Le Dr Agnès Buzyn va-t-elle rejoindre les rangs de ceux qui veulent sauver l’hôpital public ?

Bonjour

A chacun sa métaphore. Agnès Buzyn voyait en lui un « trésor national ». Six cent soixante de ses confrères hospitaliers n’ayant pas, comme elle, fait le choix de la politique l’accuse aujourd’hui de laisser ce trésor dépérir. Pire, ces six cent soixante médecins chefs de service (toutes spécialités, tous hôpitaux, toutes régions) d’accuser aujourd’hui cette minitre de laisser se mourir l’hôpital public, celui où elle a été formée, se mourir faute de moyens à même d’assurer la qualité des soins et de garantir la sécurité des patients. Ecoutons-les à la lecture de leur tribune dans le Journal du Dimanche 1 :

« Les médecins hospitaliers ont eu beau sonner l’alarme, la rigueur est devenue austérité, puis l’austérité, pénurie. La ministre actuelle ne manque pas de témoigner sa compassion, mais le vrai ministère de la Santé est désormais à Bercy. Nous devons donc nous résoudre aujourd’hui à un mouvement de ‘désobéissance’ inédit.

 « Comment forcer le gouvernement à ouvrir un Grenelle de l’hôpital public avec un vrai plan financé répondant aux besoins? Respectant leur éthique professionnelle, les médecins hospitaliers se refusent à la grève des soins. Il y a deux mois, à l’appel du Collectif Inter-Hôpitaux (CIH), rassemblant médecins, personnels non médicaux et représentants des usagers, s’est mise en place dans plusieurs établissements une ‘grève du codage’, c’est‑à-dire un blocage de la facturation des séjours hospitaliers à la Sécurité sociale. Le 14 novembre, les médecins ont manifesté dans la rue avec l’ensemble des personnels.

Le Dr Agnès Buzyn rejoindra-t-elle bientôt le Collectif Inter-Hôpitaux ? 

Las : les mesures gouvernementales se résument pour 2020 à moins de 300 millions supplémentaires alors que de l’avis général il manque 1,3 milliard d’euros pour répondre à la seule augmentation programmée des charges. L’hôpital se meurt et la ministre ne lui administre que des soins palliatifs.

Afin de crier leur désespoir, des chefs de service, responsables d’unités de soins et médecins participant à la gestion des hôpitaux nommés ou élus, ne demandant rien pour eux-mêmes, s’engagent à démissionner si la ministre n’ouvre pas de réelles négociations pour desserrer la contrainte imposée à l’hôpital public. À ce jour, nous sommes plus de 660 signataires de toutes spécialités, de tous hôpitaux et de toutes régions. Lorsque nous serons 1.000, nous adresserons notre lettre à la ministre pour lui enjoindre d’ouvrir les négociations avec le CIH… ou de nous rejoindre. »

La question ne manque pas de sel politique : le Dr Agnès Buzyn rejoindra-t-elle bientôt le Collectif Inter-Hôpitaux ? Ce serait là, au-delà de la métaphore, un symbole médical hautement signifiant.

A demain @jynau

1 Premiers signataires, pour le Collectif Inter-Hôpitaux : André Grimaldi, professeur émérite, et les chefs de service André Baruchel (hôpital Robert-Debré), Stéphane Dauger (hôpital Robert-Debré), Jean-Luc Jouves (hôpital de la Timone), Philippe Lévy (hôpital Beaujon), Agnès Linglart et Xavier Mariette (hôpital Bicêtre), Gilles Montalescot (hôpital Pitié-Salpêtrière), Antoine Pelissolo (hôpital Henri-Mondor), Ronan Roussel (hôpital Bichat).

Abcès aux urgences : révélations du Point, l’édito du Figaro, l’immobilisme d’Agnès Buzyn

Bonjour

Ne rien changer pour que rien ne change ? C’est la vingt-troisième année que nos confrères du « Point » (François Malye et Jérôme Vincent) publient leur « palmarès des hôpitaux et cliniques de France ». Un travail de Titan pour un résultat à bien des égards remarquable ; mille quatre cents établissements publics et privés et,respectivement, soixante-seize et quarante-quatre disciplines médicales et chirurgicales passés au tamis de leur méthodologie. Quelques approximations, peut-être, quelques grincements de dents parisiens, quelques irritations chirurgicales ou administratives … Mais l’essentiel semble une fois encore préservé : un document de référence. Nous sommes loin, ici, des injustices du Michelin ou de la perversité des notations via les « réseaux sociaux ».

« Sans surprise, les CHU cannibalisent cette année encore le haut du panier » observe Le Quotidien du Médecin . Le CHU de Bordeaux reprend la tête du classement devant le CHU de Lille et celui de Toulouse. Suivent les Hôpitaux universitaires de Strasbourg, le CHU de Montpellier et celui de Nantes. Valenciennes est le premier centre hospitalier du palmarès, à la 32e place. Le tableau d’honneur des cliniques subit en revanche des variations plus marquées qui illustrent l’effet de concentration du secteur. »

Tout changer pour que rien ne change ? « Le Point », cette année, innove : « Inédit, la liste des urgences qui manquent de médecins ». Nos méthodiques confrères se fondent sur les données du Centre national de gestion (CNG) – un organisme trop méconnu qui gère les carrières hospitalières. La cartographie présentée recense 277 services d’urgences avec près de 800 postes de médecins à pourvoir sur les 497 services de l’hôpital public. Qui dit poste vacant ne dit pas poste inoccupé, précise le CNG, les médecins intérimaires palliant grandement la désertification médicale dans les urgences de France. Ce qui n’est pas loin d’une forme de cautère sur une jambe en grande difficulté.

