Après celle des boutiques de vape, l’exécutif devrait autoriser la réouverture des librairies

Bonjour

19/03/2020. Nous venons de voir comment Olivier Véran avait su utilement réagir en ordonnant la réouverture des boutiques spécialisées dans les produits du vapotage. Une action volontariste du ministre de la Santé au nom de la réduction des risques – puisque le gouvernement avait – mais comment aurait-il pu faire autrement ? – choisi de laisser ouverts tous les bureaux de tabac.

Cet exemple édifiant pourrait être rapidement suivi. Bruno Le Maire, ministre de l’Economie vient, sur France Inter, d’annoncer qu’il s’engageait à étudier le cas particulier de la réouverture des librairies. «Nous allons ouvrir une réflexion avec le ministère de la Culture», a indiqué ce passionné de littérature et auteur reconnu 1. Pour le ministre de l’Economie il n’est pas « normal » que le géant américain Amazon s’arroge actuellement, du fait des mesures décrétées contre la pandémie, la totalité du commerce des livres. Avec le risque de voir s’accentuer le phénomène de disparition des librairies françaises et de leurs libraires. Et ce alors qu’il est acquis, d’autre part, que la lecture peut être une activité de grand intérêt en période de confinement.

Il faudra toutefois mettre en place des règles de sécurité stricte, a souligné Bruno Le Maire : «Dans une librairie, on touche les livres, on se rassemble… Il faut instaurer des règles strictes». Il ne fait guère de doute que ces règles seront rapidement définies et que l’on assistera bientôt à la réouverture des librairies et aux fructueux échanges avec les libraires.

A demain @jynau

1 Bruno Le Maire est notamment l’auteur de : Le Ministre (Grasset) ; Des hommes d’État (Grasset) ainsi, aux éditions Gallimard, de : Sans mémoire, le présent se vide ;  Musique absolue. Jours de pouvoir, récit, éditions Gallimard ; À nos enfants ; Paul. Une amitié ; Le Nouvel Empire. L’Europe du vingt-et-unième siècle.

Mais pourquoi diable Emmanuel Macron parle-t-il aujourd’hui d’épidémie «inexorable» ?

Bonjour

05/04/2020/ L’exécutif est à la manœuvre, le dit et le montre. L’épidémie prend de l’ampleur en France, avec chaque jour plus de nouveaux cas. Chaque jour l’Etat se mobilise – à commencer par son chef.  Après s’être rendu à l’hôpital parisien de la Pitié-Salpétrière, le 27 février, puis à la cellule de crise du ministère de la santé, le 3 mars, Emmanuel Macron a réuni, jeudi après-midi sous les ors du Palais de l’Elysée, une vingtaine de médecins, scientifiques et responsables de laboratoires pharmaceutiques français et étrangers (Sanofi, BioMérieux, Gilead, etc.). Objectif : « faire un point collectif sur l’état des lieux du virus et des solutions », a indiqué l’Elysée.

« Nous sommes engagés dans le début de cette épidémie » mais celle-ci est « inexorable », a expliqué le chef de l’Etat, en préambule de cette réunion. Si le plan de lutte contre le Covid-19 est toujours classé en stade 2, le passage en stade 3, synonyme de « circulation active du virus sur l’ensemble du territoire », est considéré comme « inéluctable » au sein de l’exécutif. Il est « peu probable » que la France ne passe pas en stade 3, avait reconnu la veille la porte-parole du gouvernement, Sibeth Ndiaye.

« Si aucune nouvelle annonce n’a été faite lors de ces rencontres à l’Elysée, l’exécutif se défend de faire de la gesticulation, observe Le Monde (Cédric Pietralunga) ‘’Il ne s’agit pas de réunions pour amuser la galerie. Nous sommes face à une crise sanitaire, ce n’est pas un virus comme les autres, cela mérite une organisation et une mobilisation de l’Etat jusqu’au plus haut niveau’’, justifie-t-on à Matignon. Mais pas question d’en faire trop non plus. ‘’Il faut être capable de traiter la crise sans créer une peur qui bloquerait le pays’’, explique un conseiller. Un ‘’en même temps’’ sanitaire, en quelque sorte. »

Où l’on en vient à s’interroger, avec gravité, sur le choix des mots du chef de l’Etat et de son exécutif.

