Hydroxychloroquine : premières surprises chiffrées de sa consommation post-médiatisation

Bonjour

06/05/2020. Revenons sur cette étude originale de pharmaco-épidémiologie  1 menée conjointement par l’Agence nationale française de sécurité du médicament (ANSM) et par la Caisse nationale française d’Assurance maladie. Nous avons vu qu’elle portait sur la dispensation de médicaments remboursés sur ordonnance en pharmacie d’officine depuis le début de l’épidémie de Covid-19 en France. Réalisée à partir des données nationales de remboursement de l’Assurance Maladie elle avait notamment pour objectif de caractériser les comportements de consommation des Français vis-à-vis des médicaments prescrits – que ces médicaments soient en lien ou non avec le Covid-19 –  dans le contexte particulier du confinement décidé et imposé par le gouvernement français.

Il n’est pas inintéressant, dans ce contexte, de se pencher sur le chapitre « Chloroquine/Hydroxychloroquine ». Voici des extraits de ce document dont les auteurs disent observer « une augmentation du nombre de personnes avec délivrance sur ordonnance de Chloroquine/Hydroxychloroquine : à partir de fin février pour la chloroquine et à partir de la semaine 10 pour l’hydroxychloroquine.

« Cette augmentation était de 21% en semaine 10 pour atteindre 62% et 145% en semaine 12 et 13. La délivrance de chloroquine était marquée par un pic autour du 25 au 28 février en passant de moins de 50 personnes par jour à plus de 450. Cela faisait suite à la médiatisation de ce traitement potentiel.

« Les délivrances d’hydroxychloroquine ont été tardives mais plus massives que celles de chloroquine. Ainsi le pic de délivrance sur ordonnance était le 18 mars avec près de 5 000 personnes avec délivrance le même jour pour le seul régime général. Ce pic concernait surtout des personnes déjà traitées par hydroxychloroquine pour des pathologies de type lupus ou polyarthrite rhumatoïde (stockage par peur de manquer après les annonces médiatiques d’un potentiel effet de l’hydroxychloroquine mais aussi des traitements débutés en lien avec le Covid-19).

Sociologie et pharmacie, médecine et médiatisation.

« Nous estimons à environ 41 000 le nombre de personnes supplémentaires ayant acquis sur ordonnance un traitement d‘hydroxychloroquine (ou plus rarement de chloroquine) sur les semaines 12 à 16 de 2020, écrivent les auteurs. La population nouvellement sous hydroxychloroquine (population incidente) était relativement jeune, 62% de moins de 60 ans avec 57% de femmes et globalement plus favorisée socialement avec plus de 30% des personnes résidant dans les 20% des communes les plus favorisées. »

 Il existait de fortes disparités géographiques ; c’est à La Réunion que la chloroquine était la plus prescrite (en instauration 46,0 pour 100 000) par habitant (vs 9,4 en Provence-Alpes-Côte d’Azur et 7,3 pour l’Îlede-France). En terme de prescription d’hydroxychloroquine la région Provence-Alpes-Côte d’Azur (47,1 pour 100 000) était la première devant la région Île-de-France (35,8 pour 100 000). Le Grand Est, particulièrement atteint par l’épidémie, se situait juste dans la moyenne pour les prescriptions d’hydroxychloroquine (24,9 pour 100 000).

À l’échelle départementale les dix départements ayant le taux de délivrance d’hydroxychloroquine le plus élevé étaient Paris (64,2 pour 100 000), les Bouches-du-Rhône (57,5 pour 100 000), le Var (41,4 pour 100 000), les Hauts-de-Seine (41,2 pour 100 000),le Territoire de Belfort (40,7 pour 100 000), la Corse-du-Sud (39,4 pour 100 000), le Val-de-Marne (36,1 pour 100 000), les Pyrénées-Orientales (35,1 pour 100 000), le Cantal (33,6 pour 100 000) et la Martinique (32,9 pour 100 000).

Les départements ayant les taux de délivrance d’hydroxychloroquine les plus faibles (moins de 15 pour 100 000) se situaient dans départements ruraux peu denses plutôt dans l’Ouest de la métropole, et en Guyane. Il s’agissait de la Mayenne (10,5 pour 100 000), la Guyane (12,4 pour 100 000), Manche (12,6 pour 100 000), la Vienne (12,6 pour 100 000), l’Ille-et-Vilaine (12,8 pour 100 000), les Deux-Sèvres (12,9 pour 100 000), la Loire-Atlantique (13,7 pour 100 000), le Lot (13,9 pour 100 000), les Côtes-d’Armor (14,1 pour 100 000) et l’Indre (14,7 pour 100 000).

Voilà un précieux matériel pour qui s’intéresse à la sociologie et à la pharmacie, à la médecine et à la médiatisation. Il sera aussi du plus grand intérêt, d’observer l’évolution de ces données chiffrées au lendemain des premiers résultats des études cliniques contrôlées.

A demain @jynau

1 « Usage des médicaments de ville en France durant l’épidémie de Covid-19 – point de situation après 5 semaines de confinement (jusqu’au 19 avril 2020). Etude pharmaco-épidémiologique à partir des données de remboursement du SNDS » Dr Alain Weill , Jérôme Drouin, David Desplas, Francois Cuenot, Dr Rosemary Dray-Spira, Pr Mahmoud Zureik

Hydroxychloroquine et «hystérisation »: pourquoi et comment en sommes-nous là ?

