Bonjour
04/09/2020. On pensait pouvoir en rire ; cela devient une affaire qui met à mal l’autorité du Premier ministre. Cela a commencé avec la rentrée scolaire. Jean Castex demandait alors de «fermer le ban». Visés : deux de ses ministres ennemis et parmi les plus dissipés : le ministre de l’Intérieur et le garde des Sceaux. Les deux en étaient venus aux mots – autour de celui d’«ensauvagement».
«Fermez le ban: il n’y a aucune polémique, affirmait à la presse le chef du gouvernement lors d’un déplacement scolaire à Châteauroux (Indre). Le vrai sujet, en revanche, c’est bien celui de mobiliser face à la montée des violences et de l’insécurité. La question n’est pas les mots qu’on emploie pour qualifier le phénomène, mais les actions que l’on met et que l’on va mettre en place pour y faire face. Le ministre de l’Intérieur, comme l’ensemble du gouvernement, constate effectivement qu’il y a une montée du sentiment d’insécurité et je peux vous dire la totale mobilisation du gouvernement pour y faire face. »
Peu de temps auparavant, Sur Europe 1, le garde des Sceaux Eric Dupond-Moretti avait récusé «l’ensauvagement de la société» dénoncé par la droite et par le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, et par la ministre déléguée à la citoyenneté, Marlène Schiappa. «L’ensauvagement, c’est un mot qui (…) développe le sentiment d’insécurité, avait-il osé déclarer. Or pire que l’insécurité, il y a le sentiment d’insécurité» qui est de l’ordre du fantasme» et est nourri par «les difficultés économiques et certains médias ».
Peu après le rappel à l’ordre du Premier ministre Gérald Darmanin récidivait. «On peut utiliser des mots différents. Personnellement, j’utilise le mot d’ensauvagement et je le réitère», déclarait-il publiquement lors d’un déplacement à Choisy-le-Roi (Val-de-Marne). Le ban venait à nouveau d’ouvrir.
Nous nous demandions alors quelles seraient les sanctions – et pourquoi le ministre de l’Education nationale restait coi. Or voici qu’il vient de parler. Après son collègue Éric Dupond-Moretti, c’est au tour de Jean-Michel Blanquer de récuser le terme «d’ensauvagement». «Ce n’est pas mon mot préféré, je le trouve flou (…) Par optimisme, je préfère ne pas l’utiliser. Je ne considère pas que notre société est fatalement ensauvagée , a expliqué le ministre de l’Éducation vendredi matin sur Europe 1. Je n’ai pas de fétichisme 1 sur ce mot, mais pas de tabou non plus. » Jean-Michel Blanquer n’a cependant pas nié que l’insécurité «est une réalité et un sentiment» (sic).
L’expression « d’ensauvagement », régulièrement reprise par Marine Le Pen, est devenue « radioactive » au sein du gouvernement, depuis que le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, l’a employée dans un entretien au Figaro . « Avec cette nouvelle prise de position de Jean-Michel Blanquer, force est de constater que ses ministres ne respectent pas la consigne » observe le quotidien. On attend, sur ce point, la position d’Emmanuel Macron.
A demain @jynau
1 Fétichisme A.− Système religieux consistant à faire de divers objets naturels ou façonnés les signes efficaces de puissances supra-humaines et à les utiliser dans des pratiques de magie.
B.− P. anal. Attachement ou respect exagéré pour quelqu’un ou quelque chose. (Quasi-)synon. culte. « Elle a le fétichisme de l’autorité et l’horreur de toutes les indépendances » (Amiel, Journal,1866, p. 478).