Bonjour
A verser au dossier Rivasi Michèle. C’est un exercice original que vient de réaliser Le Point (Thomas Mahler et Géraldine Woessner) : organiser un entretien avec une eurodéputée Europe Écologie-Les Verts, une élue qui s’estime victime d’une « campagne de déstabilisation » de la part … du Point. Et ce depuis le mois de juin et un dossier de l’hebdomadaire : « Écologie : vérités et fariboles » qui présentait les positions de Michèle Rivasi – numéro deux de la liste Europe Écologie-Les Verts (EELV) aux élections européennes et agrégée de sciences naturelles – « contre les vaccins, pour l’homéopathie et contre les ondes électromagnétiques ». soit trois oppositions à des consensus scientifiques. Dans son éditorial, le directeur du Point Étienne Gernelle écrivait, à propos de l’eurodéputée, que « certaines positions semblent tenir plus du champignon hallucinogène que de la science. Sa posture complotiste contre les vaccins, derrière lesquels elle voit la main des laboratoires, et ses convictions sur la nocivité des ondes, qui vont bien au-delà des faits pour l’instant établis, sont ahurissantes ».
Réplique. Sur le site de Politis Michèle Rivasi évoqua une « campagne calomnieuse » en raison de « son combat contre les lobbys ». « Alors qu’elle nous réclamait, par avocats interposés, un droit de réponse, nous lui avons proposé à la place un grand entretien, estimant que le débat était toujours plus fécond, précise l’hebdomadaire. La rencontre s’est faite dans l’antenne parisienne du Parlement européen. De notre point de vue, ce fut courtois, pour ne pas dire sympathique sur le plan humain, mais scientifiquement totalement surréaliste. Michèle Rivasi a présenté sa position sur les vaccins et, après un semblant de mea culpa, a défendu les ‘’travaux’’ d’Andrew Wakefield, chef de file des anti-vaccins mis au ban de la communauté scientifique. Elle a aussi maintenu ses positions sur l’homéopathie, ravivant la fumeuse mémoire de l’eau de Jacques Benveniste. » Extraits.
I Vaccins.
Michèle Rivasi est-elle ou non « antivaccins » quand elle déclare : « Aujourd’hui, les vaccins créent plus de problèmes qu’ils n’en résolvent » ? Que répond-elle à Agnès Buzyn qui l’accuse de diffuser des « fake news » ?
« C’est une phrase sortie de son contexte.
Je rencontrais une délégation des pays d’Afrique, Caraïbes et Pacifique (ACP).
On me disait que pour résoudre les problèmes de santé en Afrique, il faut des
vaccins. J’ai répondu que, parfois, la vaccination ne résout pas tous les
problèmes ; qu’il faut plutôt réfléchir à des dispensaires, à assainir la
qualité de l’eau… Cette phrase ne doit ainsi pas être généralisée.
« Il y a deux ans, Mme Buzyn m’avait
convoquée au ministère de la Santé, à propos de l’obligation vaccinale. Je lui
ai dit que je préférais des recommandations à l’obligation, comme ce qui se
fait dans beaucoup de pays européens. Je l’avais avertie que l’obligation
vaccinale allait faire monter le nombre des antivaccins… Mon objectif en
matière de politique vaccinale, ce n’est pas de contraindre, mais de convaincre
en restaurant la confiance (…) La perte de confiance est pour moi liée aux
scandales, comme la campagne vaccinale contre l’hépatite B et la grippe H1N1 et
les 90 millions de doses commandées. Il y a aussi une épidémie de conflits
d’intérêts. Les experts ne doivent pas être payés par les laboratoires. Il faut
aussi qu’on évalue le rapport bénéfices-risques pour chaque vaccin et que l’on
fasse plus de pédagogie plutôt que de l’imposer en infantilisant l’usager. Pour
retrouver la confiance, je réclame également une meilleure vaccinovigilance,
des études indépendantes sur les adjuvants en aluminium et la multivaccination
chez le nourrisson de moins de 18 mois. Ne risque-t-on pas, en
vaccinant trop tôt, de fragiliser le système immunitaire des enfants ? En
Allemagne, suite à une étude épidémiologique, l’hexavalent a été retiré du
marché. En quoi mon discours est-il alarmiste ? »
Pourquoi a-t-elle déclaré qu’il existait un lien de causalité entre le vaccin contre l’hépatite B et la sclérose en plaques ?
