Vérité sur l’hydroxychloroquine : la dernière étude du Pr Didier Raoult ? C’est «nul de chez nul !»

Bonjour

28/06/2020. Se faire désirer. De même que le désir peut loger chez une précieuse, la violence peut ne pas être absente chez les servants de la science. Force est ici de reconnaître que ces dernières semaines le Pr Didier Raoult est parvenu, depuis son Fort Vauban de Marseille, à faire sauter quelques couvercles. Il entrouvre les sombres coulisses d’un spectacle généralement parfaitement rôdé sur scène, impose des réactions violentes, dynamise l’ensemble de la troupe quand il ne la fracture pas.

Dernière représentation en date, 24 juin : Monsieur Loyal face à la commission d’enquête de l’Assemblée nationale. Un spectacle de plus de trois heures que l’on peut revoir, gratuitement, à l’envi et grâce à LCP, en cliquant ici. Trois heures … Nous étions passé trop vite sur un passage édifiant, trois minutes seulement avant la fin. Question du généticien reconnu et député  Philippe Berta (MoDem, Gard). Quand la plupart des députés minaudent, lui parle d’égal à égal avec l’omniscient directeur général de l’IHU Méditerranée Infections, cette « Rolls Royce »  de l’infectiologie obtenue, souligne-t-il, grâce au « grand emprunt ». Question :

 « (…) Pourquoi, mais pourquoi  n’avez-vous pas mené une étude clinique digne de ce nom, dès le départ, qui aurait pu définitivement répondre, oui ou non, l’hydroxychloroquine a un effet ? (….) Je connais tous vos travaux, votre science bien établie (…) Vous saviez très bien que ces pseudo-essais thérapeutiques, ces pseudos essais-cliniques n’étaient absolument pas recevables par qui que ce soit (…). Pourquoi ne l’avez-vous pas fait cet essai ? Cela nous titille tous dans notre communauté, dès le départ. »

« Je reste un grand scientifique après avoir publié ça ! »

 Visiblement surpris, dérangé, agacé par cette froide attaque le Pr Raoult a dit qu’il n’était « pas d’accord avec ça », expliqué que ce qu’il avait fait n’était que de l’ « éthique basale » (résumé : «l’éthique n’a rien à voir avec la méthodologie ; quand on a la preuve que quelque chose marche on arrête l’essai »). Puis, désolé des propos de son confrère, le microbiologiste a dit « aimer beaucoup son essai » (sic), avant d’asséner son coup de marteau : « Contrairement à ce que vous dites « moins il y a de gens dans un essai, plus c’est significatif. (…) Tout essai qui comporte plus de 1 000 personnes est un essai qui essaie de démontrer quelque chose qui n’existe pas. C’est de l’intox…. » Avant de poursuivre sa démonstration et de conclure  : « Je suis un très grand méthodologiste ! (…) J’étais, avant,  un grand scientifique et, après ça je reste un grand scientifique après avoir publié ça. »  Fin des débats parfaitement conduits par Brigitte Bourguignon (LREM, Pas-de-Calais) présidente de la Commission d’enquête

Puis rebondissement : le 25 juin, au lendemain de cet échange éclairant, le Pr Raoult publiait dans Travel Medicine and Infectious Disease (TMAID ;  revue très proche de l’lHU Méditerranée) une vaste étude portant sur 3 119 personnes traitées avec le « protocole Raoult » comparées à d’autres patients ayant bénéficié d’un autre traitement. Conclusion :

 « Les résultats suggèrent qu’un diagnostic, un isolement et un traitement précoces des patients Covid-19 avec au moins trois jours d’administration d’hydroxychloroquine et d’azithromycine conduisent à des résultats cliniques significativement améliorés et à une baisse de la charge virale plus rapide qu’avec d’autres traitements. »

Cette étude était très attendue, évoquée à plusieurs reprises par Didier Raoult comme une sorte de point d’orgue de ses travaux ; une « étude rétrospective » dont les conclusions sont toujours infiniment plus fragiles que le standard des « essais cliniques prospectifs ». Le Monde (Hervé Morin) a patiemment, méthodiquement, journalistiquement, cherché à en évaluer la valeur. Le bilan laisse plus que songeur.  « Nul de chez nul », résume Dominique Costagliola, directrice adjointe de l’Institut Pierre-Louis d’épidémiologie et de santé publique (Sorbonne Université, Inserm) qui énumère les raisons pour lesquelles la comparaison entre les patients traités et les autres n’est en rien valide.

Mathieu Molimard (université de Bordeaux) pharmacologue et pneumologue : « Que peut-on dire ? On compare des choux et des carottes et même en ajustant la taille des feuilles cela reste des choux et des carottes. » 

Anton Pottegard, professeur de pharmaco-épidémiologie (University of Southern Denmark) qui a récemment contribué à définir des directives pour bien mener de telles études face à l’urgence liée au Covid-19 – directives approuvées par la Société internationale de pharmacoépidémiologie : « Pour faire court, je n’ai pas confiance dans les résultats de l’étude, indique-t-il. Pourquoi ? Parce qu’elle ne répond pas aux exigences les plus basiques auxquelles elle devrait souscrire. Il y a de nombreux problèmes, chacun étant très préoccupant. Pris ensemble, ils rendent cette étude 100 % inutile pour guider la pratique clinique. »

« Embrasser les patients sur le front pendant trois jours »

Il s’explique : « Ceux qui sont traités sont comparés à ceux qui ne le sont pas. Le principal problème est que ceux qui ne survivent pas au traitement sont classés comme non traités. » Il propose une comparaison : « Je pourrais proposer un nouvel essai clinique : embrasser les patients sur le front pendant trois jours. Je comparerais ceux qui auraient reçu les trois baisers à ceux… qui n’auraient pas survécu pour les recevoir. L’effet du traitement serait formidable : aucun des patients ayant reçu mon traitement ne serait mort. » 

