Bonjour
25/06/2020. Tempêtes à l’horizon. On découvrira sur cette vidéo, l’invraisemblable arrivée « rock star », à l’Assemblée nationale, du microbiologiste marseillais ultra-médiatique masqué. Puis la suite, un document essentiel : plus de trois heures d’une audition hors du commun devant la commission d’enquête sur la gestion de la pandémie à l’Assemblée nationale. Une audition rapidement transformé en un réquisitoire hors du commun , une charge menée par un double acteur : acteur dans la lutte contre la pandémie et acteur mettant en scène, avec gourmandise, sa propre personne. Un homme dont une boutique marseillaise commercialise avec un succès croissant des « bougies à son effigie » – comme a jugé utile de le préciser l’un de ses voisin niçois, Eric Ciotti (LR) par ailleurs rapporteur de la commission d’enquête. Il aurait pu ajouter que ce microbiologiste enflé de sa nouvelle puissance est devenu l’une des personnalités « politiques » préférées des Français.
Tour à tour présenté comme infectiologue ou épidémiologiste le Pr Raoult a plus que dominé son sujet. Professeur des écoles, savant surplombant, procureur révolutionnaire, néo-ministre de la santé, intime du président de la République, le plus ancien dans le grade le plus élevé il a littéralement envoûté les quelques députés qui ne l’étaient pas encore. Beaucoup n’ont pas saisi la somme des sous-entendus mais ce fut aussi et avant tout un terrible règlement de compte, une avalanche d’accusations parfois nominatives, parfois réitérés, une somme qui pourrait, demain, conduire à des actions pour diffamation.
« Votre action a suscité une multitude de réactions passionnelles qu’on n’a pas l’habitude de voir dans une crise sanitaire, a d’emblée résumé le rapporteur Eric Ciotti. Vous êtes ou haï ou adulé. » Dans l’enceinte il fut majoritairement adulé. On imagine les haines qu’il a pu alimenter en dehors – et qui ne tarderont guère à prendre corps.
Ses erreurs majeures, ses contradictions ? « L’avenir n’est à personne, l’avenir est à Dieu », botte en touche grâce à Victor Hugo.Porté au-delà des nues par les tenants de l’antisystème et du populisme bon teint il savamment réavivé les conflits latents qui dans son domaine opposent Paris à Marseille, Marseille à Lyon, la province contre la capitale, les puissants contre les faibles. Comme dans l’affaire du « Conseil scientifique ». installé par Emmanuel Macron en mars pour l’aider dans sa prise de décisions. « J’étais un ovni, un extraterrestre », au milieu d’« une bande de types qui ont l’habitude de travailler entre eux », mais dont aucun « n’est expert des coronavirus », a-t-il accusé. « Je ne suis pas un homme de réunion, je suis un homme de données », a-t-il insisté, précisant qu’il n’était « pas d’accord » avec ce que le tout-puissant Pr Jean-François Delfraissy et son « cénacle » avaient préconisé pendant la crise. Le divorce était inévitable. Il est loin d’être soldé.
« Comme des blaireaux dans leur terrier qui mordent quand on s’en approche ».
Pour autant, Didier Raoult n’avait jamais rompu le contact avec l’exécutif – il s’est tout simplement mis en contact direct avec Olivier Véran, ministre et Emmanuel Macron, président, un proche qui sait l’entendre et le comprendre. Et d’attaquer non plus, cette fois, le ministre de la Santé mais son entourage. « Quand on est un politique, il faut avoir un rempart (…) une garde prétorienne (…) qui a des nerfs (…) et traite des données (…) afin que le ministre ne soit pas submergé d’informations inquiétantes qui ne se révèlent pas vraies », a-t-il requis, en précisant que si ce n’était pas le cas, le ministre pouvait « exploser de manière insupportable ». « Vous décrivez un ministre sous influence ! », a bien noté le voisin Eric Ciotti.
Plus grave le microbiologiste a très clairement évoqué les conflits d’intérêt pouvent expliquer une part des difficultés de la France face au Covid-19 : « Il faudra faire une véritable enquête sur l’américain Gilead et son [antiviral] remdesivir dont la stratégie était fondée sur l’influence. » Il s’est étonné de la proximité entre le directeur du laboratoire américain Gilead et certains cliniciens qui « se tutoyaient ». Cette familiarité engendre selon lui « un écosystème favorable » à l’industrie. Mieux encore il a rappelé avoir récemment publié une analyse montrant une corrélation entre une expression publique défavorable à son hydroxychloroquine et le fait d’avoir été financé par la puissante société américaine – une publication dans laquelle il se garde bien de nommer les médecins concernés. « Je ne dis pas qu’il y a une causalité, mais une coïncidence. »
Il a aussi mis gravement en cause l’Agence nationale de sécurité des médicaments (ANSM) et la Haute autorité de santé (HAS) en raison de « conflits d’intérêts très sérieux » en leur sein. Des noms de coupables ? Il suffira aux députés de visiter le site Euros for Docs, qui milite pour la transparence du lobbying dans la santé, pour mener leur enquête. « Vous avez porté des accusations extrêmement graves, a relevé Eric Ciotti. Nous serons amenés à explorer cette voie, afin d’en tirer toutes les conséquences. »
Puis nouvelles charges, également violentes, nouveaux règlement de comptes avec l’Inserm et l’Institut Pasteur « qui ferme à 19 heures » Les failles gouvernementales majeures concernant le recours aux tests PCR de dépistage ? Là encore mitraillage visant les « Centres nationaux de références » dont les membres sont. « comme des blaireaux dans leur terrier qui mordent quand on s’en approche ».
Tout cela il le sait et le mûrit depuis 2001, date de sa prise de conscience de l’impréparation du pays face à ce type de crise. Il sait, depuis que les maladies émergentes devraient constituer « un domaine régalien ». Il voit son IHU comme un « fort de Vauban ». D’ailleurs dans un rapport rendu en 2003 commandé par le ministre de la santé Jean-François Mattéi (en dépit des réserves de Bernard Kouchner) il préconisait d’en répartir sept sur le territoire pour assurer recherche, veille et protection, calqués sur les zones de défense militaires. « Une crise de cette nature doit être gérée par le Secrétariat général à la défense nationale »assure celui qui pourrait prendre la tête des troupes.
Pour le reste, accusation des « méthodologistes » et du rituel des essais randomisés, citations à l’envi de philosophe, glorification de sa personne, déclarations d’amour à la science de celui qui assure ne pas être un prophète – tout en en ne cessant, caressant ses longs cheveux, d’en prendre le visage. Il faudra noter le niveau des ventes de bougies, dans la boutique marseillaise.
A demain @jynau