Vérité sur l’hydroxychloroquine : la dernière étude du Pr Didier Raoult ? C’est «nul de chez nul !»

Bonjour

28/06/2020. Se faire désirer. De même que le désir peut loger chez une précieuse, la violence peut ne pas être absente chez les servants de la science. Force est ici de reconnaître que ces dernières semaines le Pr Didier Raoult est parvenu, depuis son Fort Vauban de Marseille, à faire sauter quelques couvercles. Il entrouvre les sombres coulisses d’un spectacle généralement parfaitement rôdé sur scène, impose des réactions violentes, dynamise l’ensemble de la troupe quand il ne la fracture pas.

Dernière représentation en date, 24 juin : Monsieur Loyal face à la commission d’enquête de l’Assemblée nationale. Un spectacle de plus de trois heures que l’on peut revoir, gratuitement, à l’envi et grâce à LCP, en cliquant ici. Trois heures … Nous étions passé trop vite sur un passage édifiant, trois minutes seulement avant la fin. Question du généticien reconnu et député  Philippe Berta (MoDem, Gard). Quand la plupart des députés minaudent, lui parle d’égal à égal avec l’omniscient directeur général de l’IHU Méditerranée Infections, cette « Rolls Royce »  de l’infectiologie obtenue, souligne-t-il, grâce au « grand emprunt ». Question :

 « (…) Pourquoi, mais pourquoi  n’avez-vous pas mené une étude clinique digne de ce nom, dès le départ, qui aurait pu définitivement répondre, oui ou non, l’hydroxychloroquine a un effet ? (….) Je connais tous vos travaux, votre science bien établie (…) Vous saviez très bien que ces pseudo-essais thérapeutiques, ces pseudos essais-cliniques n’étaient absolument pas recevables par qui que ce soit (…). Pourquoi ne l’avez-vous pas fait cet essai ? Cela nous titille tous dans notre communauté, dès le départ. »

« Je reste un grand scientifique après avoir publié ça ! »

 Visiblement surpris, dérangé, agacé par cette froide attaque le Pr Raoult a dit qu’il n’était « pas d’accord avec ça », expliqué que ce qu’il avait fait n’était que de l’ « éthique basale » (résumé : «l’éthique n’a rien à voir avec la méthodologie ; quand on a la preuve que quelque chose marche on arrête l’essai »). Puis, désolé des propos de son confrère, le microbiologiste a dit « aimer beaucoup son essai » (sic), avant d’asséner son coup de marteau : « Contrairement à ce que vous dites « moins il y a de gens dans un essai, plus c’est significatif. (…) Tout essai qui comporte plus de 1 000 personnes est un essai qui essaie de démontrer quelque chose qui n’existe pas. C’est de l’intox…. » Avant de poursuivre sa démonstration et de conclure  : « Je suis un très grand méthodologiste ! (…) J’étais, avant,  un grand scientifique et, après ça je reste un grand scientifique après avoir publié ça. »  Fin des débats parfaitement conduits par Brigitte Bourguignon (LREM, Pas-de-Calais) présidente de la Commission d’enquête

Puis rebondissement : le 25 juin, au lendemain de cet échange éclairant, le Pr Raoult publiait dans Travel Medicine and Infectious Disease (TMAID ;  revue très proche de l’lHU Méditerranée) une vaste étude portant sur 3 119 personnes traitées avec le « protocole Raoult » comparées à d’autres patients ayant bénéficié d’un autre traitement. Conclusion :

 « Les résultats suggèrent qu’un diagnostic, un isolement et un traitement précoces des patients Covid-19 avec au moins trois jours d’administration d’hydroxychloroquine et d’azithromycine conduisent à des résultats cliniques significativement améliorés et à une baisse de la charge virale plus rapide qu’avec d’autres traitements. »

Cette étude était très attendue, évoquée à plusieurs reprises par Didier Raoult comme une sorte de point d’orgue de ses travaux ; une « étude rétrospective » dont les conclusions sont toujours infiniment plus fragiles que le standard des « essais cliniques prospectifs ». Le Monde (Hervé Morin) a patiemment, méthodiquement, journalistiquement, cherché à en évaluer la valeur. Le bilan laisse plus que songeur.  « Nul de chez nul », résume Dominique Costagliola, directrice adjointe de l’Institut Pierre-Louis d’épidémiologie et de santé publique (Sorbonne Université, Inserm) qui énumère les raisons pour lesquelles la comparaison entre les patients traités et les autres n’est en rien valide.

Mathieu Molimard (université de Bordeaux) pharmacologue et pneumologue : « Que peut-on dire ? On compare des choux et des carottes et même en ajustant la taille des feuilles cela reste des choux et des carottes. » 

Anton Pottegard, professeur de pharmaco-épidémiologie (University of Southern Denmark) qui a récemment contribué à définir des directives pour bien mener de telles études face à l’urgence liée au Covid-19 – directives approuvées par la Société internationale de pharmacoépidémiologie : « Pour faire court, je n’ai pas confiance dans les résultats de l’étude, indique-t-il. Pourquoi ? Parce qu’elle ne répond pas aux exigences les plus basiques auxquelles elle devrait souscrire. Il y a de nombreux problèmes, chacun étant très préoccupant. Pris ensemble, ils rendent cette étude 100 % inutile pour guider la pratique clinique. »

« Embrasser les patients sur le front pendant trois jours »

Il s’explique : « Ceux qui sont traités sont comparés à ceux qui ne le sont pas. Le principal problème est que ceux qui ne survivent pas au traitement sont classés comme non traités. » Il propose une comparaison : « Je pourrais proposer un nouvel essai clinique : embrasser les patients sur le front pendant trois jours. Je comparerais ceux qui auraient reçu les trois baisers à ceux… qui n’auraient pas survécu pour les recevoir. L’effet du traitement serait formidable : aucun des patients ayant reçu mon traitement ne serait mort. » 

Le Monde rapporte encore que Didier Raoult, qui avait espéré faire paraître ses travaux dans The Lancet, nettement plus prestigieux que son TMAID – mais que le journal médical britannique l’avait rejetée d’emblée. Il est vrai, conspirationnisme ou pas que The Lancet, en raison de son tropisme anti-Trump et donc antihydroxychloroquine avait préféré publier une étude défavorable à cette molécule ; étude controversés puis rétractée, qualifiée de «foireuse » par Didier Raoult qui avait ensuite évoqué les « Pieds nickelés » du Lancet et les failles majeures du système de relecture-validation des publications de cette -toujours- prestigieuse revue.

