Ethique sans frontières : un médecin français peut-il euthanasier en Belgique ?

Bonjour

Plus jamais de repos dominicaux ?  C’est une information de La Croix (Loup Besmond de Senneville). Le Conseil national de l’Ordre des médecins français se prononcera bientôt sur une question d’une particulière originalité : un médecin français est-il libre d’adresser (certains de) ses patients en Belgique (dans une  »maison de repos ») afin de pouvoir librement, ensuite, les euthanasier ? On connaît des sujets géo-éthiques moins compliqués.

C’est pourtant bien la question dont vient de se saisir, jeudi 8 novembre, le Conseil national de l’Ordre des médecins (Cnom). « C’est une question qui est à l’ordre du jour de notre réflexion » , a confié à La Croix le Dr Jean-Marie Faroudja, président de la section éthique et déontologie du Cnom. » Pourquoi à La Croix ? On ne le saura pas. En écho, La Croix, dans sa sagesse :

« Disons-le d’emblée : la question est pour l’instant purement théorique, et l’Ordre ne recense aucun médecin français exerçant de telles pratiques. Mais c’est un texte publié fin octobre en Belgique qui a poussé l’instance médicale française à engager la réflexion. Le Comité consultatif d’éthique de Belgique a en effet publié le 22 octobre un avis sur cette épineuse question.

« Dix-huit mois auparavant, il avait en effet été saisi par le ministre wallon de la santé, à la suite d’« un cas concret, qui lui a été signalé par ses services » : « Un médecin établi en France peut-il venir en Belgique avec son patient et le faire admettre dans un centre de court séjour belge ou dans une maison de repos et de soins belge afin de l’y euthanasier, à sa demande ? »

Et La Croix de nous expliquer que, dans un texte de trois pages, les experts du Comité d’éthique belge font état de leurs divisions. Les uns affichent leurs réticences, affirmant qu’un tel cas poserait « de sérieuses questions »« Le fait d’envoyer [dans un centre de repos belge] un patient dans le seul but d’y pratiquer une euthanasie ne correspond pas aux objectifs poursuivis par ces centres. » De même, craignent-ils encore, « l’acceptation occasionnellement donnée dans ces centres ouvre la porte à une pratique qui pourrait rapidement devenir une habitude ».

Assurance maladie, démocratie et euthanasie

A l’opposé d’autres estiment au contraire « qu’il n’y a aucun inconvénient éthique à ce qu’un médecin, de nationalité belge ou non, autorisé à exercer en Belgique, pratique en Belgique une euthanasie dans les conditions prévues par la loi ». Reste la dimension financière – sur laquelle rien ne nous est dit. Qu’en dira notre Assurance Maladie ?

 Faudrait-il, ici,  rappeler que chez nos amis vivant de l’autre côté de la minuscule bourgade de Quiévrain la pratique de l’euthanasie est légale depuis une quinzaine d’années ? Et que depuis 2005, une directive européenne permet aux médecins d’exercer dans les différents pays de l’Union. On peut le dire autrement : au plan strictement juridique, rien n’interdit aujourd’hui à un médecin français de franchir la frontière, la main dans la main avec un patient, pour euthanasier ce dernier. Puis de revenir dans exercer dans son cabinet français.Avant de recommencer.

Si l’on en croit La Croix (et le dernier rapport de la commission fédérale de contrôle et d’évaluation de l’euthanasie) vingt-trois personnes/patients sont venus de l’étranger pour se faire euthanasier en Belgique en 2016 et 2017. Et le quotidien catholique, en cette fin de dimanche de 11 novembre 2018, de citer le Pr Paul Cosyns, coprésident du Comité d’éthique belge, professeur émérite de psychiatrie de l’université d’Anvers :

 « Ce n’est pas du tout dans l’esprit de la loi de permettre ce genre de pratique. Cela s’assimilerait à une forme de tourisme d’euthanasie. »

Tourisme ? La belle affaire qui nous conduira bientôt, en charters offerts, au bord du Styx …  Où l’on voit, une nouvelle fois, que la Belgique  n’est pas la Suisse. Mais qu’elle pourrait bientôt, sous d’autres masques démocratiques et déontologiques, y faire songer.

A demain

@jynau

Homosexualité à traiter par la psychiatrie : le pape François irresponsable ou coupable ?

