Didier Raoult : pourquoi une majorité de Français lui fait-elle plus confiance qu’au gouvernement ?

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17/09/2020. Le spectacle médiatique n’en finit plus, sa conclusion reste incertaine. Après des mois de mises en scène télévisées, de sombres coulisses politiques, de caricatures, d’ego chauffés à blanc, d’accusations croisées et d’invraisemblables polémiques médicamenteuses les chiffres sont là : un Français sur deux a une « image positive » du Pr Didier Raoult, microbiologiste à la tête de l’Institut hospitalo-universitaire Méditerranée Infection à Marseille. C’est la conclusion d’ un sondage de l’institut Harris Interactive pour la chaîne LCI publié le 16 septembre. L’enquête a été réalisée en ligne les 14 et 15 septembre 2020 sur un échantillon de 1.399 personnes, représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus. En voici l’essentiel :

« Plus d’un Français sur deux (52%) porte aujourd’hui un regard positif sur le Professeur Didier Raoult, quand un tiers des Français (33%) déclare en avoir une mauvaise opinion et 15% ne pas le connaitre assez ou ne pas se prononcer. Une progression de la confiance de 7 points par rapport à une précédente enquête réalisée au mois de mai, qui peut s’expliquer notamment par une légère hausse de notoriété du Professeur marseillais auprès des Français (20% ne portaient pas d’opinion sur lui dans la précédente enquête, 15% cette fois-ci)

« Cette bonne opinion est particulièrement ancrée auprès des Français âgés de 65 ans et plus (68% contre 52% pour l’ensemble des Français) et des habitants de la région Provence-Alpes-Côte-d’Azur (64%), région où enseigne le professeur. Les sympathisants de la France Insoumise (62%) et du Rassemblement National (72%) se montrent par ailleurs plus positifs à son égard. »

Et puis ce corollaire, tout aussi édifiant : « De manière générale, quand il s’agit de prendre la parole sur l’épidémie de coronavirus, les Français ont légèrement plus tendance à faire confiance à Didier Raoult qu’au Conseil scientifique missionné par le gouvernement : 46% déclarent avoir confiance dans les prises de parole du conseil scientifique quand les allocutions de Didier Raoult suscitent la confiance de 49% des Français (et même 87% auprès de ceux qui déclarent par ailleurs avoir une bonne opinion de l’infectiologue)

Avec, pour finir, un symptôme que ce phénomène a pris des proportions que la raison ne peut plus combattre : Interrogés sur le traitement qu’ils envisageraient s’ils étaient eux-mêmes atteints par le coronavirus, 4 Français sur 10 (41%) déclarent qu’ils souhaiteraient prendre le traitement à base d’hydroxychloroquine préconisé par le Pr Didier Raoult. Les Français portant un regard positif sur Didier Raoult se montreraient majoritairement enclins à prendre ce traitement (70%), qui attire particulièrement d’ailleurs les populations qui le soutiennent le plus : les Français âgés de 65 ans et plus (53%) ou les habitants de la région PACA (53%). »

La prochaine étape du spectacle battrait des records d’audiences télévisées : le Pr Didier Raoult opposé au Pr Jean-François Delfraissy, président (aujourd’hui de plus en plus critiqué par l’exécutif) du Conseil scientifique du gouvernement. Il semble, malheureusement, que les deux champions scientifiques s’y refuseraient. Il leur reste à nous dire pourquoi.

A demain @jynau

Chloroquine : le Pr Pialoux soupçonne le Pr Raoult de ne pas avoir respecté les règles éthiques

Bonjour

14/09/2020. C’est un entretien à bien des égards édifiant. Il est accordé au Monde (Sandrine Cabut) par le Pr Gilles Pialoux « Le Covid-19 peut entraîner un broyage social, avec des glissements entre causalité et responsabilité ». Le chef du service de maladies infectieuses et tropicales de l’hôpital Tenon depuis 2004 y est interrogé à propos de son dernier ouvrage : Nous n’étions pas prêts (éditions JC Lattes, 250 pages, 18 euros), Où l’on retrouve l’une des principales polémiques du moment. .

Question du Monde : Concernant l’hydroxychloroquine, vous êtes très critique envers la méthodologie des études de Didier Raoult, et envers sa communication. Vous faites même un parallèle avec l’affaire de la cyclosporine dans le traitement du sida, et celle de la mémoire de l’eau. Pensez-vous qu’il y a eu fraude ?

Un « parallèle » avec l’affaire dite de « la mémoire de l’eau » ? Il nous faudra nous pencher sur l’ouvrage pour tenter de comprendre où peuvent bien se cacher les parallèles. Reste l’affaire de Marseille et du Pr Raoult. Le Pr Pialoux :

« Les carences méthodologiques des essais de l’équipe de l’lnstitut hospitalo-universitaire (IHU) de Marseille ont été largement décriées, tout comme leur communication outrancière via YouTube ou dans des revues autopromotionnelles. Mais au-delà, le cadre éthique pose un réel problème, comme l’a révélé Libération 1. J’ai pu confirmer, en consultant des rapports des comités de protection des personnes (CPP), que l’IHU semble effectivement s’être assis sur les règles gérant les recherches cliniques sur l’homme.

« Dans l’histoire du sida, les essais cliniques hors cadre ont fait l’objet d’un rapport de l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) et de la direction générale de l’administration et de l’éducation nationale, en 1995. Il me semble que ces études pourraient relever de l’IGAS. Cette histoire a fait en tout cas beaucoup de mal à la recherche clinique. Sans compter toute cette violence sur les réseaux sociaux pour une molécule qui n’a pas prouvé son efficacité. La situation actuelle de l’épidémie à Marseille nous renvoie tous à l’humilité. »

« Humilité ». C’est un bien grand mot qui est ici prononcé. Le Monde : « Vous en voulez aussi aux ‘’experts déconnectés de la réalité’’, qui délivrent des informations erronées. A l’heure où l’épidémie repart en France, quels sont vos messages principaux ? ». Réponse de l’infectiologue parisien :

« Au début de cette pandémie, des spécialistes se sont trompés en parlant de ‘’grippounette ‘’, des modélisations se sont révélées fausses. Dans un phénomène émergent, ces erreurs sont inévitables, mais leur reprise en boucle a créé un courant de négation qui diffuse partout, même chez des chroniqueurs, des philosophes et certains médecins qui nourrissent les dérives complotistes.

