hasard veut qu’elle coïncide, en France, avec les travaux libéraux sur la clef de voûte du dispositif Macron-Philippe II : la réforme du code du travail.

Pour faire court : celles et ceux dont le temps de travail atteint (ou dépasse) 55 heures par semaine, présentent un risque accru de fibrillation auriculaire (trouble du rythme cardiaque affectant les oreillettes) ; risque survenant de novo par rapport aux personnes travaillant entre 35 et 40 heures. Aucune explication scientifiquement démontrée pour ce phénomène observé chez des travailleurs jeunes (43 ans) et, neuf fois sur dix, indemnes de tout antécédent cardiovasculaire. Et un résultat qui, selon les auteurs, est « cohérent avec de petites études associant les stress professionnels à la fibrillation auriculaire » – des études encore inconnues de l’assurance maladie.

Tenter de ne pas dépasser 48 heures

Ce résultat vient d’être publié dans l’European Heart Journal par un consortium de recherche européen : l’ « Individual-Participant-Data Meta-analysis in Working Populations Consortium » (IPD-Work) – consortium qui approfondit les associations entre paramètres psycho-sociaux de la vie professionnelle, maladies chroniques, handicaps et mortalité. Les chercheurs finlandais ont travaillé sur une cohorte de 85.494 hommes et femmes (65%), âgés de 43,4 ans lors du recrutement, engagés dans une activité professionnelle en Grande Bretagne, Danemark, Suède et Finlande. Les épisodes de fibrillation auriculaire ont été dénombrées à partir des dossiers hospitaliers, des tracés d’ECG, des remboursements de médicaments, et des registres de décès.

« Après ajustements sur l’âge, le sexe, et le statut socio-économique, le risque de FA incidente était augmenté d’un facteur 1,42 chez les sujets travaillant au moins 55 heures par semaine (soit 5,2% de l’effectif), par rapport aux personnes travaillant entre 35 et 40 heures (62,5% de l’effectif), résume Medscape. Pourquoi ? Cette étude tombe curieusement en pleine discussion sur la Loi Travail en France, et l’on sait que la question des heures supplémentaires est un gros morceau de cette discussion. Les résultats de l’IPD-Work serviront-ils d’arguments ? Et dans les discussions entre personnels hospitaliers et directions des hôpitaux ? »

Ce sont là d’excellentes questions que l’exécutif aimerait peut-être ne pas voir soulevées. Peut-être faut-il rappeler aux ultra-libéraux les termes de la  Directive Européenne 2003/88/EC  : elle dispose que la durée de travail hebdomadaire ne doit pas dépasser 48 heures. En moyenne.

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Polémique cœur artificiel : CARMAT n’avait pas dit ce que tout le monde avait bien compris

Bonjour

Comment mettre de l’eau dans son vinaigre ? La société CARMAT, qui publiait ce 14 février ses résultats annuels, fait in fine savoir qu’elle va bientôt déposer une demande à l’Agence nationale du médicament (ANSM) pour une reprise de son étude PIVOT interrompue après la mort du premier volontaire. Il en allait différemment il y a quelques jours, quand Stéphane Piat, directeur général, accusait dans Le Parisien l’ANSM de ne pas saisir ce que CARMAT voulait ; que l’innovation réclamait parfois des arrangements avec le pointillisme éthique. Puis de révéler que le dernier greffé était responsable de sa mort .

Aujourd’hui le ciel est redevenu serein ; es menaces voilées n’ont jamais existé, même voilées. Jamais le directeur général n’a déclaré que la société allait quitter la France pour des latitudes plus accommodantes. Carmat restera en France tout en prospectant à l’étranger où de nouveaux patients seront enrôlés. Entendre : les ponts seront vite reconstruits avec l’ANSM dont CARMAT salue le travail. C’est à peine si la société formule a minima un appel pour « plus de pragmatisme sur l’innovation de rupture » (sic) ; message-jargon  qui semble presque être entendu côté ministère de la Santé.

La vie des affaires

Pour le reste, c’est la vie habituelle des affaires avec ce langage qui n’appartient qu’à elles :

« A compter du 1er septembre 2016, Stéphane Piat a pris la fonction du Directeur général de la société. Son expertise reconnue dans le domaine des dispositifs médicaux, acquise au sein de grands groupes de cardiologie nord-américains, constitue un atout majeur dans l’exécution de la stratégie clinique et d’accès au marché de CARMAT

« Conformément à sa stratégie clinique, CARMAT confirme travailler sur l’ouverture de l’étude PIVOT à d’autres pays de la zone européenne en plus de la France. L’objectif est d’accélérer le recrutement de l’étude et surtout de sélectionner au mieux le profil des patients afin de maximiser les chances de succès de l’étude. Par ailleurs, CARMAT étudie dès à présent les opportunités de développement sur le marché américain et a pris contact avec la FDA (Food and Drug Administration), le marché américain disposant du potentiel le plus important pour les assistances circulatoires mécaniques.