Bonjour

La démonstration vient d’en être faite par le pape François : il est désormais possible de faire le buzz depuis un aéroplane. A un journaliste qui, dans son avion, lui demandait ce qu’il répondrait à des parents découvrant les orientations homosexuelles de leur enfant, le souverain pontife a répondu qu’« il y a beaucoup de choses à faire par la psychiatrie, pour voir comment sont les choses ». Plus précisément :

« Je leur dirais premièrement de prier, ne pas condamner, dialoguer, comprendre, donner une place au fils ou à la fille. Quand cela se manifeste dès l’enfance, il y a beaucoup de choses à faire par la psychiatrie, pour voir comment sont les choses. C’est autre chose quand cela se manifeste après vingt ans. Je ne dirai jamais que le silence est un remède. Ignorer son fils ou sa fille qui a des tendances homosexuelles est un défaut de paternité ou de maternité. »

Ceci fut dit entre Ciel et Terre, le 26 août 2018, entre Dublin et Rome. Acté par des journalistes qui, statistiquement, ne peuvent tous être mécréants. Des mots qui, depuis quelques heures, alimentent le subconscient des infernaux réseaux sociaux internationaux. Dans ce ciel mêlé, au grand jour français : les associations tricolores de défense des droits LGBT (lesbiennes, gays, bi, trans). Elles viennent de dénoncer des propos papaux « irresponsables ».

Où l’on en revient au gouffre, religieux et républicain, séparant la responsabilité assumée de la culpabilité auto-refusée (Georgina Dufoix – affaires du sang contaminé).

Et les LGBT de rappeler, fort justement et avec le soutien de l’AFP, que l’homosexualité ne figure plus sur la liste des maladies mentales de l’OMS. Depuis longtemps ? Pas vraiment…  Depuis 1990. Pour Clémence Zamora-Cruz, porte-parole de l’Inter-LGBT, les propos du pape « renvoient à l’idée que l’homosexualité est une maladie. Or, s’il y a une maladie, c’est cette homophobie ancrée dans la société qui persécute les personnes LGBT ».

Soigner sans savoir

Clémence :  « Ces paroles sont choquantes car elles ciblent les enfants. Des études ont démontré que le risque de suicide était plus élevé que la moyenne chez les jeunes LGBT ». « Graves et irresponsables ces propos incitent à la haine des personnes LGBT dans nos sociétés déjà marquées par des niveaux élevés d’homophobie et de transphobie », a par ailleurs réagi #SOS Homophobie.

 « J’aimerais que le pape François n’utilise pas les homosexuels pour qu’on cesse de parler des prêtres pédophiles », commente encore Catherine Michaud, présidente de GayLib, mouvement LGBT de centre droit, qualifiant les mots papaux « d’irresponsables, outranciers et homophobes ». Quant à l’Association des familles homoparentales :

« Il est très étonnant d’entendre régulièrement des conseils et des jugements moraux de l’Eglise au sein de laquelle certaines personnes sont incapables de dénoncer des actes pédo-criminels commis par des prêtres, qui devraient être les premiers à bénéficier de soins psychiatriques ».

On attend désormais la lecture des propos papaux par les servants de la pratique psychiatrique. Une discipline que l’on espère, loin du Vatican, sinon athée, du moins solidement agnostique – à des fins thérapeutiques.

A demain

 

Homosexualité et hérésie : le pape François préconise la prière et la psychiatrie

Bonjour

Ce devait être un voyage historique. Le retour restera dans l’histoire. Confronté, en Irlande, au fléau récurrent des abus sexuels commis par des prêtres sur des enfants le pape François a, dans l’avion qui le ramenait à Rome eut des propos qui ne manqueront pas, a minima, d’inquiéter. Entre terre et ciel Jorge Mario Bergoglio, 82 ans,  a ainsi recommandé, dimanche 26 août 2018, le recours à la psychiatrie lorsque des parents constatent des penchants homosexuels chez leurs enfants.

Le Vatican ne pourra pas, demain, plaider l’ambiguïté Un journaliste a demandé au pape François ce qu’il dirait à des parents constatant les orientations homosexuelles de leur enfant.

