Virginie D., Adèle H. et le 49-3 : pourquoi cette progression des violences en France ?

Bonjour

C’est un texte qui commence à faire date. « Césars :’’Désormais on se lève et on se barre’’, par Virginie Despentes. Publié il y a quelques heures dans Libération il est déjà cité par Le Monde qui en donne de larges extraits. L’autrice, écrit le dernier quotidien vespéral de la capitale, signe « un texte fort et incisif » contre la décision de l’Académie des Césars de récompenser Roman Polanski vendredi 28 février. Elle salue le geste d’Adèle Haenel qui a quitté la salle. « Fort et incisif » est un euphémisme.

«Il n’y a rien de surprenant à ce que l’Académie des Césars élise Roman Polanski meilleur réalisateur de l’année 2020. C’est grotesque, c’est insultant, c’est ignoble, mais ce n’est pas surprenant », écrit la redoutable romancière à propos de la récompense obtenue par le Franco-Polonais visé depuis trois mois par une nouvelle accusation de viol – et toujours poursuivi par la justice américaine pour relations sexuelles illégales avec une mineure en 1977.

« Où serait le fun d’appartenir au clan des puissants s’il fallait tenir compte du consentement des dominés ?, s’interroge-t-elle, acerbe(…) Les plus puissants entendent défendre leurs prérogatives : ça fait partie de votre élégance, le viol est même ce qui fonde votre style. La loi vous couvre, les tribunaux sont votre domaine, les médias vous appartiennent. »

Guy Debord et Vernon Subutex

Pour Virginie Despentes, la décision d’Adèle Haenel de quitter la Salle Pleyel devant les caméras de Canal + lors de la remise du prix du meilleur réalisateur est « la plus belle image en quarante-cinq ans de cérémonie ». « Quand Adèle Haenel s’est levée, c’était le sacrilège en marche, estime-t-elle. Une employée récidiviste, qui ne se force pas à sourire quand on l’éclabousse en public, qui ne se force pas à applaudir au spectacle de sa propre humiliation. »

« Ton corps, tes yeux, ton dos, ta voix, tes gestes tout disait : oui on est les connasses, on est les humiliées, oui on n’a qu’à fermer nos gueules et manger vos coups. Vous êtes les boss, vous avez le pouvoir et l’arrogance qui va avec, mais on ne restera pas assis sans rien dire. Vous n’aurez pas notre respect », dit encore Virginie Despentes.

« C’est la seule réponse possible à vos politiques, conclut l’autrice de Vernon Subutex qui évoque également le fait qu’Edouard Philippe vient d’avoir recours au 49-3 pour faire passer sans vote la réforme des retraites à l’Assemblée nationale. Quand ça ne va pas, quand ça va trop loin ; on se lève, on se casse, et on gueule, et on vous insulte, et même si on est ceux d’en bas, même si on le prend pleine face votre pouvoir de merde, on vous méprise, on vous dégueule (…) C’est terminé. On se lève. On se casse. On gueule. On vous emmerde. »

D’autres, insoumis à l’Assemblée nationale, assimilent depuis peu le 49-3 aux redoutables LBD utilisés par les forces françaises du maintien de l’ordre. On entend la puissance de l’écho et on s’interroge : pourquoi cette progression croissante de la violence en France ? Pour l’heure, on ne se lève ni ne se casse. On s’interroge. Relire « La Société du Spectacle » ou attendre la tribune suivante de Virginie Despentes ?

A demain @jynau

«De chaque instant» : l’AFP rend hommage à un film qui rend hommage aux soignants

Bonjour

C’est une dépêche éclairante de l’Agence France Presse (24/08/2018 07:40:22 – Paris AFP – © 2018 AFP). Une dépêche réconfortante dans un univers où les dépêches, sur le fil, ne le sont guère.

Le sujet : la sortie en salle, le 29 août du film du documentariste Nicolas Philibert : « De chaque instant » (Les Films du Losange). Avec Les formatrices, formateurs, étudiantes et étudiants en soins infirmiers de l’IFPS de la Fondation Œuvre de la Croix Saint-Simon, Montreuil

« Chaque année, elles sont des dizaines de milliers à se lancer dans les études qui leur permettront de devenir infirmières. Admises au sein d’un « Institut de Formation en Soins Infirmiers », elles vont partager leur temps entre cours théoriques, exercices pratiques et stages sur le terrain. Un parcours intense et difficile, au cours duquel elles devront acquérir un grand nombre de connaissances, maîtriser de nombreux gestes techniques et se préparer à endosser de lourdes responsabilités. Ce film retrace les hauts et les bas d’un apprentissage qui va les confronter très tôt, souvent très jeunes, à la fragilité humaine, à la souffrance, la maladie, et aux fêlures des âmes et des corps. »

Ici la bande-annonce – grâce à Télérama.

Ce film suit un parcours et complète une œuvre : après un institut dédié aux enfants sourds (« Le pays des sourds », 1992) ou une petite école primaire auvergnate, (« Être et avoir« , 2002) Nicolas Philibert a posé sa caméra à Montreuil (Seine-Saint-Denis). L’AFP :

« Cours théoriques, travaux pratiques, immersion brutale des étudiants en stage: en filmant pendant près de six mois « l’apprentissage », le réalisateur entendait capturer les « soubassements » du métier d’infirmière, « mettre en lumière ce que le temps et l’expérience finissent par rendre imperceptibles ».

