Philippe de Villiers accuse le Pr Jean-François Delfraissy d’avoir pris le pouvoir politique

Bonjour

09/06/2020. Le déconfinement autorise toutes les surprises. Ainsi, ce matin, sur RTL le vicomte ancien ministre Philippe de Villiers nous parlant de sa tendresse et de son amitié pour Emmanuel Macron – tendresse et amitié qu’il exprime dans son dernier livre traitant des « Gaulois réfractaires » qui « demanderaient des comptes au Nouveau Monde » (Editions Fayard).   

« De tendresse et d’amitié oui. Parce que en réalité, Emmanuel Macron est venu au Puy du Fou en août 2016, il a découvert le Puy du Fou, […] et depuis il n’a cessé de manifester des intentions pour cette œuvre qu’il considère comme un fleuron français. 

« C’est une amitié dans la vérité, je vais être très précis. […] En même temps je lui demande de sauver le Puy du Fou, en même temps je lui demande de sauver la France. Ça va bien pour la première chose mais pas pour la seconde. »

On se souvient peut-être que « Gaulois réfractaires » est un concept forgé par Emmanuel Macon et présenté en août 2018 à Copenhague pour évoquer le peuple français 1. Emmanuel Macron, à la hauteur de la crise ?

« Ce n’est pas une question de personne, c’est plus grave que ça, ça remonte à plus loin. Quand la mort revient, la mort de masse, ou la guerre, alors les peuples se tournent vers les états, vers les nations, vers la souveraineté. »

« L’impréparation c’est simple. Depuis Maastricht, quand vous décidez de brader votre souveraineté, que vous n’êtes plus souverain […] vous n’avez plus de notion de prévoyance. C’est l’affaire des masques, c’est l’affaire des tests. »

L’articulation entre le savoir scientifique et le pouvoir politique

Et c’est ici que l’on en vient  au Pr Jean-François Delfraissy, président du Conseil scientifique du gouvernement – structure voulue par Emmanuel Macron et créée dans le secret le plus complet. Jean- François Delfraissy convoqué sur le pré par Philippe de Villiers :

« On a eu un confinement qui était une erreur et on a un déconfinement trop lent. Il fallait faire un confinement ciblé, comme on fait beaucoup de pays. […] Si on avait fait ça […] on aurait épargné ce qu’on va vivre maintenant : c’est la deuxième vague. Et la deuxième vague elle n’est pas sanitaire, elle est économique.  Quand le masque s’avérait nécessaire on nous a interdit d’en porter, et voilà que maintenant on nous oblige à en porter quand ce n’est plus nécessaire. C’est absurde. »

Concernant  Jean-François Delfraissy et le Conseil scientifique, ce message au président de la République et aux responsables politiques :

« On ne doit pas donner le pouvoir quand on l’a, à d’autres.  Si vous donnez le pouvoir à des médecins, à des scientifiques, ils prennent le pouvoir. Jean-François Delfraissy en fait, il a pris le pouvoir et on a vu que les scientifiques se trompaient largement autant que les hommes politiques.  C’est le conseil scientifique qui a poussé le gouvernement à décider le confinement. »

C’est là une nouvelle pièce à transmettre aux commissions d’enquête du Sénat et de l’Assemblée nationale. Un occasion, aussi, de dire toute l’importance qu’il faut ici accorder à la nature exacte de l’articulation entre le savoir scientifique et le pouvoir politique. Jean-François Delfraissy a-t-il, ici, un instant, « pris le pouvoir » ? Si oui l’a-t-il, déjà, rendu ?

A demain @jynau

1 Devant la reine de Danemark, Margrethe II, Emmanuel Macron s’était amusé, mercredi 29 août 2018, à comparer les Danois, « peuple luthérien » ouvert aux transformations, aux Français, des « Gaulois réfractaires au changement ». Evoquant son admiration pour le modèle danois de « flexisécurité », il avait alors admis que les différences culturelles entre les deux nations ne permettaient pas de le répliquer à l’identique.

