Covid : la cacophonie, le bon sens et l’appel à la vigilance de SOS Médecins France

Bonjour

11/09/2020. Interrogation montante. Dramatiser à l’excès ou prendre le risque de sous-estimer la réalité chiffrée et ses conséquences ? Dans les médias on n’en finit plus d’aborder l’équation du « sanitaire » qui serait opposée à l’ « économique ». Le tout, le plus souvent, dans la cacophonie, les invectives, l’inaudible. Et l’on observe dans le même temps les premiers affrontements ouverts entre le Conseil scientifique et le pouvoir exécutif.

C’est dans ce contexte qu’est publié un texte dont l’importance mérite d’être soulignée. A la suite du conseil d’administration de SOS Médecins France, réuni ce jeudi 10 septembre, ce texte fait un point sur l’épidémie de Covid et les réponses plus ou moins apportées.  

« Depuis le début de septembre et plus encore ces derniers jours, SOS Médecins constate sur l’ensemble de son réseau national une augmentation importante de ses actes pour suspicion Covid-19 (Passant de 482 cas journaliers le 1er septembre à 991 cas journaliers de suspicion Covid-19 le 9 septembre), précise-t-il. Cette augmentation frappe majoritairement des patients jeunes (moins de 40 ans) peu symptomatiques. Nous devons éviter que cela s’étende dans les prochains jours et semaines à des catégories plus âgées et aux patients fragiles. »

Ce n’est pas tout. Lors de leurs visites à domicile, les 1 300 médecins du groupe constatent que les Français les plus âgés et fragiles sont attentifs et sont pour certains « quasi-confinés ». Et ils précisent que les visites sont l’occasion d’évoquer avec les familles les meilleurs moyens de se protéger, d’épargner les aînés, et de faire face aux situations de cas contact.  

SOS Médecins observe également « une augmentation des consultations pour des enfants en âge scolaire, à la demande des établissements. » « Les familles ont besoin d’un avis médical et d’un certificat difficile à établir sans test PCR, ajoute-t-il. Au sujet des tests, ils observent un engorgement des laboratoires d’analyse et un rallongement des délais. Pour éviter l’augmentation des cas graves, il est impératif de prioriser les tests pour les personnes symptomatiques et les sujets contacts et d’accélérer l’arrivée des tests rapides. »

Au vu de tous ces éléments, sans dramatiser à l’excès mais sans minimiser Pierre-Henry Juan, président de SOS Médecins France, appelle à la vigilance « Si les mesures barrières ne sont pas appliquées, cela risque de générer une augmentation des cas graves. Nous avons tous le pouvoir de lutter contre cette épidémie, restons vigilants. Protégeons en particulier les aînés et les personnes à risque, en portant le masque, en se lavant les mains, et en gardant les distances. »

On attend désormais les futures mesures décidées, sous l’autorité du Président de la République au terme d’un nouveau « conseil de défense ». Mesure par définition marquées du sceau du pouvoir politique. « Sanitaire » versus « économique».

A demain @jynau

Covid. Le Conseil scientifique fait de la politique. Emmanuel Macron lui répond

Bonjour

0/09/2020. Une étape a été franchie par le Conseil scientifique et nul ne sait jusqu’où cette institution pourra aller. Rendu public par le gouvernement le 9 septembre son dernier avis, daté du 3 septembre, dresse « un constat d’échec » à propos de la stratégie d’isolement destinée à lutter contre l’épidémie de Covid-19. Ses membres (chargés de conseiller l’exécutif dans sa gestion de l’épidémie) estiment que la « quatorzaine » qui a été instaurée s’avère en définitive « peu respectée ». Cela « fragilise notre capacité à maîtriser les chaînes de contamination » du coronavirus a jugé, citée par l’AFP, l’anthropologue Laëtitia Atlani regrettant une stratégie « sans cahier des charges ni budget à l’échelle nationale ». Une manière parmi d’autres de parler d’incurie.

Le gouvernement « va être obligé de prendre un certain nombre de décisions difficiles », « dans les huit à dix jours maximum », a pour sa par déclaré le Pr Jean-François Delfraissy. « On peut être faussement rassuré » parce que l’augmentation de la circulation du virus a « peu de retentissement actuellement » sur le système de soins, mais il peut y avoir « une augmentation très rapide, exponentielle, dans un deuxième temps », a averti le président du Conseil scientifique, rappelant que toute décision prise maintenant n’aura d’impact que dans quinze jours.