« Il révèle, notamment, la complexité des « soins ordinaires », gestes répétés à l’infini qui demandent précision, maîtrise et dextérité, mais aussi des savoirs indispensables, règles d’hygiène et protocoles de sécurité à apprendre par coeur. Il illustre avec force, surtout, l’épineuse mais essentielle mise en place d’une relation avec le patient, la douloureuse confrontation avec la maladie, la souffrance et la mort. »

Pourquoi ? Nicolas Philibert voulait ainsi « rendre hommage à ces personnels, habituellement dans l’ombre et souvent déconsidérés, qui travaillent dans des conditions difficiles » dans les hôpitaux et maisons de retraite en tension, « confrontés au manque de personnel, contraints de travailler à la chaîne » mais « qu’on entend très peu ».  Sauf, il est vrai, lorsque ces soignants se révoltent quand ils estiment ne plus disposer des conditions pour exercer leur métier. Un métier dans lequel certains perçoivent une vocation.

Embolie et Providence

Le documentariste explique que l’idée lui «tournait dans la tête ». « Puis la providence m’a envoyé faire des repérages » dit-il. L’AFP précise que le documentariste évoquant une embolie pulmonaire, qui après l’avoir conduit aux urgences, lui a donné le « déclic ».

Sans voix off, le film est construit en trois mouvements : la théorie, les stages hospitaliers et, au retour, les échanges avec les enseignants-formateurs.

« Certains ont accompagné des patients jusqu’à leur dernier souffle. D’autres ont écouté des récits douloureux, soutenu des familles. Plusieurs ont été confrontés aux problèmes de management voire de harcèlement « dont l’actualité fait souvent écho » » souligne encore l’AFP – cette même AFP qui sait ce qu’il en est de l’écho donné à ces luttes menées pour parvenir à soigner, à réparer les vivants.

L’occasion est ici fournie au documentariste, de pointer « l’écart entre les aspirations et le réel », quand les grands principes enseignés à l’école, notamment sur le plan humain, l’importance de l’écoute et de l’attention portée au patient, sont mis à mal ». « Il faut soigner nos soignants » conclut Nicolas Philibert. Sans pour autant sombrer dans le pathos : l’ « Hôpital-Entreprise » déshumanise, certes, mais son film « ouvre plein de fenêtres », « montrer le désir d’apprendre ». Le désir d’une jeunesse engagée, tournée vers les autres, sensible et multiculturelle. Merci.

A demain

Censurer ou pas : quelle est, au fond, la signification du tabac sur les écrans de cinéma ?

 

Bonjour

Où l’on revient sur la polémique « Agnès Buzyn-censure tabac au cinéma ». Et ce avec un papier original, disruptif et dérangeant de notre confrère Jean-Michel Frodon, sur Slate.fr 1.

Le Dr William Lowenstein avait dit, croyait-on, l’essentiel sur le sujet -également sur Slate.fr : « Censurer le tabac au cinéma? Surtout pas! ». Mais il fallait, outre celui redoutable de l’addictologue, l’œil affûté du critique cinématographique. Extraits essentiels du papier de Frodon :

« Peut-être qu’au degré de déréliction de la politique où on est, une cause aussi bidon est de nature à capter une énergie protestataire qui ne sait plus où et comment s’employer. Pourtant, le mouvement autrement important et profond déclenché par l’affaire Weinstein aurait pu et dû absorber ces énergies. Mais justement, aussi fondé soit-il, il garde le défaut d’être politiquement correct. Tandis qu’avec la cigarette, on allait pouvoir être transgressif, s’éclater vraiment. Professionnels du cinéma, médias et réseaux sociaux tous unis derrière cette bannière frémissante s’en sont donnés à cœur joie. »

Dire tout et surtout n’importe quoi

Pour Frodon l’honneur du cinéma est d’être à la fois « un art, un loisir populaire et un observatoire du réel. » En l’occurrence, cela aura démultiplié les opportunités de dire tout et surtout n’importe quoi. On allait à la fois massacrer des chefs-d’œuvre et nous priver de nos doudous audiovisuels. On allait cacher le monde tel qu’il est.

« Aux barricades citoyens! L’État veut nous empêcher de montrer le monde tel qu’il est, s’exclamait ainsi une grande figure libertaire, et ardent combattant du réalisme en prise sur le monde tel qu’il est véritablement, Frédéric Goldsmith, délégué général de l’Union des producteurs de cinéma, dont les propos à l’AFP, relayés par tous les médias de l’Hexagone, fleuraient bon l’insurrection: ‘’Un film n’est pas là pour refléter la société telle que l’État voudrait qu’elle soit’’.»

Mais encore, au-delà des polémiques de l’entre-soi ? Frodon :

« Qui regarde les films se rendrait aisément compte que le problème existe pourtant. Pas parce qu’on y monte des gens en train de fumer. Parce que, outre les incitations plus ou moins amicales de l’industrie, le fait de fumer est devenu un poncif, une paresse de scénariste pour manifester un geste de liberté (…) Ce phénomène n’est pas propre à la France et au cinéma français d’ailleurs. Il se retrouve dans les films de tous les pays –États-Unis, Grande Bretagne, Japon, Scandinavie, etc.– où une politique de santé publique travaille à réduire les méfaits du tabac. »

« Alors que c’est dans tout le cinéma français que la clope est devenue un signe fort de liberté, d’affirmation de soi, de sens de valeurs plus importantes que la norme sociale.

