Bonjour
Violences politiques et maintien de l’ordre républicain. Que va-t-il se passer, après-demain, au contre-G7 de Biarritz ? Pour l’heure c’est une lettre au Lancet : « Yellow vests protests: facial injuries from rubber bullets ». Une lettre chirurgicale signée par douze spécialistes français de chirurgie maxillo-faciale œuvrant dans six établissements hospitalo-universitaires de l’AP-HP 1. Une lettre éminement politique dans une revue internationale prestigieuse mais qui n’a guère eu d’écho médiatique dans l’Hexagone – à l’exception notable La Croix (Pierre Bienvault) : « Des médecins dénoncent la gravité des blessures par LBD » puis par Le Canard Enchaîné (Sorj Chalandon) : « Des chirurgiens dissèquent le LBD »
Où l’on apprend, dans le détail, que les « lanceurs de balles de défense » (LBD) utilisés par la police face aux Gilets Jaunes ont provoqué de sérieuses fractures du visage et entraîné de nombreuses atteintes oculaires graves et irrémédiables.
« En tant que médecins, nous estimons qu’il est de notre devoir d’alerter sur la gravité des blessures que peuvent provoquer ces armes dites non létales, explique à La Croix la professeure Chloé Bertolus, chef du service de chirurgie maxillo-faciale à La Pitié-Salpêtrière à Paris. Nous avons reçu des personnes ayant de graves fractures au niveau de la mâchoire ou de la pommette. Ce sont les mêmes blessures que l’on retrouve chez des individus qui se font frapper à coups de batte de baseball » Vingt-et-un patients qui, pour la plupart, ont été contraints de « s’alimenter par voie liquide durant environ six semaines ». Sans pour autant que l’on puisse parler de « gueules cassées » :
« Aujourd’hui, on ne parle de ‘’ gueules
cassées’’ que pour les blessés par armes à feu. Dans ce cas, il peut arriver
que le visage soit en partie déchiqueté et qu’on soit obligé de faire des
reconstructions lourdes en prélevant du muscle ou de la peau sur d’autres
parties du corps. On n’est pas obligé d’en arriver là pour les blessures avec
les balles en caoutchouc. Elles sont sérieuses mais tous les morceaux du visage
sont là. Il faut juste attendre que tout se remette en place. »
Que va-t-il se
passer au contre – G7 de Biarritz ?
On
se souvient que le premier médecin à avoir alerté sur la dangerosité des
LBD est le professeur Laurent Thines, neurochirurgien et chef de service au CHU
de Besançon. En janvier dernier janvier il avait courageusement lancé une pétition
pour dénoncer l’usage de ces armes :
« En
regardant les photos des blessés dans les médias ou dans les réseaux sociaux,
j’ai été bouleversé par le nombre et la gravité de ces atteintes au niveau de
la tête et du visage. J’ai décidé de réagir notamment après avoir reçu
de collègues des images de patients ayant eu des fractures du crâne avec des
hémorragies cérébrales. Et il y a aussi de gens qui ont perdu un œil ».
Puis, en février, trente-cinq ophtalmologues français avaient écrit à Emmanuel Macron pour s’émouvoir du « nombre inédit de contusions oculaires graves » entraînant «des lésions souvent au-dessus de toute ressource thérapeutique ». Dans ce courrier, ces médecins faisaient un parallèle avec les blessures provoquées par des balles de golf à l’origine d’une perte de la vision dans la majorité des cas :
« Ces balles mesurent 40 mm de diamètre et
lorsqu’elles arrivent sur le visage avec une grande force de propulsion, elles
s’encastrent dans l’orbite, toute l’énergie cinétique étant transmise au globe oculaire. Les balles
de LBD mesurent également 40 mm de diamètre, leur énergie cinétique est
considérable puisqu’elle est encore de 220 joules à 40 m, bien supérieure
à celle d’une balle de golf. Le grand nombre de balles tirées avec une
force cinétique conservée à longue distance et l’imprécision inhérente à cette
arme devaient nécessairement entraîner un grand nombre de mutilations. »
Les ophtalmologues réclamaient un moratoire. Aucune réponse et pas de moratoire. Laurent Nuñez, en juin, sur RTL : « Quand il y a une agression contre des policiers et qu’il y a une riposte proportionnée, oui il peut y avoir des blessés. Ce n’est pas parce qu’une main a été arrachée, parce qu’un œil a été éborgné, que la violence est illégale ».
Est-ce parce qu’elle n’est pas illégale que la violence doit conduire des chirurgiens à écrire au Lancet ? Que va-t-il se passer, après-demain, au contre-G7 ?
A demain @jynau
- Lartizien Rodolphe1, Schouman Thomas2, Raux Mathieu3, Debelmas Alexandre2, Lanciaux-Lemoine Sophie2, Chauvin Aurore4, Toutee Adelaïde4, Touitou Valérie4, Bourges Jean-Louis5, Goudot Patrick2, Bertolus Chloé2, Foy Jean-Philippe6.
1Department
of Maxillo-Facial Surgery, Groupe Hospitalier Pitié-Salpêtrière Charles Foix,
Assistance Publique des Hôpitaux de Paris, Sorbonne Université, Paris, F-75013,
France; Université Grenoble Alpes, Grenoble, France.
2Department
of Maxillo-Facial Surgery, Groupe Hospitalier Pitié-Salpêtrière Charles Foix,
Assistance Publique des Hôpitaux de Paris, Sorbonne Université, Paris, F-75013,
France.
3Department
of Anaesthesiology and Critical Care, Groupe Hospitalier Pitié-Salpêtrière
Charles Foix, Assistance Publique des Hôpitaux de Paris, Sorbonne Université,
Paris, F-75013, France.
4Department
of Ophthalmology, Groupe Hospitalier Pitié-Salpêtrière Charles Foix, Assistance
Publique des Hôpitaux de Paris, Sorbonne Université, Paris, F-75013, France.
5 Department
of Ophthalmology, Hôpital Cochin, Assistance Publique des Hôpitaux de Paris,
Université Paris Descartes, Paris, France.
6Department
of Maxillo-Facial Surgery, Groupe Hospitalier Pitié-Salpêtrière Charles Foix,
Assistance Publique des Hôpitaux de Paris, Sorbonne Université, Paris, F-75013,
France. Electronic address: jean-philippe.foy@aphp.fr.