« Je leur dirais premièrement de prier, ne pas condamner, dialoguer, comprendre, donner une place au fils ou à la fille. Quand cela se manifeste dès l’enfance, il y a beaucoup de choses à faire par la psychiatrie, pour voir comment sont les choses. C’est autre chose quand cela se manifeste après vingt ans. Je ne dirai jamais que le silence est un remède. Ignorer son fils ou sa fille qui a des tendances homosexuelles est un défaut de paternité ou de maternité. »

 Analyses et commentaires ne tarderont guère. Et on perçoit la confusion des genres. Le jour même, à Dublin, lors d’une grande messe en plein air, le pape François avait égrené une litanie de « Nous demandons pardon » pour « chaque scandale » dans lequel l’Eglise catholique était impliquée. « Le pape a aussi reconnu que des membres de la hiérarchie catholique avaient cherché à couvrir les péchés de leurs collègues et n’avaient pas fait preuve de compassion pour les victimes », écrit l’Irish Examiner.

Contrition et confession

Le pape faisait notamment référence aux crimes sexuels, dans un pays où près de 15.000 personnes ont déclaré depuis 2002 avoir été victimes d’abus – mais aussi à d’autres scandales ayant impliqué l’Église irlandaise pendant une bonne partie du XXe siècle, notamment les séparations forcées entre les enfants nés hors mariage et leurs mères, considérées comme des « pécheresses ».

« Je n’avais jamais entendu parler de ces femmes » a assuré le pape François aux journalistes (toujours dans l’avion le ramenant au Vatican). Pas plus qu’il ne connaissait l’existence de ces « hôpitaux, je ne sais pas comment ils les appellent, ou de ces écoles dirigées par des nonnes, qui proposaient les enfants à l’adoption ». Selon The Irish Independent, le pape avait aussi devant les pèlerins venus à Knock qualifié les actions de l’Église de « répugnantes » et a déclaré que les abus commis en Irlande étaient une « plaie ouverte »

Faut-il faire un lien entre ces actes de contrition et ces propos concernant l’homosexualité et la psychiatrie 1 ? Comment ne pas voir ici une inquiétante forme de régression ? Un retour des démons issus des mariages forcés entre médecine et religion ?

On peut, sur ce sujet, conseiller une lecture qui peut éclairer : « Psychiatrie et homosexualité Lectures médicales et juridiques de l’homosexualité dans les sociétés occidentales de 1850 à nos jours » de Malick Briki – 232 pages – 16 x 22 cm. Un format idéal pour toutes celles et ceux qui aiment lire en avion.

A demain

1 « Quand l’homosexualité était une maladie » Slate.fr, 24 juillet 2011

OGM, maïs et cancers : Gilles-Eric Séralini, désavoué, persiste et signe – toujours dans L’Obs

Bonjour

Au croisement de la science et du journalisme, ce fut une tornade sans précédent. Un cas d’école devenu «l’affaire Séralini». Coup de tonnerre dans un ciel serein: l’annonce avant l’heure de la publication, le 19 septembre 2012 d’une étude scientifique incompréhensible pour qui n’était pas un spécialiste plus que pointu du sujet. Intitulée «Long term toxicity of a Roundup herbicide and a Roundup-tolerant genetically modified maize» elle est signée d’un chercheur français militant, Gilles-Éric Séralini(université de Caen) et publiée dans Food and Chemical Toxicology, une revue sans prestige, un média spécialisé comme il en existe des centaines.

A priori aucune chance de reprise dans les médias généralistes.

C’était compter sans une mise en scène préalablement orchestrée, une tractation secrète et bien peu reluisante: des journalistes signant un invraisemblable pacte de confidentialité leur assurant une «exclusivité». Une mise en scène qui vit au final  Le Nouvel Observateur afficher, en couverture et en exclusivité, que les «OGM» étaient des «poisons» (…).

On lira la suite  sur Slate.fr : « Affaire Séralini: six ans après, l’heure des comptes ».

Puis on lira dans L’Obs les réponses de Gilles-Eric Séralini : « On détourne des fonds publics pour discréditer mes travaux sur les OGM ! ». Des réponses convenues dans un un hebdomadaire l’image est, sur ce sujet et depuis six ans, bien tristement écornée ; et ce faute d’avoir fait, sinon un mea culpa religieux, du moins une auto-critique.

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Listériose : en France un aliment contaminé fait 63 morts et 22 avortements. C’était quand ?