Le Monde rapporte encore que Didier Raoult, qui avait espéré faire paraître ses travaux dans The Lancet, nettement plus prestigieux que son TMAID – mais que le journal médical britannique l’avait rejetée d’emblée. Il est vrai, conspirationnisme ou pas que The Lancet, en raison de son tropisme anti-Trump et donc antihydroxychloroquine avait préféré publier une étude défavorable à cette molécule ; étude controversés puis rétractée, qualifiée de «foireuse » par Didier Raoult qui avait ensuite évoqué les « Pieds nickelés » du Lancet et les failles majeures du système de relecture-validation des publications de cette -toujours- prestigieuse revue.

Le dernier clou marseillais est enfoncé depuis le Danemark. « Bien que ça me chagrine, je dois en conclure que sa publication [du Pr Raoult] est un nouvel exemple d’une faillite complète du système de relecture par les pairs » déclare Anton Pottegard. Contactés par Le Monde pour réagir à ces critiques (qui les transforment en arroseurs arrosés) le Pr Didier Raoult et son équipe n’avaient pas répondu au moment du lancement des rotatives numérisées. Cela ne saurait tarder.

A demain @jynau

«Conflits d’intérêts» : quelles suites après le show explosif du Pr Raoult devant les députés ?

Bonjour

25/06/2020. Tempêtes à l’horizon. On découvrira sur cette vidéo, l’invraisemblable arrivée « rock star », à l’Assemblée nationale, du microbiologiste marseillais ultra-médiatique masqué. Puis la suite, un document essentiel : plus de trois heures d’une audition hors du commun devant la commission d’enquête sur la gestion de la pandémie à l’Assemblée nationale. Une audition rapidement transformé en un réquisitoire hors du commun , une charge menée par un double acteur : acteur dans la lutte contre la pandémie et acteur mettant en scène, avec gourmandise, sa propre personne. Un homme dont une boutique marseillaise commercialise avec un succès croissant des « bougies à son effigie » – comme a jugé utile de le préciser l’un de ses voisin niçois, Eric Ciotti (LR) par ailleurs rapporteur de la commission d’enquête. Il aurait pu ajouter que ce microbiologiste enflé de sa nouvelle puissance est devenu l’une des personnalités « politiques » préférées des Français.

Tour à tour présenté comme infectiologue ou épidémiologiste le Pr Raoult a plus que dominé son sujet. Professeur des écoles, savant surplombant, procureur révolutionnaire, néo-ministre de la santé, intime du président de la République, le plus ancien dans le grade le plus élevé il a littéralement envoûté les quelques députés qui ne l’étaient pas encore. Beaucoup n’ont pas saisi la somme des sous-entendus mais ce fut aussi et avant tout un terrible règlement de compte, une avalanche d’accusations parfois nominatives, parfois réitérés, une somme qui pourrait, demain, conduire à des actions pour diffamation.

 « Votre action a suscité une multitude de réactions passionnelles qu’on n’a pas l’habitude de voir dans une crise sanitaire, a d’emblée  résumé le rapporteur Eric Ciotti. Vous êtes ou haï ou adulé. » Dans l’enceinte il fut majoritairement adulé. On imagine les haines qu’il a pu alimenter en dehors – et qui ne tarderont guère à prendre corps.

Ses erreurs majeures, ses contradictions ? « L’avenir n’est à personne, l’avenir est à Dieu », botte en touche grâce à Victor Hugo.Porté au-delà des nues par les tenants de l’antisystème et du populisme bon teint il savamment réavivé les conflits latents qui dans son domaine opposent Paris à Marseille, Marseille à Lyon, la province contre la capitale, les puissants contre les faibles. Comme dans l’affaire du « Conseil scientifique ». installé par Emmanuel Macron en mars pour l’aider dans sa prise de décisions. « J’étais un ovni, un extraterrestre », au milieu d’« une bande de types qui ont l’habitude de travailler entre eux », mais dont aucun « n’est expert des coronavirus », a-t-il accusé. « Je ne suis pas un homme de réunion, je suis un homme de données », a-t-il insisté, précisant qu’il n’était « pas d’accord » avec ce que le tout-puissant Pr Jean-François Delfraissy et son « cénacle » avaient préconisé pendant la crise. Le divorce était inévitable. Il est loin d’être soldé.

« Comme des blaireaux dans leur terrier qui mordent quand on s’en approche ».

Pour autant, Didier Raoult n’avait jamais rompu le contact avec l’exécutif – il s’est tout simplement mis en contact direct avec Olivier Véran, ministre et Emmanuel Macron, président, un proche qui sait l’entendre et le comprendre. Et d’attaquer non plus, cette fois, le ministre de la Santé mais son entourage.  « Quand on est un politique, il faut avoir un rempart (…) une garde prétorienne (…) qui a des nerfs (…) et traite des données (…) afin que le ministre ne soit pas submergé d’informations inquiétantes qui ne se révèlent pas vraies », a-t-il requis, en précisant que si ce n’était pas le cas, le ministre pouvait « exploser de manière insupportable ». « Vous décrivez un ministre sous influence ! », a bien noté le voisin Eric Ciotti.