« Pour la deuxième vague, il faut accepter de dire : ‘’Je ne sais pas.’’ Par exemple, la place des enfants dans la chaîne de transmission est encore mal connue, idem pour la durée de l’immunité. Et il persiste beaucoup d’incertitudes sur les modes de transmission. On devrait pouvoir laisser l’incertitude exister sans se sentir obligé de donner une opinion. Par ailleurs, pour prendre certaines décisions politiques, comme la généralisation du port du masque, il n’y a pas besoin de preuves de son efficacité. Aujourd’hui, il y a une montée du discours antimasque, mélangée avec des discours antivaccins, anti-5G, etc., et la confusion est attisée par un certain nombre de pseudo-experts et par les réseaux sociaux. Je suis inquiet de cet environnement délétère qui coïncide avec la remontée de l’épidémie. »

Mais qui, aujourd’hui, peut prendre la liberté de ne pas être inquiet ?

A demain @jynau

1 Le Pr Didier Raoult sera-t-il condamné à ne plus pouvoir exercer? Slate.fr 8 septembre 2020

Réquisitoire dérangeant pour le gouvernement «Ne plus être gouvernés par la peur»

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12/09/20020. C’est un document d’importance, une tribune collective publiée par Le Parisien et signée par trente-cinq scientifiques, universitaires et professionnels de santé 1 critiquent avec une certaine virulence la politique et la communication gouvernementales. Selon eux, elles relèvent davantage d’un affichage d’une « posture protectrice » que d’une stratégie sanitaire précise. Un document dont Le Monde Hervé MorinPascale Santi et Nathaniel Herzberg) donne fort utilement la généalogie. Un document qui sera peut-être qualifié de « populiste » – où l’on retrouve des opinions et des prises de position rarement exprimées sur les plateaux de télévision. En voici quelques extraits :

« Nous, scientifiques et universitaires de toutes disciplines, et professionnels de santé, exerçant notre libre arbitre et notre liberté d’expression, disons que nous ne voulons plus être gouvernés par et dans la peur. La société française est actuellement en tension, beaucoup de citoyens s’affolent ou au contraire se moquent des consignes, et nombre de décideurs paniquent. Il est urgent de changer de cap.

Nous ne sommes pas en guerre mais confrontés à une épidémie qui a causé 30 décès le 9 septembre, contre 1438 le 14 avril. La situation n’est donc plus du tout la même qu’il y a 5 mois. Par ailleurs, si la guerre peut parfois justifier un état d’urgence et des restrictions exceptionnelles de l’Etat de droit et des libertés publiques qui fondent la démocratie et la République, ce n’est pas le cas d’une épidémie. Aujourd’hui comme hier, cette crise doit nous unir et nous responsabiliser, pas nous diviser ni nous soumettre. »

Complotistes en tout genre

C’est pourquoi les signataires appellent les autorités politiques et sanitaires françaises « à cesser d’insuffler la peur à travers une communication anxiogène qui exagère systématiquement les dangers sans en expliquer les causes et les mécanismes. Il ne faut pas confondre la responsabilisation éclairée avec la culpabilisation moralisatrice, ni l’éducation citoyenne avec l’infantilisation. »

Ils appellent également l’ensemble des journalistes « à ne plus relayer sans distance une communication qui est devenue contre-productive : la majorité de nos concitoyens ne fait plus confiance aux discours officiels, les complotistes en tout genre foisonnent sur les réseaux sociaux et les extrémismes en profitent ».

« Le confinement général, mesure inédite dans notre histoire, a eu des conséquences individuelles, économiques et sociales parfois terribles qui sont loin de s’être encore toutes manifestées et d’avoir été toutes évaluées. Laisser planer la menace de son renouvellement n’est pas responsable.

« Il faut évidemment protéger les plus faibles. Mais de même que l’imposition du masque dans la rue, y compris dans les régions où le virus ne circule pas, l’efficacité du confinement n’est pas démontrée scientifiquement. Ces mesures générales et uniformes, imposées sous surveillance policière, relèvent davantage d’une volonté d’afficher une posture protectrice que d’une stratégie sanitaire précise. D’où leur grande volatilité depuis six mois. Beaucoup d’autres pays agissent avec plus de cohérence. Une coordination européenne serait nécessaire. »

Supprimer (ou refonder) le Conseil scientifique

Les auteurs également le gouvernement « à ne pas instrumentaliser la science ». Et d’ajouter, ce qui ne manquera pas non plus d’irriter : « La science a pour condition sine qua non la transparence, le pluralisme, le débat contradictoire, la connaissance précise des données et l’absence de conflits d’intérêts. Le Conseil scientifique du Covid-19 ne respectant pas l’ensemble de ces critères, il devrait être refondé ou supprimé. »

Suivent des considérations qui nourriront de nombreuses critiques où l’on retrouve, entre les lignes, la promotion de l’usage de l’hyroxychloroquine – ce qui ne manquera pas de réduite la portée et le poids de cette initiative. « Il est urgent, concluent les auteurs, de nous remettre à penser ensemble pour définir démocratiquement nos stratégies sanitaires, redonner de la confiance à nos concitoyens et de l’avenir à notre jeunesse. »

« Nombre des critiques exposées ont déjà été exprimées, mais ce texte a la particularité de réunir des personnalités qui, sur certains aspects de la pandémie, et de sa prise en charge, ont parfois été diamétralement opposées » observe Le Monde. C’est, en d’autres termes, dire l’intérêt, plus ou moins distancié, que l’on pourra lui trouver.