« Inexorable » : Auquel on ne peut se soustraire. Synon. fatal, inéluctable.Destin, fatalité, logique inexorable. « En glissant sur une pente irrésistiblement rapide, elle était arrivée à ce dénouement-là, qui était inexorable, et qu’il fallait subir à présent » (Loti, Pêch. Isl.,1886, p. 283). « Un déterminisme inexorable contraint ces appétits furieux à se développer dans l’inassouvissement » (Green, Journal,1947, p. 86).

« Inéluctable » : Qui ne peut être évité; à quoi on ne peut se soustraire. Synon. fatal, immanquable, implacable, inévitable, inexorable, infaillible, nécessaire. Fatalité, lien, loi, mal, mort, sentiment inéluctable. « N’essayez pas d’échapper (…) à cette volonté inéluctable que rien ne peut faire dévier » (Gautier, Fracasse,1863, p. 402).

Nous sommes « en guerre ». Nous devons « faire bloc ». Comment comprendre que la référence présidentielle à la fatalité puisse galvaniser nos armées ?

A demain @jynau

Coronavirus, gouttelettes, masques, rumeurs. Sibeth Ndiaye, France Inter et Gustave Flaubert

Bonjour

04/03/2020. Sibeth Ndiaye, porte parole du gouvernement est l’invitée du « Grand entretien » de France Inter (Salamé Léa, Demorand Nicolas). Eéléments de langage. Phrasé ultra-rapide. Certitudes assénées.

Science médicale. Les Allemands s’attendent à ce que près 70% de leur population soit touchée. Et le gouvernement français ? D’emblée : « Evidemment, on établit des chiffres. Mais l’épidémiologie est une science médicale qui a justement cette caractéristique-là de ne pas pouvoir vous donner, au nombre près, le nombre de personnes qui vont être atteintes (…) ça va dépendre des bons comportements qu’on peut faire adopter par la population française (… ) On veut qu’il y ait le moins de personnes malades ».  

Ecoles. « On sait que les enfants sont très peu atteints par le virus, sans doute parce qu’ils ont une immunité qui leur permet de mieux y résister, mais on sait qu’ils peuvent potentiellement être porteurs qui disséminent, explique la porte-parole. C’est pour cette raison que l’on ferme les écoles, on ferme quand on a des cas regroupés sur un territoire, mais on ne va pas fermer toutes les écoles de France ». Quand l’épidémie sera sur l’ensemble du territoire, la stratégie changera. « Si nous basculons dans le stade 3, une épidémie qui circule sur tout le territoire, on ne va pas arrêter la vie de la France ».

Relativiser. La porte-parole rappelle par ailleurs que « la grippe, chaque année en France, atteint entre 2,5 et 3 millions de personnes ; aujourd’hui, nous avons un peu plus de 200 atteintes du coronavirus.

Masques. En a-t-elle acheté, pour elle est ses enfants ? « Ah non, pas du tout (rires) ». « On ne doit pas acheter de masques, et on ne peut pas en acheter, car on a donné des consignes aux officines de pharmacie ». Les masques sont réservés aux malades et aux professionnels de santé.

Psychose. L’objectif est de ne pas y sombrer

Gouttelettes. La maladie se répand par « gouttelettes », et on a besoin « que les gens contaminés évitent de projeter leurs gouttelettes, il n’y a qu’à ce profil de patients à qui on va donner des masques ». 

Elections municipales. Elles sont maintenues « à l’heure où nous parlons, il n’y a pas de raison d’annuler ».  

Censure, Roman Polanski, Franck Riester.  Interrogée sur les récentes déclarations hautement controversées du ministre de la Culture concernant le « César » décerné à Roman Polanski, Sibeth Ndiaye estime que « c’est le rôle d’un citoyen de donner son avis. Franck Riester est un citoyen très engagé. Il a eu raison. Je le soutiens et j’aurais eu le même propos ».  Le ministre de la Culture n’est pas, selon elle, « un censeur ». « Il n’a pas à porter de jugement sur quelqu’un qui n’est pas condamné ; pour Polanski on a un jugement, auquel il échappe. Ce n’est pas une question de rumeurs ».

On éteint France Inter. On imagine Flaubert. « Rumeurs : à faire taire ».  

A demain @jynau

Virginie D., Adèle H. et le 49-3 : pourquoi cette progression des violences en France ?