Bonjour

05/05/2020. Revenons un instant sur le « terrain ». Nous citions hier,  grâce aux Echos (Elsa Freyssenet @ElsaFreyssenet) quelques mots bien sentis du Dr Yacine Tandjaoui-Lambiotte médecin réanimateur à l’hôpital Avicenne de Bobigny. Aujourd’hui (toujours grâce, paradoxalement, à ce quotidien « économique ») les mots du Dr Véronique Hentgen pédiatre et infectiologue spécialiste des maladies rares à l’hôpital de Versailles (propos recueillis par Elsa Freyssenet @ElsaFreyssenet).

« Tout est hallucinant dans cette épidémie, explique-t-elle. Avec d’autres pédiatres spécialistes des maladies rares, j’ai passé les derniers jours à circonscrire l’incendie médiatique allumé par la découverte d’un possible lien entre une forme particulière de la maladie de Kawasaki et le coronavirus chez les enfants. Cette alerte était nécessaire car l’urgence était que tous les pédiatres puissent reconnaître la maladie et donner un traitement aux enfants. Ces alertes, fréquentes dans le milieu médical, permettent aussi de collecter des données entre hôpitaux afin de mesurer s’il s’agit d’une hypothèse ou d’un fait clinique avéré. Elles ne sont pas destinées à être rendue publiques. »

Et le Dr Hentgen évoque les coulisses de l’affaire. « Dans le cas présent, l’équipe britannique a tweeté son alerte, les Français ont emboîté le pas, les médias grand public s’en sont emparés, provoquant un emballement politique incompatible avec le temps d’une étude rigoureuse » accuse-t-elle. Devrions-nous faire notre mea culpa, nous qui avons, ici et sur Slate.fr participé à cet « emballement » ?

« Les médias ont leur part de responsabilité, ajoute notre consœur. Mais nous, la communauté médicale, contribuons aussi à ce désordre en nous livrant à une course à la communication de données, pas toujours scientifiquement établies. Il y a une forme d’hystérisation 1 scientifique, pour obtenir la gloire et des crédits de recherche.» Et elle conclut en ces termes, qui font immanquablement songer à ceux du Dr Yacine Tandjaoui-Lambiotte :

« L’ennemi du chercheur est sa propre certitude, car alors il passe de l’hypothèse à la croyance. Et en assénant cette croyance, il entrave l’élaboration d’autres explications possibles par ses confrères. De ce point de vue, le summum a été atteint par la campagne pour l’hydroxychloroquine menée par le professeur Raoult. Elle a eu des effets délétères. J’ai participé à un essai sur l’hydroxychloroquine et d’autres antiviraux. J’ai peiné à trouver des patients volontaires car beaucoup ne supportaient pas l’éventualité d’être dans un groupe placebo. In fine, cet épisode a ralenti les essais cliniques et donc la recherche sur un traitement. »

A demain @jynau

1 Hystérisation : « Fait de se laisser emporter de manière totalement excessive, voire obsessionnelle, à propos d’un thème d’actualité, d’une personnalité politique, etc. : ‘’On constate une hystérisation des médias sur certains thèmes sociétaux’’ ».

Le journaliste Henri Tincq, 74 ans, grand spécialiste des questions religieuses est mort

Notre confrère et ami Henri Tincq est mort du Covid-19, à l’hôpital de Villeneuve-Saint-Georges, le 29 mars. Il était âgé de 74 ans. Spécialiste reconnu des «informations religieuses», il avait d’abord travaillé à La Croix avant de rejoindre Le Monde où il exerça de 1985 à 2008, puis de rejoindre Slate.

Licencié en lettres modernes, diplômé de l’Ecole supérieure de journalisme de Lille et de l’Institut d’études politiques de Paris, auteur de nombreux ouvrages de référence, c’était un fin connaisseur du catholicisme et des autres cultes. Il avait présidé, de 1994 à 1999, l’Association des journalistes de l’information religieuse. C’était, en résumé, comme le rappelle aujourd’hui La Croix, «une grande plume de l’information religieuse».

On lira, dans Le Monde, sous la plume de Robert Solé, ce qu’il en fut de son parcours, de ses convictions, de ses combat. « Je garderai de lui l’image d’un modèle de journalisme: se tenant toujours humblement au plus près des faits, et en même temps capable de se mettre à bonne distance des événements, des institutions, fussent-elles aussi puissantes que le Vatican, et des hommes, pour nous livrer sans forfanterie ni excès de mise en scène des analyses éclairantes pour décrypter l’histoire au présent » écrit Jean-Marie Colombani, directeur de Slate, ancien directeur du Monde.