Exemple du jour: dans le beau film de Robert Guédiguian, La Villa, qui sort cette semaine et dont on ne manquera pas de dire tout le bien qu’on en pense, lorsqu’enfin Ariane Ascaride se réconcilie avec elle-même et avec ses frères, qu’est-ce qu’elle fait? Elle allume une cigarette. Dans quinze jours sort un beau film indé américain, Logan, ultime apparition à l’écran de Harry Dean Stanton. Lorsque le vieil homme doit manifester son esprit resté libre malgré les atteintes physiques de l’âge, comment s’y prend-il (c’est-à-dire comment s’y prend le réalisateur pour exprimer ça)? Il impose le droit de tirer sur sa clope en plein bistrot.

Pour Jean-Michel Frodon la virulence de la levée de boucliers suite aux déclarations d’Agnès Buzyn aura simplement empêché qu’on se pose la moindre question sur le fait de continuer à faire de la cigarette, cette dépendance, un marqueur de liberté d’esprit. Liberté-esclavage ? Où l’on voit que les addictologues ne débattent malheureusement jamais avec les critiques de cinéma.

A demain

1 « La cigarette au cinéma, une paresse pour symboliser la liberté » Slate.fr, 1er décembre 2017

Rembobinage : faudrait-il en finir avec les politiques voulant censurer le tabac au cinéma ?

 

Bonjour

Le tabac fumé est le plus grand des serial killers. Pour autant, le Dr William Lowenstein, président de SOS Addictions, estime qu’Agnès Buzyn, ministre des Solidarités et de la Santé, ne doit pas persister dans sa volonté de vouloir en censurer la représentation dans les films français. « Protéger n’est pas vivre sous un immense préservatif; prévenir c’est lutter contre toute propagande dangereuse mais en sachant raison garder, écrit-il sur Slate.fr. Ne pas faire de publicité pour le tabac est une évidence. Pour autant un film est une vision de la réalité pas un Photoshop sanitaire. »

Face à la polémique grandissante, précisé sur Twitter n’avoir jamais envisagé l’interdiction de la cigarette dans les films français. Elle souhaite «prendre des mesures, mais pas de manière imminente» (sic).  Quant à Michèle Delaunay, présidente de L’Alliance contre le tabac, elle explique sur le même réseau social qu’elle a simplement proposé «de refuser les subventions publiques aux films français nouveaux qui ne respectent pas la loi Evin c’est-à-dire avec des scènes de tabagisme (hors biopics)». Elle ajoute : «J’espère qu’Agnès Buzyn résistera dans ses convictions, qui sont grandes et forgées dans et par le réel.»

« Ces déclarations ne manquent pas d’inquiéter. À juste titre. Censurer est un symptôme d’infantilisme, écrit William Lowenstein. Entre censure et incitation à la consommation du plus grand serial killer de tous les temps –je parle bien du tabac fumé–, entre effacement des œuvres et «placement de produit» devrais-je, moi addictologue, choisir ?» Lire la suite sur Slate.fr.

A demain

Fin du tabac au cinéma : Agnès Buzyn dit n’avoir jamais dit ce que tout le monde avait compris

Bonjour

Ce matin une question, sur ce blog : « Censurer le tabac au cinéma : quand la ministre Agnès Buzyn saisira-t-elle qu’elle se fourvoie ? ».  Et cet après-midi la réponse livrée gratuitement par Le Figaro : « Tabac au cinéma : Buzyn dit n’avoir jamais évoqué son interdiction ».

Rembobinons-donc. C’était il y a quelques jours au Sénat (voir la vidéo de Public Sénat) ; la parole est à  Nadine Grelet-Certenais(PS, Sarthe), sénatrice depuis quelques jours :

« Il faut aller au-delà du porte-monnaie (…) en s’intéressant notamment aux incitations culturelles à fumer. Je pense par exemple au cinéma qui valorise la pratique. La Ligue contre le cancer démontre dans une étude que 70 % des nouveaux films français mettent à l’image au moins une fois une personne en train de fumer.

« Ça participe peu ou prou à banaliser l’usage, si ce n’est à le promouvoir, auprès des enfants et des adolescents, qui sont les premiers consommateurs de séries et de films, sur internet notamment. Des solutions doivent être envisagées pour mener une véritable politique de prévention prenant en compte cette sorte de publicité détournée pour la consommation de tabac ».

Réponse d’Agnès Buzyn, ministre des Solidarités et de la Santé :

« Le deuxième plan [national de réduction du tabagisme] va travailler sur le marketing social, sur les réseaux sociaux, à la dénormalisation de l’image du tabac dans la société, notamment vis-à-vis des jeunes. Et je rejoins totalement ce qu’a dit Madame la sénatrice sur le cinéma français. Je veux qu’on ait une action ferme là-dessus. Je ne comprends pas l’importance de la cigarette dans le cinéma français. Il se trouve que j’en ai parlé au conseil des ministres ce matin à Françoise Nyssen [ministre de la Culture] pour l’alerter. Il y aura des mesures en ce sens. »

Liberté et responsabilités

Suivit une polémique qui ne cesse d’enfler dénonçant pour l’essentiel les propos ministériels. Aujourd’hui 21 novembre, sur Twitter, la ministre  tente de calmer le jeu. Elle affirme n’avoir jamais envisagé l’interdiction de la cigarette dans les films français. « Elle souhaite prendre des mesures, mais pas de manière imminente » (sic). Selon elle la polémique «n’a pas lieu d’être». Elle assure, dans son tweet, n’avoir «jamais envisagé ni évoqué l’interdiction de la cigarette au cinéma ni dans aucune autre œuvre artistique». «La liberté de création doit être garantie» assure-t-elle désormais.