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C’est un texte qui commence à faire date. « Césars :’’Désormais on se lève et on se barre’’, par Virginie Despentes. Publié il y a quelques heures dans Libération il est déjà cité par Le Monde qui en donne de larges extraits. L’autrice, écrit le dernier quotidien vespéral de la capitale, signe « un texte fort et incisif » contre la décision de l’Académie des Césars de récompenser Roman Polanski vendredi 28 février. Elle salue le geste d’Adèle Haenel qui a quitté la salle. « Fort et incisif » est un euphémisme.

«Il n’y a rien de surprenant à ce que l’Académie des Césars élise Roman Polanski meilleur réalisateur de l’année 2020. C’est grotesque, c’est insultant, c’est ignoble, mais ce n’est pas surprenant », écrit la redoutable romancière à propos de la récompense obtenue par le Franco-Polonais visé depuis trois mois par une nouvelle accusation de viol – et toujours poursuivi par la justice américaine pour relations sexuelles illégales avec une mineure en 1977.

« Où serait le fun d’appartenir au clan des puissants s’il fallait tenir compte du consentement des dominés ?, s’interroge-t-elle, acerbe(…) Les plus puissants entendent défendre leurs prérogatives : ça fait partie de votre élégance, le viol est même ce qui fonde votre style. La loi vous couvre, les tribunaux sont votre domaine, les médias vous appartiennent. »

Guy Debord et Vernon Subutex

Pour Virginie Despentes, la décision d’Adèle Haenel de quitter la Salle Pleyel devant les caméras de Canal + lors de la remise du prix du meilleur réalisateur est « la plus belle image en quarante-cinq ans de cérémonie ». « Quand Adèle Haenel s’est levée, c’était le sacrilège en marche, estime-t-elle. Une employée récidiviste, qui ne se force pas à sourire quand on l’éclabousse en public, qui ne se force pas à applaudir au spectacle de sa propre humiliation. »

« Ton corps, tes yeux, ton dos, ta voix, tes gestes tout disait : oui on est les connasses, on est les humiliées, oui on n’a qu’à fermer nos gueules et manger vos coups. Vous êtes les boss, vous avez le pouvoir et l’arrogance qui va avec, mais on ne restera pas assis sans rien dire. Vous n’aurez pas notre respect », dit encore Virginie Despentes.

« C’est la seule réponse possible à vos politiques, conclut l’autrice de Vernon Subutex qui évoque également le fait qu’Edouard Philippe vient d’avoir recours au 49-3 pour faire passer sans vote la réforme des retraites à l’Assemblée nationale. Quand ça ne va pas, quand ça va trop loin ; on se lève, on se casse, et on gueule, et on vous insulte, et même si on est ceux d’en bas, même si on le prend pleine face votre pouvoir de merde, on vous méprise, on vous dégueule (…) C’est terminé. On se lève. On se casse. On gueule. On vous emmerde. »

D’autres, insoumis à l’Assemblée nationale, assimilent depuis peu le 49-3 aux redoutables LBD utilisés par les forces françaises du maintien de l’ordre. On entend la puissance de l’écho et on s’interroge : pourquoi cette progression croissante de la violence en France ? Pour l’heure, on ne se lève ni ne se casse. On s’interroge. Relire « La Société du Spectacle » ou attendre la tribune suivante de Virginie Despentes ?

A demain @jynau

Coronavirus, mesures drastiques : la France pourrait-elle commencer à ressembler à la Chine ?

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29/02/2020. Désormais 73 cas officiellement recensés. Les premiers messages gouvernementaux sont diffusés dans les médias. La France s’apprête à ralentir.

Avant-hier l’épidémie était « devant nous » (Emmanuel Macron). Hier elle se rapprochait (Olivier Véran). Aujourd’hui tous les symptômes politiques sont réunis pour dire qu’elle est là. A l’issue d’un conseil de défense et d’un des ministres exceptionnels, samedi 29 février, le gouvernement a annoncé une série de mesures contraignantes destinées à « contenir » le phénomène – une épidémie qui, en France, a désormais touché 73 personnes.

C’est Olivier Véran, ministre de la Santé, qui a été chargé des annonces.  Au niveau national, les rassemblements « en milieu confiné » de plus de 5 000 personnes seront annulés. D’autres rassemblements « en milieu ouvert » seront également interdits – et ce quand ils occasionnent « des mélanges avec des populations issues de zones où le virus circule ».

Ce qui, en pratique, conduit à l’annulation pure et simple du semi-marathon de Paris. Fins des carnavals. On imagine la cascade des événements à venir, des conséquences économiques, des irritations personnelles et des acceptations citoyennes.