Faire la part du symptôme et de la maladie

Jambe de bois ? « A l’hôpital la crise des urgences s’enracine » titre aujourd’hui, à la Une Le Figaro. Et le plus vieux quotidien de France de jouer au médecin faisant la part entre la maladie et le symptôme. Ainsi l’éditorial hautement signifiant de Laurence de Charrette (nous soulignons):

« Le diagnostic est partagé : aux urgences, la crise est sévère. Mais la thérapie, elle, fait défaut. Les services craquent. À qui la faute ? Coupables, ces milliers de personnes qui, chaque jour, se rendent à l’hôpital pour y présenter de simples ‘’bobos’’ qui pourraient être pris en charge par la médecine de ville ? À l’évidence ! La ‘’régulation’’ des entrées aux urgences constitue indéniablement une des pistes majeures d’amélioration du système. Pourtant, une partie de ces ‘’patients’’, désormais renommés ‘’usagers’’, rétorqueront qu’on ne se rend pas aux urgences par plaisir et que, précisément, ils comptent bien sur l’hôpital pour évaluer leur état de santé. On aura beau regretter leur attitude ‘’consumériste’’, ils expliqueront, non sans quelque raison, que la médecine de ville vers laquelle on voudrait les orienter n’est pas équipée pour traiter tous les maux et que le serment d’Hippocrate semble s’y exercer essentiellement aux horaires de bureau.

« Fautive, la gratuité des soins ? Assurément. Malheureusement, l’idée d’imputer une partie plus importante de la facture aux patients, quitte à procéder à des remboursements a posteriori – idée régulièrement caressée par les politiques (François Fillon notamment) – suscite de telles protestations qu’elle semble durablement vouée à l’échec, quelles que soient ses vertus économiques et pédagogiques.

« Responsable, le système de tarification hospitalier, qui octroie aux établissements la même rémunération pour toute intervention et les pousse mécaniquement à ouvrir grand les portes des urgences? C’est certain, mais comment assurer la prise en charge de tous les malades dans d’égales conditions sans quelques artifices comptables?

« À y regarder de plus près, il apparaît que les urgences ne sont pas la maladie mais le symptôme d’un trouble beaucoup plus vaste qui touche l’ensemble du monde médical, dont l’exercice et la mission même se trouvent profondément affectés par les bouleversements sociétaux auxquels il est confronté: progression de l’individualisme et pression économique, vieillissement de la population, avènement de la technologie… Pour Agnès Buzyn, l’enjeu n’est pas seulement de désengorger les urgences, mais bien d’armer le système de soin face aux révolutions qui l’attendent. »

En Suisse, sortir des sentiers battus

Ne rien changer pour que tout change ? Le temps est sans doute venu de porter le regard au-delà de nos frontières. La France serait-elle le seul pays au monde à souffrir de ses urgences hospitalières ? « Chaque jour, en Europe, les services d’urgences accueillent près de 430 000 patients. Annuellement, ce chiffre représente 157 millions de personnes, soit un tiers de la population européenne, écrivent, dans un remarquable éditorial de la Revue Médicale Suisse 1, les Dr Pierre-Nicolas Carron et François Sarrasin, respectivement chez des urgences du CHUV de Lausanne et des HUG de Genève.   

Ces chiffres confirment indéniablement le rôle important et croissant des services d’urgences dans notre système de santé.3 Cette tendance s’observe dans l’ensemble des pays de l’OCDE, y compris dans nos hôpitaux, avec une augmentation annuelle de l’ordre de 2 à 3 % depuis le début des années 2000. »

Selon ces deux spécialistes ces chiffres témoignent également d’un changement d’habitude drastique au sein de la société, vis-à-vis de son accès au système de soins – et ce sans corrélation avec l’évolution démographique. Les patients revendiquent en effet de plus en plus un accès libre et exhaustif à des plateaux techniques polyvalents et spécialisés. L’immédiateté qui caractérise de nombreuses facettes de notre vie « moderne », tant professionnelle que privée, devient un critère décisionnel important. Voilà, enfin, une lecture qui nous fait sortir des sentiers battus.

Sans précipitation, nous y reviendrons.

A demain

1 Carron P-N, Sarasin F « Médecine d’urgence : répondre à l’accélération du temps ? » Rev Med Suisse 2019; volume 15. 1363-1364

L’invraisemblable scandale des urgences: celui des malades laissés sur des lits-brancards

Bonjour

Brancards, parfum de guerre et de médecine militaire. S’il n’y avait qu’une tribune à retenir, parmi toutes celles qui fleurissent aujourd’hui dans les gazettes, ce serait celle que signe aujourd’hui dans Libération le Pr Bruno Riou, membre du Conseil national de l’urgence hospitalière, doyen de la faculté de médecine, Sorbonne-Université. Cette tribune, mais aussi ses références bibliographiques, parmi lesquelles La Casse du siècle, de Pierre-André Juven, Frédéric Pierru et Fanny Vincent (éditions Raisons d’agir, 2019).

Agnès Buzyn n’a pas craint de dire du système de santé français qu’il était «à bout de souffle» . Gardons la métaphore pulmonaire : pour le le Pr Riou les urgences hospitalières sont « au bord de l’asphyxie ». Selon lui la grève du personnel paramédical illustre cet état inquiétant et le «No Bed Challenge» lancé depuis de nombreux mois par Samu et Urgences de France (1) doit être interprété comme un appel à l’aide désespéré. 

Que sait le citoyen ? Que les urgences sont débordées ; que les autres acteurs du système de santé ne veulent plus ou ne peuvent plus agir ; que c’est le dernier endroit où le patient perçoit encore une lumière «accueillante» 24 heures sur 24 ; que nul ne sait combien de temps encore durera cette lumière dans la nuit des villes et des déserts.

Les médias, le ministre et les militants syndicaux ont aussi appris au citoyen que le nombre de consultations aux urgences a augmenté de dix à plus de vingt millions par an en quelques années – et qu’une proportion notable (30 %) pourrait hypothétiquement bénéficier d’une prise en charge ambulatoire dans d’autres structures. Certes. Mais pour le Pr Riou l’essentiel  est ailleurs.  