On ajoutera ici, pour avoir, avec quelques confrères, appris à le connaître, depuis Le Monde de la rue des Italiens jusqu’à la rue Sainte-Anne de Slate, qu’Henri Tincq n’était pas que cet infatigable et incollable «rubricard religions» qu’il aimait tant montrer. Ce confrère était, en vérité, pleinement animé par la passion du journalisme intégral, la passion de la pédagogie, de la traduction, de la transmission. Voir de ses propres yeux, rapporter au mieux, partager toujours. Et ce qu’il s’agisse des vertus, indépassables à ses yeux, de son Racing Club de Lens natal, du football en général, de la vie et de l’œuvre de Jean-Marie Lustiger ou des impasses mortelles auxquelles conduisent, au nom de tel ou tel dieu, les nouvelles formes d’intégrismes et de radicalisations.

La vérité, aussi, est que «Monseigneur» (l’un de ses surnoms de la rue des Italiens où l’on se moquait volontiers du «sabre et du goupillon») pouvait être un adorable camarade de reportage doublé d’un caractère parfois ombrageux. Pour avoir, avec lui, interviewé plusieurs hauts responsables religieux sur les questions relatives à l’éthique médicale, nous gardons le souvenir d’une rigueur sans faille, de colères rentrées, d’une volonté acharnée de débattre pour coûte que coûte, l’emporter sur le terrain de la foi et des idées.

Les nouvelles équations auxquelles sont aujourd’hui confrontées les religions

Et nous gardons aussi le souvenir d’un immense appétit: chercher sans cesse à comprendre ce qu’il ne maîtrisait pas. S’informer sur les avancées continuelles de la médecine quand cette dernière s’approche dangereusement de la religion –qu’il s’agisse de la conception in vitro des êtres humains ou de leur disparition. Nous gardons ainsi le souvenir de dizaines d’heures passées à débattre des responsabilités du Vatican dans le maintien de ses interdits définitifs sur l’usage du préservatif, alors même que progressait l’épidémie de sida.

D’innombrables échanges, encore, sur les avis les plus pointus du Comité national consultatif d’éthique, sur les conséquences de la procréation médicalement assistée et de son extension annoncée «à toutes les femmes», ou sur celle du développement de la pratique marchande de la «gestation pour autrui». Sur les insuffisances criantes des soins palliatifs en France ou sur la tragique affaire Vincent Lambert.

Il s’agissait alors, à ses yeux, de bien saisir tous les paramètres des nouvelles équations auxquelles sont aujourd’hui confrontées les religions –la catholique au tout premier chef. Puis il lui fallut, plus récemment, parvenir à prendre la pleine mesure, les raisons et les conséquences du séisme que traverse cette Église confrontée aux scandales de pédophilie.

On peut, pour prendre la mesure de ce qui fut pour lui, une forme de chemin de croix, relire l’attaque de son dernier papier pour Slate: «On a beau dérouler, comme je le fais en journaliste depuis vingt ans, le tapis malodorant des agressions sexuelles dans l’Église, je me disais, en apprenant la nouvelle ce samedi 22 février: pas lui, pas ça! Pas Jean Vanier, sanctifié de son vivant, enterré il y a moins d’un an dans les odeurs d’encens, célébré en France comme au Canada, dont le père fut gouverneur général à Paris.»

Un papier où ce grand pudique osait ainsi, publiquement, se confier sur ce douloureux affrontement avec une réalité insupportable trop longtemps et trop bien cachée. Nous garderons en mémoire, aussi, cette confidence.

A demain @jynau

Covid-19: Le Monde demande, dans un éditorial, la transparence des avis du Conseil scientifique

Bonjour

16/03/2020. Editorial du Monde (signé, en une, par Jérôme Fenoglio, directeur). Où l’on revient notamment sur le manque de transparence, difficilement compréhensible, qui prévaut quant aux travaux et aux avis de l’actuel « Comité scientifique » depuis peu chargé de conseiller le gouvernement quant à la lute contre l’épidémie de Covid-19 – manque de transparence que nous évoquions ici-même et sur laquelle il faudra revenir, ne serait-ce que pour tenter de comprendre et, collectivement, progresser. Où l’on revient, ainsi, sur l’indispensable transparence démocratique, en situation de crise sanitaire, entre l’évaluation scientifique du risque et sa gestion politique.

Extraits de cet éditorial :

« En ces jours de grande inquiétude, il convient de ne pas ajouter la colère à la crainte légitime, la division à la séparation nécessaire. Il n’est plus temps d’alimenter la polémique sur la somme des petits calculs et des grandes inconséquences qui ont conduit au maintien de ce premier tour des élections municipales dénué de sens, et probablement de suite. Mais l’on peut toujours s’affliger que ce scrutin tronqué ait fait perdre une précieuse journée de plus dans la lutte contre le Covid-19, en envoyant un message inverse de celui que la gravité et l’urgence de la situation imposent : écartez-vous les uns des autres, et restez chez vous, sans plus attendre (…)

« Le combat contre l’épidémie nous place face à une injonction contradictoire : pour protéger la communauté, il faut s’en extraire ; pour préserver le collectif, il faut le fragmenter en une multitude de retraits individuels. Les Italiens, dont certains ont eu grand tort de se gausser au début de la crise, l’ont bien compris. Durement éprouvés, ils s’imposent une discipline exemplaire. Pour l’heure, nombre de Français ne parviennent pas à adopter un tel comportement, à la hauteur du danger. Malgré les simulations alarmantes, les mesures qui se durcissent, les bilans qui s’aggravent, le risque paraît encore trop souvent réservé aux autres – les personnes âgées ou fragiles –, la menace ne semble planer que sur un avenir très lointain (…)