Plus grave le microbiologiste a très clairement évoqué les conflits d’intérêt pouvent expliquer une part des difficultés de la France face au Covid-19 : « Il faudra faire une véritable enquête sur l’américain Gilead et son [antiviral] remdesivir dont la stratégie était fondée sur l’influence. » Il s’est étonné de la proximité entre le directeur du laboratoire américain Gilead et certains cliniciens qui « se tutoyaient ». Cette familiarité engendre selon lui « un écosystème favorable » à l’industrie. Mieux encore il a rappelé avoir récemment publié une analyse montrant une corrélation entre une expression publique défavorable à son hydroxychloroquine et le fait d’avoir été financé par la puissante société américaine – une publication dans laquelle il se garde bien de nommer les médecins concernés. « Je ne dis pas qu’il y a une causalité, mais une coïncidence. »

Il a aussi mis gravement en cause l’Agence nationale de sécurité des médicaments (ANSM) et la Haute autorité de santé (HAS) en raison de « conflits d’intérêts très sérieux » en leur sein. Des noms de coupables ? Il suffira aux députés de visiter le site Euros for Docs, qui milite pour la transparence du lobbying dans la santé, pour mener leur enquête. « Vous avez porté des accusations extrêmement graves, a relevé Eric Ciotti. Nous serons amenés à explorer cette voie, afin d’en tirer toutes les conséquences. »

Puis nouvelles charges, également violentes, nouveaux règlement de comptes avec l’Inserm et l’Institut Pasteur «  qui ferme à 19 heures » Les failles gouvernementales majeures concernant le recours aux tests PCR de dépistage ? Là encore mitraillage visant les « Centres nationaux de références » dont les membres sont. « comme des blaireaux dans leur terrier qui mordent quand on s’en approche ».

Tout cela il le sait et le mûrit depuis 2001, date de sa prise de conscience de l’impréparation du pays face à ce type de crise. Il sait, depuis que les maladies émergentes devraient constituer « un domaine régalien ». Il voit son IHU comme un « fort de Vauban ». D’ailleurs dans un rapport rendu en 2003 commandé par le ministre de la santé Jean-François Mattéi (en dépit des réserves de Bernard Kouchner) il préconisait d’en répartir sept sur le territoire pour assurer recherche, veille et protection, calqués sur les zones de défense militaires. « Une crise de cette nature doit être gérée par le Secrétariat général à la défense nationale »assure celui qui pourrait prendre la tête des troupes.

Pour le reste, accusation des « méthodologistes » et du rituel des essais randomisés, citations à l’envi de philosophe, glorification de sa personne, déclarations d’amour à la science de celui qui assure ne pas être un prophète – tout en en ne cessant, caressant ses longs cheveux, d’en prendre le visage.  Il faudra noter le niveau des ventes de bougies, dans la boutique marseillaise.

A demain @jynau

Covid et secret médical : le Conseil scientifique fait la leçon à l’Ordre des médecins

Bonjour

22/06/2020. Il y a une semaine le Conseil national de l’Ordre des médecins dénonçait le « double langage » du gouvernement sur une question essentielle quant au respect de la parole donnée et du secret médical. Un accusation grave visant le revirement du gouvernement à propos de l’article 2 du projet de loi organisant la fin de l’urgence sanitaire. 1 En pratique cet article permettrait une durée de conservation supérieure à trois mois des données médicales relatives à la Covid-19. L’Ordre dénonçait « la conservation et l’utilisation des fichiers Sidep (Service intégré de dépistage et de prévention)  et AmeliPro contraires aux engagements pris vis-à-vis de la profession en mai dernier ».

L’Ordre demandait alors solennellement au Gouvernement et au Parlement de supprimer cet article 2 au nom du respect du secret médical potentiellement mis en danger par une augmentation de la durée de la conservation des données. Silence, depuis sur le sujet du Dr Olivier Véran, ministre des Solidarités et de la Santé.

Aujourd’hui la donne politique change avec le nouvel avis du Conseil scientifique du gouvernement.1 Où l’on découvre que, loin du « double langage » dénoncé par l’institution ordinale, cette structure applaudit au choix de l’exécutif quant à la sauvegarde des données de santé en lien avec l’épidémie COVID-19, tout particulièrement les données issues de Sidep. Ces données incluent notamment la date de diagnostic d’infection par le SARS-CoV-2 et la localisation de l’ensemble des cas sur le territoire français. A ce titre, pour le Conseil scientifique, « elles constituent une source d’information unique pour les modélisateurs afin de comprendre la dynamique de propagation du virus, et d’apprécier l’impact des différentes mesures de contrôle de la circulation du virus ».

Toujours selon ce Conseil ces données resteront extrêmement précieuses tant que persistera la menace d’une reprise de la circulation du virus sur le territoire français. Et ce d’autant que les dernières données dont nous disposons quant à la constitution d’une immunité collective – » 5% de la population française – sont très insuffisantes pour empêcher la survenue d’une deuxième vague épidémique. Mais aussi que la circulation encore très importante du virus à l’échelle planétaire, et notamment dans l’hémisphère sud qui aborde sa période hivernale « suggère qu’une intensification de la circulation du SARSCoV-2 dans l’hémisphère nord à une échéance plus ou moins lointaine (quelques mois, et notamment à l’approche de l’hiver) est extrêmement probable ».

Dans ce contexte, il paraît essentiel aux membres du Conseil scientifique de conserver les données à des fins de recherche et de suivi épidémiologique. Cette conservation devrait selon lui se faire sous une forme « pseudonymisée » et non simplement « anonymisée » – et ce de manière à ce que les données d’un même individu, non identifiantes, puissent tout de même être reliées entre elles ou chaînées avec des données d’autres bases.