Son cabinet vient d’affirmer au Figaro qu’elle avait simplement souhaité réagir à la remarque de l’élue de la Sarthe , «se sentant particulièrement concernée au regard de sa connaissance approfondie du sujet». Et on rappelle que la ministre fut un temps présidente de l’Institut national du cancer.

Puis, quelques minutes après le message niant sa volonté d’interdire la cigarette dans les œuvres cinématographiques, Agnès Buzyn a tenu à rappeler, dans un second tweet, qu’une majorité de films contient des scènes de consommation de tabac – ce qui pose tout de même la question de «l’indépendance des réalisateurs vis-à-vis des incitations à montrer la cigarette».

«Agnès Buzyn est contre les mesures coercitives. Elle veut préserver la liberté de création des cinéastes, précise-t-on encore au cabinet de la ministre de la Santé. Mais les réalisateurs doivent aussi prendre leurs responsabilités. La France est un cas particulier dans le monde. Comment peut-on faire autant de campagnes pour inciter les Français à arrêter de fumer et avoir une industrie cinématographique dans laquelle le tabac est aussi présent ?»

Où l’on comprend que personne n’avait compris ce que la ministre avait bel et bien dit. Et que chacun et libre de créer tout en ayant intérêt à savoir prendre ses responsabilités.

A demain

 

Censurer le tabac au cinéma : quand la ministre Agnès Buzyn saisira-t-elle qu’elle se fourvoie ?

Bonjour

Rien de pire, parfois, que le premier degré, la volonté de trop bien faire, le pouvoir politique de trop embrasser. On suspectait Agnès Buzyn d’être exposée à ces risques. La ministre des Solidarités et de la Santé vient de le confirmer : nous venons d’entendre qu’elle annonce sa volonté d’interdire les images de cigarettes consommées sur les pellicules des salles obscures. Et elle dit avec une forme d’ingénuité qui ne manque pas d’interroger :

« Je ne comprends pas l’importance de la cigarette dans le cinéma français. Il se trouve que j’en ai parlé au conseil des ministres ce matin à Françoise Nyssen [ministre de la Culture] pour l’alerter. Il y aura des mesures en ce sens. »

Violence rare

Quelles mesures ? On imagine sans mal l’embarras de François Nyssen, bouclier politique officiel de la création artistique, embarquée d’autorité dans cette entreprise. Quelles mesures contraignantes pourra-t-elle cautionner sans apparaître aussitôt trahir sa mission ?  Tout a été résumé par le philosophe médiatique Raphaël Enthoven. C’était sur Europe 1, une charge d’une violence rare contre la ministre de la Santé. La fiction n’est pas la vertu.

 « La déclaration d’Agnès Buzyn au Sénat la semaine dernière – que nous avons signalée immédiatement à nos lecteurs  – commence à susciter une inquiétude dans les médias et l’opinion publique, observe le site des buralistes français. Elle annonçait  »des mesures » contre la présence du tabac et de fumeurs dans la création cinématographique française. Depuis les réactions s’enchaînent : sur les réseaux sociaux (voir « Nous sommes 13 millions de fumeurs adultes et responsables ») ou dans les conversations quotidiennes … tout cela amplifié dans les médias. » Et de citer Jean-Michel Helvig (La République des Pyrénées)

« (…) Si ne plus montrer de clopes au cinéma fait arrêter de fumer, alors chassons des scénarios les crimes, viols, vols, drogues et toutes formes de déviances, ainsi vivra-t-on enfin dans un monde irénique. Il y a quelques années, d’aucuns avaient cru bien faire, en effaçant sur les affiches la pipe de  »Monsieur Hulot » ou le mégot de Jean-Paul Sartre. Le sens du ridicule avait éteint de telles initiatives, espérons que le bon sens évitera au gouvernement de s’ériger par la loi en critique cinématographique. »

Cigarettes après l’amour

Où l’on retrouve, sur le fond, le vieux débat des possibles vertus de la censure, celui de l’hygiénisme qui confine au totalitarisme. Comment raisonnablement progresser dans la réflexion politique sans entendre la voix des soignants spécialistes de la prise en charge des addictions ? Comme le Dr William Lowenstein, président de SOS Addictions :

« Entre censure et incitation à la consommation du plus grand serial killer de tous les temps (j’ai nommé le tabac fumé) entre effacement des oeuvres et placement de produit quel camp choisir ?  Nos biens les plus précieux sont la santé et là liberté. Les addictions menacent les deux. Mais, en aucun cas, on ne saurait toucher à la liberté d’expression pour raisons hygiénistes. Perdre la liberté artistique au nom de la santé deviendrait un risque de sclérose existentielle. La vie est une maladie sexuellement transmissible, constamment mortelle. Faut-il la censurer ? 