A demain @jynau

1 Jean-François Toussaint, professeur de physiologie à l’Université de Paris ; Laurent Mucchielli, sociologue, directeur de recherche au CNRS ; Bernard Bégaud, professeur de pharmacologie à l’Université de Bordeaux ; Gilles Bœuf, professeur de biologie à Paris-Sorbonne Université ; Pierre-Henri Gouyon, professeur de biologie au Muséum national d’histoire naturelle ; Jean Roudier, professeur de rhumatologie à l’Université d’Aix-Marseille ; Louis Fouché, médecin, anesthésiste-réanimateur à l’Hôpital de la Conception ; Olivier de Soyres, médecin, réanimateur à la clinique des Cèdres ; Christophe Lançon, professeur de psychiatrie à l’Université d’Aix-Marseille ; Laurent Toubiana, épidémiologiste à l’Inserm ; Mylène Weill, biologiste, directrice de recherche au CNRS ; Anne Atlan, généticienne des populations et sociologue, directrice de recherche au CNRS ; Bernard Swynghedauw, biologiste, directeur de recherche émérite à l’Inserm ; Marc-André Selosse, professeur de microbiologie au Muséum national d’histoire naturelle ; Jean-Louis Thillier, médecin, immunopathologiste ; Jean-François Lesgards, biochimiste, chercheur au CNRS ; Alexandra Menant, biologiste, chercheuse au CNRS ; André Comte-Sponville, philosophe ; François Gastaud, chirurgien orthopédiste à Strasbourg ; Éric Desmons, professeur de droit public à l’Université Sorbonne Paris Nord ; Dominique Andolfatto, professeur de science politique à l’Université de Bourgogne Franche-Comté ; Charalambos Apostolidis, professeur de droit public à l’Université de Bourgogne-Franche-Comté ; Nicolas Sembel, professeur de sociologie à l’Université d’Aix-Marseille ; Dominique Crozat, professeur de géographie à l’Université de Montpellier ; Marnix Dressen-Vagne, professeur de sociologie à l’Université Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines ; Thomas Hippler, professeur d’histoire contemporaine à l’Université de Caen-Normandie ; Nicolas Leblond, maître de conférences en droit à l’Université Polytechnique Hauts-de-France ; Dominique Labbé, politiste, enseignant émérite à l’Université de Grenoble-Alpes ; Arnaud Rey, chercheur en psychologie au CNRS ; Mathias Delori, politiste, chercheur au CNRS ; Jacques Tassin, écologue, chercheur au Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (Cirad) ; Sylvie Gourlet-Fleury, écologue, chercheuse au Cirad ; Emmanuelle Sultan, docteur en océanographie physique, ingénieure de recherche au Muséum national d’histoire naturelle ; Christophe Leroy, biologiste, docteur en biologie moléculaire et cellulaire ; Bernard Dugué, docteur en pharmacologie, docteur en philosophie

Un médecin peut-il sans danger se déclarer «farouchement opposé» au port du masque ?

Bonjour

09/09/2020 Quelques lignes pour une affaire hors norme rapportée notamment par Le Progrès, l’AFP et Le Quotidien du Médecin ( Martin Dumas Primbault).

« Sur la porte de son cabinet, un écriteau va à l’encontre des recommandations des autorités sanitaires. Le Dr Patrick Bellier est farouchement opposé au port du masque, au point d’interdire à ses patients de se présenter devant lui la bouche couverte. ‘’Faire chier 67 millions de Français ne sert à rien ‘’, estime ce pneumologue de Sainte-Foy-lès-Lyon (Rhône). Pour le praticien libéral, en plus  ‘’d’emmerder tout le monde ‘’, l’obligation de porter un masque est « criminelle ». Le Dr Patrick Bellier assure que ‘’les 7 000 cas détectés quotidiennement ces derniers temps sont des porteurs sains’’ qui favorisent ‘’l’évolution du virus vers une forme non-pathogène ‘’. Ces personnes  ‘’empêchent la multiplication des cas graves’’. »

Où l’on retrouve une position défendue par d’autres spécialistes- et qui ne va jamais sans déclencher de vives polémiques. Ce spécialiste de 63 ans établit même un lien entre la reprise actuelle de l’épidémie et les premiers arrêtés imposant le port du masque au milieu du mois d’août. Selon lui le port du masque aurait dû être « obligatoire en mars-avril », tandis que rendre le port du masque obligatoire actuellement « empêche la protection de masse », voire pourrait entraîner d’autres « épidémies ». Le pneumologue prévoit que l’épidémie de Covid-19 s’éteindra « toute seule », de même que la grippe espagnole au début du XXe siècle.

Mais cette prise de position n’a pas été du goût de tous les patients du pneumologue de Sainte-Foy-lès-Lyon . L’un d’entre eux est même allé jusqu’à porter plainte. C’est ainsi que le Dr Patrick Bellier est convoqué devant le conseil départemental de l’Ordre des médecins du Rhône à Lyon le 18 septembre « afin de s’expliquer ». Plusieurs médias ont déjà prévu d’être présents, assure le praticien. Il espère que cette couverture médiatique pourrait « se transformer en manifestation anti-masque ».

A demain @jynau

Sur ce thème : La meilleure façon de persuader une personne anti-masque d’en porter un (Claire Hooker) Slate.fr 9 septembre 2020

Pourquoi va-t-on réduire la «quatorzaine» alors que la progression virale est «exponentielle» ?

Bonjour

08/09/2020 Une fois de plus, la nécessité absolue d’une pédagogie destinée au plus grand nombre – un exercice que l’exécutif peine à mettre en place. Le gouvernement va très vraisemblablement réduire la période d’isolement des malades du Covid-19 et des cas contacts, jugeant que la durée actuelle de 14 jours est «trop longue». Mais comment justifier cette mesure alors que les indicateurs de l’épidémie continuent globalement de se détériorer ?