« Il n’y a aucune raison d’attendre car plus on attend plus il faudra agir fort et sur la durée », confirme au Monde l’épidémiologiste Arnaud Fontanet, membre du conseil scientifique. « Même si le nombre de cas est très inférieur à celui qu’on avait en mars et que le rythme d’augmentation n’est pas le même, la trajectoire montre qu’on va dans le mur », estime-t-il. Selon lui, adopter des mesures ciblées est cependant d’autant plus complexe que l’on manque de données précises sur les circonstances dans lesquelles les personnes infectées ont

Article réservé à nos abonnés été contaminées. »

Le gouvernement «obligé de prendre un certain nombre de décisions difficiles » ? Où l’on voit, pour la première fois de cette manière, le Conseil peser sur la stratégie et les décisions à venir de l’exécutif. Et ce alors que se tient demain 11 septembre un conseil de défense. Or cette initiative du Conseil scientifique n’a guère été du goût du président de la République. Emmanuel Macron a confirmé, lors d’un déplacement en Corse, que le gouvernement annoncerait bien, au terme du conseil de défense consacré au Covid-19, des décisions permettant de « donner de la visibilité sur les prochaines semaines ». Mais il a aussitôt ajouté : « Ce que nous devons faire c’est nous adapter à l’évolution du virus (…). Nous aurons des décisions à prendre, mais voilà, il faut je pense continuer à être exigeants, réalistes, sans céder à quelque panique que ce soit ».

Panique ? Interrogé sur les propos du Pr Delfraissy et ses « décisions difficiles », M. Macron a précisé que « le conseil scientifique est dans son rôle, qui est technique », et qu’il revient aux dirigeants politiques de « prendre des décisions » en « essayant d’être les plus transparents et les plus clairs possible ». Un recadrage en règle, en somme.

Il faut « essayer de ralentir au maximum et de stopper la circulation » du virus avec les gestes barrières et « l’organisation de la vie sociale que nous devons adapter », tout « en permettant de continuer à vivre », notamment « éduquer nos enfants », « soigner les autres pathologies », a ajouté le chef de l’Etat. Emmanuel Macron a également souligné la nécessité de « décliner territorialement » les décisions prises, et a de nouveau appelé les Français à « prendre leur part de responsabilité, parce que nous sommes tous et toutes les dépositaires de cette lutte contre le virus ».

Dans le même temps, le porte-parole du gouvernement, Gabriel Attal, s’est de nouveau refusé jeudi matin sur BFM-TV et RMC à commenter les hypothèses les plus dures concernant les mesures qui pourraient être annoncées (limitations de déplacement, de rassemblement, voire reconfinements localisés) en se bornant à déclarer que cette crise sanitaire démontre « qu’on ne peut jamais rien exclure par principe ».

Où l’on observe ainsi, en direct, un affrontement entre la gestion et l’analyse du risque, entre le politique et le scientifique.

A demain @jynau

Un médecin peut-il sans danger se déclarer «farouchement opposé» au port du masque ?

Bonjour

09/09/2020 Quelques lignes pour une affaire hors norme rapportée notamment par Le Progrès, l’AFP et Le Quotidien du Médecin ( Martin Dumas Primbault).

« Sur la porte de son cabinet, un écriteau va à l’encontre des recommandations des autorités sanitaires. Le Dr Patrick Bellier est farouchement opposé au port du masque, au point d’interdire à ses patients de se présenter devant lui la bouche couverte. ‘’Faire chier 67 millions de Français ne sert à rien ‘’, estime ce pneumologue de Sainte-Foy-lès-Lyon (Rhône). Pour le praticien libéral, en plus  ‘’d’emmerder tout le monde ‘’, l’obligation de porter un masque est « criminelle ». Le Dr Patrick Bellier assure que ‘’les 7 000 cas détectés quotidiennement ces derniers temps sont des porteurs sains’’ qui favorisent ‘’l’évolution du virus vers une forme non-pathogène ‘’. Ces personnes  ‘’empêchent la multiplication des cas graves’’. »

Où l’on retrouve une position défendue par d’autres spécialistes- et qui ne va jamais sans déclencher de vives polémiques. Ce spécialiste de 63 ans établit même un lien entre la reprise actuelle de l’épidémie et les premiers arrêtés imposant le port du masque au milieu du mois d’août. Selon lui le port du masque aurait dû être « obligatoire en mars-avril », tandis que rendre le port du masque obligatoire actuellement « empêche la protection de masse », voire pourrait entraîner d’autres « épidémies ». Le pneumologue prévoit que l’épidémie de Covid-19 s’éteindra « toute seule », de même que la grippe espagnole au début du XXe siècle.

Mais cette prise de position n’a pas été du goût de tous les patients du pneumologue de Sainte-Foy-lès-Lyon . L’un d’entre eux est même allé jusqu’à porter plainte. C’est ainsi que le Dr Patrick Bellier est convoqué devant le conseil départemental de l’Ordre des médecins du Rhône à Lyon le 18 septembre « afin de s’expliquer ». Plusieurs médias ont déjà prévu d’être présents, assure le praticien. Il espère que cette couverture médiatique pourrait « se transformer en manifestation anti-masque ».