Face aux nombreuses réactions critiques, le chef de l’Etat avait expliqué le lendemain au cours d’une conférence de presse en Finlande, que ces propos étaient « un trait d’humour » : « Il faut prendre un peu de distance avec la polémique et les réseaux sociaux. J’aime la France et les Français, n’en déplaise, et je l’aime dans toutes ses composantes. Je les aime, ces tribus gauloises, j’aime ce que nous sommes. »

Face aux nouveaux journalistes d’investigation, deux anciens directeurs généraux de la santé

Bonjour

28/05/2020. C’est une tribune originale, dérangeante, provocatrice. Un texte qui alimentera diverses polémiques dans les champs politique, judiciaire et journalistique. Il est publié dans Le Monde et signé de deux anciens directeurs généraux de la santé : Jean-François Girard (1986-1997) et Joël Ménard (1997-1999) ; deux fortes personnalités médicales.

Un texte que Le Monde présente et résume ainsi : « Pour les anciens directeurs généraux de la santé Jean-François Girard et Joël Ménard, les leçons à tirer de la crise sanitaire liée au Covid-19 ne le seront ni par le journalisme d’investigation ni par les commissions d’enquête ou des actions judiciaires collectives ». Incitons, ici, à sa lecture (et au débat ouvert par Le Monde) à partir de ces quelques extraits :

« La loupe médiatique a jeté son dévolu sur le champ de la santé. Le temps du « Monde de la médecine », sous l’autorité de Mme la docteure Claudine Escoffier-Lambiotte [1923-1996, responsable de la rubrique médicale du Monde de 1956 à 1988], est révolu. La génération de journalistes médicaux qu’elle a contribué à former a presque disparu.

« Des journalistes reconnus pour leurs investigations du monde politique enquêtent aujourd’hui sur l’étrange mélange de la médecine et de la politique, de la santé publique et de l’économie, qui s’est installé depuis février. De nos jours, la pression exercée au travers de la course aux nouvelles des multiples chaînes d’information continue est démultipliée par les interprétations que chacun propose ou invente sur les réseaux sociaux. Le démenti d’une fausse nouvelle est en soi une nouvelle de plus.

La défausse, la rancœur, la vengeance, la possibilité de faire parler de soi

« Il est donc normal pour deux anciens directeurs généraux de la santé (DGS) de suivre avec empathie la situation de leurs successeurs quand on les voit affronter une situation difficile (…)  Les personnalités prises dans les filets du journalisme d’investigation ont des doutes sur elles-mêmes. A aucun prix elles ne peuvent craquer sur leurs faiblesses.

« Volontairement ou non s’infiltrent dans la confrontation aux médias des biais comme la peur, la défausse, la rancœur, voire la vengeance ou la possibilité de faire parler de soi. Savoir que l’on est interrogé par des journalistes oriente les réponses, consciemment ou inconsciemment. La recherche de faits ne devrait pas dépendre de manière disproportionnée des aléas de formulation d’une question ou d’une réponse, ni d’un choix arbitraire des interlocuteurs. Il en sera de même pour les commissions dites « d’enquête » (…)

« Les narrations du journalisme d’investigation accompagnent l’actualité, ont un style particulier d’accroche, en particulier dans les titres, mais leur démarche narrative n’est pas l’histoire. Lire ces narrations est intéressant, creuser l’histoire est une tâche différente et plus difficile, où il faudra échapper aux risques de facilité induits par l’accès à un récit anecdotique antérieur bien écrit, qui influence les mémoires et les analyses critiques ultérieures (…)

« Le point majeur, selon nous, est que les leçons à tirer de la pandémie ne le seront pas par le journalisme d’investigation, ni par les commissions d’enquête, les actions judiciaires collectives ou les débats télévisés. La seule urgence est l’avenir du fonctionnement global de la France et de l’Europe, dans leur composante santé. »

A demain @jynau

Après l’hydroxychloroquine, un essai clinique rigoureux avec la chlorpromazine (Largactil)

Bonjour

L’heure, pandémique, est au réexamen des possibles thérapeutiques médicamenteux. Après Marseille et la chloroquine, le groupe hospitalier (GHU) Paris Sainte-Anne vient d’annoncer le lancement de l’étude reCoVery : évaluer la pertinence de la chlorpromazine (Largactil) dans le traitement du Covid-19. Nous parlons bien ici du célèbre antipsychotique découvert il y a près de 70 ans (Henri Laborit, Pierre Deniker et al). Pourrait-il diminuer l’évolution défavorable de l’infection lorsqu’il est administré dès l’apparition des signes respiratoires ? Pourrait-il aussi réduire la contagiosité du SARS-CoV-2 ?