Olivier Véran, ce matin sur France Inter  au sujet de la réduction à venir du délai de quatorzaine en cas de suspicion de Covid-19. « Le Conseil scientifique m’a rendu ses conclusions sur cette question », précise-t-il. « Il est favorable à ce qu’on puisse réduire la période de mise à l’abri dans un certain nombre de situations, et de passer de 14 à 7 jours. On est davantage contagieux dans les 5 premiers jours, ensuite la contagiosité diminue de façon importante. Ce n’est pas à moi de prendre cette décision, elle sera prise vendredi lors du conseil de défense national. »

Dans le même temps on sait que l’incidence du Covid-19 dépasse désormais le seuil d’alerte – soit 50 cas pour 100 000 habitants – dans dix-neuf départements et le taux de positivité (proportion du nombre de personnes positives divisé par le nombre de personnes testées, sur les sept derniers jours) continue d’augmenter : il a atteint 4,9 % dimanche 6 septembre, contre 4,3 % en milieu de semaine.

Dans son dernier point de situation, Santé publique France (SpF) annonce constater une progression « exponentielle » de la circulation du virus et une dynamique de transmission « préoccupante ». Sept nouveaux départements ont été classés en zone rouge, portant le total à vingt-huit. « On a une croissance aujourd’hui de 30 % du nombre de cas par semaine, de 15 % du nombre d’hospitalisations. Si on continue avec ce même rythme, on arrivera sur une situation critique en décembre dans plusieurs régions de France », a averti dimanche l’épidémiologiste Arnaud Fontanet sur LCI.

« Grenade dégoupillée »

« Nous connaissons mieux le virus, et les données montrent que l’essentiel de la transmission a lieu dans les cinq premiers jours de l’infection », souligne Yazdan Yazdanpanah, infectiologue à l’hôpital Bichat et membre du Conseil scientifique, en soulignant qu’un raccourcissement de la quarantaine permettrait de la rendre plus « acceptable ». « Il faut aussi penser aux gens, à la vie, à l’économie du pays », plaide-t-il, cité par Le Monde. Où l’on perçoit la difficulté, y compris chez les membres du Conseil scientifique, à faite la part entre la « santé publique » et l’économique.

Même observation, plus compréhensible, chez les responsables politiques.Olivier Véran avait ainsi expliqué dès le 5 septembre avoir demandé «aux autorités scientifiques de donner un avis pour savoir si on ne peut pas réduire» la période d’isolement pour les cas contacts, la jugeant «sans doute trop longue». Le Monde rappelle que le ministre avait déjà évoqué cette hypothèse le 27 août, lors de la conférence de presse gouvernementale, indiquant avoir «saisi le Conseil scientifique en vue d’adapter si possible les conditions de cette mise à l’abri, et notamment sa durée», disant espérer «un feu vert pour réduire cette période».

Cet avis a été remis au gouvernement jeudi 3 septembre, mais n’a pas encore été rendu public, a indiqué le Conseil scientifique à l’AFP. «Il faut désormais être pragmatiques et efficaces», estimait il y a peu sur Twitter l’épidémiologiste Antoine Flahault. Les ‘’quatorzaines’’ doivent maintenant devenir des semaines de cinq jours. Au-delà de cinq jours, moins de 10% des porteurs de virus non symptomatiques sont contagieux». «Je pense que c’est une bonne idée, je pense qu’effectivement (…) la contagiosité est essentiellement lors des premiers jours, après l’infection, a déclaré lundi sur Europe 1 Rémi Salomon, président de la Commission médicale de l’AP-HP. Au delà du 7ème jour après les premiers signes, la charge virale et par conséquent le risque de transmettre le virus sont faibles», précise-t-il sur Twitter.

«Il vaut mieux huit jours bien respectés que 14 jours mal respectés», estimait lundi sur LCI Martin Hirsch, directeur général de l’AP-HP. Actuellement, «on a du mal à savoir si les Français respectent» les mesures d’isolement, car «on contrôle peu», mais les remontées de terrain montrent que «c’est compliqué». «Plus c’est court, plus c’est facile à observer, plus c’est efficace. On ne peut pas prétendre au risque zéro, mais la mesure serait mieux acceptée socialement», explique encore Antoine Flahaut, dans le Journal du Dimanche.

Mais même écourté, faire respecter l’isolement reste un défi, avertit toutefois Rémi Salomon. Le néphrologue pédiatrique appelle à réfléchir à «des mesures économiques, des indemnités» pour les populations précaires et les professions indépendantes, qui aujourd’hui refusent parfois d’aller «se faire tester par crainte d’être isolées, d’être obligées de s’arrêter» de travailler.

L’isolement, s’il est essentiel pour empêcher l’épidémie de se propager, entraîne en effet de lourdes conséquences pratiques et économiques, qu’il s’agisse d’un salarié renvoyé chez lui, d’un indépendant devant suspendre son activité ou d’un enfant que ses parents devront garder. Raccourcir sa durée pourrait donc en limiter l’impact, mais ce serait un mauvais calcul, selon l’épidémiologiste Catherine Hill. «Une stratégie qui consiste à laisser le virus circuler, c’est une grenade dégoupillée, qui coûtera bien plus cher que de bien faire les choses», déclare-t-elle. Si on veut alléger le fardeau des quarantaines, on fait les choses «dans le désordre», estime aussi Martin Blachier, médecin de santé publique interrogé par l’AFP. Il faudrait d’abord «trier» les bonnes et les mauvaises quatorzaines, car aujourd’hui «90% sont inutiles» selon lui, parce qu’elles concernent des cas contacts qui ne sont pas vraiment «à risque».

« Grenade dégoupillée » ? Où l’on perçoit une nouvelle fois, dans cette cacophonie des voix dissonantes et médiatisées, la difficulté de faire, ici, œuvre de pédagogie.

A demain @jynau

Le Pr Didier Raoult bientôt transformé en martyr scientifique par l’Ordre des médecins ?

Bonjour

03/09/2020. C’est une nouvelle et croustillante étape dans une affaire désormais sans fin : « l’affaire Raoult ». On en trouvera l’essentiel dans Le Figaro (Cécile Thibert). Un développement symptomatique des passions et des colères générées par le comportement du microbiologiste marseillais au sein de sa communauté médicale et scientifique spécialisée.