A demain @jynau

Sur ce thème : La meilleure façon de persuader une personne anti-masque d’en porter un (Claire Hooker) Slate.fr 9 septembre 2020

Vaccin-Covid: une «maladie inexpliquée» conduit AstraZeneca à suspendre ses essais cliniques

Bonjour

09/09/09. Hier le fait aurait volontiers été durablement passé sous silence. Aujourd’hui l’information s’impose d’emblée, au nom d’une transparence imposée – et ce avec toutes les conséquences que l’on peut d’ores et déjà imaginer.

Le puissant groupe pharmaceutique AstraZeneca a annoncé mardi 8 septembre qu’il devait faire une « pause » dans les essais cliniques de son vaccin expérimental contre le Covid-19 – et ce à cause après l’apparition d’une «maladie potentiellement inexpliquée», (sans doute un effet secondaire grave) chez un participant. Transparence ou pas, aucune autre précision n’a encore été donnée.

« Nous avons déclenché une pause dans la vaccination dans le cadre de notre processus pour permettre l’examen des données de sécurité », a déclaré au Financial Times un porte-parole d’AstraZeneca. « Il s’agit d’un contrôle de routine qui doit se produire chaque fois qu’il existe une affection potentiellement inexpliquée dans l’un des essais afin de garantir le maintien de l’intégrité de nos essais. » Les données seront bientôt revues par un comité indépendant. cette pause affecte un test lancé à très large échelle, dans une procédure de phase 3.

L’annonce a, sans surprise, provoqué une chute de l’action AstraZeneca dans les échanges officieux après la clôture de Wall Street. La firme est le partenaire industriel de l’université britannique Oxford, et leur vaccin est l’un des projets occidentaux les plus avancés, testé sur des dizaines de milliers de volontaires au Royaume-Uni, au Brésil, en Afrique du Sud – ainsi, depuis le 31 août, qu’aux Etats-Unis.

Augmenter les craintes et autres rejets vis à vis de la vaccination

«C’est une action de routine qui est requise dès qu’une maladie potentiellement inexpliquée apparaît dans l’un des essais, pendant l’enquête, afin de maintenir l’intégrité des essais», a précisé le porte-parole de la firme.

On ignore donc la nature et la gravité de cet « événement » – qui selon certains (le site Statnews) pourrait ne pas être d’une gravité particulière. C’est la première suspension connue d’un essai clinique concernant un vaccin expérimental contre l’infection par le SARS-CoV-2. Selon la durée et le résultats des investigations, cette décision pourrait avoir un impact sur le calendrier excessivement serré du développement. Elle pourrait aussi être de nature à augmenter les craintes et autres rejets vis à vis de la vaccination contre cette infection.

La veille de cette annonce le ministre de la Santé britannique avait dit espérer des résultats des essais d’AstraZeneca d’ici la fin de l’année – ou pour le début de 2021. La firme a déjà pré-vendu des centaines de millions de doses à de multiples pays – dans le cas au cas où son vaccin prouverait à la fois son efficacité et son innocuité.

« Les laboratoires pharmaceutiques s’inquiètent de la politisation de la science, qui pourrait conduire à une mise sur le marché d’un vaccin ne répondant pas aux normes habituelles de la FDA et accentuer la défiance de la population américaine, observe pour sa part Le Monde (Arnaud Leparmentier).Celle-ci était habituellement réduite à des mouvements antivaccins puissants — les Etats-Unis ont été frappés eux aussi par la résurgence mondiale de rougeole en 2019 — mais elle est plus large, en raison des craintes de manipulations politiques. Selon le New Yorker, entre un tiers et la moitié des Américains pourraient refuser le vaccin contre le Covid-19. Le ministère de la santé compte lancer une campagne publicitaire en faveur de la vaccination d’ici à novembre, avec le soutien de célébrités américaines. »

Qu’en est-il au ministère français de la santé, alors même que la France est l’un des pays qui, d’ores et déjà, compte un taux élevé d’opposants à cette vaccination ?

A demain @jynau

«Cas contact», Jean Castex, Premier ministre, «va immédiatement subir un test»

Bonjour

08/09/2020 . Avant toute chose, donner l’exemple à la France. Le Premier ministre Jean Castex «va immédiatement subir un test». Et ce parce qu’il n’a pu résister à un passage sur le Tour de France . Et parce qu’il il compte désormais parmi les «cas contacts» du directeur de la course, Christian Prudhomme, qui vient d’être dépisté positif au SARS-CoV-2. Comem c’est l’usage le chef du gouvernement avait pris place ce week-end dans la voiture de l’ancien journaliste pour suivre la 8ème étape. «Ils portaient tous deux un masque et ont respecté les gestes barrières», assure-t-on à l’Hôtel Matignon. Question : sait-on qui seront, le cas échéant, les possibles « cas contacts » de Jean Castex ? Matignon ne le dit pas.