« Les investigateurs de l’étude, sous la coordination du Dr Marion Plaze (cheffe de service du Pôle Hospitalo-Universitaire Paris 15e), ont en effet observé que l’incidence des formes symptomatiques du Covid-19 était moindre chez les patients du GHU psychiatrie et neurosciences (4 %) que chez les soignants (14 %), résume Le Quotidien du Médecin  (Coline Garré). Ce constat, qui recoupe ceux des unités psyCovid en France et d’équipes étrangères, fait l’objet d’une étude séro-épidémiologique lancée, parallèlement à reCoVery (intitulée Clever), chez les patients et personnels du GHU.

« Ces observations nous ont amenés à formuler l’hypothèse que la chlorpromazine (CPZ) pourrait avoir une action prophylactique sur le SARS-CoV-2 et protégerait les patients des formes symptomatiques et virulentes de cette infection », expliquent les auteurs dans un article publié dans « L’encéphale ». Cette hypothèse se fonde également sur de précédentes recherches documentant une action antivirale de la chlorpromazine. Plusieurs études publiées en 2014 et 2018 mettaient en évidence l’efficacité de cette molécule pour inhiber la réplication virale du MERS-CoV et du SARS-CoV-1.

« En outre, l’équipe du GHU, en collaboration avec l’Institut Pasteur, vient de montrer, via une expérimentation in vitro débutée en avril 2020, que cette molécule exerce également des effets antiviraux sur le SARS-CoV-2 sur des cellules humaines. L’étude devrait être disponible sous peu sur le site MedRxiv » ajoute Le Quotidien.  L’essai thérapeutique pilote de phase III randomisé en simple aveugle, reCoVery, en collaboration avec l’AP-HP et la clinique de l’Alma porte sur des patients souffrant de Covid-19, hospitalisés pour des symptômes respiratoires, mais pas en réanimation avec ventilation mécanique.Les patients seront randomisés à l’inclusion entre le groupe soins standards et le groupe chlorpromazine en association avec le traitement standard, où ils recevront jusqu’à 300 mg par jour de CPZ jusqu’à ce que les critères de guérison soient remplis, dans une limite de 21 jours maximum.

Il est prévu d’inclure quarante patients, vingt dans chaque bras, précisent les auteurs. L’étude est d’une durée maximale de trois mois. Les promoteurs regarderont également si, au-delà des bénéfices attendus sur l’évolution de l’infection, les patients verront diminuer l’anxiété fréquemment associée à la dyspnée provoquée par le Covid-19.

A demain @jynau

PS Henri Laborit. Rien n’interdit, quarante ans plus tard, de (re)voir « Mon Oncle d’Amérique ».

Coronavirus: comment l’Algérie est-elle devenue aujourd’hui le pays africain le plus touché ?

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Chaque chiffre peut, désormais, donner l’impression de faire sens. Seize membres d’une même famille de la région de Blida, près d’Alger, ont été contaminés par le coronavirus à la suite de contacts avec des ressortissants algériens résidant en France, a annoncé, jeudi 5 mars, le ministère algérien de la santé. – propos rapporté par l’AFP.

« Le nombre total de personnes atteintes par le coronavirus s’élève à 17 cas, dont 16 issues d’une même famille », a précisé  le directeur général de la prévention au ministère de la santé, Djamel Fourar, cité par les médias algériens. L’enquête épidémiologique a d’ores et déjà permis de remonter la trace de la contamination à un Algérien de 83 ans et à sa fille résidant en France – qui ne figurent pas parmi ces 16 cas. Cet homme et sa fille ont séjourné du 14 au 21 février dans leur famille à Blida, à 50 km au sud d’Alger, selon le ministère. Tous deux ont été confirmés positifs au coronavirus après leur retour en France, le 21 février.