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On s’en souvient : c’était au mois de juin de l’ancien monde. « Selon le ministère de la santé, une mystérieuse épidémie de listériose a fait au moins vingt morts et entraîné cinq avortements depuis quelques mois sur le territoire français, pouvait-on lire dans Le Monde d’alors. La listériose est une maladie bactérienne habituellement peu fréquente dont la source de contamination peut être alimentaire. Parfois responsable chez l’adulte de manifestations neuroméningées, sa forme la plus fréquente est la listériose du nouveau-né, contaminé par la mère lors de la grossesse, ou lors de l’accouchement, par des sécrétions infectées. En moyenne, une quinzaine de cas de listériose provenant d’une même souche sont recensés chaque année en France. Mais, en trois mois, depuis le début du mois d’avril, les services de la santé ont relevé une  » élévation anormale « , exactement 99 cas, dont 20 mortels. »

Outre l’alerte diffusée aux médecins, les services du ministère ont mis en place un système de surveillance et d’investigation comprenant une cellule d’alerte composée de cinq médecins et d’un membre des services vétérinaires du ministère de l’Agriculture et de la forêt.

« Langue de porc en gelée »

 Au mois de septembre le dernier bilan arrêté le 8 septembre par le ministère de la Santé et de l’action humanitaire précisait que l’épidémie de listériose avait entraîné la mort de 48 personnes et a provoqué 13 avortements. Contrairement aux prévisions, cette épidémie continuait sa progression et touchait 70 départements contre 53 en juillet.

Février de l’année suivante, toujours Le Monde : L’épidémie de ces derniers mois a été responsable, en définitive, de 63 décès et à l’origine de 22 avortements. Les résultats de cette étude épidémiologique soulèvent de graves questions médico-légales. La  » langue de porc en gelée  » peut être fabriquée, soit de manière artisanale et vendue dans les charcuteries, soit de manière industrielle et commercialisée dans les grandes surfaces. Il semble que l’épidémie qui a sévi sur l’ensemble du territoire français trouve son origine dans des fabrications industrielles. Curieusement, les enquêteurs ne donnent toutefois pas la ou les marques concernées ni le nom du ou des producteurs, ce qui va jeter l’opprobre sur la totalité de ces préparations quelle qu’en soit l’origine. »

Même jour, même journal : « Une politique de santé publique est en train de naître en France. Amorcée par l’action du groupe dit des cinq  » sages « , ce mouvement s’est accéléré avec les différentes  » affaires  » qui, ces dernières années ont mis en lumière, souvent de manière dramatique, les graves insuffisances de pans entiers du système médical français. Ce mouvement bénéficie depuis peu de l’action impulsée par M. Bernard Kouchner, ministre de la Santé et de l’action humanitaire. Profitant du résultat obtenu dans l’identification des causes alimentaires de la récente épidémie nationale de listériose, il convient d’exposer les raisons d’être et les modalités de fonctionnement du tout jeune  » réseau national de santé publique’’ (RNSP) qui vient d’être mis en place dans notre pays.

Le mutisme de Santé Publique France

Différents niveaux de  » maillage épidémiologique  » sont organisés autour du noyau exécutif, petite équipe de médecins, de statisticiens, d’informaticiens, tous détachés de leur corps d’origine et basés à l’hôpital national de Saint-Maurice. Ce groupe est dirigé par le Pr Jacques Drucker (CHU de Tours), spécialiste de santé publique, formé dans le public, puis dans le privé (groupe Mérieux), à l’épidémiologie d’intervention et de prévention. Le premier cercle d’intervention est celui des médecins inspecteurs des directions départementales de l’action sanitaire et sociale. L’objectif à ce niveau est de renforcer les activités de nature épidémiologique. Le deuxième cercle repose sur la mise en place d’unités régionales d’épidémiologie d’intervention. Outre son conseil scientifique (composé de seize membres) le réseau national de santé publique comprend pour l’essentiel trois partenaires : le ministère de la santé (direction des hôpitaux, direction générale de la Santé), l’INSERM, et l’Ecole nationale de santé publique. Son budget, pour l’année 1993, a pu être fixé à 25 millions de francs.