 Directeur de la course, Christian Prudhomme, a subi un test au Covid-19 qui s’est révélé positif, avait annoncé l’Agence France Presse, un peu avant la mi-journée et avant le départ de l’étape. L’information n’a été officiellement confirmée par Amaury Sport Organisation (ASO), l’organisateur de l’épreuve, qu’en tout début d’après-midi. Le patron de la Grande Boucle, asymptomatique, doit ainsi s’écarter de l’épreuve pendant une semaine.

Quatre membres de l’encadrement des équipes Cofidis, AG2R La Mondiale, Inéos Grenadiers et Mitchelton Scott ont également été testés positifs. Ils n’ont pas repris la route. Chez les coureurs, en revanche, aucun cas de contamination au Covid-19 n’a été enregistrée. Les 166 cyclistes encore en lice ont donc pris le départ de la 10e étape entre Oléron et Ré.

Jean Casetx ? «Je me sens parfaitement en forme. Je vais continuer, en appliquant les règles, à exercer ma fonction de chef du gouvernement», a tenu à rassurer le Premier ministre, depuis Biscarrosse (Landes), où il intervient dans le cadre des journées parlementaires du MoDem. «Je vais donc m’appliquer les règles que le gouvernement a édictées et que je vais respecter scrupuleusement. Je m’étais déjà fait tester pour aller sur le Tour comme le veut le protocole. J’ai évidemment porté un masque tout le temps. Je me suis efforcé de respecter les gestes barrières», a-t-il expliqué.

Interrogé sur l’hypothèse selon laquelle le chef du gouvernement serait infecté, Emmanuel Macron n’a pas exclu que le séminaire gouvernemental prévu le 9 septembre soit retardé – ou qu’il se tienne «en visio pour ce qui est du Premier ministre et des éventuels autres cas contacts». «Nous faisons pour nous-mêmes ce que nous demandons à l’ensemble des concitoyens de faire» (s’ils sont identifiés comme « cas contact »), a souligné le chef de l’État. Comment pourrait-on raisonnablement penser qu’il puisse en être autrement ?

A demain @jynau

Pourquoi va-t-on réduire la «quatorzaine» alors que la progression virale est «exponentielle» ?

Bonjour

08/09/2020 Une fois de plus, la nécessité absolue d’une pédagogie destinée au plus grand nombre – un exercice que l’exécutif peine à mettre en place. Le gouvernement va très vraisemblablement réduire la période d’isolement des malades du Covid-19 et des cas contacts, jugeant que la durée actuelle de 14 jours est «trop longue». Mais comment justifier cette mesure alors que les indicateurs de l’épidémie continuent globalement de se détériorer ?

Olivier Véran, ce matin sur France Inter  au sujet de la réduction à venir du délai de quatorzaine en cas de suspicion de Covid-19. « Le Conseil scientifique m’a rendu ses conclusions sur cette question », précise-t-il. « Il est favorable à ce qu’on puisse réduire la période de mise à l’abri dans un certain nombre de situations, et de passer de 14 à 7 jours. On est davantage contagieux dans les 5 premiers jours, ensuite la contagiosité diminue de façon importante. Ce n’est pas à moi de prendre cette décision, elle sera prise vendredi lors du conseil de défense national. »

Dans le même temps on sait que l’incidence du Covid-19 dépasse désormais le seuil d’alerte – soit 50 cas pour 100 000 habitants – dans dix-neuf départements et le taux de positivité (proportion du nombre de personnes positives divisé par le nombre de personnes testées, sur les sept derniers jours) continue d’augmenter : il a atteint 4,9 % dimanche 6 septembre, contre 4,3 % en milieu de semaine.

Dans son dernier point de situation, Santé publique France (SpF) annonce constater une progression « exponentielle » de la circulation du virus et une dynamique de transmission « préoccupante ». Sept nouveaux départements ont été classés en zone rouge, portant le total à vingt-huit. « On a une croissance aujourd’hui de 30 % du nombre de cas par semaine, de 15 % du nombre d’hospitalisations. Si on continue avec ce même rythme, on arrivera sur une situation critique en décembre dans plusieurs régions de France », a averti dimanche l’épidémiologiste Arnaud Fontanet sur LCI.