« Espérons que l’on se souviendra, au décours de cette crise, à quel point l’hôpital public et, d’une manière générale, la santé n’ont pas de prix. C’est à un système sanitaire à bout de souffle, à des personnels de santé qui n’avaient cessé de tirer le signal d’alarme sans être entendus que l’on demande, dès à présent, des sacrifices inouïs. Osons le mot : un comportement héroïque (…)

Cette épreuve, pour la première fois à l’échelle de continents entiers, peut bouleverser durablement le cours de nos sociétés. Il n’est pas exclu qu’elles en sortent améliorées, si deux conditions essentielles sont réunies : la confiance et la raison. Pour obtenir des sacrifices de leurs concitoyens, pendant de longs mois selon toute probabilité, nos gouvernants – du moins ceux des régimes démocratiques – n’auront d’autre choix que de leur exposer en toute transparence leur stratégie, ses risques et ses éventuelles évolutions. Pour éclairer chacun, ils devront également partager les données et avis scientifiques qui les guident dans leurs décisions.

Pour l’heure, ces conditions ne sont pas tout à fait réunies en France. L’exécutif a tardé à partager les règles sur la manière dont il consulte son conseil scientifique, dont les travaux n’ont pas encore été rendus publics. La stratégie face au Covid-19 n’a pas non plus été clairement exposée, encore moins débattue. (…) 

Cette opacité des prises de décision ne peut que nuire au combat de longue haleine qui s’engage. Et retarder l’indispensable responsabilisation de chaque individu, maillon d’une longue chaîne qui devra bien finir par entraver la course du coronavirus.»

Emmanuel Macron doit à nouveau parler aux Français ce soir à 20 heures. On ne peut exclure qu’il réponde à la démocratique demande formulée par Le Monde.

A demain @jynau

NB A lire « Coronavirus : pourquoi la stratégie sanitaire française pose question. Le chef de l’Etat a décidé de maintenir les élections municipales en s’appuyant sur des expertises scientifiques qu’il n’a pas rendues publiques. » (Franck Nouchi, Le Monde, 14 mars 2020)

Covid-19 : journalisme, précarité, confidentialité, l’avis du Comité national d’éthique français

Bonjour

13/03/2020. Voici quelques premiers extraits de l’avis important que le Comité national français d’éthique vient, à le demande du gouvernement, de rendre public (« COVID-19 CONTRIBUTION DU COMITÉ CONSULTATIF NATIONAL D’ÉTHIQUE : Enjeux éthiques face à une pandémie Réponse à la saisine du ministre en charge de la santé et de la solidarité »). L’un des chapitres concerne la nécessité d’ « une communication transparente et responsable ». Voici ce texte, qui ne manquera pas d’être commenté :

 Communication transparente et responsable :

« Cette communication devrait s’appuyer davantage sur le corps social. La communication repose aujourd’hui sur un socle mixte comprenant d’une part des messages des pouvoirs publics de prophylaxie adressés au « grand public » ; une communication politique incarnée par les responsables de la santé et au plus haut niveau de l’État, une communication par les Agences sanitaires complétée par celle des experts (scientifiques et médecins) invités régulièrement à informer sur la maladie.

On peut aujourd’hui faire le constat que la communication est précise (ne taisant pas les incertitudes) et prudente, malgré un contexte en évolution constante. Par ailleurs, l’épidémie actuelle est probablement la première à être vécue à l’échelle mondiale en temps réel à l’ère des chaines d’information continue, des médias sociaux et des diffusions en direct. Ces moyens jouent indéniablement un rôle important dans l’information du public et dans le partage des données « établies » sur le virus, mais ils offrent également la possibilité d’identifier des personnes infectées par le COVID-19 ou présumées l’être, de participer à des mouvements de discrimination de certaines communautés, de relayer des fausses informations.

« Intelligence collective »

On doit cependant se demander si, dans un contexte probablement durable d’incertitudes, les modes de communication actuels seront à terme toujours adaptés. Dans une période où les contraintes pesant sur les personnes seront nécessaires d’un point de vue sanitaire, il est essentiel de ne pas amplifier la crise sanitaire par une crise de défiance de la part de la société. Les stratégies de communication actuelles, provenant majoritairement du pouvoir politique ou des experts, devraient s’appuyer sur le corps social pour être comprises, critiquées, intégrées intellectuellement et ensuite relayées. L’appropriation par la société de notions complexes, tout autant que la communication sur la mise en place de mesures contraignantes, mais aussi la compréhension des difficultés rencontrées par les décideurs, de leurs dilemmes, est possible et peut donner sens aux mesures prises et à leur acceptabilité par les citoyens. L’information adressée, individualisée, dans des cadres sociaux, locaux et professionnels, autant que personnels et familiaux, est un relais majeur de la confiance.