« Le problème le plus grave auquel doivent faire face les urgences hospitalières, c’est l’absence d’aval suffisant et sa conséquence immédiate, les longues files de patients couchés sur des lits brancards pendant de très nombreuses heures dans ce qu’il convient d’appeler ‘’les couloirs de la honte’’».

Sisyphe est malheureux

Pourquoi ? « Parce qu’il est largement prouvé, dit-il,  que ces lits brancards sont associés à une augmentation de la morbidité et de la mortalité ). Parce que ces patients sur des lits brancards constituent une surcharge de travail considérable pour le personnel paramédical et médical, notamment de poursuite de soins et de surveillance, les empêchant de faire face au flux incessant d’arrivée de nouveaux patients alors même qu’ils ne sont souvent pas en nombre suffisant pour gérer ce flux. Parce que la recherche de lits pour ces patients, travail d’un ‘’Sisyphe malheureux’’ qui verrait l’ascension de son rocher constamment freinée, gâche une part importante de temps médical et paramédical. Parce que ces patients entassés dans des structures inadaptées, les couloirs, peuvent s’aggraver, renvoyant aux soignants un sentiment aigu de mal faire leur travail, quand ils ne sont pas cloués au pilori pour ‘’défaut d’organisation’’».

Ajoutons,pour ajouter au scandale, que ces « lits brancards » fournissent une manne financière non négligeable pour les établissements de santé. Les causes de ces invraisemblables abcès sont multiples et parfaitement identifiées précise le Pr Riou : restriction budgétaire de l’hôpital public, concurrence entre établissements, tarification à l’activité (T2A), virage ambulatoire décidé de manière technocratique et imposé aveuglément par l’outil budgétaire, vieillissement et précarisation de la population, proportion croissante de patients souffrant de maladies chroniques invalidantes, etc.

« Il s’agit du plus grand dysfonctionnement dont souffrent les urgences hospitalières et toutes les mesures de la loi ‘’Ma santé 2020’’ soumise au vote auront un effet homéopathique si ce phénomène délétère n’est pas pris à bras-le-corps et de manière urgente, pour libérer, au moins un peu, le carcan qui asphyxie nos urgences hospitalières. »

Brancards, carcans, homéopathie…. On ajoutera la perte de sens qui mine l’hôpital public dans son ensemble. Nous faudra-t-il imaginer que Sisyphe y est malheureux ?

A demain @jynau

1 Samu et Urgences de France. No Bed Challenge.
2 «Association entre mortalité et attente aux urgences chez les adultes à hospitaliser pour étiologies médicales», de E. Thibon et al. in Annales françaises de médecine d’urgence, 2019.

L’envenimement des grèves aux urgences : il ne faut pas dévoyer l’arrêt maladie (Agnès Buzyn)

Bonjour

Hier invisible ou presque des médias généralistes la grève des urgentistes vient de s’envenimer : des grévistes réquisitionnés viennent ainsi de se mettre en « arrêt-maladie » pour protester contre leurs conditions de travail. Après un très gros abcès à Lons-le-Saunier on apprend que dans la nuit du 3 au 4 juin, à l’hôpital Lariboisière de Paris, les équipes de nuit n’étaient pas présentes. C’est donc le personnel de jour qui a dû être réquisitionné : l’équipe a travaillé durant dix-huit heures d’affilée. Des pompiers et le SAMU ont aussi dû transférer des malades vers d’autres services hospitaliers.

« C’est une forme extrême de protestation qui a été utilisée. […] On peut contester cette modalité d’action mais ce qu’il faut bien comprendre,c’est que la réponse du personnel est liée à l’inconséquence des gens qui nous gouvernent » a déclaré, sur RTL le Dr Christophe Prudhomme, porte-parole de l’Association des médecins urgentistes de France (mouvements nationaux les 6 et 11 juin) :

« La situation dans les services d’urgence et plus globalement dans les hôpitaux est catastrophique.  Le mouvement de grève débuté à l’hôpital Saint-Antoine s’est étendu dans de nombreux hôpitaux, parfois au-delà des services d’urgences.

Les plans d’économie successifs, associés à des fermetures de lits et des services rendent les conditions de travail des personnels insupportables.  Nous n’avons plus aujourd’hui les moyens de prendre en charge nos patients dans des conditions dignes et en toute sécurité.

Le gouvernement doit entendre notre cri d’alarme, à la veille de l’été, période toujours très difficile dans les hôpitaux.  Nous demandons à la Ministre de la Santé d’ouvrir immédiatement des négociations pour répondre aux revendications posées par les personnels. »

Très grosses fatigues

Réponse de la ministre Agnès Buzyn, ce matin sur France Inter . Qu’a-t-elle à dire, au-delà « de la calinothérapie et des mots doux » ?

« D’abord j’ai mis beaucoup d’argent sur la table [sic] pour l’hôpital public l’année dernière et cette année (…) ce qui permet aux hôpitaux de retrouver un peu de souffle. (…) Aujourd’hui l’engorgement aux urgences est essentiellement lié au fait que les patients ne trouvent pas de médecins capables notamment de les prendre sans rendez-vous. (…) Je comprends leur impatience [celle des médecins urgentistes] Je dis à tous les Français qui le peuvent (évidemment il y a des endroits où il n’y a pas de médecins et donc je l’entends …) d’éviter d’aller aux urgences quand on peut essayer de trouver un rendez-vous avec un médecin généraliste, dans un centre de santé, dans une maison de santé …. 