S’émouvoir ? S’inquiéter ? En appeler à Orwell ? « A titre de comparaison, les données des maladies à déclaration obligatoire, dont fait partie la Covid-19, sont généralement conservées sous forme directement identifiante pour une durée de 12 mois, rappelle le Conseil. Et ce avant d’être conservées sous forme pseudonymisée pour des durées allant jusqu’à 25 ans pour les maladies à déclaration obligatoire faisant l’objet d’investigation comme la tuberculose. » Que répondra l’Ordre ? Que décidera le Parlement ?

A demain @jynau

1 « Conservation des données dans le cadre de l’article 2 du projet de loi organisant la sortie de l’état d’urgence sanitaire » Membres du Conseil scientifique ayant participé à la rédaction de la note : Jean-François Delfraissy, Président Laetitia Atlani Duault, Anthropologue Daniel Benamouzig, Sociologue Lila Bouadma, Réanimatrice Simon Cauchemez, Modélisateur Franck Chauvin, Médecin de santé publique Pierre Louis Druais, Médecine de Ville Arnaud Fontanet, Epidémiologiste Marie-Aleth Grard, Milieu associatif Aymeril Hoang, Spécialiste des nouvelles technologies Bruno Lina, Virologue Denis Malvy, Infectiologue Yazdan Yazdanpanah, Infectiologue. Correspondant Santé Publique France : Jean-Claude Desenclos.Cette note a été transmise aux autorités nationales le 21 juin 2020 à 13H30.

Les supporters vont-ils devoir s’alcooliser dans les stades pour sauver le sport français ?

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19/06/2020. C’est, bien évidemment, en bonne place dans L’Equipe, quotidien en grande souffrance depuis le début de l’épidémie et la fin des spectacles sportifs : « Un rapport du Sénat propose un assouplissement de la loi Evin ». C’est également sur le site du HuffPost : « Un rapport du Sénat propose d’assouplir la loi Évin pour renflouer les clubs après le Covid ».

A la manœuvre, la sénatrice Catherine Morin-Desailly (UC – Seine-Maritime). Dans un rapport remis à la Commission de la culture, de l’éducation et de la communication du Sénat, les sénateurs s’inquiètent de voir les dispositifs d’aide mis en place par l’État (chômage partiel, report de charges) prendre fin alors même que « le plan de relance du secteur du sport se fait toujours attendre » et que la question du huis clos (et les retombées économiques qui en découleraient) n’est pas encore totalement réglée.

Pour éviter une catastrophe économique, les élus demandent donc, sans surprise, le maintien des dispositifs mis en place en mars « jusqu’à la reprise effective des compétitions » ainsi que « l’adoption d’un bouquet de mesures permettant de soutenir vigoureusement le secteur du sport ».  Parmi les 10 mesures qu’ils préconisent on retrouve, une fois encore « l’assouplissement de la loi Évin de 1991, qui interdit les boissons alcoolisées dans les stades, ainsi que les publicités encourageant à la consommation d’alcool.

« Les liqueurs comprenant moins de 18° d’alcool »

Aujourd’hui les stades et enceintes sportives ne bénéficient que de dix dérogations par an pour vendre de l’alcool, lesquelles sont accordées par le préfet ou le maire. « Par ailleurs l’interdiction de vente d’alcool ne touche ni les carrés VIP, ni les clubs amateurs, ni les matchs de rugby, assure le HuffPost. Dans le détail, les sénateurs proposent d’autoriser la consommation des alcools comme le vin, la bière, le cidre ou encore les liqueurs comprenant moins de 18° d’alcool et de certaines publicités jusqu’à la fin de la saison 2021/2022, avant une ”évaluation” pour pérenniser ou non le dispositif. »

Selon eux cette modification permettrait de rapporter « entre 30 et 50 millions d’euros aux clubs professionnels » tout en encourageant les supporters à retourner dans les stades une fois les restrictions sanitaires levées. Serait-ce dire que trente ans après sa promulgation la loi Evin doit être à nouveau « détricotée » ? Pour ces sénateurs les arguments sécuritaires et surtout sanitaires qui avaient conduit à son adoption en 1991 seraient « dépassés » :  « les circonstances ont changé du tout au tout depuis une vingtaine d’années, assurent-ils. Les problèmes se concentrent aujourd’hui sur les abords des enceintes sportives où la consommation d’alcool n’est pas contrôlée ». Air connu.

Où l’on voit réapparaître aujourd’hui une hydre bien connue.  Ce n’est pas la première fois que la loi Évin est remise en question sous le mandat d’Emmanuel Macron. En juillet 2019 déjà, 70 députés de la majorité LREM avaient fait beaucoup pour « assouplir » la loi Evin. Eux aussi dénonçaient « l’hypocrisie » de la consommation d’alcool dans les loges VIP et proximité des enceintes sportives. Pourquoi ne pas autoriser l’alcool dans les gradins ? A l’époque l’exécutif avait résisté au nom de la santé publique et d’une certaine éthique sportive. Rien ne dit qu’il en sera de même aujourd’hui, dans ce secteur qui vivait trop souvent bien au-dessus de ses moyens et qui, se découvrant plus que fragile, est prêt à toutes les régressions.

A demain @jynau

Crise épidémique : l’exécutif accusé d’une gestion des masques «à la petite semaine»

Bonjour

17/06/2020. Le Dr François Bourdillon a été directeur général de Santé publique France depuis sa création en avril 2016 et jusqu’en juin 2019. Il vient d’être interrogé par la commission d’enquête de l’Assemblée nationale qui débute ses travaux sur la gestion de la crise du Covid-19. Coup de théâtre : il a dit regretter la «croyance» de nombreux responsables sanitaires dans la «non efficacité des masques» pour le grand public, contrairement à l’approche de réduction des risques prônée par cette agence sanitaire. Le Pr Jérôme Salomon, Directeur général de la santé, aura apprécié.

