Après l’injure socialiste faite aux alcooliques : William Lowenstein réplique à Olivier Faure

Bonjour

Nous publions ci-dessous le texte que nous adressé le Dr William Lowenstein, interniste et addictologue, président de SOS Addictions en réponse aux propos tenus sur France Inter par Olivier Faure, Premier Secrétaire du Part Socialiste, sur les « alccoliques anobymes ».

« Les mois se suivent et tristement se ressemblent, en France, quant à  notre retard culturel dans le champ de la Santé des Addictions. Nous avions eu le veto présidentiel du Dry January – sous pression du lobby alcoolier. Nous avons, en ce premier dimanche de février,  sous pression médiatique, le mépris du Secrétaire Général du Parti Socialiste (ou de ce qui reste de ce dernier) envers celles et ceux qui aident les personnes confrontées à cette maladie qu’est la dépendance à l’alcool. 

« Bonjour, je m’appelle Olivier, j’ai vécu mon enfance à La Réunion et pourtant je ne connais rien au SAF (syndrome d’alcoolisation fœtale) qui y sévit et dont les connaissances des méfaits tardifs sont largement encore sous-estimés…. »  aurait pu aujourd’hui déclarer Mr Olivier Faure sur l’antenne de France Inter.

Nullement. Mr. Faure a préféré traiter deux ministres d’« alcooliques anonymes »… ! Comment peut-on l’interpréter ? Faut-il voir là un symptôme de connaissances assez limitées ? Un déficit empathique et de respect compassionnel envers les citoyens que le Premier Secrétaire du Part Socialiste prétend vouloir éclairer, faute de pouvoir les gouverner ? 

« Un conseil Mr Faure, relisez (je ne doute pas que vous l’ayez déjà lu) Joseph Kessel en général – et tout particulièrement son « Avec les Alcooliques Anonymes » (Gallimard, Folio). Vous y comprendrez sans doute que la fraternité et l’égalité valent toujours infiniment mieux, en démocratie, que l’injure et les sales marécages d’un humour vaseux ».

A demain @jynau

Pourquoi cette injure faite aux alcooliques par le Premier Secrétaire du Parti socialiste ?

Bonjour

Qui connaît Olivier Faure ? Passionné de bandes dessinées, né au lendemain de la révolution française de 1968, il est aujourd’hui à la tête du Parti socialiste. Père français agent des impôts, mère vietnamienne qui exerce la profession d’infirmière. Après une enfance débutée sur l’île de la Réunion (sic), il grandit en métropole où il poursuit ses études. Ancien élève du lycée Pothier d’Orléans, titulaire d’un DEA en droit économique et d’un autre en sciences politiques.

Parcours classique d’apparatchik entamé à l’âge de 16 ans. Adhère au PS, milite à l’UNEF, colocataire estudiantin avec Benoît Hamon. A 23 ans, devient secrétaire général des jeunes rocardiens succédant à Manuel Valls. Successivement conseiller de Martine Aubry au ministère de l’Emploi, directeur adjoint du cabinet de François Hollande, rejoint Jean-Marc Ayrault et devient secrétaire général du groupe socialiste à l’Assemblée nationale. On imagine alors la suite. Vint la déroute que l’on sait.

2 février 2020. Olivier Faure est l’invité de France Inter (Questions politiques). La voix n’est pas désagrable. Le propos politicien est raisonnable dans les limites de la social-démocratie. Détestation de l’extrême-droite. Possibles ententes avec l’extrême-gauche de Jean-Luc. Regrets des trahisons de ceux qui se cachaient dans son camp avant de faite leur « outing libéral » en marchant derrière un Emmanuel Macron bientôt triomphant.

Les traîtres, précisément. On parle désormais d’une « aile gauche de la majorité intitulée ‘’Territoire de Progrès’’». N’est-il pas toujours proche d’un Jean-Yves Le Drian en dépit de sa trahison ? C’est alors que le Premier Secrétaire ne se retient plus : « alcooliques anonymes ! ». Les journalistes (Ali Baddou et Yaël Goosz, France Inter, Françoise Fressoz, Le Monde, Nathalie Saint-Cricq, France Télévisions) flairent les reprises sur les réseaux sociaux, ils veulent, mordicus, la confirmation :

« Alcooliques anonymes, vraiment ? 

Et bien oui, quand je vois ce groupe se réunir après la gueule de bois, oui cela me donne le sentiment d’alcooliques anonymes …

Il y a deux ministres et vous dites alcooliques anonymes … ?