« Les deux personnes étaient venues assister à une fête à Beni Merred, à une dizaine de kilomètres de Blida », a déclaré à l’AFP un habitant de la région « qui a requis l’anonymat ». En Algérie, les deux premiers membres de leur famille porteurs du virus – une femme de 53 ans et sa fille âgée de 24 ans chez lesquelles avaient séjourné ces deux personnes –, ont été recensés le 1er mars et placés en isolement. Le lendemain, deux nouveaux cas de coronavirus ont été enregistrés parmi les proches, puis trois le surlendemain et enfin neuf cas pour la seule journée de mercredi.

Le 17e cas évoqué le 25 février par le ministère de la santé, est celui d’un ressortissant italien, arrivé le 17 février, qui avait été placé en « isolement » puis rapatrié quelques jours plus tard. L’Algérie est , officiellement désormais, le pays d’Afrique le plus touché par l’épidémie.

A demain @jynau

Coronavirus et diplomatie : quand l’Institut Pasteur de Paris accuse Pékin de nous avoir menti

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A quoi peut servir une radio de service public en période d’épidémie virale ? La réponse nous est donnée par Radio France où, fort opportunément, un mouvement de grève sans précédent a été suspendu. Deux exemples :

I France Culture avec, le 5 février, un remarquable opus de la non moins remarquable« Temps du débat » (par Emmanuel Laurentin) : « Coronavirus : la mondialisation réactive-t-elle les peurs ancestrales ? » (trente-neuf minutes avec notamment, le Dr Jean-Claude Manuguerra) :

«En France, en Australie, ou dans les pays limitrophes de la Chine, les brusques réactions de mise à distance, voire de racisme, vis-à-vis de population venant d’Asie se sont multipliées ces derniers jours. À Marseille, certains n’ont pas manqué de rappeler qu’en cette année de tricentenaire de la peste, l’arrivée, à proximité du grand port du Sud, de français venant de Wuhan avait réveillé une peur des épidémies constamment réactivée depuis trois siècles. La mondialisation des informations, des transports de marchandises et des voyageurs facilite-t-elle la multiplication des rumeurs, tout autant d’ailleurs que la résolution de ce type d’épidémie, par un échange d’informations plus rapide ? »

II France Inter ce 6 février avec son « grand entretien du 8h20 » (Léa SalaméNicolas Demorand) : aujourd’hui le Dr Arnaud Fontanet, épidémiologiste à l’Institut Pasteur de Paris. Où l’on entend, pour la première fois sous cette forme une accusation directe des autorités sanitaires et politiques chinoises : «Sur le plan scientifique, la réponse à ce nouveau virus a été très rapide. Mais sur le plan politique, jusqu’au 10 ou 15 janvier, on a voulu nous faire croire qu’il n’y avait que quarante patients à Wuhan, sans transmission interhumaine ni risque d’épidémie. Il y a eu un retard pris et qu’on paie très cher aujourd’hui. »

Tout laisse penser que le montant de la facture ne cessera de grimper. Et nul ne sait si Pékin sera disposé à la régler. Ni même s’il en aura les moyens.

A demain @jynau

Coronavirus : la France a inventé la mise en quarantaine «médicale, agréable et conviviale»

Bonjour

30 janvier 2020. L’avion qui évacue deux cents Français de la ville chinoise de Wuhan épicentre de l’épidémie cingle vers les Bouches-du-Rhône. L’annonce en a été faite aux passagers dans la nuit du 30 au 31 janvier par un représentant du ministère français des Affaires étrangères. L’appareil militaire envoyé par la France à l’aéroport de Wuhan, devrait se poser vendredi dans la journée sur le sol français. L’ensemble des passagers sera alors placés en période de confinement pendant quatorze jours.

Outre les pilotes, le personnel de bord et les personnes évacuées l’avion transporte « une équipe médicale d’une vingtaine de personnes ». D’ores et déjà, en France, les rédactions enquêtent pour découvrir le lieu de mise en confinement 1. Combien de temps Agnès Buzyn et ses services pourront-ils garder le secret ? Seule certitude, selon la ministre il s’agira d’un « lieu d’accueil convivial, agréable pour les familles et sous la surveillance médicale H24 ». Ce sera là une grande première internationale.