« Non !
Sous le gouvernement de Lionel Jospin j’étais députée à l’Assemblée nationale. Bernard
Kouchner avait demandé qu’on ne vaccine plus les adolescents au niveau du
collège, suite à la campagne vaccinale menée par Philippe Douste-Blazy au
milieu des années 1990. Le directeur général de la Santé, Lucien Abenhaïm,
m’a dit en 1999 qu’il n’y a à l’heure actuelle pas d’élément de
preuves entre le vaccin contre l’hépatite B et la sclérose en plaques, mais
qu’il avait deux infirmières qui, après vaccination et rappel, ont déclaré une
sclérose en plaques. Il m’a confié être menacé si jamais il évoquait ce lien de
causalité…
« Certes,
établir un lien de causalité direct est très difficile à faire. En l’espèce, il
n’y a que des présomptions de preuves. Saisie en 2015, la Cour de cassation
décide alors de surseoir à statuer et de renvoyer une série de questions
préjudicielles à la Cour de justice de l’Union européenne. Celle-ci
a ouvert la voie en 2017 à des indemnisations dans des
procédures entre malades et fabricants de vaccins. L’affaire peut être
résumée ainsi : en l’absence de consensus scientifique quant à une
relation de causalité, la « proximité temporelle » entre
l’administration d’un vaccin et la survenance d’une maladie et
« l’absence d’antécédents médicaux personnels et familiaux (ainsi que
l’existence d’un nombre significatif de cas répertoriés de survenance de cette
maladie à la suite de telles administrations) peuvent constituer des indices
suffisants pour justifier une indemnisation. »
« Agnès Buzyn, elle-même, m’a dit qu’on
s’est aperçu qu’il y a plus de risques à vacciner des ados que des bébés. Voilà
ce que m’a déclaré la ministre ! Sur le fond, le lien de causalité est un
principe juridique et non scientifique. De même, pour votre gouverne, la
justice s’appuie sur des expertises scientifiques. Il faut reconnaître, en
l’espèce, qu’il n’y a pas de consensus scientifique, mais vous ne pouvez pas
dire que « toutes les études disent le contraire ». Ce serait un déni. »
II Homéopathie
Pourquoi être contre le déremboursement de l’homéopathie alors que son efficacité n’a pas été scientifiquement prouvée ?
« Ce
n’est pas parce qu’on ne comprend pas le mode d’action que cela signifie qu’il
n’y a pas d’effets ! Ceux de l’homéopathie s’expliqueraient par une
vibration. La molécule laisse une trace, en quelque sorte, dans le liquide de
dilution… Par ailleurs, je ne comprends pas pourquoi on s’acharne à vouloir
dérembourser l’homéopathie, qui ne coûte pas beaucoup à la Sécu, quand on sait
que notre pharmacopée contient sur le marché un quart de médicaments coûteux
pour la Sécu et dangereux pour la santé comme l’ont dit les professeurs Bernard
Debré et Philippe Even. Peut-être faudrait-il commencer par dérembourser
ceux-ci !
« Il existe aujourd’hui six ou sept
modèles théoriques différents tentant d’expliquer pourquoi l’homéopathie marche
(…)
On sait que
la science avance et progresse au fil du temps. Il faut bien se garder d’avoir
des avis définitifs sur les choses, parce qu’on a d’abord des phénomènes, et
après des théories ou des modèles explicatifs pour décrire les choses. Il
existe aujourd’hui six ou sept modèles théoriques différents tentant
d’expliquer pourquoi l’homéopathie marche : la mémoire de l’eau en est un,
l’approche quantique en est un deuxième, des Italiens travaillent sur la notion
de nanopharmacologie… Il y a aussi d’autres recherches en cours sur
l’homéopathie appliquée aux plantes.