Crédibilité de la parole de l’exécutif

Dans le département de l’Oise (principal foyer épidémique français) tous les rassemblements publics sont désormais interdits. Enfin, dans six communes (cinq dans l’Oise et une en Haute-Savoie), les établissements scolaires seront fermés à partir de lundi.

On observera que, paradoxalement, le passage du stade « un » au stade « deux » de l’épidémie fait que « certaines mesures n’ont plus de raison d’être ». Tout indique que le nouveau virus circulant déjà au sein de la population française. C’est pourquoi « il n’y a plus de raison de confiner les personnes » qui viennent des foyers hors de France. C’est ainsi, a précisé Olivier Véran, que les élèves qui reviennent du nord de l’Italie « pourront donc retourner à l’école » dès le début de la semaine prochaine. Ce qui ne manquera pas d’être difficile à comprendre.

Plus que jamais la crédibilité de la parole de l’exécutif, sa capacité à expliquer, devient, en France, un enjeu démocratique majeur. Confiné ou pas, on pourra relire « La Peste » (1947, Gallimard):

«– Naturellement, vous savez ce que c’est, Rieux?
– J’attends le résultat des analyses.
– Moi, je le sais. Et je n’ai pas besoin d’analyses. J’ai fait une partie de ma carrière en Chine, et j’ai vu quelques cas à Paris, il y a une vingtaine d’années. Seulement, on n’a pas osé leur donner un nom, sur le moment… Et puis, comme disait un confrère : « C’est impossible, tout le monde sait qu’elle a disparu de l’Occident. » Oui, tout le monde le savait, sauf les morts. Allons, Rieux, vous savez aussi bien que moi ce que c’est…
– Oui, Castel, dit-il, c’est à peine croyable. Mais il semble bien que ce soit la peste.»

A demain @jynau

Coronavirus et «poignée de main»: combien de Français vont-ils accepter de l’abandonner ?

Bonjour

29/02/2020. Nous traversons des temps incertains. L’OMS vient de placer à son degré maximum le niveau de la menace liée au nouveau coronavirus dans le monde, en le portant à «très élevé». En France l’exécutif prend des mesures radicales. Ainsi, en urgence, Emmanuel Macron, président de la République a-t-il décidé de réunir ce jour, au Palais de l’Elysée, un « conseil exceptionnel de défense » suivi d’un non moins exceptionnel « conseil des ministres ».

Le chef de l’Etat, chef des Armées prend les choses en main. Ordre du jour : organisation de la lutte contre le nouveau coronavirus. Prévenir, autant que faire se peut, et sans compter à la dépense, les manaoeuvres d’in invisible ennemi. Au risque, demain ou après-demain, d’être accusé d’en avoir « trop fait » – ou de ne pas en avoir « fait assez ».

Hier le nouveau ministre de la Santé aura durablement marqué les esprits. Se refusant jusqu’ici à parler d’ « épidémie »  il a annoncé  : « en France une nouvelle étape de l’épidémie est franchie et nous passons désormais au stade 2 [sur un total de 3]: le virus circule sur notre territoire et nous devons freiner sa diffusion». Déclaration faite, symbole, lors d’une visite à Crépy-en-Valois (Oise), où enseignait le premier Français décédé il y a quelques jours après avoir été infecté par le nouveau coronavirus.

Comment ne pas parler, désormais, d’épidémie ? Plusieurs cas groupés sont identifiés sur le terrfitoire national. Le principal se trouve dans l’Oise (dix-huit cas). On compte en outre désormais six cas à Annecy six  cas qui concernent des voyageurs qui rentraient de voyage organisé en Egypte, deux cas à Montpellier – et, mystère épidémiologique « douze cas en isolés». A ce jour deux morts, douze guérisons et quarante-trois malades hospitalisés.

Et le ministre de poursuivre en ces termes : «En situation épidémique, vous protéger c’est protéger aussi les autres et ce sont les petits gestes qui font une grande protection». Et d’ajouter : « je recommande désormais, et pour une période qui reste à déterminer, d’éviter la poignée de mains».

« Poignée de main ». Geste par lequel on salue quelqu’un en lui serrant la main. Synonyme. shake-hand. Poignée de main molle, solide, vigoureuse; donner, esquisser une poignée de main; distribuer les poignées de main. 