« Je reçois les urgentistes, je les reçois régulièrement. Ils attendent une initiative pour repenser les urgences de l’avenir et je travaille avec eux sur ces perspectives. [Sur Lariboisière et les ‘’arrêts maladie’’] : Je pense effectivement qu’il y a une très grosse fatigue des personnels aux urgences. Je l’entends et j’y travaille. Ce qui c’est passé à Lariboisière est assez inédit. Ils se sont mis en arrêt maladie. C’est dévoyer ce qu’est un arrêt maladie. Je pense que ce n’est pas bien car ça entraîne une surcharge de travail pour les autres (…) La règle, dans le monde médical, quand on fait grève, c’est de mettre un brassard et de venir travailler pour ne pas mettre en danger la vie d’autrui. (…) Nous sommes totalement mobilisés pour améliorer la situation et nous attendons les prochaines générations de médecins urgentistes qui sont entrain d’être formés. Il y en a quatre cents par an et il vont arriver sur le terrain. »

La garde montante arrivera-t-elle à temps ?

A demain

@jynau

Vacance : avez-vous le profil pour devenir le prochain patron de «Santé Publique France» ?

Bonjour

Vive agitation, en France, dans le milieu (et aux périphéries) de la « santé publique ». La course est lancée depuis la publication de ceci au Journal Officiel de la République française (daté du 12 mars 2019) : Avis de vacance du poste de directeur général de l’Agence nationale de santé publique « Santé publique France » .

Une belle opportunité. Savoir que le directeur général de l’Agence nationale de santé publique, nommé par décret du Président de la République, dirige l’établissement et rapporte à son conseil d’administration (articles L. 1413-10 et R. 1413-15 et suivants du code de la santé publique). Il est nommé pour un mandat de trois ans renouvelable – en sachant toutefois que la limite d’âge du directeur général est fixée à 67 ans. Une limite bientôt atteinte par le Dr François Bourdillon. Le montant du salaire et le détail des avantages associés ne sont pas communiqué.

Un rafraîchissement s’impose : l’Agence nationale de santé publique (« Santé publique France ») a démarré son activité le 1er mai 2016. Trois ans, donc, qu’elle a repris l’ensemble des missions, compétences et pouvoirs exercés antérieurement par l’Institut de veille sanitaire (InVS), l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé (INPES), l’Etablissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires (EPRUS), ainsi que leurs biens, personnels, droits et obligations. L’Agence nationale de santé publique a également repris les missions d’ADALIS (service public d’aide à distance).

L’affaire est de taille : 596 agents, montant de son budget annuel d’environ 190 M€, essentiellement financé par une subvention de l’Etat. Siège à Saint-Maurice (Val-de-Marne). Missions : observation de l’état de santé des populations, promotion de la santé, prévention, éducation pour la santé, veille et réponses aux « menaces et crises sanitaires ». Instances de gouvernance : le conseil d’administration, le conseil scientifique et les comités d’experts, le conseil d’orientation et de dialogue.

Cigarette électronique

Philosophie générale : la création de « Santé publique France » permet d’assurer, au sein d’un même organisme, un continuum entre l’observation de la santé des populations, la promotion de la santé et la prévention ainsi que l’intervention en cas de crise sanitaire. Ambition : une organisation unifiée, resserrée, à la fois fondée sur les meilleures pratiques antérieures, vise à être plus efficace et efficiente, plus réactive, plus agile, plus moderne aussi afin d’être à même de relever les défis émergents de santé publique. Attention :

« Il est de la plus haute importance que ‘’Santé publique France’’ exerce ses missions en cohérence avec l’ensemble du système des agences sanitaires et des réseaux de santé publique et les articule avec celles des Agences Régionales de Santé qui conduisent les politiques de santé au plus près des territoires. L’activité de l’agence est déterminée par un programme de travail consolidé annuellement qui répond aux priorités fixées par la ministre chargée de la santé [hier Marisol Touraine, aujourd’hui Agnès Buzyn] ainsi qu’à d’éventuelles problématiques émergentes de santé publique. »

De ce point de vue la marge de manœuvre peut être limitée – comme on a pu et comme on peut le voir dans le champ du tabagisme et de la réduction des risques avec la cigarette électronique.

Savoir parler au public et aux journalistes

Combien peuvent, raisonnablement, postuler ? Beaucoup moins sans doute que l’on pourrait l’imaginer :

« Il est attendu, des candidats à cette fonction, une aptitude à diriger un établissement à vocation d’excellence scientifique et technique et à rayonnement international, des capacités à concevoir et déployer des stratégies en matière de veille, de surveillance, d’intervention en santé, à dialoguer avec les parties prenantes dans un environnement complexe, évolutif et médiatisé.

« Une expérience importante et réussie dans le domaine de la santé publique (prévention et promotion de la santé et/ou de la sécurité sanitaire, etc.) est nécessaire, de même que la capacité à porter une stratégie de communication sur les sujets qui en découlent. Ce poste requiert des garanties d’indépendance et d’impartialité, dans le but de prévenir toute situation de conflit d’intérêts. Il nécessite en outre une excellente maîtrise de la prise de parole en public et face aux média (sic).

« L’agence étant fortement impliquée dans de nombreux partenariats et projets tant européens qu’internationaux, un excellent niveau de langue anglaise, oral et écrit, est requis. La sélection des candidats comporte une audition par une commission interne du ministère chargé de la santé. A l’issue de la sélection, le candidat retenu sera auditionné par les deux assemblées parlementaires avant sa nomination. »

Le dossier de candidature comprenant un curriculum vitae détaillé avec la liste des expériences, publications et travaux ainsi qu’une lettre d’intention est à adresser dans un délai de trente jours à compter de la date de publication du présent avis au Journal Officiel au directeur de cabinet de la ministre des solidarités et de la santé, ainsi qu’au Directeur Général de la Santé uniquement par voie électronique aux adresses : raymond.lemoign@sante.gouv.fr et jerome.salomon@sante.gouv.fr.

A demain

@jynau

A nouveau, suicide d’un médecin hospitalier : Agnès Buzyn décidera-t-elle de faire la lumière ?