Le dernier clou marseillais est enfoncé depuis le Danemark. « Bien que ça me chagrine, je dois en conclure que sa publication [du Pr Raoult] est un nouvel exemple d’une faillite complète du système de relecture par les pairs » déclare Anton Pottegard. Contactés par Le Monde pour réagir à ces critiques (qui les transforment en arroseurs arrosés) le Pr Didier Raoult et son équipe n’avaient pas répondu au moment du lancement des rotatives numérisées. Cela ne saurait tarder.

A demain @jynau

« Hydroxychloroquine – Didier Raoult », la grande affaire française étrillée depuis Genève

Bonjour

04/06/2020. C’est acquis : l’affaire « Didier Raoult – Chloroquine » est devenue la grande affaire nationale française du moment. Elle intègre à merveille la peur et l’espoir, la médecine à la science, la croyance à la politique, le médiatique aux polémiques, les élites aux Gilets Jaunes. Jouant miraculeusement de l’étrange, l’homme parle où et quand il veut, délivre des messages, philosophe sur la médecine, cet art qui se nourrit de science, dénonce les vices de sa confrérie, accuse les méthodologistes-mathématiciens glorifie en permanence son parcours et ses compétences.

C’est sans précédent et cela dure, l’affaire s’auto-alimente. Pour autant, sauf à imaginer une rapide propulsion vers les sphères politiques (Didier Raoult, ministre de la Santé et/ou maire de Marseille) le sujet, bientôt, s’épuisera.

Pour l’heure, tout ceci intéresse-t-il au-delà de nos frontières ? Comment, par exemple, perçoit-on ce phénomène depuis Genève ? Donnons ici un extrait du « bloc-notes » 1 que tient le Dr Bertrand Kiefer dans la Revue Médicale Suisse dont il est le rédacteur en chef :

« Il était un savant de Marseille qui, depuis son bain de bulles, affirmait que la pandémie commençante serait moins mortelle que les accidents de trottinette. Il savait, avec certitude. Le même savant annonce ces jours la fin imminente de la pandémie. Il sait, là encore. Et c’est lui qui, enveloppé dans son immense savoir et télégénisé par son look ésotérico-rebelle, a entraîné le monde sur la piste savonneuse d’un antimalarique miracle.

« Avec ses disciples (groupe qui comprend une partie non négligeable de l’humanité, quantité de chefs d’État, plein de professeurs et de médecins de tous poils, et un quarteron de spécialistes fumeux), il affronte les autres, l’élite, les « bien-pensants », affirmant que l’urgence pandémique exige d’abandonner la servitude de la méthode et de l’éthique de la recherche scientifique. S’imposerait donc, selon lui, l’instinct, le savoir infus.

La bouée, le parachute et le savoir du gourou

« Quand quelqu’un se noie, on lui lance une bouée, sans d’abord vérifier son efficacité, ou encore, quand on saute d’un avion, on utilise un parachute, même s’il n’a jamais fait l’objet d’une recherche contre placebo (cet argument prend au sérieux un article du BMJ sur le sujet, publié dans l’un des numéros de Noël connus pour servir de défouloir annuel à l’humour british). Certes, mais comment savoir qu’on a bien affaire à une bouée ou un parachute ? Le gourou, lui, sait.

« En conséquence, tout a été fait à l’envers. Courant derrière l’engouement international, quantité d’études ont été lancées, impliquant des dizaines de milliers de patients dans le monde, sans coordination, avec des protocoles souvent bâclés. Il a fallu trois mois d’un immense effort pour que la marge d’ignorance se resserre. Résultat : l’antimalarique n’est en tout cas pas le médicament-miracle annoncé, celui qui devait sonner la « fin de partie » (selon le savant) ou s’imposer en « game changer » (selon un autocrate narcissique nord-américain). Mais l’argent et l’énergie drainés par ces études (sans compter la difficulté à recruter les patients : personne ne voulant plus prendre le risque de se trouver dans un bras autre ou placebo) ont empêché de tester d’autres hypothèses intéressantes, à l’efficacité a priori autant, voire davantage plausible. Un immense gâchis. »

Il nous restera à comprendrecomment une telle « flambée d’irrationnel » a pu se mondialiser à la vitesse de la pandémie. « Il faudrait analyser les ressorts archaïques qui meuvent les humains, même à l’ère des réseaux sociaux, écrit le Dr Kiefer. Besoin de croire, transes émotionnelles, attachement à la figure sacrée de la victime (le savant persécuté), violence mimétique antiscience et anti-establishment ? Les technologies de l’information sont de formidables machines à amplifier les vieux modèles. » Il ajoute :

« A quoi se reconnaît un pseudo-scientifique ? A ceci : il sait. Il est soit infatué, soit incompétent. Mais l’infatué ne cherche pas à savoir. Et savoir qu’on est incompétent demande d’être compétent. »

A demain @jynau

1 Kiefer B Science et doutes : le bazar Rev Med Suisse 2020; volume 16. 1068-1068

Chloroquine et égotisme. A propos de deux cas célèbres : le président Trump et le Pr Didier Raoult

Bonjour

04/06/2020. En rire ? Donald Trump, 73 ans, 1,90m, pèse 110kg, rythme cardiaque : 63 pulsations par minute. Vaccinations à jour. Bon état général. N’a constaté aucun effet secondaire durant  le « traitement préventif » de deux semaines d’hydroxychloroquine qu’il avait souhaité pouvoir prendre. L’annonce vient d’en être faite par le Dr Sean Conley, médecin de la Maison Blanche.