 « Non, protéger n’est pas vivre sous un immense préservatif; prévenir est lutter contre toute propagande dangereuse mais en sachant raison garder. Ne pas faire de publicité pour le tabac est une évidence (comme pour l’alcool ajouteraient nos sénateurs qui ont détricoté la loi Évin durant le quinquennat Hollande ….). Pour autant un film est une vision de la réalité pas un Photoshop sanitaire. C’est en partant de cette réalité et non en la niant que l’addictologue peut agir. En connaissant les fonctions positives initiales, en diminuant les risques des plaisirs, en se méfiant des tyrannies, comme celles de l’idéal et de l’abstinence. » 

Pour le Dr Lowenstein il est possible de ringardiser le tabac, d’en diminuer l’attractivité sans toucher à l’art, à la créativité. Possible et socialement sain.  « Ringardiser le tabac, c’est apprendre à décoder, à sourire des scènes  »cigarette après l’amour » et non pas supprimer l’amour, dit-il. Quant à l’addictologue, parce qu’il est du côté de la vie, il ne saurait la gommer. »

 A demain

1 Sur ce thème on lira aussi avec le plus grand intérêt l’entretien accordé à L’Obs par Jean-Pierre Couteron, président de la Fédération addiction : « Interdire la cigarette dans les films français : censure ou mesure de santé publique ? »

 

 

 

Agnès Buzyn ne comprend pas l’importance qu’a le tabac dans le cinéma français. Pourquoi ?

Bonjour

Faire effacer ce qu’ils ne sauraient voir. Cela vaut pour le tabac comme pour les fresques obscènes des internats hospitaliers. C’était il y a quelques jours au Sénat (voir la vidéo de Public Sénat) ; la parole est à  Nadine Grelet-Certenais (PS, Sarthe), sénatrice depuis quelques jours :

« Il faut aller au-delà du porte-monnaie (…) en s’intéressant notamment aux incitations culturelles à fumer. Je pense par exemple au cinéma qui valorise la pratique. La Ligue contre le cancer démontre dans une étude [.datant de … 2012- 1que 70 % des nouveaux films français mettent à l’image au moins une fois une personne en train de fumer.

« Ça participe peu ou prou à banaliser l’usage, si ce n’est à le promouvoir, auprès des enfants et des adolescents, qui sont les premiers consommateurs de séries et de films, sur internet notamment. Des solutions doivent être envisagées pour mener une véritable politique de prévention prenant en compte cette sorte de publicité détournée pour la consommation de tabac ».

Réponse d’Agnès Buzyn, ministre des Solidarités et de la Santé :

« Le deuxième plan [national de réduction du tabagisme] va travailler sur le marketing social, sur les réseaux sociaux, à la dénormalisation de l’image du tabac dans la société, notamment vis-à-vis des jeunes. Et je rejoins totalement ce qu’a dit Madame la sénatrice sur le cinéma français. Je veux qu’on ait une action ferme là-dessus. Je ne comprends pas l’importance de la cigarette dans le cinéma français. Il se trouve que j’en ai parlé au conseil des ministres ce matin à Françoise Nyssen [ministre de la Culture] pour l’alerter. Il y aura des mesures en ce sens. »

Les alcools et les tabacs de Gainsbourg

Public Sénat ajoute que, selon la ministre, d’autres mesures seront prises comme des « mesures d’interdiction de fumer devant les écoles et lycées », ainsi que des actions  visant des « publics-cibles » : les chômeurs qui fument à 50% et les « femmes enceintes françaises, qui fument beaucoup trop ».

« Interdire la cigarette à l’écran ? L’idée de la ministre de la santé fait tousser de rire le milieu » rapporte 20 Minutes. Et sur Europe 1 le philosophe Raphaël Enthoven est d’une violence rare contre la ministre de la Santé en particulier, le pouvoir exécutif en général.

On se souvient, pour résumer, du refus par la RATP de l’affiche d’un film sur Coco Chanel (cigarette dans les mains d’Audrey Tautou), de la pipe de Jacques Tati, des tabacs et des alcools de Serge Gainsbourg.

Où l’on retrouve la même dynamique de l’effacement des images par le pouvoir, la même confusion de l’effet et de la cause. Sans oublier le débat éternel sur la liberté de création artistique et la réalité des innombrables effets de ces créations. Un sujet sur lequel les spécialistes d’addictologie pourraient, peut-être, avoir quelques avis.

A demain

1 Cette étude avait été révélée par Le Figaro à l’occasion de la Journée mondiale sans tabac de 2012. La Ligue avait alors fait visionner les 180 films français ayant comptabilisé le plus grand nombre d’entrées entre 2005 et 2010. Elle dénonçait «la trop forte présence du tabac sur les écrans» et demandait une prise de conscience du monde du 7e art.