Il restera à faire l’évaluation de la spectaculaire recommandation ministérielle, à tenter d’en mesurer les effets épidémiologiques, les réactions individuelles et collectives qu’elle suscitera … On entend, déjà, les humoristes se gausser d’une telle mesure. Déjà, sur BFM-TV on observe qu’Emmanuel Macron en visite il y a deux jours à La Pitié-Salpêtrière n’a, comme a son habitude, cessé de serrer les mains des soignants qui l’accompagnaient…  

On réécoutera, aussi, le discours du ministre Olivier Véran à Crépy-en-Valois. Il y a parlé de solidarité et esquissé une image : tendre la main à son prochain faute de pouvoir, désormais et pour un temps indéterminé. On lira, enfin, dans Libé, « L’épidémie est politique », le papier du philosophe Frédéric Worms.

Il nous explique que le meilleur remède contre l’épidémie virale, c’est la démocratie où le vital et le politique ne peuvent être séparés, comme le montre, après «la Peste» de Camus, la Chine de l’écrivain Gao Ertaï (En quête d’une terre à soi Actes sud, 2019). Deux livres selon lui indispensables. Mettre les mots justes sur les choses, pour ne pas ajouter au malheur du monde ?

Nous allons trembler en relisant le premier. Et sans tarder découvrir le second. Sera-t-il, ensuite, permis d’offrir, sans gants, ces deux livres à notre prochain ?

A demain @jynau

Coronavirus : Emmanuel Macron est attendu pour une visite à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière

Bonjour

27/02/2020. Ce n’est pas l’effet du hasard : on l’attendait. Que va-t-il dire ? Nul ne sait. C’est une visite qui ne figurait pas à l’agenda officiel du Palais de l’Elysée mais la pression médiatique montait. Et Emmanuel Macron veut se montrer rassurant. C’est pourquoi le président de la République et son nouveau ministre de la Santé, Olivier Véran, sont attendus ce jeudi matin à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière, pour faire un point sur l’épidémie et rencontrer les personnels soignants. C’est précisément dans cet établissement qu’un enseignant âgé de 60 ans, originaire de l’Oise, est décédé dans la nuit de mardi à mercredi. Un cas pour lequel aucune trace de l’origine de la contamination n’a encore pu être retrouvée. Fatalité ?

Contacté par Le Figaro, le Palais de l’Élysée refuse de commenter cette visite, que le chef de l’État aurait décidée à la dernière minute. Dans la foulée de ce déplacement,  Emmanuel Macron prendra l’avion pour Naples où doit se tenir un sommet consacré aux relations franco-italiennes. Faut-il voir là l’effet du hasard ou de la fatalité ? L’Italie est aujourd’hui pleinement touchée par cette émergence épidémique. Au point que, tout en se refusant à « fermer les frontières » le gouvernement français « invite » ses ressortissants à reporter dans la mesure du possible leurs voyages vers les régions les plus touchées.

Hasard ou fatalité ? C’est Jose Luis Borges qui, dans « Le livre de sable », nous écrit que les deux mots sont strictement synonymes.

A demain @jynau

Coronavirus : faut-il désormais commencer à évoquer l’inéluctabilité de la pandémie ?

Bonjour

25/02/2020. Où en sommes-nous ?  Le Monde use, dans l’un des titres dont il a conservé le secret, des infinies richesses de la langue française « Covid-19 : la pandémie mondiale paraît inéluctable » (Paul Benkimoun). Où l’on apprend que, selon l’OMS, l’épidémie continue de décliner en Chine, mais que le risque d’une extension sur le reste de la planète s’accroît avec le développement de trois foyers actifs en Corée du Sud, en Iran et en Italie. Le chaud et le froid de l’épidémiologie virale dans un environnement médiatique, politique, économique de plus en plus instable.

Lors du point de presse désormais quotidien de l’institution onusienne le directeur général de l’OMS, Tedros Adhanom Ghebreyesus a, le 24 février, avancé quelques chiffres. Pékin avait alors notifié à l’OMS un total de 77 362 cas de Covid-19, dont 2 618 mortels. Par ailleurs 2 074 cas, dont trois mortels, étaient dénombrés dans vingt-huit autres pays.