Un quart de siècle plus tard le RNSP a évolué, grossi, mué, est devenu Santé Publique France. Qui, bizarrement, ne communique pas sur la méthode lui ayant permis de mettre en lumière ce qu’est devenu la gigantesque affaire Lactalis. Hier on exposait la méthode en cachant la marque. Aujourd’hui c’est l’inverse. Pourquoi ?

A demain

L’affaire Lactalis n’en finit plus : après Leclerc, voici Auchan, Carrefour et Système U …

Bonjour

Lactalis, Acte III, scènes 3, 4 et 5. Après le gentil Michel-Edouard Leclerc, le redoutable géant Auchan. Ce dernier a reconnu mercredi 10 janvier avoir vendu 52 boîtes de lait infantile Lactalis qui auraient dû être retirées de ses rayons en raison d’une contamination aux salmonelles 1. « Malgré le retrait effectif de 36 000 produits, 52 produits supplémentaires – des boîtes de lait infantile – ont échappé à la vigilance de nos équipes et ont été vendus après la date du rappel sur 28 magasins (hypermarchés et supermarchés) », écrit Auchan, qui se dit « consterné et présente ses excuses pour ces erreurs subies par ses clients ».

Mêmes excuses renvoyant aux mêmes faits, toujours inexpliqués : les boîtes de lait infantile concernées ont été produites dans l’usine Lactalis de Craon (Mayenne).  Auchan vient de finir son inventaire quelques heures après celui de Michel-Edouard Leclerc.

Mais encore ? Le 2 janvier, explique Auchan, « un magasin a reçu une livraison comprenant des références concernées par le rappel du 21 décembre. Suite à cette anomalie, Auchan Retail France a lancé un audit approfondi de la situation dans chacun de ses magasins afin de vérifier la parfaite application de la procédure de rappel. Des clients ont d’ores et déjà été informés, permettant le rappel des produits incriminés, les derniers clients sont en train d’être identifiés et contactés. »

Et le géant Auchan, petitement, de se défausser : « comme toutes les enseignes françaises, Auchan Retail France a reçu trois messages successifs de rappel de la société Lactalis concernant des références de produits de nutrition infantile. L’entreprise a aussitôt mis en œuvre ses procédures de rappel interne, transmis les consignes et informations nécessaires à la mise en œuvre immédiate du rappel à l’ensemble de ses 641 points de vente et sites marchands en France ».

« Lactalis » … Décidément, une étrange affaire – l’ombre portée des futurs scandales sanitaires  inhérents à l’agro-alimentaire industriel associé à la grande distribution.

A demain

1 Après Leclerc et Auchan les groupes Carrefour et Système U ont également reconnu, mercredi 10 janvier, avoir eux aussi commercialisé des produits Lactalis qui auraient dû être retirés de la vente en raison d’une possible contamination par des salmonelles

 

Harcèlements à l’hôpital : les administratifs auront-ils bientôt la peau des salles de garde ?

 

Bonjour

Tout diriger, de la cave au grenier, dans les espaces hospitaliers. Martin Hirsch, directeur général de l’AP-HP, mesurait-il la portée de son annonce « anti-harcèlement sexuel » quand il évoquait hier, à haute voix, l’effacement les fresques des « salles de garde » ? Effacer pour mieux régenter. C’est là une bien vieille histoire, aussi vieille que celle des internes, de leurs « tonus », de leurs rituels. Deux siècles au bas mot, pas loin d’un millénaire selon d’autres calculs.

« La suppression des salles de garde est un vieux rêve des « administratifs », rappelle le Dr William Lowenstein, ancien de l’AP-HP et président de SOS Addictions. L’économe de salle de garde que j’ai été peut assurer d’une chose : les prédateurs ne venaient pas aux tonus : trop voyant ! Ah le vieux rêve de certains chefs de rayon … pouvoir harceler, abuser dans son coin, dans son bureau, avec la photo de sa femme et de ses enfants parfois retournée… »

La « salle de garde » a deux visages. C’est, bien sûr, le lieu clos d’un centre hospitalier où se réunissent les internes (et leurs invités) – repas, repos, détente. C’est aussi, au sens figuré, l’état d’esprit et les rituels qui règnent dans ce lieu. Effacer les fresques peut, dès lors, être perçu comme une agression contre une histoire et une culture communes. C’est  là le dernier symbole en date de la puissance montante de l’administratif sur le médical. Un administration qui, faute de connaître l’intérieur des corps et de lutter contre la mort, ne dépasse pas le grivois, l’obscène qui lui fait peur.

