Le médecin aux mains d’or qui ne parvenait pas à comprendre ses pulsions sexuelles

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06/09/2020. De la richesse de la presse quotidienne régionale. L’affaire vient d’être rapportée dans le détail par L’Indépendant (Laure Moysset). Celle d’un médecin des Pyrénées-Orientales reconnu coupable jeudi 3 septembre de harcèlement sexuel. Un médecin spécialiste en réadaptation fonctionnelle et père de trois enfants. Il passait en jugement devant le tribunal correctionnel de Perpignan pour des faits « d’atteinte et harcèlement sexuels » commis entre 2012 et 2017 – et ce sur sept femmes, infirmière, personnel médical mais aussi sur une patiente. Trois d’entre elles étaient présentes face à lui.

« Sept longues années de procédure à nier farouchement les accusations, raconte L’Indépendant. Et une poignée de secondes à la barre du tribunal hier – après le refus d’un huis clos exceptionnel demandé par son avocat pour préserver sa dignité- avant que ce médecin spécialiste en réadaptation fonctionnelle et père de trois enfants, change tout à coup de ligne de défense. L’homme, tenue classique en polo pâle et pantalon en toile, casier vierge, jette ses yeux noirs par-dessus ses lunettes rectangulaires. Demande à faire une déclaration, qu’il a préalablement consignée sur un bout de papier. Et, caché derrière son masque, reconnaît tout. Tout… ce que ces femmes avaient toujours maintenu. »

Où l’on apprend le harcèlement, durant des années ; les propos et comportements déplacés ; les caresses sur la hanche, le bras, le bas du dos, la main sur la cuisse ; les tentatives répétées pour embrasser sur la bouche les soignantes des établissements spécialisées où il travaillait, en les enlaçant, les bloquant dans l’ascenseur ou derrière une porte. « Il assume aussi l’agression d’une de ses patientes, précise L’Indépendant. Les commentaires humiliants sur son maquillage et sa prise de poids, sa proposition d’aller boire un verre à l’extérieur ou encore ces quelques mots dérangeants : ‘’toi un jour je t’aurai’’… »

« En contestant les faits, j’ai contesté ma propre intégrité »

Le médecin : « Je tiens sincèrement et profondément à m’excuser devant toutes les victimes présentes ou non, pour le mal que j’ai fait à cette époque. Je demande pardon. Je ne minimise pas mes responsabilités. Mais c’était la période la plus difficile de ma vie (…) J’ai aujourd’hui conscience de la nécessité de suivre une thérapie spéciale pour aller mieux. J’ai besoin d’être accompagné. Je n’agis pas avec calcul, ni préméditation. J’avais des pulsions que je n’arrivais pas à comprendre. Oui, j’en souffre encore mais j’essaye de les maîtriser de toutes mes forces. C’étaient des horreurs. J’étais très pervers. J’étais dans le déni. En contestant les faits, j’ai contesté ma propre intégrité ».

Des propos d’une particulière intensité mais nullement convaincants pour les avocats des trois victimes présentes – et moins encore pour le procureur : « Il est inadmissible de venir devant nous sans avoir mis en place de mesures de soins, à part des séances de yoga ou de méditation. En outre, ce sont des faits qui portent atteinte à l’image d’une profession car il rompt le lien de confiance ».

L’avocat de la défense évoque « un médecin aux mains d’or qui a commis des actes stupides ». Le tribunal s’en remet alors à l’Ordre des médecins mais, pour autant condamne : 18 mois de prison avec sursis probatoire, assorti d’une obligation de soins et d’indemniser les victimes. Sans oublier 20 000 € d’amende et l’inscription au fichier des délinquants sexuels. Et, conclut L’Indépendant, un message clair : « Réglez vos pulsions tout de suite. Cette décision ne vous donne plus le droit à aucune erreur ».

A demain @jynau

Un spectaculaire suicide manqué associé à l’humour d’un spécialiste du saut à l’élastique

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22/07/2020. Le permanencier rangera, au choix, cette dépêche AFP dans la rubrique « insolite » ou « faits divers ». Nous sommes ici aux frontières modernes du hasard et de la nécessité, du miracle et de la publicité. C’est dire l’intérêt que les lecteurs porteront au sujet. Les faits. Nous sommes le mardi 20 juillet dans le beau département de la Loire. Un homme de 64 ans tente de mettre fin à ses jours en sautant d’un viaduc haut d’une cinquantaine de mètres. Les pompiers sont alertés vers 08H30, selon le quotidien régional Le Progrès, par une habitante des environs du viaduc de Pélussin, entre Lyon et Saint-Étienne.