Et bien oui, cela donne ce sentiment d’être confronté à un club d’alcooliques anonymes qui, au petit matin se retrouve après la gueuele de bois et se disent ‘’Bonjour le m’appelle Jean …et volà j’ai découvert que j’ai trahi la Gauche … et c’est pas facile (…) .»

Que répondra le breton Le Drian au jeune cacique ? On peut cerets raisonnablement comprendre la colère d’Olivier Faure devant cette tentative de recaptage d’héritage 1. Pour autant comment lui pardonner l’usage qu’il fait d’un mouvement auquel, à l’évidence, il ne comprend rien pas plus qu’à la pathologie qu’il évoque 2. Un mouvement qui vient depuis des décennies en aide à celles et ceux qui souffrent d’une addiction aux boissons alcooliques. Un mouvement – les Alcooliques anonymes – souvent moqué pour mille et une raisons – à commencer par la peur de l’alcoolisme et de ses enfers 2. Un mouvement importé en France par le grand Joseph Kessel.

Un mouvement dont les responsables peuvent désormais, de même que tous les soignants œuvrant dans le champ de l’addiction alcoolique, demander des comptes associés à des excuses au Premier Secrétaire du Parti Socialiste. Faudrait-il rappeler à ce dernier que l’on ne peut pas rire de tout, ni dire n’importe quoi ?

A demain @jynau

1 Deux ministres macroniens, Jean-Yves Le Drian et Olivier Dussopt, ont lancé samedi 1er février 2020 à Pantin (Seine-Saint-Denis) avec d’autres ex-socialistes « Territoires de progrès », un mouvement à l’aile gauche de la majorité, en soutien au chef de l’Etat Emmanuel Macron.

Le manifeste affirme que « l’électorat de gauche qui a voté Emmanuel Macron à la présidentielle doit se retrouver pour ne pas laisser le champ libre au seul centre droit au sein de la majorité présidentielle ». « Nous sommes un peuple en jachère qui ne se reconnaît pas dans LREM et qui a envie de soutenir Emmanuel Macron », résume l’ex-député Gilles Savary cité par l’Agence France Presse.

Le mouvement n’accueille pas d’élus LREM et a constaté que « la gauche est la famille politique qui a constitué les deux tiers de l’électorat de Macron », explique encore Gilles Savary, qui ajoute que « dans les années à venir, la base politique LREM de Macron pourrait ne pas être suffisante ». Il ne s’agit pas, précise-t-il, d’être « béni-oui-oui, pour reprendre une expression de Jean-Yves Le Drian, mais de soutenir par conviction et de peser sur les réformes ». 

2 Lire le récent et redoutable « Un détour par l’enfer » d’Erwan Gramand, préface du Dr Laurent Karila, porte parole de SOS Addictions.  erwangramand@gmail.com

Coronavirus et politique : le brutal affolement de Xi Jinping, l’humour de Trump Donald

Bonjour

25 janvier 2020. En Chine le 2019 n-CoV a (officiellement) fait 41 morts et contaminé près de 1 300 personnes. Sur le total des malades, 237 sont dans un état critique. Des cas ont été détectés dans une douzaine de pays, du Japon à la France en passant par l’Australie et les Etats-Unis.

« Face à la situation grave d’une épidémie qui s’accélère (…) il est nécessaire de renforcer la direction centralisée et unifiée du Comité central du Parti », vient de déclarer le président Xi Jinping, 66 ans lors d’une réunion du comité permanent du Bureau politique du Parti communiste, l’instance de sept membres qui dirige le pays. La Chine peut « remporter la bataille » contre le nouveau coronavirus, a encore assuré le chef de l’Etat chinois, selon l’agence de presse Chine nouvelle.

Tout va bien se passer

La télévision publique a annoncé que face à l’épidémie montante, le gouvernement chinois allait « suspendre les voyages organisés » en Chine et à l’étranger en réponse à l’épidémie. A compter du 27 janvier les agences de voyage chinoises ne pourront plus vendre de réservations d’hôtels ni de voyages à des groupes, a précisé la chaîne de télévision CCTV.

Aux Etats-Unis le président Donald Trump, 73 ans, avait, la veille, loué les efforts de Pékin pour tenter de contenir la propagation d’un nouveau virus tueur et salué sa « transparence » dans ce combat.

« La Chine travaille très dur pour contenir le coronavirus. Les États-Unis apprécient vraiment leurs efforts et leur transparence, a-t-il tweeté, se disant convaincu que tout allait « bien se passer ». « Au nom du peuple américain, je veux en particulier remercier le président Xi! », a-t-il ajouté. Donald J. Trump ✔@realDonaldTrump

China has been working very hard to contain the Coronavirus. The United States greatly appreciates their efforts and transparency. It will all work out well. In particular, on behalf of the American People, I want to thank President Xi!