Selon le Dr Bourdillon c’est cette « croyance » qui est  «probablement une des explications du fait» que seuls 100 millions de masques chirurgicaux aient été commandés à l’été 2019 pour reconstituer le stock stratégique d’Etat – stock qui avait chuté de plus de 700 millions à une centaine de millions après la destruction de stocks en mauvais état.

Santé publique France avait alors recommandé de porter ce stock à 1 milliard pour se préparer à une éventuelle pandémie grippale. Un rapport de l’infectiologue Jean-Paul Stahl remis à Santé publique France en août 2018 préconisait en effet de prévoir une boîte de 50 masques par foyer comprenant une personne malade, soit 20 millions de foyers en cas d’atteinte de 30% de la population. François Bourdillon explique avoir transmis, en septembre 2018, cette préconisation à Jérôme Salomon, soulignant que l’état des stocks «ne permet(tait) pas une protection» du pays en cas d’épidémie.

Voltaire et Rousseau

Ce dernier lui a alors donné instruction de commander 100 millions de masques, ce qui a été fait, après lancement d’un appel d’offres, en juillet 2019: 32 millions ont été livrés courant 2019, le reste devant arriver début 2020, lorsque l’épidémie de Covid-19 a éclaté. Le Dr Bourdillon a également expliqué avoir demandé au responsable ministériel une «doctrine claire» sur la destination de ces masques. Officiellement depuis 2013, hôpitaux et cliniques devaient eux-mêmes déterminer la nécessité ou non de constituer des stocks de masques pour protéger leur personnel. Or rien ne permettait de dire, clairement, si les stocks stratégiques gérés par Santé publique France devaient couvrir les besoins du grand public ou également ceux des soignants.

« Auditionnée dans la foulée de François Bourdillon, l’actuelle directrice de Santé Publique France, Geneviève Chêne, a déroulé un exposé scolaire des missions de l’agence, avant de se faire rappeler à l’ordre par la présidente de la commission, la députée (La République en marche Brigitte Bourguignon Pas-de-Calais), rapporte Le Monde (Chloé Hecketsweiler et Solenn de Royer). Visiblement embarrassée par les questions des députés, elle s’est retranchée à plusieurs reprises derrière le récit circonstancié du travail de l’agence pendant la vague épidémique. Il a fallu attendre les toutes dernières minutes de l’audition pour apprendre qu’elle n’a découvert qu’en janvier n’avoir plus que 100 millions de masques conformes en réserve.» Comment est-ce possible ? Comment justifiera-t-on une telle incurie ?

«Pas de commandes, pas de masques et pas d’instructions… On a le sentiment d’une gestion un peu à la petite semaine» 1, a résumé le député, président du groupe LR, Damien Abad. « Avant de savoir, on ne sait pas »  avait, hier, doctement expliqué aux députés-enquêteurs le Pr Jérôme Salomon – référence faite à Voltaire. Se souvenant de la « faute » de ce dernier, on pourrait, aujourd’hui, citer Rousseau et le ruisseau.

A demain @jynau

1 De manière spontanée, sans réfléchir à l’avenir, à court terme. Cette expression peut également signifier : avec médiocrité, sans grande envergure.

Enquête Covid et circonvolutions: Jérôme Salomon cite Voltaire et auto-justifie son action

Bonjour

17/06/2020. Où l’a-t-il trouvée cette citation attribuée à Voltaire et délivrée dans la salle Lamartine ? « Avant de savoir, on ne sait pas »  a doctement asséné aux députés-enquêteurs le Pr Jérôme Salomon, Directeur général de la Santé interrogé par la commission d’enquête de l’Assemblée nationale qui débute ses travaux sur la gestion de la crise du Covid-19. Il aurait aussi pu citer Otto von Bismarck : « Celui qui ne sait pas d’où il vient ne peut savoir où il va ».  

Quatre heures d’audition, une première saison, à retrouver ici. On lira ici le compte-rendu de BFM. Ainsi que celui, parfaite synthèse, du Monde « Coronavirus : face à la commission d’enquête, Jérôme Salomon ne lâche rien » (Chloé Hecketsweiler et Solenn de Royer).

Voltaire en réponse au patron du groupe LR à l’Assemblée nationale, Damien Abad, quant à d’éventuels « regrets » quant à ses propos tenus sur le port du masque le 4 mars dernier, qui selon lui n’avait pas d’intérêt pour le grand public ? « Avant de savoir, on ne sait pas ». Vraiment, ne rien regretter ? Voltaire vous dis-je.

« Le Pr Jérôme Salomon, premier responsable à être entendu par la commission d’enquête parlementaire sur le Covid-19, a répondu de manière courtoise mais extrêmement contrôlée, donnant très peu de prise aux questions précises des députés,  résume Le Monde. Bras armé du ministère de la santé dans la gestion de l’épidémie, Jérôme Salomon connaît bien les arcanes du système de santé français. Conseiller [« officiel »] de l’ancienne ministre Marisol Touraine, entre 2013 et 2015, cet infectiologue a ensuite été le conseiller [« officieux »] d’Emmanuel Macron pendant la campagne présidentielle ; il l’avait alors alerté sur les insuffisances du dispositif en cas d’épidémie. ‘’La France n’est pas prête’’, écrivait-il en 2016. »

Déluges de chiffres, langage managérial

Après Emmanuel Macron qui s’est accordé un satisfecit sur la gestion de la crise, Jérôme Salomon s’est employé à défendre son action, pied à pied, ne reconnaissant aucune défaillance dans la réponse apportée par l’exécutif depuis l’apparition d’un nouveau virus en Chine, fin 2019. Et le DGS d’esquiver les questions les plus délicates de députés bien peu pugnaces. « J’ai le sentiment que nous n’avons pas vécu la même période », lui a lancé, décontenancée, une députée de la commission.