Vieux de plus d’un siècle ce pont en arc franchit la rivière Régrillon sur le territoire de la commune dont il porte le nom.  Anciennement destiné à accueillir un train appelé localement « La Galoche » ou « Le Tacot », il est désormais réservé aux piétons. Le 20 juillet, de sa terrasse où elle prenait le petit-déjeuner, « l’habitante » voit l’homme arriver en vélo avant de se jeter dans le vide.

Une équipe de pompiers du Groupe de reconnaissance et d’intervention en milieu périlleux, appuyée par l’hélicoptère du Samu 42, se rend alors aussitôt dans la zone escarpée à l’aplomb du point de chute, 56 mètres en contrebas du parapet. Les sauveteurs sont alors été assez surpris de découvrir que le sexagénaire est toujours en vie. En vie et conscient «car il a pu décliner son identité», précisent-ils à l’AFP. Hélitreuillé, puis héliporté jusqu’au CHU de Saint-Étienne, la victime souffre, pour l’essentiel, d’une fracture à un coude. Une prise en charge psychologique sera peut-être conseillée. Peut-être même a-t-elle déjà débuté.

Comment comprendre ? Selon les premières constatations, la chute du suicidant a été amortie par une terrasse en bois souple – une terrasse construite pour réceptionner en sécurité les adeptes du saut à l’élastique qui, chaque samedi que Dieu fait se lancent du haut du viaduc vers le vide.

Bernard Escoubet, gérant de la société «Elastic Crocodil Bungee», l’exploitant de cette activité à sensations fortes, a de fait constaté que le plancher de son installation avait été «défoncé» par l’atterrissage du sexagénaire. «On lui offrira volontiers un vrai saut à l’élastique lorsqu’il sera remis sur pied», a réagi le gérant, sans rancune et non dénué d’un humour discutable. Si l’homme accepte il appréciera le slogan publicitaire de cette entreprise qui vit du vertige et du caoutchouc : « Osez l’inoubliable ! ».

A demain @jynau

Trois éducatrices enferment et filment un jeune autiste dans un sac poubelle : relaxées !

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12/06/2020. Le répéter : on ne lit jamais assez la presse quotidienne régionale. Ainsi, aujourd’hui, La Nouvelle République du Centre Ouest : « Tribunal de Blois : le jeune autiste avait été filmé dans un sac-poubelle » (Lionel Oger). Une information relayée sur le site handicap.fr (E. Dal’Secco).

Résumons l’impensable. Lundi 8 juin quatre salariées de l’IME de Naveil (Loir-et-Cher) comparaissaient devant les juges du tribunal correctionnel de Blois sous l’accusation de violences commises sur un garçon autiste de 12 ans.

« Une épreuve tout d’abord pour les parents d’un jeune garçon autiste qui a été l’espace d’un bref instant le ‘’jouet’’ de professionnelles pourtant expérimentées et dévouées, rapporte le quotidien régional.  Une épreuve aussi pour ces quatre femmes d’une trentaine d’années qui se sont retrouvées à la barre du tribunal accusées de ‘’violence sur personne vulnérable et diffusion d’images relatant une atteinte à l’intégrité’’ après une garde à vue de 48 heures. Et une épreuve, enfin, pour l’IME de Naveil en qui les parents avaient placé leur confiance et qui a suspendu trois de ses salariées en attendant la réponse judiciaire. »

« Ça ne lui fait rien, j’ai du mal à lui faire serrer les cuisses. » 

Que s’est-il passé à Naveil ? Le directeur de l’institut avait informé les parents après la découverte d’une vidéo (diffusée lors du procès). On y voit leur fils âgé de 12 ans assis dans un sac-poubelle remonté jusqu’aux aisselles. Derrière lui, une éducatrice tient un tuyau d’aspirateur et aspire l’air contenu dans le sac (sic). On entend rire les éducatrices. L’une d’elles commente : « Ça ne lui fait rien, j’ai du mal à lui faire serrer les cuisses. » L’enfant regarde autour de lui, semble mal à l’aise, agite un bras, puis gémit.