« Grenade dégoupillée »

« Nous connaissons mieux le virus, et les données montrent que l’essentiel de la transmission a lieu dans les cinq premiers jours de l’infection », souligne Yazdan Yazdanpanah, infectiologue à l’hôpital Bichat et membre du Conseil scientifique, en soulignant qu’un raccourcissement de la quarantaine permettrait de la rendre plus « acceptable ». « Il faut aussi penser aux gens, à la vie, à l’économie du pays », plaide-t-il, cité par Le Monde. Où l’on perçoit la difficulté, y compris chez les membres du Conseil scientifique, à faite la part entre la « santé publique » et l’économique.

Même observation, plus compréhensible, chez les responsables politiques.Olivier Véran avait ainsi expliqué dès le 5 septembre avoir demandé «aux autorités scientifiques de donner un avis pour savoir si on ne peut pas réduire» la période d’isolement pour les cas contacts, la jugeant «sans doute trop longue». Le Monde rappelle que le ministre avait déjà évoqué cette hypothèse le 27 août, lors de la conférence de presse gouvernementale, indiquant avoir «saisi le Conseil scientifique en vue d’adapter si possible les conditions de cette mise à l’abri, et notamment sa durée», disant espérer «un feu vert pour réduire cette période».

Cet avis a été remis au gouvernement jeudi 3 septembre, mais n’a pas encore été rendu public, a indiqué le Conseil scientifique à l’AFP. «Il faut désormais être pragmatiques et efficaces», estimait il y a peu sur Twitter l’épidémiologiste Antoine Flahault. Les ‘’quatorzaines’’ doivent maintenant devenir des semaines de cinq jours. Au-delà de cinq jours, moins de 10% des porteurs de virus non symptomatiques sont contagieux». «Je pense que c’est une bonne idée, je pense qu’effectivement (…) la contagiosité est essentiellement lors des premiers jours, après l’infection, a déclaré lundi sur Europe 1 Rémi Salomon, président de la Commission médicale de l’AP-HP. Au delà du 7ème jour après les premiers signes, la charge virale et par conséquent le risque de transmettre le virus sont faibles», précise-t-il sur Twitter.

«Il vaut mieux huit jours bien respectés que 14 jours mal respectés», estimait lundi sur LCI Martin Hirsch, directeur général de l’AP-HP. Actuellement, «on a du mal à savoir si les Français respectent» les mesures d’isolement, car «on contrôle peu», mais les remontées de terrain montrent que «c’est compliqué». «Plus c’est court, plus c’est facile à observer, plus c’est efficace. On ne peut pas prétendre au risque zéro, mais la mesure serait mieux acceptée socialement», explique encore Antoine Flahaut, dans le Journal du Dimanche.

Mais même écourté, faire respecter l’isolement reste un défi, avertit toutefois Rémi Salomon. Le néphrologue pédiatrique appelle à réfléchir à «des mesures économiques, des indemnités» pour les populations précaires et les professions indépendantes, qui aujourd’hui refusent parfois d’aller «se faire tester par crainte d’être isolées, d’être obligées de s’arrêter» de travailler.

L’isolement, s’il est essentiel pour empêcher l’épidémie de se propager, entraîne en effet de lourdes conséquences pratiques et économiques, qu’il s’agisse d’un salarié renvoyé chez lui, d’un indépendant devant suspendre son activité ou d’un enfant que ses parents devront garder. Raccourcir sa durée pourrait donc en limiter l’impact, mais ce serait un mauvais calcul, selon l’épidémiologiste Catherine Hill. «Une stratégie qui consiste à laisser le virus circuler, c’est une grenade dégoupillée, qui coûtera bien plus cher que de bien faire les choses», déclare-t-elle. Si on veut alléger le fardeau des quarantaines, on fait les choses «dans le désordre», estime aussi Martin Blachier, médecin de santé publique interrogé par l’AFP. Il faudrait d’abord «trier» les bonnes et les mauvaises quatorzaines, car aujourd’hui «90% sont inutiles» selon lui, parce qu’elles concernent des cas contacts qui ne sont pas vraiment «à risque».

« Grenade dégoupillée » ? Où l’on perçoit une nouvelle fois, dans cette cacophonie des voix dissonantes et médiatisées, la difficulté de faire, ici, œuvre de pédagogie.

A demain @jynau

Covid et libertés. Que penser de celles et ceux qui manifestent contre le port du masque ?

Bonjour

06/09/2020. C’est là aussi, là encore, un symptôme à décrypter. Echos de l’AFP mandés d’Australie. Ignorant les avertissements officiels et la réglementation de santé publique, plusieurs centaines de personnes se sont rassemblées à Melbourne pour protester contre les restrictions destinées à endiguer la pandémie. Les forces de l’ordre ont arrêté près de vingt  personnes participant à cette manifestation illégale, et ont annoncé avoir dressé cent soixante amendes pour infraction à la réglementation sanitaire.