Déluges de chiffres, langage managérial cachant celui de bois. Sur les recommandations d’utilisation des masques pour le grand public, plusieurs députés l’ont confronté à ses contradictions. « Vous avez expliqué le 29 février que le port du masque n’était pas la solution pour le grand public. Et le 22 avril, vous avez dit : “J’ai toujours plaidé pour l’accès grand public.” (…) Quel est votre avis ? », s’est interrogé le député (LR, Vaucluse) Julien Aubert. « Je n’ai pas d’opinion pour ou contre. Simplement, je dis que c’est compliqué à mettre en évidence », a-t-il éludé, invoquant des « recommandations internationales qui évoluent au fil du temps » et des études scientifiques partagées sur le sujet.

« Et si le mot « pénurie »est à de multiples occasions employé par les députés, jamais Jérôme Salomon ne le prononce, souligne Le Monde. Questionné sur la parcimonie avec laquelle la France a utilisé les tests virologiques en comparaison à ses voisins, le DGS a préféré souligner les réticences des Français à se faire dépister.  A plusieurs reprises, Jérôme Salomon s’est fait recadrer par les députés, frustrés ou mécontents de ses « circonvolutions »

« Il ne répond à rien et noie le poisson. On ne sait pas en quoi il considérait la France comme pas prête, ni ce qu’il a fait pour préparer le pays », pestait par SMS un député de la commission, pendant l’audition. Et aucun impact de la présidente (La République en marche) de la commission, Brigitte Bourguignon, demandant des « réponses précises » à des « questions précises ». Et finalement rien de nouveau. « Avant de savoir, on ne sait pas ». Certes. Mais quand on sait depuis longtemps, que fait-on ?

Jérôme Salomon n’est que le premier responsable public à s’exprimer ainsi devant la commission. Elle entendra ce mercredi l’ancien patron de Santé publique France François Bourdillon et Geneviève Chêne, qui lui a succédé en novembre. Suivra, le 18 juin, Jean-François Delfraissy, le président du conseil scientifique du gouvernement. Viendront ensuite  deux anciens directeurs généraux, des scientifiques, dont le controversé professeur marseillais Didier Raoult, et des politiques, après le second tour des élections municipales, avec Agnès Buzyn, ancienne ministre de la Santé – et plusieurs de ses prédécesseurs. Le tout en direct sur LCP. Aurons-nous droit à de nouvelles citations ?

« Avant de savoir, on ne sait pas ». Certes. Mais quand on sait depuis longtemps, que fait-on ?

A demain @jynau

Certaines «émotions» nous permettent-elles, désormais, de ne plus respecter le droit ?

Bonjour

10/06/2020. Il y avait eu le déjà célèbre « soupçon avéré ». Christophe Castaner, ministre de l’Intérieur,  récidive depuis 48 heures dans son maniement hautement problématique de la langue française. Certains journalistes parlent de « gaffes », de « dérapages » ou de « monstruosités sémantiques ou juridiques ».Vint ensuite, le 9 juin les propos tenus sur BFM TV-RMC . C’était à la veille des manifestations prévues contre le racisme et les violences policières :

« Les manifestations ne sont pas [autorisées] dans les faits, car il y a un décret du Premier ministre dans le cadre de la deuxième phase du déconfinement qui interdit les rassemblements de plus de dix personnes. Mais je crois que l’émotion mondiale, qui est une émotion saine sur ce sujet, dépasse au fond les règles juridiques qui s’appliquent. »

« Nous ne souhaitons pas réaffirmer l’interdiction, qui est de droit, qui est de fait, et il n’y aura pas de sanctions et de procès-verbal pour la participation à cette manifestation. Il faut que cette émotion forte puisse être soutenue. »

Jean-Paul Sartre et la magie

Ces mots ont aussitôt embrasé l’opposition politique et inquiètent certains piliers de la majorité présidentielle. Les juristes ne tarderont guère a donner de la voix sur le thème de l’Etat et du droit. Pour l’heure, le président des Républicains, Christian Jacob, a estimé sur Twitter que dire que « l’émotion prédomine sur la loi » met « gravement en danger l’ordre public ». « Ses propos sont indignes d’un ministre de l’Intérieur, écrit-il.  En République, la force doit rester à la loi.» Florian Philippot, ancien cadre du Rassemblement national, sur franceinfo  :

« C’est le cirque : le ministre de l’Intérieur explique que les manifestations sont interdites mais que l’émotion les justifie. Peut-on organiser des manifs si on est ému, par exemple par l’appartenance de la France à l’UE? ».

Qu’en diront, le moment venu le Conseil d’Etat et le Conseil constitutionnel ? Où l’on en vient, sans véritable surprise, à s’interroger sur un concept pleinement d’actualité, spécialité des psychologues et de tous les professionnels de la psyché : l’émotion. En y intégrant les variantes ministérielles : émotion « mondiale » et émotion « saine » (sic) qui de nature à pouvoir dissoudre les règles juridiques habituelles. Et comment résister à ne pas citer ces lignes, étrangement prophétiques, écrites il y a quatre-vingts ans :

« À présent nous pouvons concevoir ce qu’est une émotion. C’est une transformation du monde. … Le passage à l’émotion est une modification totale de « l’être-dans-le-monde » selon les lois très particulières de la magie. » Sartre, Esquisse d’une théorie des émotions, Paris, Hermann, 1939, p. 43, 66.