«Le président a terminé ce traitement en toute sécurité et sans effets secondaires, a indiqué le Dr Sean Conley dans un communiqué sur l’état de santé du président. Il continue à subir régulièrement des tests Covid-19 et à ce jour tous les résultats ont été négatifs».

Donald Trump avait révélé le 18 mai qu’il prenait quotidiennement de l’hydroxychloroquine.  «J’en prends depuis dix jours, un comprimé par jour», avait alors déclaré le président américain à la stupéfaction générale, lors d’un échange avec les journalistes à la Maison Blanche. «J’entends beaucoup de choses extraordinairement positives» sur ce médicament, avait-il justifié. Vous connaissez l’expression: qu’est-ce que vous avez à perdre?»

On rappellera que la FDA américaine en déconseille l’usage «en dehors d’un milieu hospitalier ou d’essais cliniques, en raison du risque de troubles du rythme cardiaque. On rappellera aussi que la plus grande confusion règne dans ce domaine après la remise en cause par The Lancet et The New England Journal of Medicine d’études publiées dans leurs propres colonnes. On ajoutera enfin, corollaire, qu’en France le Pr Didier Raoult, (objet de premiers sondages nationaux) continue d’avancer sur son chemin de gloire médiatico-politique.

La dernière étape est datée du 3 juin : un nouvelle interview « exceptionnelle » royalement accordée  à Ruth Elkrief et Margaux de Frouville (BFM TV) en son bureau marseillais. Avec cette confidence : « La notoriété acquise à cette occasion me pèse plus qu’autre chose, je m’en fous un peu ». Interrogé sur son flamboyant  égotisme 1, le microbiologiste a cette réponse amplement signifiante : « La mégalomanie, ceux qui en parlent sont ceux qui sont incapables de voir la grandeur. On peut toujours dire que de Gaulle ou Churchill étaient mégalomanes. Ça m’indiffère. » En rire ?

A demain @jynau

1 Egotisme. A.- Disposition de celui ou de celle qui fait constamment référence à soi en particulier dans le discours. « Mais n’est-ce pas aussi que je la fatiguais par la monotonie de mes propos? Mon égotisme outre qu’il est peu séduisant, ne se renouvelle guère ». Barrès, Un homme libre,1889, p. 209.

Tendance à s’analyser, dans sa personne physique et morale.  « L’égotisme littéraire consiste finalement à jouer le rôle de soi; à se faire un peu plus nature que nature; un peu plus soi qu’on ne l’était quelques instants avant d’en avoir eu l’idée ». Valéry, Variété II,1929, p. 96.

B.− Quasi-synon. de égocentrisme et de égoïsme. « Elles [les femmes] ont d’ailleurs des sens très rudimentaires, des sens de femelles, peu perfectibles, inaccessibles à ce qui ne touche pas directement l’égotisme féminin qui absorbe tout en elles ». Maupassant, Notre cœur,1890, p. 455.

C.− Philosophie. D’un point de vue théorique et avec une valeur laudative, exaltation du sentiment du moi dans son unicité « La religion du MOI, le culte de la personne intime, la contemplation de soi-même, le divin égotisme (France, Vie littér.,t. 4, 1892, p. 226):

Bernard-Henri Lévy dénonce tous ces médecins qui nous faisaient la leçon à la télévision

Bonjour

01/05/2010. Pour un peu, en rire : « Sur la pandémie, Bernard-Henri Lévy n’a rien à nous dire, aussi en fera-t-il un livre ». Or il l’a (déjà) fait  : « Ce qui virus qui rend fou » 1. Et ce matin le philosophe était (déjà) l’invité du Grand Entretien de la matinale de France Inter en compagnie de Nicolas Demorand et Léa Salamé.

Etait-ce la précocité de l’heure ou la complexité d’un sujet trop vite survolé ?  On a connu BHL capable d’autres envolées. Comment comprendre, par exemple, qu’il puisse attribuer à Paul Valéry « et d’autres » (sic) la célèbre formule de René Leriche : « La santé c’est la vie dans le silence des organes ». Pour le reste qu’a-t-il à nous dire ? Extraits :

« Il y a eu une sorte de mondialisation de la peur, la façon dont, à la seconde, une épidémie de terreur s’est abattu sur le monde, ça ne s’est jamais produit (…) Je trouve que les villes vides, c’est pas beau, rester chez soi était utile pour une raison sanitaire, mais ce n’est pas une vertu.

« Sanitairement, il fallait les gestes barrières, cesser de se serrer la main…la vrai problème, c’est que les gens se soient confit dans ce confinement, cette incroyable docilité, que ce silence des organes soit un silence de couvre-feu et mirador. Quand j’entends certains médecins, comme Anthony Fauci, dire ‘le serrement de main ne reviendra plus’, c’est affreux ! (…) J’ai du mal à associer soumission et … grandeur : je trouve qu’il y a plus de grandeur chez ceux qui ont accepté les règles en râlant.

« Pascal ne disait pas que rester chez soi était de cuisiner et mettre ses plats sur Instagram, mais que c’était douloureux, que le repli sur le soi n’est pas une vertu (…) On est devenu délateur. Il y a eu des actes de civisme, mais aussi un incivisme grandissant : le civisme, c’est pas de s’enfermer, de jouir de rester chez soi« .