 Sur les mises en quarantaine, leur histoire, leurs limites, leurs impasses, leur symbolique, on se reportera avec le plus grand intérêt à l’ouvrage de l’historien Patrick Zylberman « Tempêtes microbiennes Essai sur la politique de sécurité sanitaire dans le monde transatlantique » (Editions Gallimard, 2013). Extrait :

« (…) Les quarantaines n’ont pas pour fonction de stopper la dissémination d’un germe respiratoireÞ; fût-elle possible, la chose nécessiterait des restrictions d’une sévérité telle qu’elles en deviendraient vite insupportables et donc impraticables. Le but des quarantaines est de réduire l’incidence en retirant momentanément certains individus du «pool» des personnes susceptibles. Par bonheur, depuis le XIVe siècle, la palette des moyens de lutte et d’endiguement s’est considérablement enrichie. À la vaccination et la thérapeutique (pour parler de la grippe) s’ajoutent maintenant couvre-feux volontaires, suspension d’activités collectives (écoles, spectacles), fermeture des réseaux de transports en commun et masques jetables, tous moyens aux implications moins explosives que les détentions et autres cordons sanitaires.

« Aussi, afin de ne créer aucune confusion, certains auteurs recommandent-ils d’éviter de classer ces méthodes de « contrôle » dans la catégorie des quarantaines (…) La langue chinoise ne connaît que l’«isolement à domicile» ou la «détention à domicile» (…) Il importe pourtant de bien distinguer ces deux termes. L’isolement s’entend comme la ségrégation, durant la période contagieuse, des personnes infectées (cas probables ou suspects) dans un environnement susceptible de prévenir toute transmission (chambre d’isolement) ; par contre, les quarantaines, individuelles ou collectives, désignent la restriction de certaines activités chez des personnes asymptomatiques ayant été exposées à un germe (contacts) afin de prévenir la transmission de l’infection pendant la période d’incubation ; elles peuvent impliquer des restrictions sur les déplacements à partir de ou vers certaines zones tenues pour contaminées.

«  En fait, la définition des cas contacts est assez élastique, laissant aux autorités tout loisir de détendre ou de resserrer le filet. Dans la pratique, au moment du SRAS, la notion de sujets contacts a recouvert : les personnels soignants ne portant pas de protections individuelles au moment du diagnostic ou du traitement des malades ; les membres de la famille soignant un malade ; les collègues travaillant à moins de trois mètres d’une personne atteinte ; les amis d’un malade (à l’appréciation des services de santé) ; les élèves ou professeurs ayant suivi un cours d’une heure ou plus dans une classe comptant un malade ; les passagers d’un avion assis dans les trois rangs devant ou derrière une personne atteinte ; les voyageurs et les chauffeurs ayant voyagé une heure et plus dans le même bus ou le même train qu’un malade ; et enfin les personnes ayant des contacts avec d’autres personnes placées en quarantaine dans un site où plusieurs cas d’infection se sont déclarés.

«  La quarantaine moderne conjugue ainsi dilatation de son champ d’action et obsession du barrage contre tout ce qui surgit, prolifère, envahit et s’infiltre. En elle se mêlent extension de la contrainte étatique et asphyxie de la vie sociale. (…).»

A demain @jynau

1 Enquête terminée : ce sera un centre pour vacanciers situé à Carry-le-Rouet (Bouches-du-Rhône). Hospitalisations programmées, le cas échéant, à l’hôpital de la Timone, Marseille.

Après « Les Possédées » de Loudun, les étranges liasses de billets d’un village anglais

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Dans la préface à ses « Possédées de Loudun » Michel de Certeau (1925-1986), prêtre jésuite, philosophe, théologien et historien a ces mots :

 « D’habitude l’étrange circule discrètement sous nos rues. Mais il suffit d’une crise pour que, de toutes parts, comme enflé par la crue, il remonte du sous-sol, soulève les couvercles qui fermaient les égouts et envahisse les caves, puis les villes. Que le nocturne débouche brutalement au grand jour, le fait surprend chaque fois ? Il révèle pourtant une existence d’en dessous, une résistance interne jamais réduite. Cette force à l’affût s’insinue dans les tensions de la société qu’elle menace. » 

L’un des apports principaux des travaux de Michel de Certeau se situe au niveau des pratiques culturelles qu’il relève dans la société contemporaine. Aux antipodes de Michel Foucault il récuse la thèse selon laquelle les individus sont des êtres passifs et dépossédés – les masses ne sont pas un tout homogène. Il existe en leur sein des fonctions créatives, cachée dans un ensemble de pratiques quotidiennes – aux antipodes de ceux qui sont au pouvoir ou aspirant à y accéder. D’où, parfois, l’émergence de l’étrange – dont le pouvoir devrait se méfier mais face auquel il est radicalement démuni.