A demain @jynau

Ouverture d’une enquête historique de police judiciaire sur la gestion de la crise sanitaire

Bonjour

09/06/2020. C’est sans précédent dans ce qu’il est convenu d’appeler les « affaires (scandales) sanitaires ». Le procureur de Paris, Rémy Heitz, a annoncé à l’Agence France-Presse l’ouverture lundi 8 juin d’une vaste « enquête préliminaire » sur la gestion critiquée de la crise du Covid-19 en France. Elle vise principalement les délits de « mise en danger de la vie d’autrui », d’« homicides et blessures involontaires » et de « non-assistance à personne en péril ».

Sans précédent car dans toutes les affaires précédentes plusieurs années séparaient les faits des premières enquêtes de police judiciaire. Or ici l’enquête préliminaire est ouverte alors même que la crise dont la gestion est visée n’est pas, loin s’en faut, terminée. Cette enquête est une première réponse judiciaire à une quarantaine de plaintes reçues par le parquet de Paris pendant le confinement. Elles ont été déposées par des proches de victimes, des organisations professionnelles ou encore, dans une « démarche pétitionnaire », via des plaintes-types publiées sur le site internet plaintecovid.fr

L’AFP précise que ces plaintes contre X ciblent parfois nommément des responsables de l’administration, notamment l’actuel Directeur général de la santé, le Pr Jérôme Salomon, ou encore Santé publique France. Sont également visés l’administration pénitentiaire et le ministère du travail. Les investigations seront confiées à l’Office central de lutte contre les atteintes à l’environnement et à la santé publique (Oclaesp). Elles portent sur les principaux griefs et accusations émis depuis le début de l’épidémie : protection au travail, mise à disposition de masques et de tests, etc. Les Ehpad ne sont pas concernés.

Mettre au jour d’éventuelles infractions pénales 

Attention : « Cette enquête n’est pas là pour définir des responsabilités politiques ou administratives, a expliqué Rémy Heitz,  mais pour mettre au jour d’éventuelles infractions pénales de décideurs nationaux. » A l’exception du chef de l’Etat (irresponsable pénalement) et des membres du gouvernement – dont la responsabilité relève de la Cour de la justice de la République saisie de quatre-vingts plaintes et, peut-être, d’une supplémentaire 1.

Déjà le procureur prévient les citoyens de la suite probable de l’affaire. « S’il y a des fautes pénales, ce seront très probablement – c’est une hypothèse – des fautes non intentionnelles. Or la loi fixe des conditions précises pour établir ces délits : elle exige la preuve d’une “faute qualifiée” qui n’est pas une simple imprudence ou négligence », a détaillé le procureur. Selon lui regrouper ces enquêtes permettra  d’établir un fonds documentaire commun sur l’état des connaissances scientifiques. « Pour ce type d’infractions, le code pénal dit bien qu’il faut apprécier les responsabilités [des décideurs] au regard des moyens et des connaissances dont ils disposaient au moment des décisions », a-t-il souligné.

Le procureur de Paris anticipe d’ores et déjà un travail « considérable », dans une « situation historique » puisque « c’est la première fois que des plaintes sont déposées alors que la crise bat son plein ». Le procureur ne dit pas si son travail, considérable, en sera facilité.

A demain @jynau

1 Le Quotidien du Médecin (Marie Foult) annonce que quarante médecins libéraux et hospitaliers s’apprêtent à porter plainte devant la Cour de justice de la République contre l’ancienne et l’actuel ministre de la Santé, Agnès Buzyn et Olivier Véran, le Premier ministre Édouard Philippe et le directeur général de la Santé, Jérôme Salomon. Distribution des masques, des tests, du matériel, des médicaments indispensables, mais aussi « ingérence » et « injonctions » de l’État… : cette action en justice reprend plusieurs arguments développés dans une tribune publiée fin mars, intitulée « Le gouvernement fait-il vraiment la guerre au coronavirus ? », signée par plus d’une centaine de médecins. Qualifiée « d’exceptionnelle » par ses auteurs, la plainte sera déposée d’ici à la fin de semaine pour « abus de droit » contre les ministres concernés mais aussi « abstention volontaire de combattre un sinistre, homicide involontaire » et « mise en danger délibérée de la vie d’autrui » (contre le DGS).

Le Pr Didier Raoult est accusé d’avoir expérimenté sans le consentement de ses patients

Bonjour

03/06/2020. L’affaire couvait, elle éclate dans Le Canard enchaîné. Mi-avril le soupçon avait été évoqué dans Le Quotidien du Médecin et nous nous en étions fait l’écho : « Hydroxychloroquine: questions sur la légalité des recherches du Pr Didier Raoult ». Puis le sujet fut développé dans Libé : « Le professeur Raoult a-t-il pris des libertés avec les règles éthiques ? » (Florian Gouthière). Et aujourd’hui le dossier s’étoffe dans Le Canard Enchaîné.

Selon l’hebdomadaire satirique le parquet de Marseille aurait reçu un « signalement » dénonçant certaines des pratiques du Pr Raoult. Le microbiologiste marseillais et ses collaborateurs  de l’IHU Méditerranée Infection sont accusés par « un de leurs confrères » (sic) d’avoir administré de l’hydroxychloroquinesans le consentement formel des patients. « Selon le dénonciateur, l’équipe de Didier Raoult a présenté une étude publiée le 27 mars comme une simple ″recherche observationnelle″ ne nécessitant pas l’accord formel des patients », écrit l’hebdomadaire.

Sollicitée par le parquet, l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) a indiqué avoir mené son enquête et demandé des explications au Pr Raoult. Et selon un courrier envoyé au parquet (que Le Canard Enchaîné s’est procuré) le Dr Dominique Martin, directeur général de l’ANSM écrit que « les modalités d’information des patients et de traçabilité de la motivation de la prescription ne sont pas conformes aux exigences légales ».