« Mon
argumentaire est simple : on utilise l’homéopathie depuis environ deux
cents ans. Et cela fonctionne ! L’homéopathie a un effet chez certains
patients et sur certaines maladies, sinon on n’aurait pas autant de patients
qui se soignent à l’homéopathie. Les gens observent que lorsqu’ils donnent des
granules à leurs enfants atteints d’otites ou de maladies ORL, les symptômes
disparaissent. Je me dis : c’est très bien ! J’ai aussi rencontré des
vétérinaires qui ont montré l’effet positif des granules dans des élevages de
poules. Cela interroge sur le seul effet placebo de l’homéopathie. (…)
« Je
suis pour la sécurité du patient bien entendu. Supprimer la formation
d’homéopathie à l’université me pose d’ailleurs un problème : il faut
qu’un médecin puisse dire à quel instant l’homéopathie ne suffit plus, et qu’il
faut passer aux antibiotiques. Si on supprime cette formation, on laisse la
porte ouverte aux charlatans, aux « guérisseurs » d’antan qui
n’auront pas fait d’études de médecine pour administrer l’homéopathie. Pour
moi, la sécurité du patient passe par un médecin.
« Et
pour tout vous dire, je pense que dans l’homéopathie, il y a un effet placebo.
Comme dans tout médicament. Mais si les gens préfèrent recourir à de
l’homéopathie plutôt que de consommer d’autres médicaments chimiques, c’est
leur droit, quand même ! On a soigné des gens à l’homéopathie, et des
études le prouvent, même s’il n’y a pas assez d’études cliniques. »
II Ondes,
Linky, wifi
Dénoncer les effets nocifs des ondes électromagnétiques ? Croire en une réalité biologique de l’électrosensibilité ?
« Je suis pour qu’on établisse une liste des symptômes qui ont été
autorapportés par ceux qui en souffrent : perte de mémoire, problèmes
cognitifs, problèmes cardiaques, problèmes de peau, dépression… Quand bien même
l’origine de la maladie n’est pas établie, on est confronté à cette
réalité : à l’heure actuelle, des milliers de personnes souffrent en
présence des émissions électromagnétiques rayonnées par nos appareils sans fil
et le réseau électrique. Essentiellement des femmes parfois jeunes. En tant que
politique, vous vous demandez comment aider ces personnes-là. Et c’est mon
éthique : je dois aider les plus démunis, les personnes qui se disent
victimes de facteurs environnementaux émergents. En ce moment, j’essaie de
trouver une zone blanche dans laquelle reloger ces gens. Dans cette zone sera
mis en place un suivi médico-social, et une recherche européenne, pour
identifier des bio-indicateurs spécifiques pour cette maladie.
« Si
une personne électrosensible me dit : je ne peux pas vivre avec Linky, je
dois l’écouter. Ce sont des « ondes sales » : vous avez des
micro-sautes de tension qui correspondent à des interférences que l’on injecte
dans le réseau électrique et qui se « surajoutent » au courant
domestique. Et la justice a condamné Énédis à poser un filtre protecteur
chez treize personnes électrosensibles ou à laisser le compteur
initial. La justice se doit de faire respecter nos droits fondamentaux dont le
principe de précaution, inscrit dans notre bloc de constitutionnalité. Il
existe de nombreux scientifiques différents. On ne peut considérer la science
comme un bloc monolithique. De surcroît, la justice est fondée sur un principe
important : celui du contradictoire qui permet dans la transparence entre
les parties de faire vivre des controverses scientifiques. »
Pour finir Le Point demande à Michèle Rivasi si elle « éteint son wifi le soir. « Je n’en ai pas chez moi, répond-elle. Je suis câblée. Attention, j’ai aidé le département de la Drôme à avoir la fibre optique. Je suis à fond pour Internet, mais sans ondes ! Le principe de précaution doit guider nos choix politiques et techno-scientifiques. Il y va de la protection de la santé de nos concitoyens. »
Question journalistique et citoyenne, au terme de ce long entretien : est-il encore utile (nécessaire, possible) de débattre avec la députée écologiste Michèle Rivasi ? Que répondrait, ici, Sisyphe ?
A demain @jynau