« Je la mettrai près de la morgue ! »

Le directeur général de l’AP-HP connaît sans aucun doute « Fermeture d’hôpitaux, quelles clefs ? » de Marie-Christine Pouchelle (Revue d’ethnologie française) ? Extrait :

« Les salles de garde furent et sont traditionnellement hostiles aux directions hospitalières. Aujourd’hui, les administratifs ne sont pas fâchés, par exemple, d’arguer de nécessités économiques pour en supprimer la cuisine, fondement de rituels conviviaux où se fabrique l’identité médicale. « Ils n’ont qu’à manger au self, comme tout le monde. »

Dans l’hôpital Pompidou en construction, la salle de garde n’avait pas été prévue, et il fallut la mobilisation des patrons pour qu’on lui trouve un lieu. « Je la mettrai près de la morgue ! » aurait lancé le directeur de l’hôpital. Ce contexte menaçant explique que certaines des fresques de la salle de garde de l’hôpital Boucicaut, qui avaient été peintes sur des panneaux de contreplaqué, furent finalement confiées au musée des Arts et Traditions Populaires (ATP).

Une telle donation, faite par l’entremise d’un jeune médecin, va à l’encontre du secret caractéristique de la culture des salles de garde. Elle a parfois été diversement commentée au sein du corps médical (« Rien ne doit sortir de la salle de garde »), comme chez le personnel des ATP, surpris par le caractère obscène des fresques en question. Cependant, c’est avec une jubilation manifeste que tout récemment, en cours d’opération, un chirurgien auquel je confirmais que les panneaux se trouvaient bien désormais dans les réserves du musée m’a indiqué comment retrouver son propre portrait sur la fresque en question. »

Dynamitage des exutoires

On peut certes connaître et ne pas partager tout ce que des non-médecins désignent comme des outrances de carabins. On pourrait même, parfois, les regretter. On ne saurait pour autant réclamer leur disparition, l’effacement des fresques, la démolition des « salles de garde », le self obligatoire, le dynamitage du partage et des exutoires.

« A ce compte, supprimons également Charlie, Rabelais, Virginie Despentes, Leila Slimani et toutes celles et ceux qui peignent des fresques de vie insupportables, ajoute le Dr Lowenstein.  Détruisons en urgence les bobines de MASH et l’insupportable sexisme médico-chirurgical de Robert Altman. Effaçons les affreux personnages incarnés perversement par Donald Sutherland et Elliott Gould qui pourraient induire de scandaleuses idées aux jeunes générations d’internes … Derrière l’objectif du soucieux et offusqué intérêt pour les  fresques, surfant sans vergogne sur l’actualité des prédateurs et autres criminels sexuels, l’idée est bien de tuer cette espace de résistance des médecins. »

« De toutes façons, nous connaissons tous le rêve absolu de nombre d’administratifs de l’AP-HP, ajoute l’ancien économe. C’est un hôpital sans lits, avec des e-malades et quelques médecins bien dressés …Mais il reste les salles de garde, la maison interdite !  Entre la bigoterie et les « maisons de tolérance des abus et harcèlement » il est un espace commun à promouvoir : celui du respect de l’autre et de soi-même. »

Nul ne saurait, depuis sa cabine, tout diriger, de la cave au grenier, dans les espaces hospitaliers.

A demain

 

 

 

Violences obstétricales : l’Ordre des médecins dénonce les accusations de Marlène Schiappa

Bonjour

L’Ordre après le Collège national des gynécologues et obstétriciens français : où l’on voit, se constituer une « affaire Marlène Schiappa » – du nom de la secrétaire d’Etat auprès du Premier ministre, chargée de l’Egalité entre les femmes et les hommes. Cette dernière est accusée par les gynécologues-obstétriciens d’avoir diffusé de fausses informations quant à la fréquence des épisiotomies pratiquées en France et à certaines violences médicales  dont les femmes seraient les victimes.