« Il y avait un traitement plus complexe à faire de tout ça (…) Il y avait quelque chose qui était en route et qui est en train de se sceller. Nous sommes de plus en plus nombreux à choisir la santé dans le débat entre sécurité et santé (…) Le passage entre contrat social et contrat vital : c’est ce qui est préoccupant, je crois que c’est pas un bon deal. »

« La République ce n’est pas le pouvoir des experts ! »

De cette promotion on ne retiendra guère, avec la mémoire de Michel Foucault, que le passage les rapports entre pouvoir politique et le pouvoir médico-scientifique. Un pouvoir politique qui cherche à se relégitimer grâce à un « supposé savoir » associé à un « abus d’autorité incroyable ». Le Pr Jean-François Delfraissy et son Conseil scientifique apprécieront- de même qu’Emmanuel Macron. BHL:

« Ces médecins qui passaient leur temps à nous faire la leçon à la télévision, pardonnez-moi mais moi, à l’oreille j’entendais l’abus d’autorité. Ce pouvoir médical cela fait des siècles qu’il se cherche, des siècles qu’il tente de s’imposer. Et là il a failli triompher ! La République ce n’est pas le pouvoir des experts ! La République c’est le pouvoir des politiques. La République ce n’est pas l’hygiénisme, c’est pas le pouvoir des médecins qui transforme la politique en clinique, qui font la chasse au virus …. La politique, ce n’est pas le pouvoir médical … »

Et le philosophe médiatique d’accuser journalistes, médias et spectateurs d’avoir accepté cette « prise de pouvoir par les médecins ». « D’ailleurs les meilleurs d’entre eux savaient que c’était absurde, ils étaient embarrassés de ce rôle, ils savent qu’ils ne sont pas d’accord les uns avec les autres, que la médecine n’est que très partiellement une science exacte, que la médecine c’est plein de querelles, que c’est encore pire que la philosophie… ».

Selon lui le président de la République a eu grand tort de parler de « guerre », les médecins et les médias ont eu tort d’entretenir un sentiment de peur cette « mauvaise conseillère ». Avec, en toile de fond des « émerveillés du confinement », un monde qui serait (enfin) débarrassé des humains.

Et BHL d’évoquer (lui aussi) le Pr Didier Raoult qu’il n’est pas sans admirer.

« Moi je connais la chloroquine, je suis un vieux paludéen, c’est aussi un bon médicament, il m’a sauvé la vie il y a cinquante ans… Le spectacle qu’ont donné les médecins à cette occasion, ce tintamarre,  cette pétarade, cette chamaillerie, cette pétarade à la table du roi, c’était l’illustration  du pire de ce que je dis sur les exagérations du pouvoir médical. »

Précision : durant le confinement BHL n’est pas allé à la campagne. Il est resté à Paris et n’a fait que deux reportages, l’un au Bangladesh, l’autre à Lesbos.

A demain @jynau

1 « Ce virus qui rend fou » Bernard-Henri Levy, Editions Grasset, 112 pages, 8 euros, sortie le 10 juin L’ intégralité des droits d’ auteur de ce livre sera versée à l’ ADELC (Association pour le Développement de la Librairie de Création).

Hydroxychloroquine : mais pourquoi diable le Christ s’est-il arrêté à Marseille ?

Bonjour

31/05/2020. Jour de Pentecôte. Questions : Comment lutter contre la promesse d’un traitement miraculeux ? Comment sortir du face-à-face entre un professeur au discours de gourou et des scientifiques aux airs de rats de laboratoires ? Elles sont posées, dans Libération par le Pr. Frédéric Adnet, chef de service des urgences de l’hôpital Avicenne, chef du SAMU 93. Edifiant.

Moins bien connu du plus grand nombre que le microbiologiste de Marseille, le Pr Adnet est néanmoins apparu, ces derniers temps, dans les médias télévisés, où il sait parler haut, clairement, et fort – comme après des propos inexcusables du préfet de police Lallement sur le confinement.

Aujourd’hui, dans Libération il s’attaque à une autre montagne. Il nous confie sa découverte, via une vidéo YouTube, du Pr Didier Raoult. « Dans un cours ‘’improvisé’’, celui-ci expliquait, doctement, les éléments d’un traitement miraculeux du Covid-19 : l’hydroxychloroquinen raconte-t-il. Devant nos yeux ébahis, nous assistions, dès l’administration de ces molécules, à l’effondrement des courbes de charges virales ! Étudiée de plus près, d’un point de vue rationnel et au regard de la rigueur scientifique, la démonstration était… catastrophique. De quoi jeter sa copie au nez d’un interne négligent. Peu importe ! Le ton était donné. D’un côté, l’intuition du professeur, étayé par une communication professionnelle et un sens aigu de la vulgarisation ; de l’autre, des scientifiques, à l’expression austère, prudente, et peu enclins à se faire mettre en pièces par les réseaux sociaux. En un mot, un discours de gourou face au murmure de rats de laboratoires. »

Comment lutter contre une réponse simple à une question complexe ? Comment, en ce jour de Pentecôte, lutter contre un miracle attesté « par une multitude de scientifiques autoproclamés, des professeurs retraités à la recherche d’une ultime heure de gloire, de politiciens flairant le bon coup, faux spécialistes mais vrais communicants, avides de s’associer à une des nombreuses découvertes fracassantes sur la prise en charge de la Covid-19. » ?