Bonjour

Le Dr Nicolas Siegler s’est suicidé le 3 mars dernier. Agé de 37 ans, marié et père de deux enfants, ce chirurgien urologue exerçait au CHU de Nîmes et au centre hospitalier de Bagnols-sur-Cèze (Gard). Selon la direction de  ces deux établissements l’origine de ce drame intime serait strictement personnelle. « Toute insinuation qui viserait à établir un lien de causalité avec l’exercice ou le cadre professionnel du praticien serait considérée comme une tentative de diffamation et reçue comme telle », ont aussitôt prévenu les directions de ces hôpitaux sollicitées par Le Quotidien du Médecin (Guillaume Mollaret).

Serait-ce aussi simple ? Pas pour le Dr Philippe Cathala (CHU de Montpellier) :

« (…) Je garderai de Nicolas, qui était chef de filière d’urologie lorsque je présidais l’internat de Montpellier, le souvenir d’un confrère doux et très chaleureux, que ses collègues surnommaient affectueusement « nounours » tant il disait toujours oui. C’était un excellent praticien reconnu par ses pairs et par ses patients. Il était dans une situation compliquée, confronté à une vie, notamment professionnelle, difficile et n’a pas trouvé les ressources pour se battre. Cela nous rappelle à quel point l’engagement dans leur vocation des médecins peut être total, parfois jusqu’à l’absurde et à quel point il est vital que la société sache aussi prendre soin de ceux qui habituellement s’occupent d’elle. »

 « Dans un suicide, il y a toujours des causes multifactorielles. Il était le seul PH à Bagnols-sur-Cèze depuis plusieurs mois et faisait des journées de travail à rallonge. Sa charge de travail était devenue énorme. L’auto-inspection par l’institution semble un art complexe » a d’autre part déclaré au Quotidien du Médecin un confrère sous le sceau de l’anonymat.

Selon les informations du Quotidien, le Dr Siegler avait émis la volonté de s’installer dans le secteur libéral et entamé plusieurs démarches en ce sens. « Le drame du suicide d’un confrère n’est que la partie émergée et plus cruellement visible de l’épuisement professionnel de nombreux professionnels de santé », écrit dans un communiqué le Dr Jean Thévenot, président de l’Ordre régional des médecins d’Occitanie.

L’affaire n’est pas finie

Dans un premier temps deux syndicats ,Action Praticiens Hôpital (APH) et Jeunes Médecins, ont dénoncé l’ « incapacité des organisations hospitalières et des pouvoirs publics à empêcher ces drames à répétition, qui bouleversent la communauté hospitalière sans qu’aucune solution concrète ne soit mise en œuvre. A quoi bon organiser des réunions au Ministère sur la qualité de vie au travail si rien n’est fait pour prévenir sur le plan local les situations de souffrance extrême ? » demandent-ils.

Aujourd’hui quatre syndicats nationaux amplifient le mouvement : le  Syndicat National des Praticiens Hospitaliers Anesthésistes-Réanimateurs-Elargi aux autres spécialités (SNPHAR-E), le Syndicat National des Gynécologues-Obstétriciens de France (SYNGOF), le Syndicat National des Jeunes Anesthésistes-Réanimateurs (SNJAR) et le Conseil National des Jeunes chirurgiens (CNJC). « Il est assez rare que chirurgiens et anesthésistes-réanimateurs cosignent des communiqués de presse. C’est dire si on en a ras-le-bol de voir nos collègues tomber… » résume la Dr Anne Geffroy-Wernet, présidente du SNPHAR-E.

« Nous refusons de parler d’’’un suicide de plus’’ » annoncent les responsables des quatre syndicats. Ils demandent à être reçus en urgence par Agnès Buzyn – et réclament à la ministre des  Solidarités et de la Santé la saisine de l’IGAS afin qu’une « enquête indépendante » soit menée. Qui s’opposerait à Agnès Buzyn si elle entendait faire la lumière sur ce drame ?

Reste, il est vrai, l’étrange menace proférée, d’emblée, par les directions hospitalières : « Toute insinuation qui viserait à établir un lien de causalité avec l’exercice ou le cadre professionnel du praticien serait considérée comme une tentative de diffamation et reçue comme telle ». Pourquoi ?

A demain

@jynau

Scandale: Europe 1 a méchamment fiché durant quinze ans les auditeurs qui lui téléphonaient.

Bonjour

Comment peut-on en arriver à de telles extrémités ?  Pendant près de quinze ans, les auditeurs qui appelaient le standard d’Europe 1 ont été fichés par la station, parfois selon leur orientation sexuelle, leur origine raciale ou leur état de santé – et ce dans des termes injurieux. Le Monde (Alexandre Berteau) cite ici Mediapart (Lou Syrah) qui dimanche 24 février, révélait que ce fichage avait été mis au jour à la faveur d’une inspection de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) dans les locaux d’Europe 1, à l’été 2016 – une information dont Le Monde a eu confirmation mais qui semble est donc restée (pourquoi ?) près de trois ans sous le boisseau.

« Lorsqu’ils reçoivent un appel, les standardistes de la station – comme ceux de la plupart des radios – renseignent dans un logiciel informatique le nom des auditeurs, leur profession, leur numéro de téléphone ou encore leur qualité d’expression, afin de planifier leur intervention à l’antenne. Mais des appréciations plus personnelles, inscrites dans une case « commentaire », ont été découvertes par les contrôleurs de la CNIL.

« Certaines de ces mentions ont trait à l’origine raciale supposée des auditeurs : ‘’accent juif tunisien, insistant et désagréable’’‘’accent du Maghreb, pas toujours claire’’ cite le gendarme des données personnelles dans son rapport en avril 2017. D’autres, à leur santé – ‘’Patrice séropositif’’, ‘’plus alcoolique mes fesses !’’‘’arrêt maladie, traitement pour un cancer’’ – ou leur sexualité : ‘’il est homo’’, ‘’c’est un ancien hétéro, qui est devenu homo’’. »

La CNIL rapporte également plusieurs commentaires délibérément « insultants ». Parmi eux : « gros con », « connard qui nous a déjà bien fait chier »« voix de vieille pédale ! », « ne répond jamais ce fdp [fils de pute] ».