« Sur la période étudiée par l’Institut Ipsos, 80% des films contiennent au moins une scène de tabagisme et 30% plus de dix, précisait Le Figaro. En moyenne, le tabac s’impose pendant 2,4 minutes par long-métrage, ce qui équivaut à la durée de cinq publicités. Jugé atypique, Gainsbourg, vie héroïque , qui cumule 43 minutes de tabagisme, a été exclu du calcul. C’est de loin le film où l’on fume le plus depuis 2005. Viennent ensuite Un prophète Coco avant Chanel et Les Petits Mouchoirs . Les marques sont moins visibles que par le passé, mais elles figurent dans certains films, comme Incontrôlable de Raffy Shart où Philip Morris apparaît à neuf reprises. Marlboro reste la plus représentée. »

En France, le « placement de tabac » est interdit par la loi Évin. La seule action en justice engagée en 2012 concernait le film Cliente, réalisé par Josiane Balasko, où la marque Malboro Light apparaît dans neuf séquences, mais aussi dans le générique. La Ligue contre le cancer espèrait alors que le Centre national de cinéma se saisirait de cette question. Selon le Pr Albert Hirsch, «tout en respectant la liberté de création, on pourrait envisager des messages d’avertissement, voire une interdiction aux moins de 18 ans des films où le tabac est omniprésent».

 

Martin Hirsch et l’éthique médicale à l’AP-HP. Pour Knock : Omar Sy ou Louis Jouvet ? 

Bonjour

La France ruisselle de soleil. A la nuit tombée, sur une chaîne privée, le président jupitérien est annoncé depuis notre Palais de l’Elysée.

Un indiscret qui n’en est pas un dans Le Journal du Dimanche de ce 15 octobre 2017 :

« Martin Hirsch publiera le 2 novembre un récit intitulé « L’hôpital à cœur ouvert ». Au début de cette plongée dans les coulisses de l’AP-HP (…) son directeur général raconte notamment le cas de conscience des soignants ayant dû prendre en charge, début août, le terroriste qui avait attaqué les militaires à Levallois-Perret. »

Est-ce dire que les soignants se sont confiés à leur supérieur hiérarchique pour qu’il en tire une quintessence éthique ? Cette dimension ne figure pas dans le teasing de l’éditeur :

« Martin Hirsch dirige depuis quatre ans l’Assistance Publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP), le plus grand centre hospitalier d’Europe, navire amiral du système de santé français. Il montre les défis auxquels l’AP-HP est confrontée avec l’irruption des technologies numériques, les difficultés à concilier les contraintes financières avec les aspirations des personnels et des patients, les conséquences à venir de l’augmentation « épidémique » des maladies chroniques dans une population vieillissante. Il nous fait ainsi pénétrer dans les coulisses de l’hôpital et, depuis le cœur du réacteur, aborde les sujets de préoccupations de nombreux Français.»

Jules Romains et Jean Carmet

Sans transition, le même quotidien dominical réduit à néant le prochain Knock dans lequel Omar Sy ose prendre la place de l’effroyable Louis Jouvet. On pouvait craindre le pire. On avait amplement raison. Ou comment ne rien comprendre à la dimension fantastique, prophétique, éminemment politique de l’œuvre majeure (1923) de Jules Romains. Omar Sy « sympathique et humain » quand Jouvet préfigurait le fascisme. Cela donne à peu près ceci :

« Le Docteur Knock est un ancien voyou devenu médecin qui débarque dans le petit village de Saint-Maurice afin d’y faire fortune selon une méthode particulière. Il va ainsi faire croire aux villageois qu’ils ne sont pas aussi bien portant qu’ils pourraient le penser. C’est ainsi qu’il trouvera chez chacun un symptôme imaginaire, ou pas, et de ce fait pourra exercer lucrativement sa profession. Sous ses airs de séducteurs et après avoir acquis la confiance du village, Knock est sur le point de parvenir à ses fins. Mais son passé le rattrape et une ancienne connaissance vient perturber les plans du docteur. »

 Calamitas…. Et puis, dans le quotidien dominical, on lit que le Knock de Guy Lefranc (1951) (le jeune Carmet, Jouvet à l’acmé de son talent) ressort sur les écrans.

Ou l’on voit, une fois encore, que le pire n’est jamais certain.

A demain

 

 

Voulez-vous assister à la mort de l’Etat français comme vous ne la verrez plus jamais ?

 

Bonjour

« Nous autres, civilisation, nous savons maintenant que nous sommes mortelles ». On connaît la célèbre formule de la lettre ouverte de Paul Valéry parue tout d’abord en anglais avant d’avoir les honneurs de la NRF (1er août 1919). 1. Un demi-siècle, et puis « Quand la France s’ennuie » de Pierre Viansson-Ponté (Le Monde du 15 mars 1968) :

« Ce qui caractérise actuellement notre vie publique, c’est l’ennui. Les Français s’ennuient. Ils ne participent ni de près ni de loin aux grandes convulsions qui secouent le monde, la guerre du Vietnam les émeut, certes, mais elle ne les touche pas vraiment. Invités à réunir « un milliard pour le Vietnam », 20 francs par tête, 33 francs par adulte, ils sont, après plus d’un an de collectes, bien loin du compte. D’ailleurs, à l’exception de quelques engagés d’un côté ou de l’autre, tous, du premier d’entre eux au dernier, voient cette guerre avec les mêmes yeux, ou à peu près. Le conflit du Moyen-Orient a provoqué une petite fièvre au début de l’été dernier : la chevauchée héroïque remuait des réactions viscérales, des sentiments et des opinions; en six jours, l’accès était terminé. (…)

On ne construit rien sans enthousiasme. Le vrai but de la politique n’est pas d’administrer le moins mal possible le bien commun, de réaliser quelques progrès ou au moins de ne pas les empêcher, d’exprimer en lois et décrets l’évolution inévitable. Au niveau le plus élevé, il est de conduire un peuple, de lui ouvrir des horizons, de susciter des élans, même s’il doit y avoir un peu de bousculade, des réactions imprudentes.