On lira la tonique tribune du Pr Adnet dans Libé : « Hydroxychloroquine : le Christ s’est arrêté à Marseille ». Extraits :

« Plus fort que l’absence de méthode scientifique, il y a la méthode de persuasion, toujours la même, l’appel à des bribes d’observations plus ou moins crédibles qu’un rapide raccourci transforme en un lien de causalité pour aboutir à une conclusion logique, mais fausse, et surtout jamais soumise à une expérimentation comparative. On pourrait appeler cela un sophisme rigoureusement scientifique. (…)

« Aller vite ! Cet argument a été invoqué par le Pr Didier Raoult lors de la présentation des 1 061 patients inclus dans une recherche observationnelle. Mais pourquoi ne pas avoir inclus un groupe de patients «contrôle» obtenu par tirage au sort (randomisation) ? La comparaison des deux groupes aurait pu donner une réponse définitive. Sa réponse ? L’intuition, toujours l’intuition, encore l’intuition, tellement forte qu’elle devient force de loi scientifique ! Ne restait plus qu’à trouver LE médicament miracle…

« En médecine, cela existe, comme on l’a vu lors de la découverte de la pénicilline, mélange de hasard et de rigueur scientifique, et non due à la seule intuition ! (…) Le problème, majeur, se pose quand la seule intuition, et une communication à grand spectacle veulent tenir lieu de preuve. Et que face à un quasi divin fondé sur la croyance – «je sens, je sais, donc tu dois croire» – la médecine officielle et ses contre-pouvoirs paniquent en réagissant d’une façon tout aussi maladroite. »

Et le Pr Adnet de revenir sur le dernier et spectaculaire épisode de la série :  la publication dans The Lancet, d’une étude observationnelle rétrospective associant surmortalité et traitement par l’hydroxychloroquine.  Les auteurs soulignaient qu’il s’agissait d’une étude à bas niveau de preuve (absence de lien de causalité) et concluaient que, seule, une étude randomisée prospective pourrait répondre au lien entre hydroxychloroquine et efficacité/dangerosité dans le traitement de la Covid-19.

« Bref, l’article donnait certes une piste importante, mais ne permettait pas de trancher… résume le Pr Adnet. Peu importe ! La réponse de nos tutelles OMS et ANSM, a été immédiate et radicale : interdiction des essais sur la chloroquine ! Une réponse couperet qui n’aura évidemment comme conséquence que d’éterniser le débat et d’enraciner des théories obscurantistes ou complotistes. Ainsi, on ne pourra plus démontrer que son protocole ne marche pas, voire qu’il peut être dangereux… Un beau cadeau à la médecine fondée sur la croyance. Quelle aberration ! C’est la victoire totale du Pr Didier Raoult. »

Ainsi donc le Christ a bien fait une halte à Marseille. « La grande victime de cette spectaculaire et brutale confrontation est donc bien au final la médecine conclut l’urgentiste. Pas celle de la croyance, grande gagnante de ce spectacle, mais bien l’autre médecine, la nôtre, celle fondée sur les preuves. » 

A demain @jynau

A lire également, sur ce thème : Essais cliniques au cours de la pandémie Covid-19 : Cibles thérapeutiques, exigences méthodologiques, impératifs éthiques Académie nationale française de médecine, 29 mai 2020

Hydroxychloroquine : le Pr Didier Raoult juge «foireuse» la publication critique du Lancet

Bonjour

25/05/2020. Le niveau ne monte pas. Le microbiologiste Didier Raoult considère l’étude critique publiée dans The Lancet concernant ses recommandations thérapeutiques comme une «espèce de fantaisie complètement délirante». Et la qualifie, élégamment, de « foireuse » 1.

« Comment voulez-vous qu’une étude foireuse faite avec les  »big data » change ce que nous avons?», interroge le Pr Raoult, depuis son Institut hospitalo-universitaire (IHU) Méditerranée Infection à Marseille, dans une vidéo postée sur le site de l’établissement. Une vaste étude internationale parue vendredi 22 mai dans The Lancet jugeait inefficace voire dangereux le recours à la chloroquine ou à ses dérivés comme l’hydroxychloroquine contre le Covid-19. L’Organisation mondiale de la santé a décidé de suspendre les essais cliniques sur l’hydroxychloroquine par mesure de sécurité. Et Olivier Véran s’apprête à faire de même en France.

«Rien n’effacera ce que j’ai vu de mes yeux», assure de son côté Didier Raoult. Le professeur marseillais revendique, pour son groupe de 3600 patients, dont la plupart ont été traités par l’association hydroxychloroquine et azithromycine, «la mortalité la plus basse au monde (…) à 0,5%». Dans leur étude, les auteurs publiés par The Lancet ont observé une surmortalité chez les personnes traitées par cette association et recommandent de ne pas administrer ces traitements en dehors des essais cliniques.

«Je ne sais pas si ailleurs l’hydroxychloroquine tue mais ici elle a sauvé beaucoup de gens», assure Didier Raoult. Il a aussi balayé l’hypothèse de sérieuses arythmies cardiaques provoquées par ce traitement, assurant qu’à Marseille aucun phénomène de ce genre n’avait été observé malgré «10.000 électro-cardiogrammes» pratiqués.

Comment faire, désormais, pour remonter le niveau et la qualité des échanges médicaux et scientifiques ? Demander à Michel Onfray ?

A demain @jynau

1 Foireux Pop. [Correspond à foirer ] Qui échoue; dont les actes, les effets sont déplorables ou n’ont aucune portée. L’orchestre excellent, sauf les cors du début toujours un peu foireux (Willy, Notes sans portées,1896, p. 50).Folantin! Ce peintre de plomb, ce grisailleur foireux, ce plagiaire du néant (Bloy, Femme pauvre,1897, p. 272).

Alerte sur l’hydroxychloroquine : sécurisation immédiate des stocks des pharmacies d’officine

Bonjour

26/03/2020. C’était malheureusement plus que prévisible : le battage (battement) médiatique croissant sur les vertus supposées de l’hydroxychloroquine (déclenché depuis Marseille par le Pr Didier Raoult) a eu les effets pervers que l’on pouvait redouter.