« La levée de fonds réalisée l’an dernier a permis également de lancer des investissements ciblés sur le développement des processus de production. Ces derniers donneront des résultats en termes de qualité et de productivité dès le début du premier semestre de cette année. »

A l’horizon, bientôt : les débats éthiques sur les indications exactes confrontées à celle des greffons (gratuits), la fixation du prix et celle du remboursement par l’assurance maladie.

A demain

 

 

Cœur artificiel : Carmat explique que le dernier greffé est le seul responsable de sa mort

 

Bonjour

Ailleurs ce serait un coup de théâtre. Ici c’est un épisode que l’on préférera ne pas qualifier. Résumons. Hier 6 février, Stéphane Piat, Directeur général de la société CARMAT engage un bras de fer avec les autorités sanitaires françaises. Dans Le Parisien, il menace de quitter l’Hexagone pour des contrées plus ouvertes à l’innovation, moins tatillonnes sur la réglementation sinon sur l’éthique de certains essais cliniques.

Emotions diverses dans le milieu de la politique cardiologique et chute en bourse de la prometteuse entreprise. Peu de temps après que nous ayons relaté l’affaire CARMAT prenait la parole :   

 « CARMAT apporte aujourd’hui des précisions sur la suspension de l’étude PIVOT de son cœur artificiel. Comme indiqué dans le communiqué du 30 novembre 2016, la société confirme que la prothèse a fonctionné correctement durant son utilisation par le 1er patient de l’étude PIVOT. Cependant, CARMAT a jugé important d’apporter une précision sur la cause du décès afin de rectifier certaines informations parues dans la presse aujourd’hui (sic). Le décès est en effet lié à l’interruption de l’alimentation du système, consécutive à une mauvaise manipulation des batteries par le patient qui a causé l’arrêt de la prothèse. »

 Où l’on comprend que la mort de ce malade ne saurait être imputable au fabricant. C’est le malade lui-même qui est responsable de l’interruption de l’alimentation de son cœur. Comment ? Pourquoi ? On ne le dit pas.

Bras de fer – poker

Où l’on saisit aussi que CARMAT sort une carte de sa manche pour faire plier l’ANSM, son Agence de tutelle technique et éthique. Sera-ce suffisant ? Il faut lire CARMAT pour percevoir ce qu’il peut en être de ce bras de fer – poker :

« Durant les différents échanges avec l’ANSM relatifs à la reprise des essais, il est apparu que le périmètre d’analyse demandé était plus large que celui retenu par la société. Etant donné la nature des questions restées en suspens, CARMAT n’était pas en mesure de satisfaire les exigences requises dans les délais impartis. Afin de se donner le temps nécessaire de fournir les éléments requis pour une réponse la plus complète possible, la société a décidé de retirer sa demande initiale de reprise des essais, dans le strict respect des procédures en vigueur, prévoyant de soumettre une nouvelle demande prochainement avec les éléments requis. La conduite de l’étude PIVOT en France restera suspendue jusqu’à l’acceptation de cette nouvelle demande par l’ANSM. »

Et pour saisir pleinement tout le sel on complétera par la lecture (sur abonnement) du Parisien de ce 7 février : « L’appel du pied au fabricant de cœur artificiel » (Florence Méréo). On y apprend que Marisol Touraine a demandé au « délégué ministériel à l’innovation » de « recevoir prochainement CARMAT ». Calmer le jeu, en somme. En prenant le risque de donner l’impression de désavouer l’ANSM.

Hier le fabricant ne redoutait pas de parler de la « déception des patients qui attendent d’être implantés ». Aujourd’hui il explique que les équipes « Support-Formation » de CARMAT travaillent activement à « renforcer la sécurité des prochains patients ». Pour prévenir au mieux un nouveau décès qui, en toute hypothèse, ne saurait lui être imputé.

A demain

 

 

Ethique cardiologique : violente polémique autour de l’avenir du cœur artificiel Carmat

 

Bonjour

« CARMAT concepteur et développeur du projet de cœur artificiel total le plus avancé au monde, visant à offrir une alternative thérapeutique aux malades souffrant d’insuffisance cardiaque biventriculaire terminale… »

C’était une promesse française d’Eldorado, cela ressemblerait presque à une déconfiture. Encensée par les gazettes depuis des années l’aventure Carmat prend l’eau et ne se poursuivra pas en France. Après le décès d’un cinquième malade équipé de son prototype cœur artificiel, la société, engagée dans un « bras de fer » avec les autorités sanitaires, a retiré sa demande de reprise de l’essai clinique en France. Le directeur général de l’entreprise, Stéphane Piat, dans une interview au Parisien :

« Nous travaillons pour apporter à l’Agence de sécurité du médicament (ANSM) les éléments nécessaires pour une reprise dans les plus brefs délais », assure le directeur général de l’entreprise, Mais, en France, l’innovation, tel le cœur Carmat, connaît des blocages, alors qu’elle devrait être le fruit d’une collaboration forte entre les autorités, l’entreprise, les spécialistes, les patients… Nous ne sommes pas sur la même longueur d’onde. On est dans la tourmente : la situation avec les autorités n’est pas claire. »

« Déception des patients »

Après la mort, à la mi-octobre, du cinquième greffé le groupe avait annoncé qu’il donnerait toutes les explications à l’ANSM, sa tutelle éthique et réglementaire. Une autopsie avait été pratiquée suivie d’une demande de reprise de l’essai clinique dès le 15 novembre. Mais voici que Carmat a changé d’avis et retiré sa demande. Pourquoi ? Des procédures trop « lourdes » qui « brideraient l’innovation médicale ». Stéphane Piat :

« Les demandes de documents sont trop importantes par rapport au problème identifié. Si l’attente des autorités est le risque zéro, beaucoup vont être déçus, en premier lieu les patients qui attendent d’être implantés.