Dans une petite France presque réduite à l’Hexagone, qui n’est pas vraiment malheureuse ni vraiment prospère, en paix avec tout le monde, sans grande prise sur les événements mondiaux, l’ardeur et l’imagination sont aussi nécessaires que le bien-être et l’expansion. Ce n’est certes pas facile. L’impératif vaut d’ailleurs pour l’opposition autant que pour le pouvoir. S’il n’est pas satisfait, l’anesthésie risque de provoquer la consomption. Et à la limite, cela s’est vu, un pays peut aussi périr d’ennui. »

Confidences invraisemblables du chef de l’Etat

Et maintenant ? Il y a les « primaires », d’invraisemblables confidences du chef de l’Etat, et le cinéma. Avec, actuellement sur les écrans, un film qui n’en finit pas. C’est un film asphyxiant. C’est un film fantastique 2. Signé du cinéaste catalan Albert Serra, ses ombres baroques avaient ébloui le festival de Cannes. Elles illuminent désormais les salles obscures. Les historiens pointillistes et spécialisés diront que cette œuvre cinématographique n’est pas fidèle, qu’elle ne colle pas aux célèbres mémoires du duc de Saint-Simon. 3 C’est exact et c’est sans aucune importance: ce décalage ne déforme pas mais concentre une réalité décrite il y a précisément trois siècles. Nous ne sommes pas dans le documentaire, nous bénéficions d’un transport transcendant. Tout, ici, devient allégorie: la mort du Roi qui était à la fois le Soleil et l’Etat. La fin de l’apogée de la royauté française et les premières minutes de son déclin. Les «deux corps du roi» et le «paradoxe du comédien».

Une seconde dans le parc de Versailles et nous voilà plongé dans les ombres du huis clos de la chambre du Roi-Soleil. Non, le très vieux roi ne met pas en scène sa mort. Non, il n’organise pas sa fin pour, dans une relative liberté, rejoindre le Créateur qu’il incarnait depuis si longtemps. C’est un pauvre homme en fin de vie s’époumonant dans les fastes dont il ne peut plus jouir. C’est un vieux malade (soixante-seize ans) soumis aux volontés de ses médecins – des médecins perdus dans leurs diagnostics et, plus encore, dans leurs hésitations thérapeutiques. Tout cela à la lueur des bougies devant une jambe gauche se putréfiant, se noircissant. Une jambe proprement crépusculaire.

Sous l’horizon des vivants

Nous voyons le Roi-Soleil déclinant sous l’horizon des vivants. Il laisse une France à la fois au sommet de sa puissance et épuisée par les guerres.  Au cœur de l’été 1715, son premier chirurgien, Georges Mareschal, le tient pour perdu. Mais le pouvoir est entre les mains de Guy Crescent Fagon, son premier médecin. Refus de la saignée réclamée, prescription d’ambre jaune en poudre. Bientôt une «incommodité aux jambes» et voici le Roi qui contremande sa chasse. La cuisse et la jambe gauche sont douloureuses. Le Dr Fagon diagnostique une sciatique. Légère rougeur au-dessus de la jarretière: Mareschal fait des frictions de linges chauds. Le Roi réclame un verre d’eau et de cristal.

On fait appel à quatre autres médecins ordinaires de la Cour. Examens en présence du confrère Fagon. Pas d’inquiétudes particulières. Mais le Roi faiblit, perd son légendaire appétit des mets et de la vie. Ses chairs fondent. Il se fait porter en chaise de son cabinet à sa chambre et ce sont là ses seuls trajets quotidiens.

«Le 19 août, le consciencieux Mareschal s’inquiéta d’une noirceur au pied. Imbu de sa science et gonflé de suffisance, Fagon ne doutait toujours pas de la bénignité de l’indisposition. Le lendemain, cependant, il prescrivit un bain d’herbes aromatiques, mêlées de vin de Bourgogne chaud, et des massages de la jambe malade» raconte l’historien Jean-Christian Petitfils, biographe de Louis XIV. 4

«Ne serait-ce pas une cangrène ? »

Puis ce sont dix «sommités médicales» venues de Paris à la demande de Fagon qui entend conforter son diagnostic. Ils tâtèrent cérémonieusement le pouls royal «par rang d’ancienneté». Faire chuter la fièvre? On recommande du lait d’ânesse. Le Roi en boit. Le 23, arrêt du lait. L’hypothèse diagnostique ne varie pas: une forme de mauvais érysipèle. Des voix confraternelles s’élèvent bientôt: «ne serait-ce pas une cangrène ? ». Là encore, la métaphore du mal pernicieux qui gangrènera la royauté mortifiée – jusqu’à faire couper la tête de celui qui l’incarnera. Ce sera, on le sait, le 21 janvier 1793.

Le 26, Mareschal ose quelques coups de lancette: la cangrène a gagné l’os. Amputer? Le malade est partant, les chirurgiens venus de Paris ont des larmes dans les yeux. Un «empirique» venu de Marseille se présente à Versailles. On lui ouvre: il détient un remède miracle au grand dam de Fagon. «Il n’y a point de risque à tout tenter» dit Mareschal. Dilué dans du vin de Bourgogne, l’elixir vitae du charlatan Lebrun sera finalement sans effet. La cangrène monte, atteint le genou, le dépasse, enfle la cuisse et l’enlaidit.

