Bonjour
01/03/2020. Où l’on découvre, une fois encore, que l’épidémie met douloureusement à l’épreuve notre système de santé dont il révèle les insuffisances, les failles, l’impréparation. Sans nullement ignorer le courage et la force des soignants, la haute conscience qu’ils ont de leur métier, de leur rôle dans leur métier.
C’est une courte et forte tribune collective, médicale et politique, publiée dans Le Monde : « Il faut ‘’protéger les droits des femmes et maintenir l’accès à l’avortement’’». Plus d’une centaine de professionnels de l’IVG 1 appellent, soutenue par des personnalités du monde politique et de la culture, à des mesures d’urgence et se disent prêts à défier la loi. Extraits :
« Nous, professionnelles de l’interruption volontaire de grossesse (IVG), avons dès le début de l’épidémie réorganisé la prise en charge des femmes afin de pouvoir répondre à toutes les demandes dans le délai le plus bref et en limitant au maximum tout déplacement. Il est essentiel de protéger les droits des femmes et de maintenir l’accès à l’avortement (…) Malgré cette organisation ultra-précoce et malgré notre investissement collectif, nous sommes confrontés aujourd’hui à trois problèmes dont les femmes sont les premières victimes »
« – Le premier est lié aux questions de ressources humaines avec des soignant(e)s également malades, ce qui met les équipes en tension. Pour limiter la sollicitation des équipes hospitalières, nous souhaitons que les avortements puissent être autorisés par voie médicamenteuse au domicile jusqu’à neuf semaines d’aménorrhée, soit sept semaines de grossesse. Cette option est validée par l’OMS et ne présente pas de danger particulier.
« – Le deuxième est la limitation des déplacements des femmes lors de leur IVG. Pour la respecter au mieux, nous demandons que les mineures soient dispensées du délai de quarante-huit heures qui leur est actuellement imposé avant leur IVG et puissent bénéficier d’une IVG dans la foulée de leur première consultation.
« – Enfin, le confinement aggrave les situations de violences et rend encore plus difficiles les possibilités de consultation pour les femmes qui vivent dans un environnement dangereux. Il s’ensuit des retards de diagnostic et des demandes hors délais. Ces situations donnent en général lieu à une prise en charge à l’étranger (Pays-Bas principalement) à condition que les patientes en aient les moyens, mais cette solution n’est même plus envisageable du fait de la fermeture des frontières (…) Ces difficultés vont obliger nombre de femmes à conserver leur grossesse contre leur gré, mettant en danger leur autonomie et l’avenir des enfants nés dans ces conditions. Nous souhaitons pouvoir, à titre exceptionnel pendant la durée du confinement, réaliser des aspirations jusqu’à seize semaines d’aménorrhée, soit quatorze semaines de grossesse. »
Il s’agit, en d’autres termes, et pour une période limitée, que l’exécutif donne, au minimum, son feu vert de principe pour que la loi et le règlement ne soit pas toujours pleinement respectés – sans que les soignants puissent en être les victimes. Le gouvernement a prouvé qu’il pouvait prendre des mesures rapides dans la période épidémique que nous connaissons.
« On nous a répondu qu’on ne pouvait pas changer la loi, que c’était compliqué, vient de déclarer sur France Inter Ghada Hatem, gynécologue-obstétricienne et fondatrice de la Maison des femmes de Saint-Denis, Certains politiques, voire des collègues, nous ont même dit que c’était “ignoble” de vouloir profiter de la situation pour faire passer des revendications. On ne profite pas de la situation, on veut juste aider les femmes dans une période encore plus difficile que d’habitude. »
Quatre anciennes ministres soutiennent ces demandes. Or on indique qu’Olivier Véran serait ici fermement opposé à tout changement. Vraiment ? Ce serait d’autant plus surprenant que le nouveau ministre de la Santé a démontré qu’il pouvait (dans le champ des addictions) prendre en urgence des mesures dérogatoires – et ce au nom de la réduction des risques. Et sans avoir besoin de saisir le Comité national d’éthique.
« La loi doit aligner les pratiques médicales sur les besoins sociaux concluent les signataires. Nous y sommes prêt(e)s, et sommes également prêt(e)s à nous mettre hors-la-loi pour appliquer ces trois mesures. » Le Dr Olivier Véran fera-t-il en sorte que l’on puisse ne pas en arriver là ?
A demain @jynau
1 Liste des premiers signataires : Docteur Laurence Danjou, gynécologue Paris ; Docteur Philippe Faucher, responsable CIVG hôpital Trousseau, président de REVHO (Réseau entre la ville et l’hôpital pour l’orthogénie) ; Docteur Danielle Gaudry, gynécologue-obstétricienne, CPEF Maison-Alfort ; Docteur Sophie Gaudu, responsable CIVG, hôpital du Kremlin-Bicêtre ; Docteur Maud Gelly, CIVG, hôpital Avicenne, Bobigny ; Docteur Danielle Hassoun, gynécologue obstétricienne, centre de santé du Square de la Mutualité ; Docteur Ghada Hatem, médecin chef de la Maison des femmes de Saint-Denis. Liste complète des signataires sur le site Internet IVG-Covid.
Ce texte a reçu le soutien de : Roselyne Bachelot, ancienne ministre de la santé ; Guillaume Gouffier-Cha, député du Val-de-Marne (LRM) ; Anne Hidalgo, maire de Paris, socialiste ; Laurence Rossignol, sénatrice socialiste, ancienne ministre des droits des femmes ; Yvette Roudy, ancienne ministre des droits des femmes ; Marisol Touraine, ancienne ministre de la santé ; Najat- Vallaud-Belkacem, ancienne ministre des droits des femmes.
Liste complète des soutiens au texte sur le site IVG-Covid.