Il faut ainsi rappeler qu’en juillet, la Société de pathologie infectieuse de langue française (Spilf) avait déposé plainte contre Didier Raoult, le plus que médiatique directeur de l’Institut hospitalo-universitaire (IHU) Méditerranée Infection auprès du Conseil départemental de l’Ordre des médecins des Bouches-du-Rhône. Sanctions encourues : du simple avertissement à la radiation définitive.

« Promotion d’un traitement qui n’a pas démontré son efficacité, diffusion de fausses informations auprès du public, graves manquements au devoir de confraternité, réalisation d’essais cliniques dont la légalité reste à démontrer… La Spilf – qui rassemble plus de 500 spécialistes des maladies infectieuses – reproche au microbiologiste d’avoir enfreint pas moins de neuf articles du code de déontologie médicale » résume Le Figaro.

Et le quotidien de détailler après avoir pris connaissance d’un argumentaire de six pages dans lequel les plaignants exposent méticuleusement les motifs. À commencer par la promotion et la prescription tous azimuts de l’hydroxychloroquine  par le chercheur marseillais depuis le mois février. «Le Pr Didier Raoult a délibérément prescrit de l’hydroxychloroquine souvent associée à de l’azithromycine à des patients atteints de Covid-19 sans qu’aucune donnée acquise de la science ne soit clairement établie à ce sujet, et en infraction avec les recommandations des autorités de santé», souligne la société savante.

Hydroxychloroquine, essai clinique et cadre légal

Pugnaces les auteurs de la plainte rappellent que le code de déontologie médicale interdit aux médecins de présenter comme «salutaire ou sans danger un remède ou un procédé illusoire ou insuffisamment éprouvé». Et ce alors même que les risques, notamment cardiaques, sont bien établis (150 cas d’atteinte cardiaque liés à l’hydroxychloroquine entre janvier et mai, dont 7 décès, selon l’Agence du médicament).

De même, les médecins sont tenus de ne faire état au public que de «données confirmées», de «faire preuve de prudence» et d’avoir le «souci des répercussions de ses propos». Ce que Didier Raoult n’aurait pas respecté, selon la Spilf,  en affirmant que l’hydroxychloroquine permettait une «amélioration spectaculaire»  – et ce avant de jurer aux députés de la commission d’enquête parlementaire sur la gestion de l’épidémie n’avoir «jamais recommandé ce traitement»

« Les plaignants n’ont pas non plus digéré les multiples offenses du chercheur marseillais, qui a traité de «fous» ceux qui ne prescrivaient pas son traitement, avant d’insinuer que certains avaient délibérément laissé mourir des patients » ajoute Le Figaro. «Ici, à Paris, on comptait les morts, moi je comptais les positifs (…) On n’a pas soigné les gens (…) c’est un choix qui a été fait», a-t-il ainsi déclaré le 25 juin sur BFMTV.

Enfin, et c’est peut-être le plus grave, les auteurs de la plainte accusent le scientifique marseillais de ne pas avoir réalisé ses essais cliniques sur l’homme dans le cadre légal. Une enquête nationale de l’Agence de sécurité du médicament est en cours qui pourrait dépasser le seul cadre des poursuites ordinales.

Et maintenant ? La plainte argumentée doit donner lieu à une « proposition de conciliation » entre les deux parties. Si, comme on peut l’imaginer, celle-ci n’aboutissait pas, le dossier serait instruit par la chambre disciplinaire régionale, présidée par un magistrat. Une procédure qui dure habituellement près d’un an. Avant les éventuels appels. D’ici là le Pr Raoult pourra, une nouvelle fois, amplement dénoncer dans les médias la méchante vindicte professionnelle dont il fait officiellement l’objet– un phénomène qui ne pourra qu’amplifier l’aura dont ce « semi-rebelle » atypique dispose dans l’opinion comme, plus étonnant sans doute, chez une fraction de ses confrères.

A demain @jynau

Etre pris avec de la drogue devient l’équivalent d’une contravention de stationnement

Bonjour

01/09/2020. C’est donc fait. « A compter de ce 1er septembre, toute personne surprise avec un joint au bec ou de la drogue dans les poches pourra se voir adresser une amende de 200 euros par voie postale ou électronique, si l’usager accepte la destruction de son produit, nous rappelle Libération (Charles Delouche). A la manière d’une amende de stationnement, la somme pourra être minorée à 150 euros si elle est payée dans les quinze jours. Mais pourra grimper jusqu’à 450 euros en cas de retard. Lancée dans certaines villes de France depuis la mi-juin, On parle ici d’amende forfaitaire délictuelle (AFD) doit s’appliquer à « toutes les drogues » mais qui vise en particulier les consommateurs de cannabis – un procédé testée depuis juin dans plusieurs villes, dont Reims, Créteil ou Rennes.

Surpris ? Fin juillet, lors d’un déplacement à Nice, le premier ministre, Jean Castex, avait annoncé sa généralisation à la rentrée afin d’aider les forces de l’ordre à « appliquer une sanction sans délai » et de lutter « contre les points de revente qui gangrènent les quartiers ». Dans les villes tests, au 26 août, 545 amendes avaient été infligées, dont 172 à Rennes, selon le procureur de la République de la ville, Philippe Astruc. Sur ces 172 verbalisations, « 166 portaient sur du cannabis et 7 sur de la cocaïne », a-t-il précisé dans un communiqué. « 70 % des avis d’infraction ont été transmis aux contrevenants dont 32 % se sont déjà acquittés du paiement de l’amende », a ajouté le procureur.

Et une fois de plus cette impasse que l’exécutif s’obstine à ne pas vouloir prendre en compte : en dépit d’une politique parmi les plus répressives d’Europe les Français demeurent les premiers consommateurs de cannabis et se placent au troisième rang pour la cocaïne. Ainsi, en août, le ministre de l’Intérieur, Gérard Darmanin, a promis que cette amende, qui sera appliquée « partout en France, dans les quartiers de Créteil comme dans le 16e arrondissement de Paris » (sic), est une « technique qui consiste à tuer tout trafic de drogue » (re-sic).