Jusque dans le Loir-et-Cher cette pratique a un nom : vacuum challenge – défi en vogue sur Internet entre personnes consentantes,, dénoncé pour ses risques potentiels.Lors de cette comparution immédiate, ces éducatrices et une infirmière de cet institut (où l’enfant séjourne depuis cinq ans) ont expliqué qu’elles testaient entre elles ce fameux challenge quand le jeune garçon est entré dans la pièce. Intrigué, il serait entré de lui-même dans le sac. « L’effet est surprenant, mais pas douloureux, raconte une éducatrice, nous n’avons pas réfléchi, dès qu’il a montré qu’il n’aimait pas ça, on l’a laissé sortir. » (sic)

La Nouvelle République rapporte encore que la présidente du tribunal, Maggy Deligeon, demande pourquoi la scène a été filmée et partagée au sein d’un groupe de collègues via Facebook. « C’est un groupe professionnel au sein duquel on s’envoie des liens, des photos, des vidéos pour échanger sur nos pratiques. » « Feriez-vous la même chose à vos enfants ? » poursuit la présidente. « Non, répondent les prévenues (qui n’ont pas été jusqu’à avancer une hypothétique vertu thérapeutique pour se justifier) nous avons commis une bêtise professionnelle. » 

 Le père de l’enfant est officier supérieur dans la gendarmerie et président d’une association œuvrant en faveur des personnes handicapées, Il demande la parole : 

« Mon fils n’a pu entrer de lui-même dans ce sac alors que l’aspirateur fonctionnait, il a une forte aversion pour la contention et est hypersensible au bruit. » 

Ce n’est pas tout : une quatrième éducatrice est poursuivie pour avoir filmé une autre séquence où l’on voit l’enfant assis sur un siège. La jeune femme le fait tourner comme sur un manège en imitant la voix d’un forain. « Ça l’a fait rire, les sensations semblaient lui plaire. »

La Fête des mères dans une cellule du commissariat.

Le procureur Frédéric Chevallier : « Votre comportement est choquant, vous avez confondu votre rôle de protectrices en vous servant de cet enfant vulnérable comme d’un objet. » Le ministère public requiert alors quatre à six mois de prison avec sursis probatoire (comportant une interdiction d’exercer) pour trois des prévenues.

L’avocat des parents, Me Stéphane Rapin : « Vous qualifiez ces faits de bêtise alors que le choc émotionnel causé à cet enfant hypersensible constitue une violence. Vous l’avez pris pour un jouet et vous avez filmé pour rire de lui. Quant à ce vacuum challenge, cette pratique peut être dangereuse et même mortelle. »

Tour à tour les trois avocats des éducatrices ont plaidé la relaxe : « Elles ont passé la Fête des mères dans une cellule du commissariat. Jamais elles n’ont eu l’intention de faire du mal ou d’humilier. Il s’agissait d’un jeu, choquant certes ; mais pas dangereux, le sac était au niveau des aisselles, elles ont peut-être commis une faute professionnelle, mais pas une infraction. »

Ou encore : Me Sarah Lévêque qui elle aussi plaide la relaxe : « Qui n’a jamais fait tourner son enfant sur un fauteuil pour le voir rire ? Moi-même je l’ai fait et il a adoré ».

Puis le coup de théâtre : Après une demi-heure de délibéré, le tribunal a relaxé les quatre salariées de l’IME de Naveil. « Votre comportement n’est pas qualifiable professionnellement, a déclaré la présidente Maggy Deligeon, mais, juridiquement, les infractions reprochées ne sont pas constituées. » Les parents de l’enfant ont été déboutés de leurs demandes. Le parquet fera appel de cette décision. Les trois salariées suspendues depuis le dépôt de plainte sont convoquées, le 16 juin, par leur employeur.

On ne commente pas une décision de justice. On ne lit jamais assez la presse quotidienne régionale

A demain @jynau

Certaines «émotions» nous permettent-elles, désormais, de ne plus respecter le droit ?

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10/06/2020. Il y avait eu le déjà célèbre « soupçon avéré ». Christophe Castaner, ministre de l’Intérieur,  récidive depuis 48 heures dans son maniement hautement problématique de la langue française. Certains journalistes parlent de « gaffes », de « dérapages » ou de « monstruosités sémantiques ou juridiques ».Vint ensuite, le 9 juin les propos tenus sur BFM TV-RMC . C’était à la veille des manifestations prévues contre le racisme et les violences policières :

« Les manifestations ne sont pas [autorisées] dans les faits, car il y a un décret du Premier ministre dans le cadre de la deuxième phase du déconfinement qui interdit les rassemblements de plus de dix personnes. Mais je crois que l’émotion mondiale, qui est une émotion saine sur ce sujet, dépasse au fond les règles juridiques qui s’appliquent. »