Aujourd’hui l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) dit avoir été « alertée de difficultés d’accès dans les pharmacies en ville aux traitements Plaquenil (hydroxychloroquine) » – difficultés d’accès pour les malades chroniques à qui ces médicaments sont destinés (lupus et polyarthrite rhumatoïde notamment).

Or, faudrait-il rappeler que le Plaquenil n’a pas d’indication dans la prise en charge du COVID-19 en ville (avis du Haut conseil de santé publique du 24/03/2020 ) ?  Il n’y a donc aucune justification à sa prescription dans cette indication. Et l’ANSM de lancer cette alerte :

« Aussi, conformément au décret du 25 mars 2020   (pris en application de « la loi d’urgence pour faire face à l’épidémie du COVID-19 » ), nous demandons aux pharmaciens d’officine de ne délivrer ce médicament que sur prescription médicale dans leurs indications habituelles, ceci afin de sécuriser leur accès aux patients qui en bénéficient pour leur traitement chronique » 

L’ANSM insiste : le Plaquenil n’est pas autorisé  dans la prise en charge du Covid-19 en médecine de  ville et ce alors que ce médicament fait actuellement l’objet d’une demande massive. Il s’agit de « protéger » les patients qui en ont besoin et d’ « éviter les risques de rupture » de leur traitement à cause d’ordonnances « sans aucune justification », dit à l’AFP le Dr Dominique Martin, directeur général de l’ANSM.

Les mêmes mesures sont prises par l’ANSM vis-à-vis du Kaletra (lopinavir/ritonavir) et de son générique (utilisés contre le VIH/sida) qui fait également l’objet d’ essais cliniques contre le Covid-19. En pratique, pour les pharmaciens d’officine :

Concernant la dispensation de Plaquenil (hydroxychloroquine) :

  • Plaquenil est inscrit sur la liste II des substances vénéneuses par arrêté du 13 janvier 2020, suite à une harmonisation avec les médicaments de la même classe. Vous ne devez les dispenser que sur présentation d’une ordonnance, même si les boîtes dont vous disposez ou que vous recevez ne sont pas encore étiquetées « liste II » (cadre vert)..
  • Honorez uniquement les prescriptions initiales émanant des rhumatologues, internistes, dermatologues, néphrologues, neurologues et pédiatres et les renouvellements d’ordonnance émanant de tout médecin ;
  • Respectez les mêmes modalités de prescription et de dispensation pour les préparations magistrales contenant cette substance active.

Concernant la dispensation de Kaletra ou de son générique (lopinavir/ritonavir) :

  • Honorez uniquement les prescriptions initiales hospitalières et les renouvellements d’ordonnance émanant de tout médecin, comme habituellement.

Afin de faciliter l’accès à ces médicaments l’ANSM a demandé aux laboratoires Sanofi Aventis, Abbvie et Mylan de livrer dès que possible et en quantités suffisantes, les grossistes-répartiteurs et les pharmacies en Plaquenil, Kaletra et son générique. On ne doute pas que ces géants pharmaceutiques répondront favorablement à cette demande.

A demain @jynau

Coronavirus et «poignée de main»: combien de Français vont-ils accepter de l’abandonner ?

Bonjour

29/02/2020. Nous traversons des temps incertains. L’OMS vient de placer à son degré maximum le niveau de la menace liée au nouveau coronavirus dans le monde, en le portant à «très élevé». En France l’exécutif prend des mesures radicales. Ainsi, en urgence, Emmanuel Macron, président de la République a-t-il décidé de réunir ce jour, au Palais de l’Elysée, un « conseil exceptionnel de défense » suivi d’un non moins exceptionnel « conseil des ministres ».

Le chef de l’Etat, chef des Armées prend les choses en main. Ordre du jour : organisation de la lutte contre le nouveau coronavirus. Prévenir, autant que faire se peut, et sans compter à la dépense, les manaoeuvres d’in invisible ennemi. Au risque, demain ou après-demain, d’être accusé d’en avoir « trop fait » – ou de ne pas en avoir « fait assez ».

Hier le nouveau ministre de la Santé aura durablement marqué les esprits. Se refusant jusqu’ici à parler d’ « épidémie »  il a annoncé  : « en France une nouvelle étape de l’épidémie est franchie et nous passons désormais au stade 2 [sur un total de 3]: le virus circule sur notre territoire et nous devons freiner sa diffusion». Déclaration faite, symbole, lors d’une visite à Crépy-en-Valois (Oise), où enseignait le premier Français décédé il y a quelques jours après avoir été infecté par le nouveau coronavirus.

Comment ne pas parler, désormais, d’épidémie ? Plusieurs cas groupés sont identifiés sur le terrfitoire national. Le principal se trouve dans l’Oise (dix-huit cas). On compte en outre désormais six cas à Annecy six  cas qui concernent des voyageurs qui rentraient de voyage organisé en Egypte, deux cas à Montpellier – et, mystère épidémiologique « douze cas en isolés». A ce jour deux morts, douze guérisons et quarante-trois malades hospitalisés.

Et le ministre de poursuivre en ces termes : «En situation épidémique, vous protéger c’est protéger aussi les autres et ce sont les petits gestes qui font une grande protection». Et d’ajouter : « je recommande désormais, et pour une période qui reste à déterminer, d’éviter la poignée de mains».

« Poignée de main ». Geste par lequel on salue quelqu’un en lui serrant la main. Synonyme. shake-hand. Poignée de main molle, solide, vigoureuse; donner, esquisser une poignée de main; distribuer les poignées de main. 