Le Monde rapporte que les conclusions de mission internationale envoyée en Chine par l’OMS seront publiées le 25 février. Les scientifiques de cette mission ont considéré que « l’épidémie a atteint son pic et suivi une courbe en plateau entre le 23 janvier et le 2 février et a régulièrement décru depuis. Ils ont constaté qu’il n’y avait pas eu de changement significatif dans le génome du virus. Ils ont noté que le taux de létalité se situe entre 2 et 4 % à Wuhan et 0,7 % hors de cette ville », qui a été l’épicentre de l’épidémie, a résumé le Dr Tedros. Qui ajoute que la mission a appris que « pour les personnes ayant une forme bénigne de la maladie, le temps de guérison est d’environ deux semaines, tandis que celles ayant une forme sévère ou critique guérissent en trois à six semaines ».

Autre point marquant de la déclaration du directeur général de l’OMS : 

« Notre décision d’utiliser ou nom le mot pandémie pour qualifier une épidémie est fondé sur une évaluation continue de la propagation géographique du virus, de la sévérité de la maladie qu’il provoque et de l’impact qu’il a sur l’ensemble de la société. Pour le moment, nous n’assistons pas à une propagation mondiale débridée du virus et nous ne voyons pas une maladie grave ou des décès à grande échelle. Est-ce que ce virus possède un potentiel pandémique ? Absolument, il l’a. En sommes-nous là ? D’après notre évaluation, pas encore. »

Question : quand ? Peut-on, doit-on, désormais songer non pas au hasard, mais bien à la fatalité qui se cache derrière l’inéluctabilité ?

A demain @jynau

« Inéluctable » : Qui ne peut être évité; à quoi on ne peut se soustraire. « Toujours il avait adoré l’inéluctable, qui le dispensait de vouloir » (Montherl., Célibataires,1934, p. 776)

Comprendre le «mal-être» hospitalier français? Deux conseils de lecture pour Olivier Véran

Bonjour

Agnès Buzyn partie, ils ne désarment pas. Olivier Véran arrivé, la lutte se poursuit. Douze collectifs et syndicats de soignants hospitaliers et d’usagers 1 réclament à nouveau à Matignon l’ouverture de « négociations urgentes » pour sortir de la crise de l’hôpital. Ou comment mettre immédiatement la pression sur le nouveau ministre de la Santé.  

Dans une virulente tribune publiée sur le site de « France Info » et relayée par Le Quotidien du Médecin (Anne Bayle-Iniguez) les douze organisations écrivent notamment: 

« Olivier Véran prévient d’emblée qu’il n’y aura pas de « tour de chauffe » et nous n’en avons aucun doute, puisqu’il a été un rapporteur zélé du projet de loi de financement de la Sécurité sociale et l’un des plus actifs parlementaires sur le domaine de la santé. Il est dès lors, très surprenant que sa première mesure puisse être une enquête sur le mal-être des hospitaliers, monde qu’il dit « si bien connaître ». Cette disposition apparaît comme une provocation et une manœuvre dilatoire alors que la situation empire sur le terrain et que l’heure est à l’ouverture d’urgence de négociations avec les organisations ainsi que les différents acteurs de terrain. »

« Soigner, la chose est ingrate, laborieuse, elle prend du temps »

Pour les signataires aucun doute : le départ d’Agnès Buzyn doit permettre à son successeur de « se saisir de l’opportunité de sa nouvelle fonction et de ses nouvelles responsabilités pour faire sortir de la crise l’hôpital et les établissements de santé et d’action sociale ».

« Toute autre attitude conforterait l’idée que ce grand ministère n’est finalement qu’une coquille vide sans marges de manœuvre, budgétaires et politiques, pour gérer les urgences sociales et humaines que traversent les établissements du sanitaire, médico-social et social de métropole et des territoires ultramarins, écrivent-ils encore. Toute autre attitude conforterait, in fine, la légitimité de notre démarche visant à négocier auprès du Premier ministre. »

Un an après le début de la grève des urgences des hôpitaux publics les signataires estiment que les mesures comptables du pouvoir exécutif relèvent d’une « prestidigitation arithmétique, là où il faudrait des humains 2 ». Ils reprochent aussi au gouvernement de continuer à fermer des lits  – voire des structures entières dans le cas de la psychiatrie. Agnès Buzyn n’avait apparemment que fort mal compris le « mal-être » de soignants hospitaliers avec lesquelles elle ne travaillaient plus depuis longtemps. Pourquoi Olivier Véran, qui il y a peu encore exerçait encore au CHU de Grenoble, a-t-il, sur ce thème besoin d’une « enquête » sur un monde qui lui est tout sauf étranger ?