« Nous ne souhaitons pas réaffirmer l’interdiction, qui est de droit, qui est de fait, et il n’y aura pas de sanctions et de procès-verbal pour la participation à cette manifestation. Il faut que cette émotion forte puisse être soutenue. »

Jean-Paul Sartre et la magie

Ces mots ont aussitôt embrasé l’opposition politique et inquiètent certains piliers de la majorité présidentielle. Les juristes ne tarderont guère a donner de la voix sur le thème de l’Etat et du droit. Pour l’heure, le président des Républicains, Christian Jacob, a estimé sur Twitter que dire que « l’émotion prédomine sur la loi » met « gravement en danger l’ordre public ». « Ses propos sont indignes d’un ministre de l’Intérieur, écrit-il.  En République, la force doit rester à la loi.» Florian Philippot, ancien cadre du Rassemblement national, sur franceinfo  :

« C’est le cirque : le ministre de l’Intérieur explique que les manifestations sont interdites mais que l’émotion les justifie. Peut-on organiser des manifs si on est ému, par exemple par l’appartenance de la France à l’UE? ».

Qu’en diront, le moment venu le Conseil d’Etat et le Conseil constitutionnel ? Où l’on en vient, sans véritable surprise, à s’interroger sur un concept pleinement d’actualité, spécialité des psychologues et de tous les professionnels de la psyché : l’émotion. En y intégrant les variantes ministérielles : émotion « mondiale » et émotion « saine » (sic) qui de nature à pouvoir dissoudre les règles juridiques habituelles. Et comment résister à ne pas citer ces lignes, étrangement prophétiques, écrites il y a quatre-vingts ans :

« À présent nous pouvons concevoir ce qu’est une émotion. C’est une transformation du monde. … Le passage à l’émotion est une modification totale de « l’être-dans-le-monde » selon les lois très particulières de la magie. » Sartre, Esquisse d’une théorie des émotions, Paris, Hermann, 1939, p. 43, 66.

A demain @jynau

Chloroquine et égotisme. A propos de deux cas célèbres : le président Trump et le Pr Didier Raoult

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04/06/2020. En rire ? Donald Trump, 73 ans, 1,90m, pèse 110kg, rythme cardiaque : 63 pulsations par minute. Vaccinations à jour. Bon état général. N’a constaté aucun effet secondaire durant  le « traitement préventif » de deux semaines d’hydroxychloroquine qu’il avait souhaité pouvoir prendre. L’annonce vient d’en être faite par le Dr Sean Conley, médecin de la Maison Blanche.

«Le président a terminé ce traitement en toute sécurité et sans effets secondaires, a indiqué le Dr Sean Conley dans un communiqué sur l’état de santé du président. Il continue à subir régulièrement des tests Covid-19 et à ce jour tous les résultats ont été négatifs».

Donald Trump avait révélé le 18 mai qu’il prenait quotidiennement de l’hydroxychloroquine.  «J’en prends depuis dix jours, un comprimé par jour», avait alors déclaré le président américain à la stupéfaction générale, lors d’un échange avec les journalistes à la Maison Blanche. «J’entends beaucoup de choses extraordinairement positives» sur ce médicament, avait-il justifié. Vous connaissez l’expression: qu’est-ce que vous avez à perdre?»

On rappellera que la FDA américaine en déconseille l’usage «en dehors d’un milieu hospitalier ou d’essais cliniques, en raison du risque de troubles du rythme cardiaque. On rappellera aussi que la plus grande confusion règne dans ce domaine après la remise en cause par The Lancet et The New England Journal of Medicine d’études publiées dans leurs propres colonnes. On ajoutera enfin, corollaire, qu’en France le Pr Didier Raoult, (objet de premiers sondages nationaux) continue d’avancer sur son chemin de gloire médiatico-politique.

La dernière étape est datée du 3 juin : un nouvelle interview « exceptionnelle » royalement accordée  à Ruth Elkrief et Margaux de Frouville (BFM TV) en son bureau marseillais. Avec cette confidence : « La notoriété acquise à cette occasion me pèse plus qu’autre chose, je m’en fous un peu ». Interrogé sur son flamboyant  égotisme 1, le microbiologiste a cette réponse amplement signifiante : « La mégalomanie, ceux qui en parlent sont ceux qui sont incapables de voir la grandeur. On peut toujours dire que de Gaulle ou Churchill étaient mégalomanes. Ça m’indiffère. » En rire ?

A demain @jynau

1 Egotisme. A.- Disposition de celui ou de celle qui fait constamment référence à soi en particulier dans le discours. « Mais n’est-ce pas aussi que je la fatiguais par la monotonie de mes propos? Mon égotisme outre qu’il est peu séduisant, ne se renouvelle guère ». Barrès, Un homme libre,1889, p. 209.