L’autorité indépendante reconnaît la nécessité pour la radio de recueillir des informations sur ses auditeurs dans la mesure où « ceux-ci sont amenés à prendre la parole à l’antenne, et où la station cherche à déterminer quelles interventions seraient susceptibles de valoriser le contenu des émissions ». Mais le fichage entrepris par Europe 1 est selon elle « excessif » et « contraire aux dispositions de la loi du 6 janvier 1978 ».

Une « erreur technique » (sic)

« Excessif » ou quand la CNIL se complaît dans l’euphémisme. Au total, révèle le rapport, « plus de 483 fiches contiennent des commentaires relatifs à la qualité des auditeurs »Mais la CNIL s’inquiète surtout de la durée de conservation des informations collectées, qu’elles soient ‘’sensibles’’ ou non. Ses enquêteurs ont pu retrouver des fiches sur plus de 573 000 personnes depuis 2002, alors que la loi exige qu’elles soient effacées deux ans après leur création.

« La conservation de ces informations sur une période aussi longue provient d’une erreur technique, a expliqué la direction d’Europe 1, contactée par Le Monde. Le logiciel sauvegardait automatiquement ces données, sans que les standardistes et la direction n’en aient connaissance. » Avertie par la CNIL après son contrôle, la station a détruit cette base de données, et efface désormais automatiquement les informations collectées sur ses auditeurs après leur utilisation.

C’est au vu des mesures prises par Europe 1 que la CNIL avait décidé après délibération de ne pas rendre public son rapport en 2017, comme le recommandait pourtant son auteur. Le gendarme du numérique n’a pas non plus saisi le parquet pour les commentaires rédigés par des standardistes à propos des auditeurs. Il est, dans le monde médiatique et tout particulièrement radiophonique d’autres sanctions que juridiques. Station en perte constante de vitesse l’historique Europe 1 pourrait ici se rapprocher dangereusement de sa fin.

A demain

@jynau

 

Qui ose transformer les soignants en variables de l’ajustement des budgets hospitaliers ?

Bonjour

C’est une nouvelle tribune publiée dans un média généraliste. Un appel au pouvoir exécutif via à l’opinion publique. Entre bouteille à la mer et proposition de reconstruction d’un immeuble chaque jour un peu plus en péril. Un immeuble qui devient le cadre d’un nombre sans cesse croissant de fictions télévisée ou cinématographiques – dont le remarquable « L’ordre des médecins » de David Roux (l’écouter) – nous y reviendrons.

Aujourd’hui 27 janvier 2019 la tribune est signée de quatre-vingt-cinq praticiens renommés 1 de l’Assistance Publique -Hôpitaux de Paris (AP-HP) qui appellent à l’aide sur le site du Journal du Dimanche.  Ils racontent leurs célèbres hôpitaux qui vivent une « période critique » confrontée à un mauvais équilibre financier et à un endettement croissant, dont les décisions prises au niveau national sont la première cause.

Charge et richesse

Complexité administrative ubuesque, creusement des déficits, lenteurs et aberrations de fonctionnement ainsi que ce qui, hier encore eût été impensable : une perte d’attractivité.

« Les personnels de l’AP-HP sont la principale richesse de l’institution, mais ils sont depuis quelques années considérés d’abord comme une charge » résument les signataires de cette tribune.

« La politique nationale de santé et les plans d’économies successifs ont entraîné une dégradation des conditions de travail, dans un climat de découragement et de résignation. La qualité des soins s’en ressent parfois, notamment pour les malades âgés. Le manque de personnels indispensables au fonctionnement des services (aides-soignants, infirmiers, manipulateurs radio, kinésithérapeutes, assistants sociaux, psychologues) est de plus en plus sensible. Comme les équipes soignantes, les personnels techniques et les équipes administratives traversent une période difficile. Ils sont soumis à des tensions qui restent en grande partie méconnues du fait de leur devoir de réserve.

« Les organisations syndicales et le corps médical, par la voix de son instance représentative, la commission médicale d’établissement, ont alerté l’opinion et les pouvoirs publics sur cette situation. Pourtant, ces derniers imposent encore plus de restrictions avec l’injonction paradoxale de demander toujours plus d’efforts et de productivité avec de moins en moins de moyens. »

Colères et doléances hospitalières

Et pourtant. Avec Martin Hirsch 2 à sa tête la direction générale de l’AP-HP vient d’annoncer pour les quatre années à venir un plan d’économies devant aboutir à la suppression de 600 à 800 postes par an, soit en moyenne trois à quatre postes par service sur cette période. Comment ne pas voir ici que les personnels de l’AP-HP (principale richesse de l’institution en raison de leur compétence et de leur engagement) sont depuis quelques années considérés d’abord et avant tout comme une charge et qu’ils constituent la principale variable d’ajustement budgétaire.

On lira sur le site du JDD la suite des sujets de colère et de doléances – à commencer par la « faiblesse majeure » que constitue « la distance entre les décideurs et le terrain » (lire ici, de Henry Mintzberg, « Managing The Myths Of Health Care » – voir également ici). Les regroupements en structures de grande dimension et l’éloignement des décideurs sont contre-productifs, à la fois en termes de qualité de vie au travail et de qualité des soins. Or « l’ordinaire de la technocratie et du management public est de regrouper les établissements pour faire des économies d’échelle, sans mesurer les conséquences de telles décisions à long terme sur le service rendu à la population ».