L’affaire, bien évidemment, est politique. Avant cette manifestation, Daniel Andrews, premier ministre de l’Etat du Victoria, où se situe Melbourne, avait appelé la population à rester chez elle et prévenu que le rassemblement pourrait remettre en question le scénario de fin du confinement, dont les détails étaient imminents. « Ce n’est pas prudent, ce n’est pas intelligent, c’est illégal », a-t-il déclaré devant la presse. « En fait, c’est absolument égoïste », a-t-il ajouté.

Egoïsme, vraiment ? Des rassemblements ont également eu lieu à travers l’Australie pour ce jour nommé « Jour de la liberté », et des manifestants ont été arrêtés à Sydney et Byron Bay. A Rome, en Italie, ce sont environ un millier de personnes qui ont manifesté samedi 6 septembre pour protester contre l’obligation de vacciner les enfants en âge scolaire ou celle du port de masque. « Non à l’obligation de vacciner, oui à la liberté de choix », « Pas de masque à l’école, pas de distanciation », « La liberté personnelle est inviolable » et « Vive la liberté », proclamaient des pancartes brandies par les manifestants dont la majorité ne portait pas de masque.

Méchant coup de règle sur les doigts préfectoraux

A Zagreb, plusieurs milliers de Croates se sont aussi rassemblés au même moment  pour protester contre les mesures imposées par les autorités contre le coronavirus. Depuis mi-juillet, le port du masque y est obligatoire dans les transports publics, les magasins et tous les services en contact avec des clients.

Là aussi le rassemblement a été baptisé « Festival de la liberté » par les organisateurs, des membres de la société civile pour qui les mesures gouvernementales « restreignent les droits fondamentaux et les libertés des citoyens » sans « base médicale ou légale valable », tout en imposant « la distanciation psychique et la privation de contact psychique ».

En France, pays des Droits de l’Homme tout est d’apparence plus calme. Pour l’heure on ne manifeste que par le truchement de la justice. L’État vient ainsi de faire appel des décisions des tribunaux administratifs de Strasbourg et Lyon – décisions demandant aux préfets du Rhône et du Bas-Rhin de modifier leurs arrêtés généralisant le port du masque. L’audience, nous dit l’AFP, était prévue ce dimanche à 11 heures. «Le Conseil d’État examinera la demande de l’État d’annuler les décisions en référé des tribunaux administratifs de Lyon et de Strasbourg, concernant le port obligatoire du masque sur la voie publique», a bien précisé la juridiction.

La veille cela avait été un coup de règle sur les doigts préfectoraux: la justice administrative avait enjoint à la préfecture du Bas-Rhin et à la préfecture du Rhône d’édicter de nouveaux arrêtés – et ce de manière à exclure du port du masque les lieux qui ne sont pas caractérisés «par une forte densité de population» ou«des circonstances locales susceptibles de favoriser la diffusion» du coronavirus. Les deux tribunaux, saisis par deux praticiens hospitaliers alsaciens et par l’association lyonnaise « Les Essentialistes Auvergne-Rhône-Alpes », ont également demandé aux deux préfectures de lever l’obligation du port du masque dans «les périodes horaires durant lesquelles aucun risque particulier de propagation de ce virus n’existe».

Après Berlin, Melbourne, Rome, Zabgeb, Strasbourg et Lyon … A coup sûr les premiers symptôme de révoltes citoyennes contre les exécutifs. Qui saurait prévoir la suite ?

A demain @jynau

Covid et bouc émissaire. Quand Nicolas Sarkozy vole au secours du Pr Didier Raoult

Bonjour

05/09/2020. Nouveaux propos, nouveau sous-chapitre dans cette affaire tentaculaire. On vient d’apprendre que  la Société de pathologie infectieuse de langue française (Spilf) avait déposé plainte contre Didier Raoult, le plus que médiatique directeur de l’Institut hospitalo-universitaire (IHU) Méditerranée Infection – plainte auprès du Conseil départemental de l’Ordre des médecins des Bouches-du-Rhône. Sanctions encourues : du simple avertissement à la radiation définitive.

C’est dans ce contexte que l’ancien président de la République Nicolas Sarkozy vient de prendre la défense du microbiologiste marseillais. C’était le vendredi 4 septembre lors d’un forum des entrepreneurs à Marseille. «A chaque crise, il faut trouver des boucs émissaires. C’est une maladie française. L’adversaire, c’est le Covid, c’est pas tel ou tel médecin et je pense notamment au professeur Raoult. Je ne comprends pas pourquoi il y a tant de violence à son endroit», a dit l’ancien chef de l’Etat, selon des propos diffusés sur BFMTV.