Résumé: le 20 juillet Mme Schiappa avait affirmé, lors d’une audition devant la délégation aux droits des femmes du Sénat, qu’il y avait « 75 % d’épisiotomies » en France et annonçait avoir commandé un rapport au Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes. « En France, on a un taux d’épisiotomies à 75 %, alors que l’OMS préconise, je crois normalement, d’être autour de 20-25 % (à neuf heures cinquante minutes sur la vidéo de l’audition). Il y a des pratiques obstétricales non consenties avec notamment des violences obstétricales, semble-t-il, particulièrement sur les femmes étrangères, les femmes très jeunes, et les femmes handicapées. »

Découragement

Dans un communiqué de presse assez inhabituel le Conseil national de l’Ordre des médecins dit « regretter » les propos de Mme Schiappa  « sur les violences obstétricales ». « Ces propos qui semblaient mal documentés pourraient aggraver la défiance des femmes envers le corps médical dans son ensemble, mais aussi décourager de possibles vocations pour des spécialités médicales aujourd’hui en souffrance en termes démographiques » souligne l’institution ordinale. Elle ajoute :

« La secrétaire d’Etat, en affirmant que le taux de recours à l’épisiotomie était de 75% en France lors d’accouchements, s’est manifestement fait le relais de propos visant à discréditer les gynécologues et obstétriciens français. La dernière enquête nationale périnatale, menée en 2010, faisait ainsi état d’un recours à l’épisiotomie dans 27% des accouchements, une baisse importante par rapport au décompte de 1998, qui s’élevait à 47%.

« Plus généralement, l’Ordre des médecins s’interroge sur l’accusation faite par Madame Schiappa selon laquelle ‘’les femmes étrangères, les femmes très jeunes et les femmes handicapées’’ seraient plus particulièrement victimes de violences obstétricales, accusation qui ne semble être corroborée par aucune étude publiée à ce jour. »

Bientraitance

Le Conseil national de l’Ordre des médecins regrette que la secrétaire d’Etat ait ainsi (« sans se rapprocher au préalable de professionnels qui auraient été en mesure de lui apporter des informations mises à jour et documentées ») « attaqué l’ensemble d’une profession dont la bientraitance envers les femmes est la tâche quotidienne ».

Face à la situation ainsi créée l’Ordre demande à la secrétaire d’Etat chargée de l’Egalité entre les femmes et les hommes, d’être reçu avec des représentants du Collège national des gynécologues et obstétriciens français. Objet de la rencontre : « évoquer ce qu’est aujourd’hui la réalité de l’exercice des gynécologues et obstétriciens en France ». Aucune demande officielle de mea culpa.

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Vapotage : Agnès Buzyn attend qu’on lui démontre qu’il peut être utile pour la santé publique

Bonjour

Pouvoir politique, santé publique et cigarette électronique. Voilà une petite vidéo qui en dit assez long. Olivier Véran y interroge Agnès Buzyn, ministre de la Santé, un poste qu’aurait pu occuper le premier. Faute d’avoir eu cette promotion il est aujourd’hui député (Isère) du parti du président. Olivier Véran et Agnès Buzyn ont, tous les deux, été des médecins hospitaliers.

« J’interrogeais hier en Commission des Affaires Sociales la Ministre des Solidarités et de la Santé, Agnès Buzyn, sur la place du vapotage dans la lutte contre le tabagisme et sur les régimes structurels à expérimenter dans les territoires pour financer les soins au parcours, en stimulant et en accompagnant les professionnels de santé dans leurs prises d’initiative » nous précise Olivier Véran.

Restons sur le vapotage. « Je voulais connaître, madame la Ministre, votre position personnelle sur la place du vapotage comme outil de lutte contre le tabagisme. Les dernières directives, quand elles ont été transposées en France, ont créé de l’émoi dans la communauté, très active, des vapoteurs qui craignent un retour en force de l’industrie du tabac dans ce secteur particulier qui est un outil de sevrage tabagique efficace. »

« Je ne me suis pas battue »

Que répond la ministre ? Que, spécialiste de cancérologie, elle a eu, sur le vapotage, des avis qui ont évolué au cours du temps. Qu’elle est « rarement dogmatique » et qu’elle fonde ses avis sur des « analyses de la littérature ». « Il fut un temps, dit-elle encore, où des études montraient que le vapotage réduisait le nombre de cigarettes fumées mais ne permettait pas l’arrêt du tabac. Or, en cancérologie, ce qui compte dans le tabagisme, c’est d’arrêter de fumer ; car c’est la longueur du tabagisme plus que le nombre de cigarettes fumées. Donc le vapotage n’apportait absolument pas le bénéfice que l’on souhaitait (…). Donc je ne me suis pas du tout battue pour que le vapotage soit favorisé. On avait, en plus, un certain nombre de doutes quant à la qualité des produits utilisés. »