Tendance à s’analyser, dans sa personne physique et morale.  « L’égotisme littéraire consiste finalement à jouer le rôle de soi; à se faire un peu plus nature que nature; un peu plus soi qu’on ne l’était quelques instants avant d’en avoir eu l’idée ». Valéry, Variété II,1929, p. 96.

B.− Quasi-synon. de égocentrisme et de égoïsme. « Elles [les femmes] ont d’ailleurs des sens très rudimentaires, des sens de femelles, peu perfectibles, inaccessibles à ce qui ne touche pas directement l’égotisme féminin qui absorbe tout en elles ». Maupassant, Notre cœur,1890, p. 455.

C.− Philosophie. D’un point de vue théorique et avec une valeur laudative, exaltation du sentiment du moi dans son unicité « La religion du MOI, le culte de la personne intime, la contemplation de soi-même, le divin égotisme (France, Vie littér.,t. 4, 1892, p. 226):

Chloroquine. Le Pr Raoult ne serait pas le médecin traitant du président Donald Trump

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20/05/2020. Où l’on entre, en dépit du sujet, dans le loufoque transatlantique. C’est que, sur fond de pandémie et de polémique scientifique, de nouveaux propos ahurissants ont été tenus par l’un des hommes les plus puissants du monde – avec résonance de ce côté-ci de l’Atlantique. Et le public rit d’un spectacle à faire peur. En trois actes.

I Donald Trump, président des Etats-Unis. Il continue de défendre le recours à l’hydroxychloroquine contre la Covid-19. Lundi 18 mai, il a d’ailleurs assuré en prendre tous les jours un cachet – et ce « depuis une semaine et demie », avec l’accord de son médecin. « J’ai commencé à en prendre parce que je pense que c’est bon, j’ai entendu beaucoup de bonnes histoires » à ce propos, a-t-il ajouté, précisant qu’il n’était pas, lui, infecté par le nouveau coronavirus. « Vous seriez surpris de découvrir combien de personnes en prennent, en particulier celles qui sont en première ligne » a-t-il ajouté vantant désormais les mérites imaginaires d’une action non plus curative mais préventive.

« Donald Trump s’est entiché très tôt de ce médicament, rappelle notre confrère Gilles Paris dans Le Monde.  Il en a vanté les vertus supposées au plus fort de l’épidémie, en mars et en avril, alors que ses experts, à commencer par le directeur de l’Institut national américain des maladies infectieuses, le Pr Anthony Fauci, plaidaient la prudence et insistaient sur la nécessité de tests conduits de manière scientifique. »

Le 28 mars, la Food and Drug Administration (FDA) accordait une autorisation d’urgence pour permettre aux hôpitaux américains d’utiliser de l’hydroxychloroquine issue du stock national pour traiter des patients qui ne seraient pas autrement admissibles à un essai clinique. Un mois plus tard, le 24 avril, marche arrière de la même FDA mettant en garde contre « les sérieux problèmes de rythme cardiaque » dus à ce médicament.

Silence présidentiel puis nouvelle croisade et révélation de l’existence de son traitement – quelques heures après la publication d’un éditorial d’une particulière sévérité dans le Washington Post  – éditorial citant les conclusions négatives de travaux conduits dans l’Etat de New York par deux équipes de chercheurs auprès de plus de 2 800 patients, soit un groupe « bien plus grand que la toute petite recherche initiale du professeur franc-tireur Didier Raoult ».

II Pr Didier Raoult, microbiologiste à Marseille. Dans le sillage des remous qui suivirent les déclarations de Donald Trump le directeur également controversé de l’IHU de Marseille s’exprimait sur Radio Classique. Après avoir assuré qu’il venait d’être informé (« Je ne suis pas au courant, je ne suis pas son médecin traitant) le Pr Raoult a une nouvelle fois choisi de croiser le fer avec des ennemis absents:

« Je voudrais qu’on remette les choses en perspective et voir à quel point il y a eu une hallucination collective des médias et de certains dirigeants sur l’hydroxychloroquine, qui est l’un des médicaments les plus prescrits au monde. Tous les médecins en ont déjà prescrit (…). Il y a eu une dramatisation d’un médicament banal, classique, on a inventé de tout, des arrêts cardiaques, etc… ça doit être préventif de la folie, car ceux qui ne veulent pas en prendre deviennent fous. Il y aura un examen à faire de comment les médias se sont emballés. »

III Bruno Lemaître, généticien-psychologue à Lausanne. Ce spécialiste de la réponse immunitaire aux infections chez les insectes a commencé sa carrière auprès du professeur Jules Hoomann, prix Nobel 2011 de médecine vient de donner un passionnant entretien au Monde (Sandrine Cabut). Non pas sur les drosophiles (sa spécialité) mais bien sur les hommes.