Baisers volés dans la vallée

Mme de Maintenon quitte Versailles pour Saint-Cyr. Le Roi la fait rappeler. Vient le temps de la prière des agonisants. Louis la récite. Nunc et in hora mortis. Entrée dans le coma, expiration douce après l’aube du 1erseptembre 1715. On parle aujourd’hui d’une ischémie aiguë du membre inférieur, d’une embolie liée à une arythmie complète, compliquée de gangrène. Son règne aura duré soixante-douze années et cent jours. Guy-Crescent Fagon mourra trois années plus tard.

Le film d’Albert Serra montre tout cela. Et quand il ne le montre pas, il le suggère (formidable bande-son), il le transcende. C’est une tragédie-agonie dans une chambre aux tentures cramoisies, aux perruques grises. C’est aussi une mise en abîme avec Jean-Pierre Léaud, génie revenu de la Nouvelle Vague et aujourd’hui agonisant.

En 1968, quand Pierre Viansson-Ponté prophétisait depuis le deuxième étage du 5-7 rue des Italiens, sortait en salle  Baisers volés de François Truffaut inspiré du balzacien Le Lys dans la vallée. Léaud Jean-Pierre y jouait Antoine Doinel. Un demi siècle plus tard il est Louis XIV. La messe est dite.

A demain

1 « La crise de l’esprit », Paul Valéry Editions Manucius, 6,5 euros

2 « La Mort de Louis XIV ». Film d’Albert Serra, avec Jean-Pierre Léaud, Patrick d’Assumçao, Marc Susini, Irène Silvagni, Bernard Belin, Jacques Henric. Durée : 1h55.

 3 duc de Saint-Simon Mémoires, t. III : La Mort de Louis XIV, sous la direction de G. Truc. 2008

4 Gueniffey P. (sous la direction de) « Les derniers jours des Rois ». 2014 Editions Perrin

Ce texte reprend en partie celui publiée dans les colonnes et sur le site de la Revue Médicale Suisse.

Bientôt au cinéma : l’histoire d’une pneumologue qui a mis en lumière un scandale sanitaire

 

Bonjour

« Le Monde du silence ». On se moquait jadis, du commandant Cousteau. Moins de sa personne que de son omniprésence médiatique et publicitaire. Il en était de même d’Haroun Tazieff « Pouvez-vous me citer le nom d’un autre vulcanologue ? » tempêtait, dans les couloirs de la rue des Italiens, la cartographe et rubricarde séismes et typhons du Monde. C’était au temps où la planète ne se réchauffait pas. Ou alors on ne nous le disait pas.

Les scandales sanitaires, eux, commençaient à poindre. Ils n’ont, depuis, guère cessé. Avec un invariant : trouver le coupable (si possible unique). Et célébrer le lanceur d’alerte (même remarque). Dans le cas du Médiator d’un côté les laboratoires Servier. De l’autre le Dr Irène Frachon. Les historiens démontreront peut-être, après demain,  que c’est un peu plus compliqué. Il restera notamment à préciser le rôle exact du Dr Aquilino Morelle qui fut en charge, à l’IGAS, de la rédaction des minutes officielles.

Pour l’heure le casting est parfait. Il l’est d’autant plus que les laboratoires Servier se sont emmurés dans le déni quand la « pneumologue de Brest » offre une personnalité hors du commun – un parcours atypique  qu’elle n’hésite guère à confesser 1.

On ne pouvait en rester là. Le Monde nous confirme aujourd’huque l’histoire du Dr Frachon a été adaptée au cinéma. Adaptation de la scénariste, actrice et réalisatrice Emmanuelle Bercot. Mieux encore le Dr Fracon sera présente à l’avant-première de la projection de  « La Fille de Brest » le samedi 17 septembre dans le cadre du « Monde Festival ».

De Brest à Copenhague

Qui allait jouer le rôle-titre ? Aucune actrice française ne pouvait, pour Emanuelle Bercot, incarner Irène. Pas même Sandrine Bonnaire. Et surtout pas Isabelle Huppert. La suite :

« La solution, c’est Catherine Deneuve qui la trouvera. « Un soir qu’on dînait ensemble – on venait de finir La Tête haute – elle m’a parlé de Sidse Babett Knudsen, l’actrice danoise qui, dans Borgen, interprète la première ministre du Danemark. Comme je ne connaissais ni l’actrice ni la série, je me suis précipitée dessus dès le lendemain. »

 Rencontrée à Copenhague, Sidse Babett Knudsen acceptera immédiatement le rôle. Quant à Irène Frachon, ce choix l’enthousiasme. « Je ne le savais pas, mais c’est une fan de Borgen. Etre incarnée par Sidse relevait pour elle du rêve absolu » assure Emanuelle Bercot. Happy end. Peut-être faut-il rappeler le titre complet, en français, de la série télévisée danoise : « Borgen, une femme au pouvoir ».

A demain

1  « Mediator et Big Pharma : le Dr Irène Frachon n’a pas toujours été la sainte que l’on connaît » (Journalisme et santé publique, 12 juin 2015)