Croire en l’existence d’un «bon Samaritain»

Où l’on en vient à mystérieuse apparition de liasses de billets de banque dans les rues d’un ancien village minier du nord-est de l’Angleterre – phénomène qui plonge les habitants et la police dans la perplexité. Le mystère nous est rapporté par l’AFP.  A treize reprises depuis 2014, les habitants ont trouvé dans le village de Blackhall Colliery, souvent sur le trottoir, des liasses de billets de 20£ (23 euros) totalisant pour la plupart 2000£ chacune.

 «Ces liasses ont chaque fois été laissées à la vue de tous, par exemple sur le trottoir, et retrouvées par des habitants qui les ont remises» à la police, a expliqué l’enquêteur John Forster, de la police de Durham, en rendant hommage au sens civique des villageois. La trouvaille la plus récente, lundi dernier, était déjà la 4ème de l’année, a-t-il précisé dans un communiqué, évoquant l’existence d’un «bon Samaritain» (sic). 

Des villageois interrogés par le quotidien The Guardian spéculent quant à eux sur l’existence d’un «millionnaire caché» ou encore d’un «Père Noël de Blackhall». «C’est peut-être quelqu’un qui essaie d’aider -un lutin du Père Noël, j’espère que c’est ça», a déclaré un habitant.  Comme de nombreux villages miniers, Blackhall Colliery a traversé une passe difficile après la fermeture des mines dans les années 1980.

Le village est aussi connu au Royaume-Uni comme lieu de tournage, sur sa plage, d’une scène du film Get Carter, avec Michael Caine, l’histoire d’un gangster peu scrupuleux qui collecte les dettes non payées des prêteurs sur gages de Las Vegas.

« D’habitude l’étrange circule discrètement sous nos rues….. »

A demain @jynau

Pourquoi Agnès Buzyn surveille-t-elle les mails des médecins hospitaliers tentés par la grève ?

Bonjour

Elle l’a (enfin) reconnu … Dimanche 13 octobre, sur le plateau de CNews/Europe1/Les Echos  Agnès Buzyn a parlé d’« un problème de rémunération »des personnels hospitaliers, médicaux ou pas. Mieux encore « rendre l’hôpital public plus attractif ». Une annonce qui précédait de deux jours la nouvelle journée de manifestation (15 octobre) de deux collectifs : « inter-urgences » et « inter-hôpitaux ». Interrogée sur leur revendication centrale (une revalorisation salariale générale de 300 euros net) la ministre des Solidarités et de la Santé, a (enfin) déclaré :

« Il la faut, il y a un vrai sujet sur les rémunérations directes, mais il faut aussi tenir compte des rémunérations indirectes, le temps de travail, les gardes, etc. Un vrai travail doit s’engager. J’ai demandé à mes équipes d’ouvrir ce dossier pour les débuts de carrières médicales et infirmières, parce que c’est vraiment trop difficile aujourd’hui. » « Je pense qu’il y a un problème de rémunération si on veut rendre l’hôpital attractif ».

Ceci ne va pas sans faire mal : en parlant ainsi Agnès Buzyn en a profité, observe Le Quotidien du Médecin (Anne Bayle-Iniguez), pour jeter une pierre dans le jardin de ses prédécesseurs (citons notamment Marisol Touraine, Roselyne Bachelot et Xavier Bertrand): « Il y a eu plein de réformes non accompagnées qui ont entraîné des dysfonctionnements internes. Il faut changer la gouvernance et l’attractivité. J’y travaille.» 

Manquement à la confraternité

Mais, ajoute Le Quotidien, l’ancienne hématologue hospitalo-universitaire devenue ministre macronienne a aussi osé prendre le risque de critiquer l’implication de certains médecins hospitaliers dans le « collectif inter-hôpitaux .