« Parallèlement à son métier de chercheur, Bruno Lemaitre s’est lancé avec passion dans l’étude de la psychologie des personnalités, explique Le Monde. Il explore en particulier le narcissisme, et son influence dans les sciences et la société. Après un premier essai sur ce thème en 2016 (An Essay on Science and Narcissism, autoédition, non traduit), il a publié Les Dimensions de l’ego (éditions Quanto, 2019). » Extrait :

« Les crises comme la pandémie de Covid-19 contribuent-elles à propulser sur le devant de la scène des narcissiques ?

De manière générale, les personnalités narcissiques peuvent aimer les situations de crise, parce que leur forte confiance en eux-mêmes leur procure une forte résistance au stress qui leur permet de prendre des décisions rapides. Ce sont donc des moments d’émergence de nouveaux leaders, en politique notamment. Dans des crises scientifiques qui deviennent des enjeux publics, comme l’épidémie de sida, le réchauffement climatique ou aujourd’hui le Covid-19, des chercheurs à gros ego, que l’on connaît déjà dans la communauté, se révèlent au grand jour.

Ainsi les propos du microbiologiste Didier Raoult sur la pandémie et l’efficacité de l’hydroxychloroquine peuvent paraître surdimensionnés, mais il exerce une fascination sur certains publics. C’est finalement délétère pour la recherche, car les gens sont très en demande de ce traitement alors qu’on ne sait pas s’il est efficace, et on ne peut plus faire d’essais cliniques dans des conditions apaisées, ce qui retarde le processus. Didier Raoult est un chercheur reconnu, mais c’est aussi un homme de pouvoir. Il est difficile de lutter contre des personnes qui affichent une telle confiance, tout en prenant aussi, parfois, la position de victime de la communauté scientifique. Résultat, on est dans une situation très confuse. »

Notre consœur lui demande s’il existe des antidotes. Réponse : « Il n’y a pas de solution simple au problème de l’ego. Si on en avait une, on aurait évité bien des guerres, des individus comme Kadhafi, Bachar El-Assad ou Donald Trump n’auraient pas accédé au pouvoir. Sans aller jusque-là, nous avons tendance à choisir des leaders sûrs d’eux-mêmes, qui souvent déçoivent ensuite. Les dirigeants laborieux, éthiques, sont moins attractifs. »

Il ajoute que dans un récent article publié dans la revue The Leadership Quartely, des chercheurs suisses et allemands proposent une solution originale : choisir des leaders par tirage au sort. Selon leur étude, ce mode de sélection conduirait à des dirigeants moins enclins à abuser de leur pouvoir et qui prennent de meilleures décisions pour le groupe que les leaders « traditionnels ».

A demain @jynau

Après l’hydroxychloroquine, un essai clinique rigoureux avec la chlorpromazine (Largactil)

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L’heure, pandémique, est au réexamen des possibles thérapeutiques médicamenteux. Après Marseille et la chloroquine, le groupe hospitalier (GHU) Paris Sainte-Anne vient d’annoncer le lancement de l’étude reCoVery : évaluer la pertinence de la chlorpromazine (Largactil) dans le traitement du Covid-19. Nous parlons bien ici du célèbre antipsychotique découvert il y a près de 70 ans (Henri Laborit, Pierre Deniker et al). Pourrait-il diminuer l’évolution défavorable de l’infection lorsqu’il est administré dès l’apparition des signes respiratoires ? Pourrait-il aussi réduire la contagiosité du SARS-CoV-2 ?

« Les investigateurs de l’étude, sous la coordination du Dr Marion Plaze (cheffe de service du Pôle Hospitalo-Universitaire Paris 15e), ont en effet observé que l’incidence des formes symptomatiques du Covid-19 était moindre chez les patients du GHU psychiatrie et neurosciences (4 %) que chez les soignants (14 %), résume Le Quotidien du Médecin  (Coline Garré). Ce constat, qui recoupe ceux des unités psyCovid en France et d’équipes étrangères, fait l’objet d’une étude séro-épidémiologique lancée, parallèlement à reCoVery (intitulée Clever), chez les patients et personnels du GHU.