Le CCNE estime que la mobilisation sociale contre l’épidémie devrait s’organiser sur la base d’une intelligence collective. Le CCNE recommande de dépasser le cadre d’une communication générale pour une communication ciblée, en particulier vers les groupes les plus précaires et les plus fragiles (personnes en situation de grande pauvreté, SDF, personnes en situation de handicap ou souffrant de maladies psychiatriques, migrants, prisonniers …). Par ailleurs, il apparaît prudent pour les scientifiques et les médecins de ne pas faire d’annonce prématurée auprès des médias ou sur les réseaux sociaux lorsqu’ils sont amenés à parler de travaux scientifiques (vaccin, traitement). »

Et puis ces deux points, également essentiels :

Une attention particulière aux populations précaires :

« Le CCNE insiste particulièrement sur la question des inégalités sociales face aux risques liés au développement de l’épidémie. Les conditions de vie et d’emploi, les conditions sanitaires, les conditions de travail (les contrats à durée déterminée moins favorables que les contrats à durée indéterminée), le chômage, l’état de santé et la fragilité des personnes pauvres (14 % de la population vit sous le seuil de pauvreté) entraînent des risques spécifiques et accrus dans ce contexte où les mesures de précaution ne peuvent être matériellement appliquées. Les personnes sans logis, vivant en milieu précaire, à la rue, sont dans des conditions extrêmes de risque. Les personnes sans papiers se trouvent aussi dans des conditions difficiles, compte tenu de leur accès particulièrement restreint au système de santé ».

Respecter la confidentialité des données de santé :

« Des personnes à l’étranger et plus récemment en France ont choisi de révéler publiquement leur état de santé. De telles situations entrainent des élans de solidarité, d’empathie visibles sur les réseaux sociaux. Elles peuvent participer à dédramatiser certaines expériences de confinement à domicile, dans une sorte « d’éducation par le vécu ». Ces décisions doivent en tous les cas être prises en toute connaissance de cause (des propos malveillants peuvent aussi être tenus), sans pression sociale. Cependant, le CCNE recommande qu’il soit rappelé impérativement à tous les acteurs, particuliers, soignants, acteurs publics et médias qu’il existe des textes de loi concernant le respect de la confidentialité des données médicales et l’identité des personnes atteintes et qu’elles doivent prévaloir en situation d’épidémie et de menace pour la santé. »

A demain @jynau

NB Le Pr Jean-François Delfraissy a annoncé, fort prudemment au vu de la somme de ses nouvelles responsabilités, son retrait (provisoire) de la présidence du CCNE

L’appel de vingt-huit journalistes français en Italie : «Prenez enfin la mesure du danger !»

Bonjour

12/03/2020. C’est, là encore, sans précédent. Dans une tribune adressée aux autorités françaises et européennes, les journalistes français qui travaillent en Italie appellent les dirigeants français à prendre «enfin la mesure du danger» face à la progression fulgurante du coronavirus : Journalistes français en Italie : «Pour que la France prenne enfin la mesure du danger». Comment, ici, ne pas reproduire leur texte et leurs noms ?

«Journalistes en Italie pour des médias français et francophones, nous couvrons depuis le début la crise épidémique du coronavirus dans la péninsule. Nous avons pu constater la progression fulgurante de la maladie et avons recueilli les témoignages du personnel de santé italien. Beaucoup nous font part de la situation tragique dans les hôpitaux, les services de thérapie intensive saturés, le triage des patients, ceux – les plus faibles – que l’on sacrifie faute de respirateurs artificiels suffisants.

«Par conséquent, nous considérons qu’il est de notre responsabilité d’adresser un message aux autorités publiques françaises et européennes pour qu’elles prennent enfin la mesure du danger. Tous, nous observons en effet un décalage spectaculaire entre la situation à laquelle nous assistons quotidiennement dans la péninsule et le manque de préparation de l’opinion publique française à un scénario, admis par l’énorme majorité des experts scientifiques, de propagation importante, si ce n’est massive, du coronavirus.

«Hors d’Italie aussi, il n’y a plus de temps à perdre. Nous estimons qu’il est de notre devoir de sensibiliser la population française. Souvent, les retours qui nous arrivent de France montrent qu’une grande partie de nos compatriotes n’a pas changé ses habitudes. Ils pensent qu’ils ne sont pas menacés, surtout lorsqu’ils sont jeunes. Or, l’Italie commence à avoir des cas critiques relevant de la réanimation dans la tranche d’âge 40-45 ans. Le cas le plus éclatant est celui de Mattia, 38 ans, sportif et pourtant à peine sorti de dix-huit jours de thérapie intensive. Il est le premier cas de Codogno, fin février, au cœur de la zone rouge dans le sud de la Lombardie.

 «Par ailleurs, certains Français n’ont pas conscience qu’en cas de pathologie grave, autre que le coronavirus, ils ne seront pas pris en charge correctement faute de places, comme c’est le cas en Italie depuis plusieurs jours. Soulignons aussi que le système sanitaire impacté aujourd’hui est celui du Nord, soit le meilleur d’Italie, un des meilleurs en Europe. La France doit tirer les leçons de l’expérience italienne.»