Rappel et commentaires : la loi de 1970, qui indique qu’un consommateur risque un an de prison et 3 750 euros d’amende, s’est donc vue agrémentée d’une possibilité de verbaliser directement sur la voie publique une personne surprise avec de la drogue. On est passée de la «tronçonneuse inutilisable» de la loi de 1970 à une «agrafeuse de masse» avec cette AFD estime fort justement, dans Libération, le Dr William Lowenstein, addictologue et président de SOS Addictions. «La répression contre le trafic de stupéfiants a sa place en France. Mais à condition qu’elle se fasse en même temps que le soin, la prévention et la réduction des risques, ajoute-t-il. Un pilier sécuritaire ne peut pas à lui seul corriger une politique de santé des addictions.» 

Pour le Dr Lowenstein, une idée efficace, «évoquée depuis quinze ans» pour lutter contre les problèmes d’addiction serait la création d’unités d’urgence en addictologie. «La prohibition seule ne peut pas avoir valeur de protection préventive ». Selon Jean Maxence Granier, également interrogé par Libé, président de l’association Asud (Auto support des usagers de drogues), cette AFD n’est que «la reconduite d’une politique de prohibition qui ne fonctionne pas depuis cinquante ans. La criminalisation de l’usage va à l’encontre de ce qu’il se passe dans le monde en matière de drogues».

Dès le 30 juillet, un collectif d’associations s’est formé en opposition à ce projet. Le Syndicat des avocats de France, la Ligue des droits de l’homme ainsi que des organismes spécialisés dans la santé tels que la Fédération Addiction ou Médecins du monde dénoncent une «promesse de fermeté illusoire» de la part du Premier ministre.

Rien n’y fait. Comme depuis des décennies, lee président de la République, le Premier ministre et le ministre de l’Intérieur n’écoutent pas les arguments des soignants. Et l’actuel ministre de la Santé, que l’on avait cru sensible à une politique de réduction des risques, se tait. Désespérer ?

A demain @jynau

Martin Hirsch accuse désormais le Pr Raoult d’user des «vieilles ficelles complotistes»

Bonjour

25/08/2020. Rentrée et retour-réflexe des personnalités habituées des médias. Sur France Inter, une nouvelle fois Martin Hirsch, directeur général de l’AP-HP. Promotion d’un nouveau livre au titre botanique énigmatique 1. Avec une précision, de taille : « Ce livre n’est pas celui qui dit que j’ai eu raison et que les autres sont des couillons ». Certes. Mais à bien l’écouter certains seraient plus dangereux que d’autres.  

On a ainsi, selon lui, assisté durant cette épidémie à la jonction du « populisme scientifique » et du « populisme politique » – règlement de compte vis-à-vis du Dr Philippe Douste-Blazy, ancien ministre et grand promoteur médiatique des recommandations-chloroquine du Pr Didier Raoult. Martin Hirsch vaut ici d’être cité qui parle de « scientificiens populistes » comme il en est de certains politiciens :

« Jusqu’à présent la science était une sorte de rationalité contre le populisme. C’est quoi le populisme ? C’est faire croire aux gens que tout est possible n’importe comment, qu’il n’y a pas de contraintes, dictées par le réel. Et quand la science devient elle-même irrationnelle et utilise les recettes du populisme (faire semblant de se différencier par rapport aux autres, à considérer que tous les gens sont pourris sauf soi et ce même quand on a le même type de comportement, à faire croire à des recettes miracles, à penser que quand cent mille personnes signent pour l’usage d’un médicament on devrait l’utiliser plutôt que de regarder en double aveugle ce qui se passe, etc.) – ça c’est quelque chose de nouveau. On avait vu des dérives individuelles, des prix Nobel dire qu’ils pouvaient soigner le pape avec de la papaye quand il avait un Parkinson [Pr Luc Montagnier en juin 2002] Mais on a jamais vu me semble-t-il, comme ce printemps, une pénétration aussi forte sur les comportements de l’attitude de certains scientifiques. »

Pourquoi nous dire tout et son contraire ?

Comment néanmoins expliquer le succès considérable du Pr Didier Raoult auprès du « grand public » ? Pourquoi est-il plus cru que Martin Hirsch ou que les responsables de l’exécutif ? Martin Hirsch :

« J’explique ça d’abord par sa propre attitude. C’est ce qu’il cherche, avec un talent absolument remarquable. Il cherche à le faire et il utilisent de vieilles ficelles, qui sont des ficelles complotistes… C’est très astucieux, c’est très bien fait … La première chose c’est de dire : ‘’attention, tous vendus sauf moi !’’ – et donc de décrédibiliser le système. La deuxième chose c’est de dire ‘’vous allez-voir je suis le seul à penser comme vous ‘’. C’est la pensée par identification…

« Et en période de crise la population est en général réceptive. On a envie de bouc émissaire, de solutions faciles, d’une clef de compréhension. Donc si quelqu’un vous la livre avec en plus l’ambiguïté sur sa légitimité c’est-à-dire face je suis comme les grands scientifiques, j’ai le plus grand nombre de publications etc. Et pile en fait je suis plutôt comme vous, je suis la victime du système … et bien ça marche. Et s’il y a un deuxième Raoult cela marchera aussi bien – sauf si il y a un peu plus de responsabilité dans la parole collective. »

Responsabilité dans la parole collective médiatique ? Hier Karine Lacombe, invitée d’Inter , parlait d’une entrée dans la deuxième vague, et au même moment sur franceinfo le Pr Jean-François Delfraissy, président du Conseil scientifique, contestait ce terme.