Et Nicolas Sarkozy de tresser des couronnes de lauriers. « C’est un homme d’une grande qualité qui a fait son possible pour soigner au mieux ses patients, qui a sans doute fait des erreurs comme on en fait tous, moi le premier ». Avant de commenter. « Mais j’observe qu’en période de crise, il y a les pseudo-spécialistes qui se précipitent et qui disent du mal de quelqu’un. Il faut un coupable et c’est celui-là. Ça m’a paru déplacé. Je n’ai aucune compétence pour dire qui a raison et qui a tort. En tout cas, ce n’était pas le sujet. Chacun a fait comme il a pu, et lui le premier.»

De même que la visite médiatisée d’Emmanuel Macron au spécialiste marseillais, ces déclarations seront versées au dossier. On rappellera que la Société de pathologie infectieuse de langue française accuse le Pr Raoult a assuré qu’il n’avait jamais reçu aucune notification de cette plainte d’avoir enfreint pas moins de neuf articles du code de déontologie médicale. Elle rappelle que le code de déontologie médicale interdit aux médecins de présenter comme «salutaire ou sans danger un remède ou un procédé illusoire ou insuffisamment éprouvé».

A demain @jynau

Covid-Ibiza  : les stars du PSG contaminées réquisitionnées par le ministre de la santé ?

Bonjour

04/09/2020. L’Equipe va devoir ouvrir une rubrique virologique. Pour l’heure ses lecteurs découvrent le caractère universel des modes de contaminations, la nécessité ubiquitaire de se protéger. Le spectacle sportif est, aussi, surtout, à ce prix. « Marquinhos, qui a ressenti des symptômes depuis deux jours, a été testé positif au Covid-19 ce jeudi 3 septembre et s’ajoute à la liste des joueurs placés en quarantaine par le PSG, annonce ce matin le grand quotidien sportif. Ils étaient tous les quatre à Ibiza pendant les congés accordés par le club de la capitale. Marco Verratti, également présent sur l’île des Baléares, est quant à lui négatif. Le milieu italien avait déjà contracté le virus par le passé. »

Comment leur employeur a-t-il pu laisser ses précieux joueurs partir en « congés » à Ibiza – et ce sans obtenir qu’ils respectent les précautions élémentaires pour se protéger des contaminations ? Ce n’est pas tout : deux autres cas viennent d’être été révélés positifs dans l’effectif parisien par le PSG. « Les derniers tests PCR SarsCoV2 réalisés au sein de l’effectif du Paris Saint-Germain confirment le résultat de nouveaux cas positifs », a indiqué sur Twitter le club. Il s’agit de Keylor Navas et de Mauro Icardi.

Tout, dès lors, est bousculé – les supporters déconfinés sont désespérés. « Retardée pour cause de finale de la Ligue des champions, l’entrée du Paris-Saint-Germain dans la saison 2020-2021 de Ligue 1 risque d’être encore décalée en raison de la situation sanitaire au sein du club, explique l’AFP. Conformément au protocole sanitaire de la Ligue de football professionnel (LFP), tous ces joueurs doivent être placés à l’isolement pour quatorze jours. Cette situation sanitaire compromet le retour sur les terrains du club de la capitale, théoriquement appelé à disputer quatre rencontres de Ligue 1 en onze jours à compter du 10 septembre. »

Le club parisien phare devait théoriquement faire ses débuts dans le championnat 2020-2021 de Ligue 1 en affrontant Lens jeudi 10 septembre, avant d’affronter Marseille, le 13, Metz, le 16 et Nice, le 20. Le match contre Lens, qui devait avoir lieu le 29 août, avait été reporté à la demande du PSG consécutivement à sa finale perdue de Ligue des champions contre le Bayern Munich, le 23 août. Il s’agissait de « faire souffler » l’équipe avant de se relancer dans la compétition nationale. Aller « souffler » à Ibiza ? On en reparlera.

Conformément au protocole en vigueur les joueurs positifs au Covid-19 sont placés à l’isolement pour une durée de quatorze jours. Pendant, ce temps, les entraînements des autres joueurs s’effectuent en petits groupes, sans se croiser. A la fin du septième jour, des tests doivent être pratiqués au sein de l’ensemble du club. Les joueurs testés négatifs à cette occasion peuvent reprendre l’entraînement collectif. Les cas qui étaient positifs au préalable et qui ne le seraient plus après ces nouveaux tests, peuvent reprendre l’entraînement individuellement. Mais ce n’est qu’à partir du quinzième jour qu’ils peuvent rejoindre le collectif et reprendre la compétition.

Un protocole Covid-19 intenable. « Nous voulons que les clubs établissent des listes de 30 joueurs et que, tant qu’il y a 20 membres de l’effectif qui sont négatifs, le match soit maintenu », a déclaré Didier Quillot, le directeur général exécutif de la LFP. Cet allégement du cadre sanitaire doit toutefois être validé par les autorités gouvernementales et sanitaires, notamment le conseil interministériel médical.