Manuella Affejee, de la rédaction francophone de Radio Vatican ; 
Delphine Allaire, de la rédaction francophone de Radio Vatican ;
Salvatore Aloïse, correspondant d’Arte ;
Olivier Bonnel, de la rédaction francophone de Radio Vatican ;
Bertrand Chaumeton, réalisateur radio ;
Marie Duhamel, de la rédaction francophone de Radio Vatican ;
Ariel F. Dumont, correspondante de Marianne, le Quotidien du médecin ;
Antonino Galofaro, correspondant du Temps ;
Bruce de Galzain, correspondant permanent de Radio France en Italie ;
Marine Henriot, de la rédaction francophone de Radio Vatican ;
Arthur Herlin, directeur de l’agence i. Media ;
Richard Heuzé, politique internationale ;
Blandine Hugonnet, journaliste pigiste ; Franck Iovene, AFP ;
Eric Jozsef, correspondant de Libération et RTS ;
Anne Le Nir, correspondante de RTL et la Croix ;
Marc-Henri Maisonhaute, journaliste pigiste ; Francesco Maselli, correspondant de l’Opinion ;
Alban Mikoczy, correspondant de France 2-France 3 ;
Jean-Charles Putzolu, de Radio Vatican ;
Quentin Raverdy, journaliste pigiste ;
Xavier Sartre, de la rédaction francophone de Radio Vatican ;
Eric Sénanque, correspondant RFI au Vatican ;
Valérie Segond, correspondante du Figaro ;
Nicolas Senèze, envoyé spécial permanent de la Croix au Vatican ; Anne Tréca, correspondante RTL ;
Valentin Pauluzzi, correspondant de l’Equipe ;
Arman Soldin, envoyé spécial d’AFPTV ;
Matteo Cioffi, correspondant sportif de RFI ;
Natalia Mendoza, correspondante de France 24 ;
Manuel Chiarello, JRI indépendant.

A demain @jynau

Coronavirus: le Journal du Dimanche en fait-il beaucoup trop, avec Roselyne Bachelot?

Bonjour

08/03/2020. « Coronavirus. En fait-on vraiment trop ? » titre Le Journal du Dimanche (groupe Lagardère) montrant, en Une, un Emmanuel Macron éternuant. Sept pages. Avec deux happy few, une ancien infectiologue hospitalier, une ancienne femme politique, ancienne ministre devenue humoriste. On connaît l’antienne. En faire définivement « trop » (comme lors de la pandémie grippale A-H1N1) ? En faire, et de beaucoup, « pas assez » (comme dans les « affaires du sang contaminé ») ? Depuis près d’un demi-siècle on observe, en France, les difficultés récurrentes du pouvoir exécutif pour répondre aux crises sanitaires auxquelles il est régulièrement confronté. Avec toutes les conséquences en chaîne qui, travail médiatique aidant, compliquent son travail quand on pourrait l’imaginer simplifié.

Page 3 du JDD, le Pr François Bricaire, ancien chef du prestigieux service d’infectiologie de La Pitié-Salpêtrière, à la suite du charismatique Pr Marc Gentillini. Que dit-il ? En substance que l’on en « fait beaucoup », que trop en faire peut se révéler contre-productif, mais que tout cela peut, aussi se comprendre quand « on n’a pas le choix » (sic). Il ajoute qu’il « peut se tromper » mais qu’il lui semble que le nouveau coronavirus « est plutôt bénin »; qu’il connaît bien son confrère Jérôme Salomon, qu’il le « respecte beaucoup », mais que ce dernier (aujourd’hui Directeur général de la santé) « prend des mesures qui doivent être au-delà de ce qu’il pense raisonnable ». Mais, ajoute-t-il, il « réagit en politique ». Où l’on comprend que le pouvoir politique, aujourd’hui est au-delà du raisonnable. Voilà une bonne question à poser au Pr Jérôme Salomon lors de l’une de ses conférences de presse quotidienne.

Page 5 du JDD, Roselyne Bachelot, pharmacienne, gaulliste, ancienne ministre de la Santé, aujourd’hui « éditorialiste » sur LCI et humoriste aux « Grosses Têtes » (RTL). Elle accuse (sans les nommer, à l’exception de Marine Le Pen) les « coronologues à deux soux » qui « parlent de ce qu’ils ne connaissent pas ». Elle décerne sa palme à Olivier Véran. Elles revient sur les accusations, nombreuses, qui la visèrent lors de sa gestion de la crise A(H1N1). C’était il y a onze ans. Nicolas Sarkozy était président de la République et François Fillon Premier ministre. Depuis cette ancienne ministre a, bien tristement, choisi de devenir humoriste. Est-elle encore crédible ?

A demain @jynau

Dr Jacques Leibowitch (1942-2020), l’un des grands soldats de la longue lutte contre le sida

Le hasard sans doute, la fatalité peut-être veut que ce croisé disparaisse au moment ou émerge une tempête virale internationale. Jacques Leibowitch, 77 ans, qui aura consacré une bonne partie de sa vie et de ses énergies à croiser le fer avec un virus pandémique, celui de l’immunodéficience humaine.

Apprendre sa dispartion c’est, pour nous, retrouver une image : sa venue, avec trois autres pionniers, dans le sanctuaire du Monde, 5-7 rue des Italiens à Paris. Un groupe de quatre jeunes médecins hospitaliers éclairés. Ils voulaient à tout prix rencontrer un journaliste en charge des sujets de médecine et de société. Un petit groupe enflammé, persuadé d’être sur une piste médicale d’importance : l’émergence d’une nouvelle et dérangeante maladie – une étrange pathologie affectant, de l’autre côté de l’Atlantique, la communauté homosexuelle masculine.