L’agence Chine nouvelle ne nous dit pas si le président Xi a, ou non, apprécié.

A demain @jynau

Sarcasmes et ricanements sur France Inter : quand le sardonique asphyxie la démocratie

Bonjour

Sans rire. C’est un « entretien exclusif » accordé au Figaro Magazine (Jean-René Van der Plaetsen) par l’écrivain, critique littéraire et animateur de télévision Frédéric Beigbeder, 54 ans. Invitation à l’occasion de la publication de son nouveau roman 1 présenté comme l’« événement de la rentrée éditoriale ». L’auteur (jamais dénué d’une forme bien à lui de perversité) y « règle une nouvelle fois ses comptes ». Aujourd’hui avec France Inter. Au-delà (et surtout) il « s’interroge sur la place dévolue au sarcasme et au ricanement dans la société médiatique et politique ». A ce titre il nous parle, enfin, des conséquences délétères de l’entrelardage perpétuel entre le discours politique et le ricanement sardonique – une bouffonnerie destructrice. On trouve ici, de ce fait, une grille de lecture du plus grand intérêt démocratique. Extraits :

 « En réalité, il y a vingt types d’humour et il est stupide de généraliser. (…) Mais j’en ai ras-le-bol des petits rires auto-satisfaits de nombreux fonctionnaires du rire, qui glissent des leçons de morale dans leurs billets prévisibles de chansonniers politiques dignes du Don Camilo, bien à l’abri derrière l’institution et le prestige du service public. Je vais probablement devenir à mon tour leur tête de turc et je l’aurai bien mérité. Je vais me faire traiter de vieux con et cela me convient car c’est exactement ce que je suis (…)

« L’invasion date de 2014 et le résultat est là: du point de vue des audiences, c’est un succès. D’ailleurs le phénomène ne concerne pas que France Inter mais toutes les radios et les télés. On ne pense qu’à se gausser pour oublier la décadence, le réchauffement, la crise, le chômage, que sais-je? Mais ces rires permanents ont quelque chose de fatigant à l’oreille. Et anesthésiant pour la pensée. Aujourd’hui, si l’on était à bord du Titanic, il n’y aurait plus d’orchestre pour accompagner le naufrage mais un comédien de stand-up qui dirait: «Waow les gars, vous trouvez pas que c’est vachement humide par ici?»

« Peut-être que nous avons ce que nous méritons. Il fallait rire après la guerre, puis rire lors de la fin des idéaux. L’Occident en avait besoin. Mais je me demande: peut-on se moquer des moqueurs? Je suis sans doute le plus mal placé pour le faire, étant moi-même adepte de l’humour le plus nihiliste depuis la création du Caca’s Club en 1984. Mais je tire la sonnette d’alarme. Quand un discours ne peut plus être contesté, c’est que quelque chose ne va plus en démocratie.

« Le bouffon qui devient le roi, c’est l’apocalypse »

« Comment voulez-vous débattre sérieusement avec un clown? Le dégagisme l’emporte partout dans le monde. Le slogan politique du mouvement Cinq Etoiles en Italie était «Vaffanculo»! En France, Macron a gagné parce qu’il était dégagiste. Nous avons eu de la chance qu’il ne soit pas exactement le Joker, mais que se passera-t-il la prochaine fois? Les nombreux animateurs de late shows américains ont tellement tapé sur Trump qu’ils lui ont préparé le terrain. Même chose avec l’establishment anglais, unanimement anti-Brexit et unanimement perdant. L’excès de rire engagé aurait-il pavé la route aux démagogues? Je me trompe peut-être, je ne suis pas politologue. Mais le fun permanent a démontré son impuissance dans ces pays-là. Quand on passe sa vie à tout dézinguer, il ne faut pas jouer les étonnés quand le dézingage l’emporte.

« Mon but n’est pas de balancer sur la matinale d’Inter. Ce serait parfait pour un article de journal mais là j’écris un roman. C’est la fin d’une trilogie sur l’autodestruction du système capitaliste. Le triple suicide de la démocratie occidentale à cause de trois fléaux: 1) la publicité, 2) le «fashion fascism» et 3) la dérision obligatoire qui fait autant sinon plus de dégâts à cause de ce que j’appelle «l’immunité humoristique» (…)