Si, entre mille-et-un amendements au projet de loi de réforme des retraites (et en attendant le 49-3), le ministre de la santé dispose de quelques instants, il (re)découvrira avec profit l’opuscule de combat 2 signé par la psychanalyste Cynthia Fleury. Sans oublier celui, redoutable, (« L’Hôpital est une industrie ») de son confrère neurochirurgien Stéphane Velut où il se penche sur le foisonnement, rarement exploré, du langage managérial qui a envahi et étouffe l’hôpital public français. Où l’on retrouve quelques-unes des perversités de la novlangue imaginée par George Orwell dans son 1984. Une langue que le nouveau ministre ne saurait, sans danger, manier.

A demain @jynau

1 Action praticiens hôpital (APH), Association des médecins urgentistes de France (AMUF), la CFTC, la CFE-CGC, la CGT, le comité de défense des hôpitaux, le collectif inter-blocs, le collectif Inter-urgences, le collectif inter-hôpitaux, le Printemps de la psychiatrie, SUD et l’UNSA

2 « Le soin est un humanisme »  de Cynthia Fleury Collections Tracts, Editions Gallimard

« Soigner, la chose est ingrate, laborieuse, elle prend du temps, ce temps qui est confisqué, ce temps qui n’est plus habité par les humanités. Ici se déploie une tentative de soigner l’incurie du monde, de poser au cœur du soin, de la santé, et plus généralement, dans nos relations avec les autres, l’exigence de rendre la vulnérabilité capacitaire et de porter l’existence de tous comme un enjeu propre, dans toutes les circonstances de la vie.
« Cynthia Fleury expose une vision humaniste de la vulnérabilité, inséparable de la puissance régénératrice des individus ; elle conduit à une réflexion sur l’hôpital comme institution, sur les pratiques du monde soignant et sur les espaces de formation et d’échanges qui y sont liés, où les humanités doivent prendre racine et promouvoir une vie sociale et politique fondée sur l’attention créatrice de chacun à chacun. »

Coronavirus -pédagogie : à partir de quand Paris devra-t-il fermer sa frontière avec l’Italie ?

Bonjour

24/02/2020. Tout se complique pour les pouvoirs exécutifs. En France le député Eric Ciotti (LR, Alpes-Maritimes)  vient de réclamer un plan sanitaire d’urgence pour son département frontalier de l’Italie – avec mobilisation des hôpitaux et contrôles aux frontières. Il a écrit au Premier ministre, Edouard Philippe, en ce sens. C’est là une réaction-réflexe, contagieuse, face à la rapide et inquiétante évolution de la situation en Italie. La réponse du nouveau ministre français de la Santé n’a pas tardé.

Interrogé au journal de 20 heures de France 2, Olivier Véran a sèchement répondu : une fermeture de la frontière avec l’Italie « n’aurait pas de sens ». « Un virus ne s’arrête pas aux frontières », a fait valoir le ministre. Il a aussi soutenu qu’il « n’y a pas à proprement parler d’épidémie » de l’autre côté des Alpes, les autorités ayant justement pris des mesures de confinement « pour éviter » ce risque. « Nous regardons ça avec énormément d’attention et de précautions, nous sommes en train de regarder l’évolution de la situation heure par heure », a-t-il insisté.

Situation évolutive ou pas Olivier Véran se doit désormais de faire un peu de pédagogie : à partir de quand peut-on parler d’ « épidémie ». Et comment qualifier la situation, rapidement évolutive, qui prévaut en Italie ? Et si un virus ne s’arrête pas, naturellement, aux frontières dressées par les hommes, les hommes ne peuvent-ils pas freiner son passage à ces mêmes frontières ?

« Nous ne transformerons pas l’Italie en lazaret » vient de déclarer le président du Conseil italien Giuseppe Conte cherchant à dédramatiser la situation. « Certes, l’Italie ne vit plus au Moyen Age, à l’époque où les marins en provenance de ports où sévissait la peste étaient placés en quarantaine sur des îles ou dans des établissements isolés appelés « lazarets », le temps d’observer s’ils développaient certains symptômes, explique notre confrère Jérôme Gatheret, correspondant du Monde à Rome. De plus, le virus SARS-CoV-2 est certes très contagieux, mais rarement mortel. Reste que la litanie des nouvelles inquiétantes et des mesures de précaution annoncées durant tout le week-end, à mesure que montait le nombre de malades déclarés, ne pouvait que faire monter dans la population le sentiment d’urgence. »

« La frontière comme vaccin contre l’épidémie des murs » (Régis Debray)