Les quatre ne savaient rien, ou presque, mais pressentaient que l’affaire allait prendre de l’ampleur – et que la presse devait donner l’alerte, commencer à remuer ciel et terre. Sans doute n’ont-ils pas été alors entendus comme il aurait fallu qu’ils le soient. Pourquoi ? Bientôt quarante ans déjà – nous n’avons toujours pas trouvé la véritable réponse à la question.

Le Monde garde toujours la trace de l’énergie alors déployée par Jacques Leibowitch. Un papier du Dr Escoffier-Labiotte « Le SIDA » (Le Monde du 2 janvier 1984) où il est cité via question (sujet capital, alors) du « sarcome de Kaposi ». Il y aura encore « Le SIDA et ses fantasmes » (Le Monde du 4 avril 1984) traitant de son premier ouvrage. « (…) L’ouvrage du docteur Leibowitch, brillant, documenté, présenté comme une  » double enquête policière et biologique « , retient l’attention. L’auteur y développe longuement une hypothèse qui lui est chère et qui donne naissance à une grande fresque épidémiologique aux dimensions de la planète. Une narration séduisante, où un  » virus exotique  » suit les migrations humaines (…) ». Puis « Un donneur de sang sur mille a été en contact avec le virus du SIDA » (Le Monde du 13 juin 1985) où pointaient déjà les premiers éléments d’affaires qui deviendraient tragiques.

Nous croisâmes à plusieurs reprises, par la suite, cet immunologiste atypique, cette personnalité hors du commun, brillante, bouillonnante, colérique, séductrice, solitaire, éruptive, pertinente et déroutante. Pionnier sur le front de l’émergence de la maladie virale il le fut aussi sur celui de la prévention, sur celui des méthodes diagnostiques et plus encore sur celui de la thérapeutique antirétrovirale.

Dernière rencontre, hasard matinal, à la terrasse des Deux Magots. Il mobilisait alors le petit mais puissant « monde des arts et de la mode », toujours pour mieux soigner, mieux lutter contre une épidémie qu’il n’avait jamais quitté.  Puis, en 2014 ou le retrouvait une dernière fois dans les colonnes du Monde – « médecin-clinicien » il signait une tribune. Il s’agissait, là encore, de tout faire pour améliorer le traitement.

L’auteur était ainsi présenté : « Jacques Leibowitch a contribué à la connaissance du VIH et du sida et de son traitement, dont la première trithérapie anti-VIH effective et la désignation d’un rétrovirus comme cause présumée du sida. » C’était parfaitement résumé. Un grand soldat.

 PS  « Membre de notre comité scientifique de 1994 à 1997, passionné et entier, nous n’oublierons pas ses contributions très importantes à la connaissance du virus et à la qualité de vie de ses patients », souligne sur Twitter l’association de lutte contre le sida Sidaction.

« Chercher, comprendre, soigner, innover, imaginer ! Toute sa vie, Jacques Leibowitch n’aura cessé de le faire dans le domaine de la lutte contre le VIH et de la prise en charge des personnes malades, note le site Seronet, lancé en 2008 par l’association Aides. Moins connu médiatiquement que nombre de ses confrères, moins en cour du fait d’un tempérament peu consensuel, le médecin a pourtant été parmi les premiers en France à se mobiliser sur le sida. Il a été un des pionniers de la lutte contre le VIH, dès 1981. »

Journalisme et crédibilité : quand Nicolas Sarkozy surveillera les médias d’Arnaud Lagardère

Bonjour

Que vaut la crédibilité journalistique ? Ce sont quelques lignes confraternelles de l’indépendante Agence France Presse. Où l’on apprend que les sociétés de journalistes et de rédacteurs (SDJ et SDR) du pôle «news» de Lagardère (Paris Match, le Journal du Dimanche et Europe 1) sont inquiètes. Inquiètes des conséquences pour la « crédibilité » de ces médias de l’entrée de Nicolas Sarkozy au conseil de surveillance du groupe. Et ce « dans un contexte de défiance généralisées vis-à-vis des médias et de suspicion de leur proximité avec les responsables politiques » (sic).

«Les SDR et SDJ des trois rédactions réunies réaffirment dès aujourd’hui avec force leur attachement à l’indépendance éditoriale et leur vigilance quant au traitement de l’information en dehors de toute pression», ajoutent ces organisations. Le groupe d’édition et de distribution Lagardère a annoncé fin février la cooptation «à l’unanimité» (sic) de l’ancien président de la République Nicolas Sarkozy et de l’ancien patron de la SNCF Guillaume Pepy à son conseil de surveillance.

L’AFP nous explique : l’arrivée de ces deux « poids-lourds » (sic) -tous deux « proches des intérêts du premier actionnaire du groupe, le fonds souverain du Qatar »- s’inscrit dans une offensive d’Arnaud Lagardère pour renforcer son contrôle sur l’entreprise. Et ce face aux critiques du fonds activiste Amber Capital qui réclame des changements en matière de gouvernance. Mais que pèsent, face aux « poids lourds » et autres « fonds souverains », les frêles journalistes ? Où est passé le trébuchet ?