« Ils ne le savent pas mais je suis dans la boucle de mails des médecins qui s’écrivent au sujet de leur envie de faire grève, a souri la ministre, rappelant qu’elle avait une activité de consultation d’hématologie à l’hôpital Saint-Antoine (AP-HP) il y a moins de trois ans. Je suis sidérée, d’abord de leur méconnaissance du système, du nombre d’informations fausses dont ils disposent et sur lesquelles ils basent leurs raisonnements et à quel point leurs solutions sont des solutions de court terme qui ne régleront pas le problème. »

Cette sidération sera appréciée. L’Ordre verra-t-il là un grave manquement à la confraternité par personne ayant autorité ? On observera enfin que celle qui a abandonné l’hôpital public pour la politique rejette, la concernant, le qualificatif de « mandarin ». On désignait ainsi, il y a quelques années encore dans le monde hospitalier-universitaire français, un médecin qui, souvent en raison de ses titres, de ses diplômes, de ses fonctions, fait figure de potentat dans son domaine. On pouvait ainsi, dans Le Monde du 15 décembre 1976 lire ceci: «La population finalement appréciera peu de ne plus pouvoir ‘’se payer’’, quand elle estime en avoir besoin, une consultation privée de mandarin ! ».

Ou encore, en 1931 : « À côté des médecins et thérapeutes, qui cherchent à guérir, il y a les pontifes, mandarins et autres, qui ne cherchent qu’à donner le change, gagner des grades, des titres et à faire de l’argent (Léon Daudet, Devant la douleur,1931, p. 7). Question : combien reste-t-il, aujourd’hui, de véritables mandarins dans les hôpitaux français en mal d’attractivité ?

A demain @jynau

Alcool avec cannabis ? Faute de pouvoir s’abstenir ne serait-il pas plus judicieux de choisir ?

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C’est une interrogation contemporaine de première ampleur : dépénaliser/légaliser la consommation de canabis réduit-il celle des boissons alcooliques ? Et qu’en est-il des effets des prises conjointes ? Publiée dans Substance Use & Misuse et reprise par la rédaction de santelog.com une étude fournit des éléments édifiants : « Simultaneous Use of Alcohol and Marijuana: Patterns and Individual Differences ». Elle a été dirigée par Ashley Linden-Carmichael, professeure au the Edna Bennett Pierce Prevention Research Center (Pennsylvania State University).

Ce travail a été conduit auprès de 1.017 participants âgés de 18 à 25 ans ayanf fourni des données quant à leur fréquence de consommation d’alcool, de cannabis et des deux substances combinées. Ils étaient également volontaires pour répondre à des questionnaires visant à évaluer leurs (éventuels) problèmes liés à l’alcool, leurs traits de personnalité et leur perception des habitudes de consommation d’alcool de leurs proches. Résultats, résumés par santelog.com :

  • environ 70% des personnes qui consomment simultanément de l’alcool et du cannabis, sont des usagers très réguliers des 2 substances : c’est le cas au moins une fois par semaine.
  • comparés aux personnes qui ne consomment que de l’alcool, les personnes qui consomment simultanément de l’alcool et du cannabis sont susceptibles de boire plus et plus souvent ; ces personnes sont également plus susceptibles de présenter des problèmes liés à l’alcool dont des troubles du comportement associés, comme l’impulsivité, par exemple ;
  • globalement, les personnes qui consomment simultanément de l’alcool et du cannabis encourent un risque disproportionné de consommation excessive, fréquente et problématique de substances.
  • les personnes qui consomment simultanément de l’alcool et du cannabis sont plus susceptibles d’être en recherche de sensations ; ils pensent également que leurs amis consomment de plus grandes quantités d’alcool, ce qui suggère que cette consommation est favorisée aussi par celle de leurs amis.

Expression d’un moine ermite breton

On peut le dire autrement : « Les personnes qui consomment plus de cannabis sont aussi celles qui consomment plus d’alcool, plus souvent et sur de plus longues périodes. La combinaison simultanée des deux substances est associée à des traits spécifiques de personnalité et à un risque plus élevé de troubles de l’humeur et de la maîtrise de soi. Ainsi, le cannabis semble exacerber les effets dangereux des excès d’alcool ».