Trois morts. Six cas déclaré le 22 février au matin, plus de cent-cinquante le 23 au soir… Notre confrère explique encore que dans ce pays, où la mémoire historique des grandes épidémies est particulièrement vivace, des places publiques aux murs des églises, « certaines peurs enfouies ne demandent qu’à resurgir… ». Pour l’heure les réseaux sociaux diffusent des photographies montrant des rayons de supermarchés vidés de leurs produits de première nécessité, tandis que se succèdent les annonces d’annulations d’événements en tout genre. Le Monde :

« Onze communes de Lombardie, toutes situées dans la province de Lodi (au sud de Milan) ont été placées en quarantaine : les entrées et les sorties y sont autorisées au compte-gouttes, après contrôles, les lieux publics y ont été fermés et les dessertes de transports en commun ont été interrompues. Du Piémont à Trieste et des Alpes à l’Emilie-Romagne, dans tout le nord du pays, les écoles et les universités resteront fermées, au moins jusqu’au 1er mars. Les offices religieux ont été annulés, de même que la plupart des rencontres sportives, tandis que nombre de monuments, comme la cathédrale et La Scala de Milan, fermaient leurs portes. Dans l’après-midi de dimanche, le maire de Venise, Luigi Brugnaro, annonçait même que le carnaval s’arrêterait le soir même, deux jours plus tôt que prévu, deux cas venant d’être détectés dans la ville, ainsi que d’autres dans les communes des environs. »

Comment comprendre ? « Nous avons fait plus de 4 000 contrôles par prélèvement », explique le chef du gouvernement italien Nous sommes le premier pays d’Europe à avoir décidé de faire des examens plus rigoureux. » Entendre : le nombre de malades ne peut qu’augmenter dans les prochains jours, et d’ailleurs il devrait en être de même dans les autres pays du Vieux Continent.

A Paris, le ministre Véran ne dit rien d’autre aux médias : il  prévoit une augmentation du nombre des cas. Soixante-dix hôpitaux supplémentaires vont être « activés » pour faire face à une éventuelle propagation du coronavirus. L’objectif : avoir au moins un établissement par département en métropole, a annoncé dans la soirée du dimanche 23 février le ministre après une réunion d’urgence de ministres autour d’Edouard Philippe à Matignon.

« Pour accueillir les éventuels malades nous disposions jusqu’à présent de 38 établissements de santé essentiellement les CHU. J’ai décidé en accord avec le premier ministre que 70 établissements siège d’un SAMU seront activés dès demain pour augmenter nos capacités de réponse si c’était nécessaire. Nous agissons vite, nous agissons fort pour faire face à la menace épidémique (…) et nous prenons toutes les mesures qui sont nécessaires pour assurer la sécurité des Français. »,

Le Dr Véran a précisé s’être entretenu avec ses homologues italien et allemand :  « Nous avons convenu d’un prochain entretien réunissant plusieurs ministres de la santé de l’Union européenne probablement la semaine prochaine pour aborder ensemble comment faire face au risque épidémique. »

C’est dit : pour l’heure la France ne fermera pas ses fontières avec l’Italie comme elle a, de fait, commencé à le faire avec la Chine. Où l’on en revient à la question soulevée par M. Ciotti et à la réponse du Dr Véran. Si un virus ne s’arrête pas, naturellement, aux frontières dressées par les hommes, les hommes ne peuvent-ils pas freiner son passage à ces mêmes frontières ? Réduire les risques grâce aux vieilles douanes ? On peut le dire autrement : à partir de quel degré d’évolution de la pandémie l’Union européenne contrôlera-t-elle les entrées à ses frontières ? Et qui, face au virus, doit assurer l’indispensable travail de pédagogie ?

A demain

NB, en écho: « Éloge des frontières » de Régis Debray. Collection Blanche, Gallimard«En France, tout ce qui pèse et qui compte se veut et se dit « sans frontières ». Et si le sans-frontiérisme était un leurre, une fuite, une lâcheté? Partout sur la mappemonde, et contre toute attente, se creusent ou renaissent de nouvelles et d’antiques frontières. Telle est la réalité. En bon Européen, je choisis de célébrer ce que d’autres déplorent : la frontière comme vaccin contre l’épidémie des murs, remède à l’indifférence et sauvegarde du vivant. D’où ce Manifeste à rebrousse-poil, qui étonne et détonne, mais qui, déchiffrant notre passé, ose faire face à l’avenir.»