C’était avant. Et maintenant ? « Moi, je suis la littérature scientifique. Si on me démontre maintenant que le vapotage est utile, je changerai éventuellement la façon dont il est encadré en France. En fait je n’ai pas d’avis personnel sur le sujet. »

Un appel du pied

A ce stade on peut, comme toujours désespérer du politique ; ou s’indigner que la ministre de la Santé ne soit pas pro-active, qu’elle ne réclame pas (à l’Inserm, par exemple) de mener au plus vite les études qui établiraient ce qu’il en est de ce formidable levier contre la « principale cause de mortalité évitable ». Ne pas comprendre qu’elle ne s’inspire pas du modèle britannique…

Mais on peut aussi observer le principal progrès : après le long aveuglement mutique de Marisol Touraine voici une ministre qui entrouvre la porte à un possible changement. Comme une promesse de mea culpa politique de l’exécutif.

Résumons: faute d’user des pouvoirs médicaux et scientifiques qui sont désormais les siens Agnès Buzyn attend qu’on lui apporte des preuves de l’intérêt du vapotage en termes de réduction du tabagisme et de progrès pour la santé publique. On peut imaginer que cet appel du pied ne sera ignoré ni de la communauté, très active, des vapoteurs ni de celle, également dynamique et éclairée des spécialistes de la lutte contre les addictions et pour la réduction des risques. On pourrait aussi espérer que le député Véran, bien au fait su sujet, suive au plus près l’évolution de ce dossier.

A demain

Qui se souvient qu’il y a 40 ans Simone Veil engageait le combat contre le fléau du tabac ?

Bonjour

Après la mort, la masse des éloges officiels étouffe parfois des éléments essentiels. Ainsi Simone Veil. A la suite de notre rappel-vidéo des réflexions sur la lutte contre le tabac de celle qui, en 1975, était ministre de la Santé nous avons reçu une remarque (un tantinet) vinaigrée signée du Dr Anne Borgne, membre de SOS Addictions et présidente du Réseau des établissements de santé pour la prévention des addictions (Respadd) sur le fléau du tabac. « Je suis assez étonnée, écrit-elle, que personne ne cite la loi Veil imposant, en 1976, l’interdiction de fumer dans les lieux publics; loi qui a fait le lit de la loi Evin, puis du décret Bertrand qui nous amène à l’énorme avancée de la régulation de l’usage du tabac aujourd’hui. »

Dont acte. Et mea maxima culpa. De fait la « Loi n° 76-616 du 9 juillet 1976 relative à la lutte contre le tabagisme » constitue le premier pas en faveur de la lutte contre le tabagisme en France. La mémoire officielle sur internet n’en garde qu’un fac-similé incomplet.

« Abus dangereux »

« Cette loi instaure une réglementation de la promotion des produits du tabac, désormais limitée à la seule presse écrite, et impose la mention de l’avertissement sanitaire ‘’abus dangereux’’ sur les emballages, rappelle le CNCT.  Elle prévoit également l’instauration obligatoire d’interventions informatives sur le tabac et ses dangers dans les établissements scolaires et auprès de l’armée. Enfin, elle interdit le parrainage de manifestations sportives par les cigarettiers et l’usage de tabac « ‘’dans les lieux affectés à un usage collectif où cette pratique peut avoir des conséquences dangereuses pour la santé ‘’».

On connaît la suite, qui conduira à la loi Evin du 10 janvier1991 : il aura fallu pas moins de quinze ans pour que le politique ait le courage de s’attaquer à nouveau au sujet. Puis attendre seize ans pour que le « décret Bertrand » (applicable depuis le 1er février 2007) étende l’interdiction de fumer dans les lieux à usage collectif. C’était il y a dix ans, soit deux quinquennats. Et depuis, quid de l’action politique ? Des mots certes ; mais rien, ou presque. « Pour tout ce qu’elle a aussi fait, vécu, bravo Madame Veil » conclut le Dr Anne Borgne.

A demain