Où l’on voit que M. Piat ne prend pas de gants avec les patients. En clair, en finir avec le concept de précaution à la française et passer au stade, nettement plus pragmatique, du bénéfice/risque. Contactée par l’Agence France-Presse, l’entreprise basée à Vélizy-Villacoublay (Yvelines) n’a pas souhaité apporter de précision sur les conséquences pratiques du retrait de sa demande, indiquant seulement qu’une conférence de presse sera organisée fin février. L’ANSM n’était quant à elle pas joignable dans l’immédiat. Pourquoi ne pas préciser quelle est la nature des documents que Carmat ne veut (ou ne peut) donner? Où l’on voit que le travail de la presse n’a rien de simple dès lors qu’elle ne se borne pas à applaudir aux exploits.

La pose du prototype Carmat chez un cinquième malade marquait l’entrée de l’essai clinique dans sa dernière phase, avant l’éventuelle hypothèse d’un début de commercialisation de la prothèse. Cette étape, expliquait Stéphane Piat en décembre à l’Agence France-Presse, devait inclure entre quinze et vingt patients au total. Cette phase cruciale (menée en France et à l’étranger) avait comme principal objectif de soumettre un dossier de demande de marquage CE (sésame nécessaire pour commercialiser la prothèse dans l’Union européenne) – et ce « avant fin 2018 ».

Réparer les vivants

« C’était le premier patient que nous faisions avec une gestion automatisée du flux sanguin du cœur », à l’aide d’un algorithme permettant d’adapter le flux du sang aux besoins du corps, avait alors détaillé M. Piat. Sans lever le voile sur les circonstances exactes du dernier décès M. Piat redit aujourd’hui que le fonctionnement de la prothèse n’était « pas en cause ». Le groupe Carmat semble décidé à poursuivre la série d’essais à l’étranger, faute d’y arriver en France. « Nous, nous sommes prêts à repartir. Mais je m’interroge : veut-on vraiment faire de l’innovation en France ? Certains systèmes réglementaires étrangers sont plus à l’écoute » dit Stéphane Piat en soulignant que la société travaillera « avec les personnes qui sont capables de comprendre [leur] problématique ». Les choses sont enfin dites. Est-ce une menace ? Serait-ce une forme diplomatique de chantage ?

C’est, clairement, un changement de gouvernance. M. Piat est devenu directeur général de Carmat le 1er septembre 2016 après avoir longtemps travaillé aux États-Unis. Il peut, à ce titre, esquisser une comparaison entre la FDA et l’ANSM. « Ils ont une approche plus pragmatique, plus souple », juge-t-il. Le groupe a vient d’ailleurs d’accueillir à son conseil d’administration le chirurgien cardiaque Michael Mack, membre notamment du conseil d’administration de la Société américaine de cardiologie (1). On rappellera que le prototype de Carmat est issu des travaux menés en France, au sein de l’AP-HP, par le Pr Alain Carpentier.

« Nous ne pouvons pas continuer au rythme d’un ou deux patients par an. Nous sommes à un moment de l’étude où il faut aller vite pour progresser », fait valoir Stéphane Piat. L’AFP observe que toutes ces interrogations sur l’avenir français de l’entreprise étaient reçues froidement à la Bourse de Paris, où son titre chutait à la mi-séance (lundi 6 février) de 6,15 % à 27,63 euros.

On peut le dire autrement. Réparer les vivants, très certainement. Mais pas à n’importe quel prix.

A demain

1 Extrait du communiqué de presse de Carmat (daté du 25 janvier 2017) : « Le Dr Michael Mack, 70 ans, est un chirurgien cardiaque américain de renommée internationale disposant d’une longue expérience dans l’introduction de dispositifs médicaux et de procédures innovants dans le domaine des maladies cardiovasculaires. Il est l’auteur de plus de 500 publications scientifiques et a reçu la Citation Présidentielle du Collège américain de cardiologie (ACC) et le prix Transcatheter Cardiovascular Therapeutics (TCT) pour « l’œuvre d’une vie » (Lifetime Achievement Award). Il est actuellement directeur du Département Cardiovasculaire du groupe Baylor Scott & White Health à Dallas (Texas), administrateur du Conseil Américain de Chirurgie Thoracique et membre du comité consultatif de la FDA MDEpiNet1 . Le docteur Mack est diplômé du Boston College (Massachussetts), de l’Université St. Louis (Missouri) et de l’École médicale du Sud-Ouest de l’Université du Texas. »