« Ces observations nous ont amenés à formuler l’hypothèse que la chlorpromazine (CPZ) pourrait avoir une action prophylactique sur le SARS-CoV-2 et protégerait les patients des formes symptomatiques et virulentes de cette infection », expliquent les auteurs dans un article publié dans « L’encéphale ». Cette hypothèse se fonde également sur de précédentes recherches documentant une action antivirale de la chlorpromazine. Plusieurs études publiées en 2014 et 2018 mettaient en évidence l’efficacité de cette molécule pour inhiber la réplication virale du MERS-CoV et du SARS-CoV-1.

« En outre, l’équipe du GHU, en collaboration avec l’Institut Pasteur, vient de montrer, via une expérimentation in vitro débutée en avril 2020, que cette molécule exerce également des effets antiviraux sur le SARS-CoV-2 sur des cellules humaines. L’étude devrait être disponible sous peu sur le site MedRxiv » ajoute Le Quotidien.  L’essai thérapeutique pilote de phase III randomisé en simple aveugle, reCoVery, en collaboration avec l’AP-HP et la clinique de l’Alma porte sur des patients souffrant de Covid-19, hospitalisés pour des symptômes respiratoires, mais pas en réanimation avec ventilation mécanique.Les patients seront randomisés à l’inclusion entre le groupe soins standards et le groupe chlorpromazine en association avec le traitement standard, où ils recevront jusqu’à 300 mg par jour de CPZ jusqu’à ce que les critères de guérison soient remplis, dans une limite de 21 jours maximum.

Il est prévu d’inclure quarante patients, vingt dans chaque bras, précisent les auteurs. L’étude est d’une durée maximale de trois mois. Les promoteurs regarderont également si, au-delà des bénéfices attendus sur l’évolution de l’infection, les patients verront diminuer l’anxiété fréquemment associée à la dyspnée provoquée par le Covid-19.

A demain @jynau

PS Henri Laborit. Rien n’interdit, quarante ans plus tard, de (re)voir « Mon Oncle d’Amérique ».

Donald Trump, les UV et l’eau de Javel : sommes-nous dans le loufoque ou dans le sarcastique ?

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26/04/2020. Cela restera comme un point d’orgue inversé. Un sommet du baroque bas-empire. Peut-être le début de la fin. Jeudi 23 avril le président américain Donald Trump a « extrapolé » sur les possibilités de détruire le virus responsable du Covid-19  à l’intérieur du corps humain. Et ce un usant  d’« ultraviolets » ou de « produits d’entretien ménagers ».

Bill Bryan, sous-secrétaire à la sécurité du territoire, venait d’exposer les résultats d’une étude sur la durée de vie du SARS-CoV-2, soulignant sa (relative) vulnérabilité à l’humidité, à la chaleur, aux ultraviolets, et aussi à des produits désinfectants comme l’eau de Javel ou l’alcool ménager. Donald Trump s’est alors livré à quelques commentaires devant un auditoire rapidement ébahi sinon catastrophé, puis proprement effaré. 

«J’ai posé une question que se posent beaucoup d’entre vous et qui me semble intéressante… Supposons qu’on dirige une lumière très puissante à l’intérieur du corps… à travers la peau ou d’une autre manière?», a suggéré le président américain. «Et puis le désinfectant, qui détruit le virus en une minute… Serait-il possible de faire une injection à l’intérieur du corps pour un nettoyage, puisque vous voyez, il s’attaque aux poumons… Ça semble intéressant».

Aussitôt les producteurs de détergents se sont empressés de publier des mises en garde pour dissuader les consommateurs d’ingérer ou d’inhaler leurs spécialités. Devant l’ampleur des réactions Trump a affirmé que ses propos étaient «sarcastiques». 

Sarcastique ? Le sarcasme, en français, est une « ironie acerbe, mordante ». On peut ici préférer loufoque : « Qui est un peu fou, dont le comportement est bizarre, extravagant, contraire au bon sens. Synon. absurde, farfelu, fou, insensé, maboul (fam.), timbré (fam.). « C’est vrai, je ne sais pas distinguer si tu es loufoque, abruti ou neurasthénique (Aymé, Boeuf cland., 1939, p. 132) »

A demain @jynau

N° d’appel médico-pychologique le « 19 » : le gouvernement entendra-t-il Xavier Bertrand ?