Pourquoi ne pas imaginer que les contaminés d’Ibiza viennent expliquer devant leur supporteurs comment ils ont pu commettre une telle erreur ? Et encourager leurs fans à tout mettre en œuvre pour se protéger ? Une opération soutenue, sinon rémunérée, par le ministre des Solidarités et de la Santé.

A demain @jynau

Le Pr Didier Raoult bientôt transformé en martyr scientifique par l’Ordre des médecins ?

Bonjour

03/09/2020. C’est une nouvelle et croustillante étape dans une affaire désormais sans fin : « l’affaire Raoult ». On en trouvera l’essentiel dans Le Figaro (Cécile Thibert). Un développement symptomatique des passions et des colères générées par le comportement du microbiologiste marseillais au sein de sa communauté médicale et scientifique spécialisée.

Il faut ainsi rappeler qu’en juillet, la Société de pathologie infectieuse de langue française (Spilf) avait déposé plainte contre Didier Raoult, le plus que médiatique directeur de l’Institut hospitalo-universitaire (IHU) Méditerranée Infection auprès du Conseil départemental de l’Ordre des médecins des Bouches-du-Rhône. Sanctions encourues : du simple avertissement à la radiation définitive.

« Promotion d’un traitement qui n’a pas démontré son efficacité, diffusion de fausses informations auprès du public, graves manquements au devoir de confraternité, réalisation d’essais cliniques dont la légalité reste à démontrer… La Spilf – qui rassemble plus de 500 spécialistes des maladies infectieuses – reproche au microbiologiste d’avoir enfreint pas moins de neuf articles du code de déontologie médicale » résume Le Figaro.

Et le quotidien de détailler après avoir pris connaissance d’un argumentaire de six pages dans lequel les plaignants exposent méticuleusement les motifs. À commencer par la promotion et la prescription tous azimuts de l’hydroxychloroquine  par le chercheur marseillais depuis le mois février. «Le Pr Didier Raoult a délibérément prescrit de l’hydroxychloroquine souvent associée à de l’azithromycine à des patients atteints de Covid-19 sans qu’aucune donnée acquise de la science ne soit clairement établie à ce sujet, et en infraction avec les recommandations des autorités de santé», souligne la société savante.

Hydroxychloroquine, essai clinique et cadre légal

Pugnaces les auteurs de la plainte rappellent que le code de déontologie médicale interdit aux médecins de présenter comme «salutaire ou sans danger un remède ou un procédé illusoire ou insuffisamment éprouvé». Et ce alors même que les risques, notamment cardiaques, sont bien établis (150 cas d’atteinte cardiaque liés à l’hydroxychloroquine entre janvier et mai, dont 7 décès, selon l’Agence du médicament).

De même, les médecins sont tenus de ne faire état au public que de «données confirmées», de «faire preuve de prudence» et d’avoir le «souci des répercussions de ses propos». Ce que Didier Raoult n’aurait pas respecté, selon la Spilf,  en affirmant que l’hydroxychloroquine permettait une «amélioration spectaculaire»  – et ce avant de jurer aux députés de la commission d’enquête parlementaire sur la gestion de l’épidémie n’avoir «jamais recommandé ce traitement»

« Les plaignants n’ont pas non plus digéré les multiples offenses du chercheur marseillais, qui a traité de «fous» ceux qui ne prescrivaient pas son traitement, avant d’insinuer que certains avaient délibérément laissé mourir des patients » ajoute Le Figaro. «Ici, à Paris, on comptait les morts, moi je comptais les positifs (…) On n’a pas soigné les gens (…) c’est un choix qui a été fait», a-t-il ainsi déclaré le 25 juin sur BFMTV.

Enfin, et c’est peut-être le plus grave, les auteurs de la plainte accusent le scientifique marseillais de ne pas avoir réalisé ses essais cliniques sur l’homme dans le cadre légal. Une enquête nationale de l’Agence de sécurité du médicament est en cours qui pourrait dépasser le seul cadre des poursuites ordinales.

Et maintenant ? La plainte argumentée doit donner lieu à une « proposition de conciliation » entre les deux parties. Si, comme on peut l’imaginer, celle-ci n’aboutissait pas, le dossier serait instruit par la chambre disciplinaire régionale, présidée par un magistrat. Une procédure qui dure habituellement près d’un an. Avant les éventuels appels. D’ici là le Pr Raoult pourra, une nouvelle fois, amplement dénoncer dans les médias la méchante vindicte professionnelle dont il fait officiellement l’objet– un phénomène qui ne pourra qu’amplifier l’aura dont ce « semi-rebelle » atypique dispose dans l’opinion comme, plus étonnant sans doute, chez une fraction de ses confrères.

A demain @jynau