On se penche ici sur la crédibilité de la parole scientifique dans les médias, Martin Hirsch estime qu’il y avait bien, hier, « une erreur – mais une erreur difficile à rectifier ».  « Il faut à la fois ne pas censurer – un scientifique peut avoir raison comme les autres et doit avoir la liberté de parole. estime-t-il. Mais ne pas laisser chacun à trop d’individualisme. La solution est d’aider les scientifiques  à faire au micro ce qu’il font dans leur labo ou dans leur colloque : faire du collégial. » Ne pas laisser faire qu’à force d’accumulations médiatiques d’opinions dissidentes on ne s’y retrouve plus… ». Son propos vaut aussi, faudrait-il le rappeler, pour les politiques : « Comment on en vient à nous dire ‘’tout et son contraire’’ sur le Covid-19 ».

A quand la rencontre sur le pré ? A quand le grand débat télévisé entre le directeur général de l’AP-HP et celui de l’IHU Méditerranée ?

A demain @jynau

1 Hirsch M. L’Enigme du nénuphar. Editions Stock. « Ce sont des mots confiés d’un souffle au dictaphone chaque soir, comme un ultime effort après une journée folle. Ce sont des messages d’encouragement adressés chaque matin à ceux-là même que les Français applaudissent à 20 heures. Pour que ces moments ne tombent pas dans l’oubli. Pour qu’il reste une trace. Pour que cela ne soit pas ceux qui étaient loin de l’action qui inventent leurs propres récits, vus de l’extérieur. Pour que les leçons soient tirées. Pour que tout ne redevienne pas comme avant. D’habitude, dans chaque crise, il y a toujours quelqu’un pour dire ce que cela lui rappelle. Là, même les plus expérimentés confiaient que cela ne leur rappelait rien, ni en France, ni ailleurs. Du jamais vu. Martin Hirsch, qui dirige l’AP-HP depuis sept ans, a vécu cette crise aux avant-postes. Il a choisi de restituer brut ce qu’il a ressenti, ce qu’il a affronté, ce qu’il a vécu avec tous ceux qui étaient au front. »

Covid-métaphore: après la «cocotte-minute», Olivier Véran, la «casserole» et le «couvercle»

Bonjour

23/08/2020. Nous étions à la fin janvier. Sept mois déjà. Tout commençait à évoluer à très grande vitesse sur le front du « corona » (c’était alors la nouvelle abréviation médiatique). On observait alors certains médias interroger avec componction les experts sur le fait de savoir « s’ils en faisaient trop ou pas assez ». On voyait aussi certains hauts responsables commencer à puiser dans le grand sac des métaphores. Ainsi la ministre Agnès Buzyn user de celle de l’incendie qui, comme chacun sait, doit être au plus vite circonscrit.  Ainsi le Pr Arnaud Fontanet (Institut Pasteur de Paris), qui dans Le Monde, avait recours à un outil généralement utilisé en cuisine.

Fin janvier 2020.  Le Monde (Rémi Barroux) lui demande si l’OMS aurait alors dû décréter un « état d’urgence internationale ». «  C’est difficile à dire, répond le pastorien (…) Pour déclarer une ‘’urgence de santé publique de portée internationale’’, il faut que ce soit soudain, grave, d’une ampleur mondiale et que la réponse nécessite une action coordonnée à l’échelle internationale. Or, pour le moment, la dimension mondiale est encore incertaine, puisque dans tous les pays où des cas ont été enregistrés, il n’y a pas eu de cas secondaire, c’est-à-dire pas de personne secondairement infectée dans l’entourage du cas importé. Même si on se rend compte qu’il y a une cocotte-minute en Chine. Qu’en sera-t-il dans quinze jours ? »

On savait ainsi qu’il y avait bien eu, en Chine, une « Cocotte-minute® » (marque déposée depuis soixante-sept ans par SEB, célèbre acronyme de « Société d’Emboutissage de Bourgogne ») ; un objet devenu culte également connue sous le nom d’ « auto-cuiseur » ; ustensile de cuisine constitué d’un récipient en métal épais hermétiquement clos par un couvercle équipé d’une valve de dépressurisation qui permet de cuire les aliments sous haute pression. « Où l’on retrouve incidemment la notion de pression, avec tous les risques et dangers qui y sont associés, écrivions-nous alors. La Chine a-t-elle su manier comme il convenait la petite valve de dépressurisation ? »

Sept mois plus tard. On sait ce qu’il en fut. En France la Dr Agnès Buzyn a été remplacée par le Dr Olivier Véran. « Nous sommes dans une situation à risques » face au Covid-19, met-il  en garde dans un entretien donné au Journal du dimanche (JDD) du 23 août – expliquant redouter qu’une une contamination croissante des plus jeunes conduise à une reprise du phénomène observé ces derniers mois chez les personnes plus âgées et plus fragiles.

Les ponts sont désormais coupés avec le Pr Didier Raoult

Concernant la propagation du coronavirus, Olivier Véran affirme que « la majorité des transmissions se fait désormais dans des situations festives des plus jeunes, où les gestes barrières ne sont pas respectés ». « Le virus circule quatre fois plus chez les moins de 40 ans que chez les plus de 65 ans, explique le ministre des Solidarités et de la Santé. Si la circulation du SARS-CoV-2 s’accélère encore chez les plus jeunes, les personnes âgées, qui contractent plus souvent des formes plus graves de la maladie, pourraient être à leur tour affectée. Il faut à tout prix éviter [un tel scénario] qui mettrait en tension notre système sanitaire et serait extrêmement problématique.»

Dans les Bouches-du-Rhône, un des huit départements où le niveau de vulnérabilité est élevé, et « où on a 188 nouveaux cas pour 100 000 personnes de 20 à 40 ans, on constate depuis trois semaines que les tests positifs augmentent chez les seniors. Le passage entre les publics se fait déjà. Et on constate à nouveau une augmentation des entrées en hospitalisation et réanimation. » Et le Dr Olivier Véran de préciser, à sa façon, que les ponts sont désormais coupés avec le Pr Didier Raoult.

Où l’on voit que l’exécutif sanitaire, quoique largement impuissant à prévenir les contaminations des plus jeunes, demeure arc-bouté contre la proposition du Pr Eric Caumes (Pitié-Salpêtrière) qui, pragmatique, estime qu’une forme de « laisser-faire » conduirait de facto, via les plus jeunes, à une augmentation de l’immunité collective  1.