«  L’élection de Boris Johnson il y a quinze jours. Celle de Beppe Grillo en Italie, de Zelensky en Ukraine, de Marjan Sarec en Slovénie. Tous clowns professionnels. Et je ne cite pas Trump parce qu’il est drôle sans le faire exprès. Les comiques prennent le pouvoir partout car, je le répète, il est impossible de débattre avec eux. Ils font de l’audimat, séduisent les masses en critiquant tout, sont élus parce qu’ils disent et font n’importe quoi. La situation est gravissime: le bouffon du roi, c’est salutaire ; le bouffon qui devient le roi, c’est l’apocalypse. (…) »

« Le boulot des humoristes, c’est de douter de tout. Mais parfois, ils perdent ce doute. Ils sont engagés, convaincus d’avoir raison. Ils défendent leur point de vue, se mettent à vouloir sauver le monde ou les migrants, protéger la veuve et l’orphelin. Ce n’est plus du doute mais de l’embrigadement. Le long discours humaniste à la fin du Dictateur est ce qui a le moins bien vieilli chez Chaplin. Les humoristes militants cessent d’être drôles: de même que les romans engagés sont illisibles car trop démonstratifs, lourds, avec des personnages manichéens. Le cas de Guy Bedos est assez symptomatique, car il a fait les deux: sketches décalés et humour engagé. Or, ce qu’on retiendra de lui, ce sont les sketches géniaux – écrits par Dabadie mais fantastiquement interprétés – comme La Drague ou Le Boxeur, et non ses commentaires politiques. »

Interrogé sur le fait de savoir si, selon lui, France Inter remplit bien sa mission de service public, Frédéric Beigbeder répond : «  Je vais vous étonner mais ma réponse est oui, absolument, et sans le moindre doute. C’est la meilleure radio actuelle, la plus intelligente et la plus créative. C’est parce que j’aime cet endroit que je le critique si frontalement. Quand j’étais adolescent, des gens comme Pierre Bouteiller et Bernard Lenoir m’ont élevé, tous les soirs. On ne passe pas deux ans à bosser sur un sujet qu’on n’aime pas. J’ai lu dans Le Parisien que je «flinguais» France Inter mais je ne suis pas d’accord! Je cherche à lancer un débat sur l’omnipotence du rire sardonique. C’est ma propre religion de la déconne que je veux analyser. Il y a urgence, car on commence à entrevoir les conséquences politiques de cette fuite en avant dans le mouahahaha. »

Frédéric Beigbeder, qui ne craint jamais de citer Guy Debord, sera-t-il sous peu invité de France Inter pour parler du dernier roman de Beigbeder Frédéric ? Sans rire ?

A demain @jynau

1 Beigbeder F, « L’homme qui pleure de rire »   Editions Grasset, 320 pages, 20,90 euros

Présentation du Figaro Magazine : « Son nouveau roman, sans autre titre qu’une émoticône hésitant entre le rire et les larmes, entre la joie et la fureur, peut le laisser penser. On a beau y retrouver le personnage principal de 99 francs et d’Au secours pardon, le dénommé Octave Parango, fêtard invétéré, alcoolique et cocaïnomane, double romanesque de l’auteur, on y est plus proche, dans la tonalité littéraire comme par les perspectives esquissées, d’Un roman français, le plus abouti des livres de Beigbeder, dans lequel il se dévoilait sans pitreries, avec une rigueur et une pudeur qu’on ne lui connaissait pas.

Son livre est un roman à clés et à tiroirs, se présentant comme le miroir en surplomb d’une époque, celle du tout-médiatique, et des dérives qu’engendre un prisme qui déforme la réalité des choses. En racontant une nuit d’errance d’Octave Parango, qui débute à 7 heures du soir aux Champs-Elysées et s’achève par un fiasco retentissant le lendemain, à 7 heures du matin, dans les studios de la Maison de la Radio, Beigbeder décrit l’un des travers de notre temps: la tyrannie du ricanement. Son Parango, dont le chemin de croix est découpé en stations horaires, marche dans la nuit vers son Golgotha, qui sera aussi sa délivrance.

Cruel et désopilant, cynique et candide, alternant les traits d’esprit et les aveux de désespoir, ce roman permet à l’auteur de régler ses comptes avec France Inter, qui l’a licencié sans ménagements après une chronique ratée. Mais il montre aussi, et surtout, les tourments, les angoisses et les repentirs d’un homme passé, sans s’en apercevoir, et sans transitions, de l’adolescence (longtemps attardée) à l’âge de la maturité. Ces pages-là, qui appartiennent à la littérature de l’intime et représentent les deux tiers du livre, sont superbes, pleines d’intelligence et d’émotion, parfois bouleversantes. Elles nous rappellent que, au-delà de sa légende de noceur condamné à la fête perpétuelle, Frédéric Beigbeder est un de nos meilleurs écrivains. »