« L’AP-HP doit tout mettre en œuvre pour assurer son prestige et son attractivité. Nous appelons les responsables politiques, les personnels soignants, techniques et administratifs, les médecins hospitaliers et hospitalo-universitaires, les associations de patients, à prendre une juste mesure de la situation actuelle et à agir ensemble pour maintenir une AP-HP et plus généralement un hôpital public dignes de leurs missions et du niveau d’excellence qu’en attendent nos concitoyens. »

C’était la dernier appel au secours en date provenant du monde hospitalier public français. Daté du dimanche 27 janvier 2019.

A demain

@jynau

1 La liste des quatre-vingt cinq praticiens de l’AP-HP ayant signé cet appel : Sophie Abgrall, Nelly Achour Frydman, Catherine Adamsbaum, Homa Adle Biassette, Pierre Amarenco, Élisabeth Aslangul, Hélène Barreteau, Sophie Barthier, Thierry Baubet, Thierry Bégué, Nadia Belmatoug, Alexandra Benachi, Amine Benyamina, Catherine Bernard, Chloé Bertolus, Anne-Laure Boch, Pierre Bonfils, Isabelle Bourgault-Villada, Marina Cavazzana, Christophe Cellier, David Cohen, Sophie Crozier, Luc Cynober, Nicolas Dantchev, Jean-Pascal Devailly, Élisabeth Dion, Hervé Dombret, Didier Dreyfuss, Michel Dru, Jean-Charles Duclos-Vallée, Nicolas Dupin, Jean-Michel Dupont, Philippe Fossati, Bertrand Galichon, Stéphane Gaudry, Brigitte Girard, Pierre-Marie Girard, Christophe Glorion, François Goffinet, François Goldwasser, Patrick Goudot, Bernard Granger, Philippe Grimbert, Emmanuel Houdart, Marc Humbert, Dominique Israël-Biet, Mehdi Karoui, Jean Lacau Saint Guily, Véronique Leblond, Antoine Leenhardt, Christophe Legendre, Philippe Lévy, Emanuel Loeb, Jean-Pierre Lotz, Philippe Manivet, Xavier Mariette, Bruno Millet, Marie-Rose Moro, Isabelle Nègre, Hilario Nunes, Catherine Patrat, Antoine Pelissolo, Marie-Noëlle Peraldi, Charles-Siegfried Peretti, Serge Perrot, Stanislas Pol, Frédéric Prat, François Rannou, Gilberte Robain, Olivier Scatton, Georges Sebbane, Olivier Soubrane, Brigitte Soudrie, Florence Thibaut, Nicolas Thiounn, José Timsit, Philippe Touraine, Jean-Marc Tréluyer, Christophe Trivalle, Laurent Vastel, Jean-Paul Viard, Gilbert Vila, Jean-Philippe Wolf, Alain Yelnik, Rachid Zegdi, praticiens à l’Assistance publique – hôpitaux de Paris.

2 Le JDD annonce dans ses « indiscrets » la sortie (encore assez lointaine) du prochain livre de Martin Hirsch : « Comment j’ai tué son père » Editions Stock. 13 mars 2019, 18 euros :

« Dans ‘’Qui a tué mon père’’ (Seuil) sorti au printemps 2018 le romancier Edouard Louis accusait nommément Martin Hirsch d’avoir causé la mort de son père en créant le revenu de solidarité active en 2008. Il mettait également en cause Hollande et Macron. (…) Dans ‘’Comment j’ai tué son père’’ Martin Hirsch lui répond sans prendre de gants. »

 

Ethique sans frontières : un médecin français peut-il euthanasier en Belgique ?

Bonjour

Plus jamais de repos dominicaux ?  C’est une information de La Croix (Loup Besmond de Senneville). Le Conseil national de l’Ordre des médecins français se prononcera bientôt sur une question d’une particulière originalité : un médecin français est-il libre d’adresser (certains de) ses patients en Belgique (dans une  »maison de repos ») afin de pouvoir librement, ensuite, les euthanasier ? On connaît des sujets géo-éthiques moins compliqués.

C’est pourtant bien la question dont vient de se saisir, jeudi 8 novembre, le Conseil national de l’Ordre des médecins (Cnom). « C’est une question qui est à l’ordre du jour de notre réflexion » , a confié à La Croix le Dr Jean-Marie Faroudja, président de la section éthique et déontologie du Cnom. » Pourquoi à La Croix ? On ne le saura pas. En écho, La Croix, dans sa sagesse :

« Disons-le d’emblée : la question est pour l’instant purement théorique, et l’Ordre ne recense aucun médecin français exerçant de telles pratiques. Mais c’est un texte publié fin octobre en Belgique qui a poussé l’instance médicale française à engager la réflexion. Le Comité consultatif d’éthique de Belgique a en effet publié le 22 octobre un avis sur cette épineuse question.

« Dix-huit mois auparavant, il avait en effet été saisi par le ministre wallon de la santé, à la suite d’« un cas concret, qui lui a été signalé par ses services » : « Un médecin établi en France peut-il venir en Belgique avec son patient et le faire admettre dans un centre de court séjour belge ou dans une maison de repos et de soins belge afin de l’y euthanasier, à sa demande ? »

Et La Croix de nous expliquer que, dans un texte de trois pages, les experts du Comité d’éthique belge font état de leurs divisions. Les uns affichent leurs réticences, affirmant qu’un tel cas poserait « de sérieuses questions »« Le fait d’envoyer [dans un centre de repos belge] un patient dans le seul but d’y pratiquer une euthanasie ne correspond pas aux objectifs poursuivis par ces centres. » De même, craignent-ils encore, « l’acceptation occasionnellement donnée dans ces centres ouvre la porte à une pratique qui pourrait rapidement devenir une habitude ».