Pour Ashley Linden-Carmichael, les programmes de prévention et d’intervention devraient prendre en compte non seulement l’alcool, mais également les autres substances consommées : « Actuellement, de nombreux programmes se concentrent sur l’abus d’alcool, et bien que parfois les patients soient interrogés sur leur consommation d’autres substances, ces substances ne sont pas prises en compte ensuite dans les interventions ».

C’est une autre manière de plaider en faveur d’une conception élargie et pragmatique de la réduction des risques. Et peut-être est-ce aussi une raison de se convaincre que, tout bien pesé, mieux vaudrait en France, autant que faire se peut 1, un cannabis légalisé de préférence à un un cannabis officiellement interdit mais massivement consommé.

A demain @jynau

1 On la retrouve cette expression dès 1486 dans «Le livre des prouffits champestres et rurauls» de Pietro de Crescenzi, sous la forme de «la meilleure apparence que faire se peut». À cette époque «se peut» représente le verbe pouvoir sous sa forme conjuguée. L’expression doit se comprendre comme «si jamais il est possible de faire quelque chose, alors faisons ce qui est en notre pouvoir». Certains érudits la prêtent, à l’ermite et moine breton Robert d’Arbrissel interrogé, à l’approche de sa mort sur sa pratique de la chasteté .

Découvrez le Grand-Duché du Luxembourg, son argent caché, son cannabis bientôt légalisé

Bonjour

Les paradis fiscaux sont-ils incompatibles avec les artificiels ? Au Grand-Duché du Luxembourg, le cannabis médical est déjà autorisé et la possession d’une « certaine quantité » de cannabis récréatif n’est plus pénalisée. En revanche, cultiver, acheter et vendre le cannabis récréatif est toujours prohibé. Jusqu’à quand ?

Dans une interview à Politico.eu (Jillian Deutsch) – entretien édifiant repris par le site des buralistes français – le ministre de l’Economie et de la Santé du Grand-Duché, Étienne Schneider, explique comment il veut que son pays devienne le premier de l’Union européenne à légaliser complètement le cannabis. « Il s’agit d’une question de santé publique » estime le ministre. Selon lui, les jeunes obtiennent déjà de l’herbe sur le marché noir et entrent en contact avec des dealers qui vendent des produits de qualité inconnue. Ils ont ainsi accès à de plus en plus de produits dangereux.

« La législation sur la drogue que nous appliquons depuis cinquante ans n’a pas marché (…) Interdire les produits les a rendus plus attrayants aux yeux des jeunes » fait valoir le ministre. Dès lors quelle autre solution de la légalisation ? Elaborée avec l’aide du ministre de la Justice, la nouvelle réglementation délivrerait des « licences de production », « réglementerait la consommation », interdirait la « culture domestique » et imposerait un âge minimum (18 ans) à l’achat. L’équivalent du tabac, en somme.

Il ne serait pas question, au Luxembourg, de mettre en place des coffee-shops comme aux Pays-Bas (« Oui, mais comment le produit va-t-il être distribué ? » demande, intéressé, le site des buralistes français) et les étrangers n’auraient pas le droit d’acheter pour « limiter le tourisme du cannabis » (« Cela ne se passerait donc pas comme pour le tabac ? » observe, ironique, le même site ).

« Légaliser le cannabis, c’est complexe, ce n’est pas seulement dire que la substance est désormais légale, explique encore le ministre luxembourgeois. Il faut réguler le marché, imposer des taxes, et des contrôles de qualité ». Étienne Schneider ajoute encore qu’il voudrait que d’autres pays européens suivent le Grand-Duché dans cette voie. Certains, en Allemagne, parient ici sur un possible effet domino sur le vaste Vieux Continent. « J’aimerais que nous adoptions tous une plus grande ouverture d’esprit concernant la drogue » confie Etienne Schneider  qui dit avoir des contacts sur le sujet avec d’autres ministres de la Santé. Pour un peu on parierait qu’il n’en a pas avec sa collègue française. Pas encore ?

Longtemps après celle, carolingienne, d’Aix-la-Chapelle, la jeune Europe capitaliste bat méchamment de l’aile. Celle de la réduction des risques reste à construire. Sa première pierre sera-t-elle posée au Grand-Duché  ?

A demain @jynau