Autre précision, virologique, de taille : « Aucun argument scientifique ne vient étayer la théorie d’un virus moins dangereux. Le Covid-19 qui se propage est le même que celui qui a coûté la vie à 30 000 Français. Seul le profil des malades a changé ; ils sont plus jeunes et donc moins symptomatiques. »

« L’épidémie ne s’est jamais arrêtée, affirme le ministre. Elle a seulement été contrôlée pendant le confinement puis le déconfinement progressif. Le risque c’est que, après avoir enlevé doucement le couvercle de la casserole, l’eau se remette à bouillir ». C’est certes là une variable ménagère française moins inquiétante que l’autocuiseur chinois. Est-ce pour autant une situation moins redoutable ?

A demain @jynau

1 Après un début de polémique médiatique, pour être clair et bien compris le Pr Eric Caumes nous avait adressé ces quelques lignes :

« Ce qui semble ne pas avoir été compris dans mes propos c’est que de toute façon les jeunes n’en ont rien à faire. Il faut composer avec cette réalité incontournable ou assumer d’envoyer police ou armée pour faire respecter la distanciation ou le port du masque.

« Comme ce n’est pas fait, avec juste raison, je pense qu’il faut composer – c’est à dire relever le positif (immunité dans ce groupe qui s’avérera bien utile au moment de reprendre école, collèges, lycées et universités), tout en avertissant des dangers pour eux (formes rares possibles aussi, même si rares), et pour les autres (respect des anciens). »

Les Français seront-ils contraints et forcés de se faire vacciner, gratuitement, contre le Covid ?

Bonjour

19/08/2020. C’est un formidable ballet à contre-temps. En France, le port du masque est progressivement imposé dans tous les endroits, ouverts et clos, de la cité. Rendu obligatoire pour des raisons de « santé publique » sans pour autant être gratuit. Et sans que l’exécutif, ici, ne s’explique…. Ce n’est là qu’un début. Qu’en sera-t-il quand les premiers vaccins anti-Covid apparaîtront sur le marché français ? Et pourquoi sommes-nous tenus dans l’ignorance totale ? Le gouvernement aurait-il peur, ici comme dans l’affaire des masques, de dire tout avant de clamer son contraire ?

On imagine difficilement, en France, que ces vaccins ne seront pas pris en charge (comme presque tous les autres) par la collectivité. Toujours au nom de la « santé publique ». Mais le chef de l’Etat, Jean Castex, Olivier Véran et tout le pouvoir exécutif l’imposeront-ils comme ils imposent, aujourd’hui le port du masque ? Combien d’épidémiologistes et de spécialistes du droit et de l’éthique, combien de virologistes et de responsables politiques, combien de ministres et démocrates éclairés phosphorent-ils aujourd’hui sur le sujet ? Et combien de militants anti-vaccinaux ?  Tous disposent désormais aujourd’hui de la solution adoptée par l’exécutif australien.

L’AFP nous apprend ainsi que l’Australie devrait rendre obligatoire la vaccination de sa population contre le coronavirus, sauf exemption médicale. Information donnée ce mercredi 19 août le Premier ministre australien Scott Morrison. Ce dirigeant (conservateur) avait annoncé la veille que son pays s’était assuré d’obtenir le vaccin «prometteur» que le groupe pharmaceutique suédo-britannique AstraZeneca est en train de développer avec l’université d’Oxford (Royaume-Uni). Et d’expliquer que l’Australie le fabriquerait et le distribuerait gratuitement à sa population.

Désespérer de disposer d’un peu de transparence républicaine ?

Et d’ajouter, le lendemain que se faire vacciner devrait «être obligatoire, dans la mesure de ce qui peut être obligatoire».  «Il y a toujours des exemptions à la vaccination, pour des raisons médicales, mais cela devrait être la seule», a déclaré Scott Morrison à la radio 3AW de Melbourne. Sera-ce plus simple aux antipodes, sur cette île-continent ? Face aux critiques des mouvements anti-vaccin, l’homologue de Jean Castex a affirmé que les enjeux étaient trop grands pour permettre à la maladie de continuer à se propager librement. «Nous parlons d’une pandémie qui a détruit l’économie mondiale et provoqué des centaines de milliers de morts dans le monde entier», a-t-il souligné.

Le gouvernement australien estime qu’il faudrait que 95% de la population soit immunisée pour l’éradication du virus. «Nous devons apporter la réponse la plus vaste pour que l’Australie renoue avec la normale». En Australie, précise l’AFP, la vaccination contre diverses maladies comme la poliomyélite ou le tétanos est déjà obligatoire avant l’entrée à l’école. Pour autant le débat (comme ailleurs) fait rage, certains citoyens voyant dans cette obligation une négation des libertés personnelles. Et en Australie comme ailleurs les groupes antivaccins, à l’œuvre en ligne, regorgent de théories du complot et d’accusations de désinformation sur les risques.

On sait que le vaccin d’Oxford-AstraZeneca est l’un des cinq vaccins actuellement en phase 3 des essais cliniques. Il semblerait que la rumeur laisserait entendre qu’il tiendrait la corde. Mais le citoyen ne sait pas combien de contrats, d’avances, de clauses secrètes et de promesses bilatérales ont été faites pour que certains pays puissent être les « premiers » à en disposer. Les chercheurs espèrent avoir des résultats d’ici la fin de l’année. L’Australie doit néanmoins encore signer un accord final avec AstraZeneca sur le prix du vaccin, et aucun fabricant local n’a été désigné pour l’instant. Le citoyen français, lui, n’apprend rien de L’Elysée, rien de Matignon, rien de Sanofi – et il désespère : à quand un peu de transparence vaccinale, démocratique et républicaine ?

A demain @jynau

A LIRE AUSSI : « Vaccins anti-Covid : les questions auxquelles devra répondre le gouvernement » Slate.fr 7 août 2020