Assurance maladie, démocratie et euthanasie

A l’opposé d’autres estiment au contraire « qu’il n’y a aucun inconvénient éthique à ce qu’un médecin, de nationalité belge ou non, autorisé à exercer en Belgique, pratique en Belgique une euthanasie dans les conditions prévues par la loi ». Reste la dimension financière – sur laquelle rien ne nous est dit. Qu’en dira notre Assurance Maladie ?

 Faudrait-il, ici,  rappeler que chez nos amis vivant de l’autre côté de la minuscule bourgade de Quiévrain la pratique de l’euthanasie est légale depuis une quinzaine d’années ? Et que depuis 2005, une directive européenne permet aux médecins d’exercer dans les différents pays de l’Union. On peut le dire autrement : au plan strictement juridique, rien n’interdit aujourd’hui à un médecin français de franchir la frontière, la main dans la main avec un patient, pour euthanasier ce dernier. Puis de revenir dans exercer dans son cabinet français.Avant de recommencer.

Si l’on en croit La Croix (et le dernier rapport de la commission fédérale de contrôle et d’évaluation de l’euthanasie) vingt-trois personnes/patients sont venus de l’étranger pour se faire euthanasier en Belgique en 2016 et 2017. Et le quotidien catholique, en cette fin de dimanche de 11 novembre 2018, de citer le Pr Paul Cosyns, coprésident du Comité d’éthique belge, professeur émérite de psychiatrie de l’université d’Anvers :

 « Ce n’est pas du tout dans l’esprit de la loi de permettre ce genre de pratique. Cela s’assimilerait à une forme de tourisme d’euthanasie. »

Tourisme ? La belle affaire qui nous conduira bientôt, en charters offerts, au bord du Styx …  Où l’on voit, une nouvelle fois, que la Belgique  n’est pas la Suisse. Mais qu’elle pourrait bientôt, sous d’autres masques démocratiques et déontologiques, y faire songer.

A demain

@jynau

Bras de fer du tonnerre à Saint-Brieuc : cent-vingt médecins défient leur direction hospitalière

Bonjour

Comment « manager » un hôpital contre son corps médical ? Phénomène sans précédent au centre hospitalier de Saint Brieuc (Côtes d’Armor) :  près de cent-vingt médecins, dont les quarante-huit membres de la commission médicale d’établissement (CME), viennent de démissionner de leur fonction administrative dans les différentes commissions (médicale, matériel, gardes et astreintes, lutte contre les infections nosocomiales) de l’établissement. Tous ont écrit et signé un courrier que le président de la CME a remis sur le bureau de la direction. « C’est près d’un tiers des personnels médicaux de l’hôpital qui signifie ainsi leur désapprobation. Tous continuerons en revanche leur activité de soins » résume Le Quotidien du Médecin (Martin Dumas Primbault).

Pourquoi ? A cause, dit-on, de « plusieurs décisions controversées de la direction ». A commencer par le non-remplacement de quarante-deux CDD au sein de différents services de l’établissement  (1 247 lits et places répartis sur deux sites principaux). Mais celle qui agace le plus les médecins, c’est le projet de création d’un nouveau pôle ambulatoire qui coûterait 25 millions d’euros, explique au « Quotidien » le Dr Christian Brice, urgentiste au sein de l’hôpital. « À côté de cela, aucun autre projet proposé par la communauté médicale n’avance », se désole le praticien encarté à l’Association des médecins urgentistes de France. Dans son service, huit postes ont été supprimés dont celui de l’agent de sécurité chargé de protéger les personnels des violences aux urgences.

Objectif de la démission groupée : « rompre tout lien médico-administratif » avec une direction privilégiant une transmission verticale. Pour sa part la direction a pris acte de la démission des médecins qu’elle attribue à « un contexte de déficit important depuis l’année dernière, situation que l’établissement n’avait pas connue depuis de nombreuses années ». Elle se propose aussi de « faire évoluer le management de l’établissement et relever les enjeux de l’hôpital de demain ».

Une grave crise du management

L’affaire est également traitée par Medscape France : « Médecins du CH de Saint-Brieuc : les vraies raisons de leur démission » (Philippe Anaton). Où l’on apprend que les démissionnaires ne remettent pas en cause les projets de restructuration portés par le centre hospitalier. Bien au contraire. Dans un communiqué expliquant leur geste, la communauté médicale de Saint-Brieuc dit ainsi approuver, par exemple, « le projet de bâtiment ambulatoire, projet qui a été mené en concertation avec les soignants ».

La communauté médicale de Saint-Brieuc n’a pas non plus démissionné pour protester contre un manque de personnel. « La démission collective des médecins de Saint-Brieuc est le résultat d’une crise du management vieille de dix-huit mois, analyse Medscape. Cette crise a débuté en mai 2017, suite à une réunion médicale exceptionnelle organisée par le président de la CME, Benoit Moquet, et la vice-présidente, le Dr Cinthia Garignon. Cette réunion avait pour but de répondre à un malaise grandissant dans la communauté médicale. Quatre-vingt médecins réunis avait alors exprimé leur défiance vis-à-vis de la direction de l’établissement (…) »

Nouvelle crise aujourd’hui, et nouvelle mobilisation des médecins qui ont de nouveau fait part de leur inquiétude quant à l’évolution de leur établissement et du GHT des Côtes d’Armor auquel il appartient. La direction a proposé de nouveau une médiation, rejetée du revers de la main par la communauté médicale. « Plutôt qu’une médiation, nous demandons qu’un véritable diagnostic soit porté sur le mode de gouvernance de cet établissement », écrivent les médecins dans leur communiqué. Comment mieux dire ?

Si l’on en croit l’Agence de Presse Médicale, la direction aurait indiqué avoir « entendu les attentes exprimées par la communauté médicale et souhaite retrouver rapidement la voie d’un travail collaboratif en confiance ». Pour autant la situation est plus bloquée que jamais. Et voici Paris qui s’inquiète : une enquête de l’Inspection générale des affaires sociales a été ouverte.

A demain