Il restera à faire l’évaluation de la spectaculaire recommandation ministérielle, à tenter d’en mesurer les effets épidémiologiques, les réactions individuelles et collectives qu’elle suscitera … On entend, déjà, les humoristes se gausser d’une telle mesure. Déjà, sur BFM-TV on observe qu’Emmanuel Macron en visite il y a deux jours à La Pitié-Salpêtrière n’a, comme a son habitude, cessé de serrer les mains des soignants qui l’accompagnaient…  

On réécoutera, aussi, le discours du ministre Olivier Véran à Crépy-en-Valois. Il y a parlé de solidarité et esquissé une image : tendre la main à son prochain faute de pouvoir, désormais et pour un temps indéterminé. On lira, enfin, dans Libé, « L’épidémie est politique », le papier du philosophe Frédéric Worms.

Il nous explique que le meilleur remède contre l’épidémie virale, c’est la démocratie où le vital et le politique ne peuvent être séparés, comme le montre, après «la Peste» de Camus, la Chine de l’écrivain Gao Ertaï (En quête d’une terre à soi Actes sud, 2019). Deux livres selon lui indispensables. Mettre les mots justes sur les choses, pour ne pas ajouter au malheur du monde ?

Nous allons trembler en relisant le premier. Et sans tarder découvrir le second. Sera-t-il, ensuite, permis d’offrir, sans gants, ces deux livres à notre prochain ?

A demain @jynau

La «radicalisation» : qui nous dira de quoi elle peut bien, aujourd’hui être, ou non, le nom ?

Bonjour

19 janvier 2020. Une du Parisien : « L’inquiétante radicalisation ». Où l’on revient, notamment, sur l’affaire de l’ « exfiltration » d’Emmanuel Macron d’un théâtre parisien. Où l’on en vient, aussi, à s’interroger sur le symptôme que constitue le recours de plus en plus fréquent à ce mot dans les sphéres médiatiques et politiques. Brefs extraits de la richesse de la langue française :

« Radicalisation » : Rendre radical, intransigeant. « Mais dans les grandes crises, à l’occasion d’une épreuve qui me radicalise, en face d’une situation bouleversante qui m’attaque dans mes raisons dernières » (Ricœur, Philos. volonté, 1949, p. 71).

« Les marxistes purs comptent sur les militants − c’est-à-dire sur une action consciente et concertée − pour radicaliser les masses et susciter en elles cette conscience [de classe] » (Sartre, Sit. III, 1949, p. 195). Devenir plus extrême. « Le collectiviste se radicalisera » (Clemenceau, Iniquité, 1899, p. 362). Les antagonismes sociaux se sont radicalisés depuis mai 68 » (La Croix, 13 mai 1973ds Gilb. 1980).

Action de (se) radicaliser; résultat de cette action. « On a raison de remarquer que ce n’est pas la plus grande misère qui fait les révolutionnaires les plus conscients, mais on oublie de se demander pourquoi un retour de prospérité entraîne souvent une radicalisation des masses » (Merleau-Ponty, Phénoménol. perception, 1945, p. 509)

« La lutte contre la structure autoritaire de l’Université est et doit être une lutte radicale: elle peut provoquer une radicalisation du climat social général » (Le Nouvel Observateur, 27 mai 1968).

Mais encore ?

Que serait la radicalisation sans  « Radical » : Relatif à la racine, à l’essence de quelque chose. «  [La couleur vraiequi donne le sentiment de l’épaisseur et celui de la différence radicale qui doit distinguer un objet d’un autre » (Delacroix, Journal, 1854, p. 177).« Plaçons-nous à l’origine radicale des choses, c’est-à-dire en Dieu » (Hamelin, Élém. princ. représ., 1907, p. 26).

Qui a une action décisive sur les causes profondes d’un phénomène. « Sans savoir le remède à vos accès de spleen, je voudrais pouvoir le trouver. Mais il n’y en a pas de radical en ce monde: nous sommes tous tristes ou soucieux plus ou moins » (Sand, Corresp., t. 4, 1856, p. 89).

« La cure radicale consistant dans la suppression de la plaie chancrelleuse » (Demanche ds Nouv. Traité Méd.fasc. 5, 1 1924, p. 20).« Ransdoc annonçait une collecte de huit mille rats environ et l’anxiété était à son comble dans la ville. On demandait des mesures radicales, on accusait les autorités » (Camus, Peste, 1947, p. 1228).

Qui va jusqu’au bout de chacune des conséquences impliquées par le choix initial. « Le scepticisme d’Henry était un scepticisme naïf et actif, celui de Jules était plus radical et plus raisonné » (Flaub., 1reÉduc. sent., 1845, p. 268)

Qui appartient à, se développe près de la racine d’un végétal. « La partie verticale de la plante germant se couvre à un certain niveau de poils radicaux » (Plantefol, Bot. et biol. végét., t. 1, 1931, p. 147)

Sans oublier, pour finir:

« Parti radical » : parti politique français fondé en 1901 et mis en sommeil en 2017. Officiellement intitulé Parti républicain, radical et radical-socialiste, il est également appelé Parti radical valoisien à la suite de la scission de 1972, et abrégé en PRRRS, RAD, PR ou PRV, voire, selon une abréviation populaire, rad-soc. D’abord classé à l’extrême gauche de l’échiquier politique, il s’oriente progressivement vers le centre droit.

A demain @jynau

Marchandisation de l’humain et «malédiction»: nouvelles alertes à l’adresse du législateur

Bonjour

Peut-on, aujourd’hui en France, donner de la voix, s’exprimer publiquement, sans défiler ? Deux jours avant l’examen au Sénat du projet de loi bioéthique (qui prévoit l’extension « à toutes les femmes » de l’accès à la procréation médicalement assistée (PMA), les opposants devaient à nouveau se retrouver dans les rues de Paris le dimanche 19 janvier.