A demain @jynau

Coronavirus et thérapeutique : la chloroquine, lecture écologique du Monde Diplomatique

Bonjour

26/02/2020. Etre le premier. C’est une publication modeste publiée en urgence : « Breakthrough: Chloroquine phosphate has shown apparent efficacy in treatment of COVID-19 associated pneumonia in clinical studies ». Elle est signée Jianjun Gao, Zhenxue Tian et Xu Yang (School of Pharmacy, Qingdao University, Qingdao, China).

« The coronavirus disease 2019 (COVID-19) virus is spreading rapidly, and scientists are endeavoring to discover drugs for its efficacious treatment in China. Chloroquine phosphate, an old drug for treatment of malaria, is shown to have apparent efficacy and acceptable safety against COVID-19 associated pneumonia in multicenter clinical trials conducted in China. The drug is recommended to be included in the next version of the Guidelines for the Prevention, Diagnosis, and Treatment of Pneumonia Caused by COVID-19 issued by the National Health Commission of the People’s Republic of China for treatment of COVID-19 infection in larger populations in the future. »

L’espoir est déjà dans tous les médias. Traduction : « Un banal traitement à la chloroquine, médicament couramment utilisé contre le paludisme, a montré des signes d’efficacité contre le coronavirus, a assuré mardi 25 février à l’AFP Didier Raoult, directeur de l’Institut Méditerranée Infection à Marseille. ‘’Nous savions déjà que la chloroquine était efficace in vitro contre ce nouveau coronavirus et l’évaluation clinique faite en Chine l’a confirmé’’, explique le Pr Raoult, spécialiste renommé des maladies infectieuses, en commentant la première publication sur cette étude clinique de trois chercheurs chinois dans la revue BioScience Trends.’’Finalement, cette infection est peut-être la plus simple et la moins chère à soigner de toutes les infections virales’’, ajoute le directeur de cet institut hospitalo-universitaire très impliqué dans la détection du nouveau coronavirus en France, chroniqueur au Point – et qui ne craint jamais de donner des leçons aux journalistes comme à ses confrères.

Idéocologie – épipandémie

Nous en reparlerons. Comme de ce papier à la Une du dernier Monde Diplomatique : « Contre les pandémies, l’écologie » (Sonia Shah) 1. Où l’on comprend que l’idéologie-écologie  peut, elle aussi, être une grille de lecture des épi-pandémies :

« Même au XXIe siècle, les vieux remèdes apparaissent aux yeux des autorités chinoises comme le meilleur moyen de lutter contre l’épidémie due au coronavirus. Des centaines de millions de personnes subiraient des restrictions dans leurs déplacements. N’est-il pas temps de se demander pourquoi les pandémies se succèdent à un rythme de plus en plus soutenu ?

« Serait-ce un pangolin ? Une chauve-souris ? Ou même un serpent, comme on a pu l’entendre un temps avant que cela ne soit démenti ? C’est à qui sera le premier à incriminer l’animal sauvage à l’origine de ce coronavirus, officiellement appelé Covid-19, dont le piège s’est refermé sur plusieurs centaines de millions de personnes, placées en quarantaine ou retranchées derrière des cordons sanitaires en Chine et dans d’autres pays. S’il est primordial d’élucider ce mystère, de telles spéculations nous empêchent de voir que notre vulnérabilité croissante face aux pandémies a une cause plus profonde : la destruction accélérée des habitats.

Depuis 1940, des centaines de microbes pathogènes sont apparus ou réapparus dans des régions où, parfois, ils n’avaient jamais été observés auparavant. C’est le cas du virus de l’immunodéficience humaine (VIH), d’Ebola en Afrique de l’Ouest, ou encore de Zika sur le continent américain. La majorité d’entre eux (60 %) sont d’origine animale. Certains proviennent d’animaux domestiques ou d’élevage, mais la plupart (plus des deux tiers) sont issus d’animaux sauvages.

Or ces derniers n’y sont pour rien. En dépit des articles qui, photographies à l’appui, désignent la faune sauvage comme le point de départ d’épidémies dévastatrices. il est faux de croire que ces animaux sont particulièrement infestés d’agents pathogènes mortels prêts à nous contaminer. En réalité, la plus grande partie de leurs microbes vivent en eux sans leur faire aucun mal. Le problème est ailleurs : avec la déforestation, l’urbanisation et l’industrialisation effrénées, nous avons offert à ces microbes des moyens d’arriver jusqu’au corps humain et de s’adapter.

La destruction des habitats menace d’extinction quantité d’espèces. parmi lesquelles des plantes médicinales et des animaux sur lesquels notre pharmacopée a toujours reposé. Quant à celles qui survivent, elles n’ont d’autre choix que de se rabattre sur les portions d’habitat réduites que leur laissent les implantations humaines. Il en résulte (…) »

A demain @jynau

Journaliste. Auteure de Pandemic : Tracking Contagions, From Cholera to Ebola and Beyond, Sarah Crichton Books, New York, 2016, et de The Next Great Migration : The Beauty and Terror of Life on the Move, Bloomsbury Publishing, Londres, à paraître en juin 2020. Ce texte a été publié dans The Nation.