Comme Antoine Laurent Lavoisier, mort guillotiné.

Interrogé par l’hebdomadaire le Pr Raoult assure quant à lui avoir « respecté l’ensemble de la légalité ». Pour autant l’ANSM a d’ores et déjà saisi le Conseil national de l’Ordre des médecins.

Rappel 1 : en France, pour pouvoir conduire des «recherches impliquant la personne humaine» (RIPH), tout scientifique doit impérativement obtenir l’avis favorable de l’un des quarante comités de protection des personnes (CPP) répartis sur le territoire. Ces comités d’éthique, indépendants des établissements de recherche, sont composés de praticiens, de juristes ou de représentants d’associations de patients. Conduire une RIPH sans l’aval d’un CPP est passible d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende

Rappel 2 : sont considérées comme des RIPH toutes les études dans lesquelles les interventions (par exemple les gestes médicaux) ou les observations (suivi, questionnaires aux patients…) ne sont pas uniquement réalisées pour le soin du malade, mais aussi dans l’intention de mener une recherche destinée à faire évoluer les connaissances biologiques ou médicales.

Le 27 mars, l’équipe du professeur Raoult avait présenté les résultats d’une étude relative aux effets associés de l’hydroxychloroquine et de l’azithromycine  chez quatre-vingt patients « Covid + ». Les chercheurs marseillais expliquaient alors avoir fait valider ce projet par leur propre comité d’éthique, et non par un CPP. Avec cet argument : «Ce n’est pas de la recherche, c’est du soin.» Plus tard ils expliqueront : «L’hypothèse que [cette] étude serait une intervention sur la personne non justifiée par sa prise en charge habituelle est fausse, car il n’y a eu aucune autre intervention que celles justifiées par les soins courants.»

Cette défense comporte toutefois quelques sérieuses failles, comme en témoignent différents éléments recueillis et publiés, fin mai, par Libération. Hasard ou fatalité la publication du Canard enchaîné coïncide avec une nouvelle vidéo mettant en scène le microbiologiste marseillais (#LancetGate. Les Pieds nickelés font de la science).  

« Moi je suis une star des maladies infectieuses, j’ai tout eu, j’ai un cursus qui fait rêver à peu près n’importe qui, déclare-t-il. J’ai été le plus jeune président de l’Université de France, le plus jeune président des médecins, le plus jeune de tous les professeurs de la classe exceptionnelle, le professeur le plus ancien dans le grade le plus élevé de tout ce pays en médecine, j’ai tout eu dans ma vie. C’est moi, l’élite (…)».

Il ajoute, aussi, que la France est un pays où, parfois, on se prend à aimer décapiter les élites. Comme Antoine Laurent Lavoisier (1743-1794).

A demain @jynau

Emmanuel Macron et la «PMA pour toutes» : promesse tenue avant la fin du quinquennat ?

Bonjour

31/05/2020. Voilà un bel exemple de question politique par temps pandémique. Elle concerne un sujet que les médias n’ont cessé de traiter depuis des années : l’élargissement à « toutes les femmes » de l’accès aux techniques de procréation médicalement assistée (la « PMA pour toutes »).

On sait que l’agenda parlementaire français a été totalement bouleversé par les conséquences politiques de l’épidémie – ce qui a empêché les élus d’examiner en deuxième lecture le texte de révision de la loi de bioéthique au sein duquel figure cette disposition. Le 21 mai Gilles Le Gendre, président du groupe des députés LREM, jugeait, sur LCI, qu’il était « impossible » d’adopter cette loi avant « l’été » – du fait de la crise sanitaire et de l’encombrement du calendrier parlementaire.

Gilles Le Gendre n’est pas seul de cet avis.  Dans un message publié sur twitter , le ministre de la santé, Olivier Véran, confirmait l’information : « La loi bioéthique porte de nombreuses, belles et réelles avancées sociétales. Le débat parlementaire n’est pas achevé, et si la priorité donnée à la crise sanitaire rend difficile son adoption avant l’été hélas, elle le sera dans les tout prochains mois ! »

C’était faire bien peu de cas des forces toujours en présence. Quarante-cinq députés de tous bords plaident pour un retour dès le mois de septembre du projet de loi. Ils le font  savoir dans une tribune au Journal du Dimanche. En tête de tribune :  Guillaume Chiche, ex-député LREM (Deux-Sèvres) passé depuis peu au groupe Ecologie Démocratie Solidarité. A leurs côtés des responsables de l’Association des Parents et futurs parents Gays et Lesbiens (APGL), de l’Association des Familles Homoparentales (ADFH), du Planning Familial et de l’Inter-LGBT – ainsi que le candidat à la mairie de Paris Cédric Villani (ex-LREM) de la sociologue Irène Théry et du gynécologue-obstétricien  Israël Nisand.

« La crise que nous traversons a mis en péril de nombreux projets parentaux, écrivent-ils. Nous ne pouvons pas nous résigner à ce que la crise sanitaire soit le réceptacle de nouvelles discriminations et le théâtre d’un énième report d’une loi, promesse du candidat Emmanuel Macron (…). Inexorablement, chaque jour qui passe est une déchirure de plus pour toutes ces femmes discriminées dans l’accès à cette pratique médicale. Chaque jour qui passe est une chance en moins de pouvoir mettre au monde un enfant et de lui transmettre son amour. »

Une telle supplique peut-elle être aujourd’hui entendue par les responsables de la majorité, par le ministre de la Santé, par le président de la République ? Une belle équation politique.

A demain @jynau