Le cortège devait « s’élancer » à partir de 13 heures de la place de la Résistance (7e arrondissement), en bord de Seine, pour rejoindre la place de l’Opéra. La présidente de la Manif pour tous, Ludovine de la Rochère, se veut « optimiste » : « Je pense que ce sera une manifestation très importante avec un public très conscient des enjeux derrière la loi bioéthique. » En est-elle si certaine ?  Le collectif « Marchons Enfants ! », qui réunit vingt-deux associations (dont La Manif pour tous), espère mobiliser au moins autant que lors de la précédente manifestation du 6 octobre dernier. Ce jour-là, rappelle l’AFP, 74 500 personnes avaient défilé dans les rues de la capitale (comptage du cabinet indépendant Occurrence pour un « collectif de médias »). Les organisateurs annonçaient … 600 000 manifestants et la préfecture de police de Paris avançait le chiffre de … 42 000.

Les opposants à la « PMA pour toutes » espèrent réaliser une démonstration de force avant l’examen mardi 21 janvier, au Sénat, du projet de loi bioéthique, déjà voté en première lecture par l’Assemblée nationale. Les sénateurs, réunis en commission spéciale, ont déjà adopté le 8 janvier le texte, dont l’article sur la PMA – et ce en dépit  de l’hostilité d’une partie de la droite, majoritaire au palais du Luxembourg. Malgré un processus législatif bien engagé, les associations gardent espoir. Le médecin et archevêque de Paris Mgr Michel Aupetit a il y a quelques jours qualifié de « monstrueux » le fait d’« infliger volontairement [l’absence d’un père] ». Et François-Xavier Bellamy, sur les ondes dominicales et laïques de France Inter, maintient sa prophétie sur la « malédiction ».

« Disqualifier les catholiques parce qu’ils sont catholiques »

Peut-on, aujourd’hui en France, donner de la voix, s’exprimer publiquement, sans avoir recours aux médias généralistes ?   Une nouvelle fois, dans le silence de la gauche, Sylviane Agacinski, philosophe et féministe, alerte sur la marchandisation progressive du vivant qu’entrainerait l’adoption du projet de loi bioéthique .C’est à lire dans Le Figaro (Guyonne de Montjou).   Elle nous dit son  « impression de scandale doublée d’une perte de confiance». Selo elle « les puissances de l’argent et les intérêts particuliers sont en train de triompher de la justice. »  La philosophe est selon Le Figaro, l’une des rares figure à gauche « qui conteste l’inéluctabilité du progrès et alerte sur la marchandisation progressive du vivant depuis deux décennies ».

 «Les sénateurs et députés sont soit indifférents, soit inconscients, soit lâches. Oui, les parlementaires ne prennent pas conscience des conséquences de leur passivité. Ils peinent à aller à rebours d’un mouvement qui se dit soi-disant progressiste, craignant d’être traités de réacs ou d’homophobes. Qu’ils se réveillent! Contrairement à ces militants actifs qui servent des intérêts particuliers, les défenseurs de la justice s’attachent à l’éthique et aux principes fondamentaux du droit.» 

«La seule position décente que devrait avoir notre pays serait de travailler à l’abolition pure et simple de la GPA dans le monde. Au lieu de cela, les juges de la CEDH et de la Cour de cassation traitent au cas par cas la transcription des états civils des enfants nés de mères porteuses à l’étranger et admettent ceux qui désignent deux pères comme parents de l’enfant. L’intention et l’argent fondent la filiation. Nous touchons à la distinction fondamentale qui devrait être faite entre une personne et une choseSi les enfants ou les mères porteuses deviennent des marchandises qu’on peut en partie acheter, alors un des piliers du droit s’effondre. Ce qui me choque aujourd’hui, c’est que règne une certaine terreur intellectuelle qui disqualifie les catholiques parce qu’ils sont catholiques.» 

Dans son dernier « manifeste – Tract » 1  elle souligne que «s’évader de son corps ou en acquérir un autre est une question qui hante l’humanité. Nous adoptons le vocabulaire et la logique des instituts technologiques de reproduction humaine californiens qui font que l’enfant n’est plus conçu comme un être engendré mais fabriqué.» Où l’on retrouve, là encore, un peu de la novlangue d’Orwell.

Ce risque de marchandisation de l’humain est également dénoncé par Dominique Bourg, philosophe professeur à l’université de Lausanne et tête de liste d’Urgence écologie aux européennes de 2019, qui s’inquiète tout particulièrement de la levée de l’interdiction des embryons transgéniques et chimères. Il s’était exprimé dans Le Monde. Il le fait aussi dans La Vie. (Marie-Armelle Christien). « Avec cette méthode Crispr-Cas9, qui serait permise par la loi et qu’on a déjà sur les OGM, il y a une ouverture par principe à la technique. Et ceci, afin de ne pas perdre de marché potentiel. Ne pas perdre de marché, c’est la posture d’Emmanuel Macron. Mais chaque nouveau progrès technique, en général, approfondit les inégalités entre les individus. La manipulation des embryons, elle aussi, approfondit les inégalités entre individus ».

Le philosophe estime que « l’enjeu fondamental (…) c’est la possibilité aberrante de produire un être humain à la demande, selon les fantasmes. Nous assistons à la marchandisation et la technicisation de l’engendrement d’êtres humains, sur une base sans référentiel. (…) On est sorti du médical pour entrer dans la plasticité des êtres humains futurs. Il n’y a plus de référentiel, sinon les fantasmes de tout un chacun, rendus possibles par la logique marchande ». Or, « un marché sans limites n’a pas de sens. Aujourd’hui, nous devons réapprendre les limites qu’on donne au marché ». Nous ne souhaitons pas «  la société froide, abstraite, inégalitaire vers laquelle nous nous dirigeons ».

Qui le souhaite ? Et quand défileront-ils.elles ?

A demain @jynau

1 Agacinski S. L’Homme désincarné. Du corps charnel au corps fabriqué, Gallimard, collection «Tracts».