Bonjour

24/03/2020. C’est un ancien ministre de la Santé, toujours homme politique (LR), qui n’a rien oublié de ses dossiers Xavier Bertrand, aujourd’hui président d’une région, les Hauts-de-France, qui fut l’une des premières touchées par l’épidémie. Invité, le 23 mars, sur France Inter, il a abordé un sujet qui n’est pas encore devenu pleinement d’actualité, les conséquences médico-psychologiques liées aux mesures de confinement et à leur durée.

L’ancien ministre de la Santé rappelle que « le confinement, c’est pas une option, c’est pas fait pour embêter les gens : c’est tout simplement que tant que vous n’avez pas de vaccin ou de traitement, le confinement est le meilleur moyen de freiner et de stopper l’épidémie. Il n’y a pas d’autre solution, il faut le respecter et ceux qui s’amusent à le braver doivent être punis pour comprendre. Ils se mettent en danger eux-mêmes et mettent en danger ceux qu’ils aiment. »

« La semaine qui commence va être plus dure que la précédente, explique-t-il. C’est une épreuve collective et individuelle, et nous devons anticiper ce que vont vivre des millions de nos concitoyens. » C’est pourquoi il souhaite  la mise en place d’«un numéro d’appel national, dès cette fin de semaine, qui pourrait être le ’19’». «Il permettrait à chaque personne de pouvoir être en contact avec quelqu’un qui lui répond. Ça peut être des conseils, de l’aide, un soutien médico-psychologique», a-t-il proposé, assurant que «chaque foyer est comme une cocotte-minute».

Pour n’être pas nouvelle, la métaphore de la cocotte-minute est ici parfaitement adaptée. Nous devrions apprendre sous peu la prolongation de la durée de l’actuel confinement auquel la France est soumise. Il n’est pas trop tard pour que l’exécutif commence à traduire dans les faits la suggestion de Xavier Bertrand. Ce dernier propose, d’ores et déjà, un nom pour un tel projet : le Dr Xavier Emmanuelli.

A demain @jynau

Coronavirus : le Collectif inter-hôpitaux réclame entre trois et quatre milliards d’euros

Bonjour

Entre trois et quatre milliards d’euros. C’est, certes, « beaucoup » mais c’est devenu « indispensable ». Tel est le commentaire du collectif inter-hôpitaux (CIH) en marge de la demande qu’il formule à l’attention de l’exécutif pour que l’hôpital public puisse faire face, au mieux, à l’épidémie de Covid-19. Demande formulée via un communiqué de presse daté du 8 mars – et relayé par Le Quotidien du Médecin.

« Le gouvernement doit proposer au Parlement un correctif budgétaire immédiat afin de financer l’hôpital » soutient le CIH  qui cite l’Italie où un milliard d’euros a été débloqué en urgence. Pour la France le collectif réclame en outre un « plan pluriannuel de recrutement et de revalorisation des personnels » estimé entre « 3 et 4 milliards d’euros ». 

On sait que, depuis le début de la crise, les hôpitaux sont pleinement mis à contribution pour tenter de faire face à l’épidémie. « Plans blancs, déprogrammation d’interventions pour libérer des lits, déplafonnement des heures supplémentaires… Tout est fait pour faire surmonter la crise sanitaire et c’est bien. Mais cette mobilisation de tous les personnels ne pourra être suffisante et durable, si elle n’est pas soutenue », estime le CIH.

Déplafonnement des heures supplémentaires

Il réclame notamment le recrutement, à court terme, de quarante mille infirmières nécessaires pour rouvrir les lits fermés, remplacer les arrêts maladie ou congés maternité et « obtenir des ratios d’effectifs soutenables au lit des malades y compris en psychiatrie, sous-dotée et asphyxiée ».

« Il faut avoir des lits disponibles, isoler les patients infectés, et prendre en charge les formes graves, écrit le CIH. Le gouvernement n’échappera pas, après l’épidémie, au débar sur l’absolue inadéquation entre une gestion de crise et le financement de l’activité à l’hôpital. Mais pour l’heure l’urgence est d’avoir les moyens de prendre en charge, recruter les infirmières qui font défaut et qui sont indispensables. »

Conclusion du CIH : « Nous attendons du gouvernement qu’il prenne conscience de l’urgence des décisions, qu’il prenne des actes budgétaires forts : des moyens MAINTENANT ».

Prochaine étape : les réponses d’Olivier Véran. Pour l’heure, le ministre de la Santé vient de signer un décret pour déplafonner les heures supplémentaires des professionnels de santé à l’hôpital « leur permettant ainsi de pouvoir plus facilement assurer la continuité des soins dans les services dans cette situation exceptionnelle ».

A demain @jynau