Covid-19 : la provocation du Pr Eric Caumes face aux recommandations du Conseil scientifique

Bonjour

04/08/2020. Ainsi donc deux conceptions, deux stratégies s’opposent au grand jour. D’une part celle développée par le Pr Eric Caumes, chef du service des maladies infectieuses (Pitié-Salpêtrière). De l’autre celle, globale, développée par le Conseil scientifique du gouvernement qui vient d’émettre un nouvel avis documenté à l’adresse de l’exécutif. Résumons à très grands traits. Pour être clair et compris le Pr Caumes nous a adressé ces quelques lignes :

« Ce qui semble ne pas avoir été compris dans mes propos c’est que de toute façon les jeunes n’en ont rien à faire. Il faut composer avec cette réalité incontournable ou assumer d’envoyer police ou armée pour faire respecter la distanciation ou le port du masque.

« Comme ce n’est pas fait, avec juste raison, je pense qu’il faut composer – c’est à dire relever le positif (immunité dans ce groupe qui s’avérera bien utile au moment de reprendre école, collèges, lycées et universités), tout en avertissant des dangers pour eux (formes rares possibles aussi, même si rares), et pour les autres (respect des anciens). »

Daté du 27 juillet l’avis du Conseil scientifique est ainsi sous-titré : « Se préparer maintenant pour anticiper un retour du virus à l’automne ». les auteurs expliquent qu’il s’inscrit dans un contexte français où récemment le virus circule de façon plus active, avec une perte accentuée des mesures de distanciation et des mesures barrières. On peut notamment y lire:

«Vu la faible circulation du virus sur le territoire français depuis la fin du confinement, il
est attendu que l’immunité collective reste très inférieure au seuil des 50% à 70% requis
pour empêcher la circulation active du virus. Cette notion est bien sûr à prendre en
compte pour les décisions à prendre lors d’une éventuelle survenue d’une 2ème vague.»

« L’enjeu des ‘’20 grandes métropoles’’ »

« L’équilibre est fragile et nous pouvons basculer à tout moment dans un scénario moins contrôlé comme en Espagne par exemple, ajoutent-ils. A moyen terme, cet avis envisage ce que pourrait être une reprise de la circulation du virus à un haut niveau à l’automne 2020. La réponse à cette probable deuxième vague devra être différente de la réponse à la première vague, car nous disposons d’outils pour y répondre ». Avec cette précision de taille à l’attention de l’exécutif  : la réponse devra s’appuyer « sur un choix politique et sociétal et pas seulement sanitaire (…) Les décisions devront faire l’objet d’une discussion avec la société civile et une nouvelle politique de communication devra être menée.

En écho au Pr Caumes les auteurs de l’avis soulignent qu’au vu de la circulation du virus sur le territoire français depuis le début de l’épidémie, « il est attendu que l’immunité collective reste très inférieure au seuil des 50% à 70% requis pour empêcher la circulation active du virus ».Pour autant il n’en tirent nullement les mêmes conclusions. Et d’ajouter :

«  Il est hautement probable qu’une seconde vague épidémique soit observée à l’automne ou hiver prochain. L’anticipation des autorités sanitaires à mettre en place opérationnellement les plans de prévention, de prise en charge, de suivi et de précaution est un élément majeur. Le Conseil scientifique insiste sur deux points essentiels concernant les tests : – Définir, clarifier et présenter rapidement une nouvelle doctrine d’utilisation des tests : vision de diagnostic d’une part, vision de dépistage et de santé publique d’autre part, par les autorités de santé. – Rendre l’accès aux tests plus accessible au « consommateur ». Tester de façon large. »

« L’enjeu des ‘’20 grandes métropoles’’ 1, dans lesquels les risques de propagation du virus sont important, est essentiel. Un « confinement local » plus ou moins important en fonction de l’épidémie doit faire l’objet d’une préparation dans ces zones à forte densité de population. Le développement de messages de santé publique locaux, combiné à une gestion ciblée de l’épidémie intégrant le soutien aux personnes vulnérables et la prise en compte des inégalités sociales est indispensable. »

Deux stratégies, schématiquement, s’opposent. Il reste à un exécutif (qui semble toujours comme dépassé par les événements) à trancher et agir au plus vite dans la clarté. Et à répondre, publiquement, au Pr Eric Caumes.

A demain @jynau

1 Extraits :

« Le premier pic épidémique de la crise de la COVID-19 a montré la fragilité des métropoles à des risques sanitaires de ce type et ou d’autres comme des risques environnementaux (Rouen /Lubrizol) par exemple. Ainsi la surmortalité liée au COVID-19 a été plus importante dans les zones les plus denses (données INSEE).

« L’évolution actuelle dans différents pays montre que la reprise de l’épidémie se produit sous la forme de clusters critiques soit dans des espaces professionnels à forte promiscuité (abattoirs, foyers de saisonniers, …) soit dans des métropoles (Leicester, Melbourne, etc ). Dans ces zones à fortes densités de population, des actions de confinement localisé sont prises pour contenir et arrêter la propagation du virus et pour sauver des vies. Les enseignements tirés de ces expériences sont importants à prendre en compte pour développer un plan « Métropole » français. On peut noter que des pays comme l’Angleterre ont développé de tels plans sous la conduite de Public Health England (PHE). 

« Il est impératif de mobiliser et solliciter les autorités locales des 20 premières villes de France afin qu’elles conçoivent et opérationnalisent des plans locaux d’intervention en cas de menace sanitaire comme dans le cas de l’épidémie COVID-19 à l’instar de ce qui est fait au Royaume – Uni et en Allemagne. »

Une direction hospitalière peut-elle réclamer les courriers d’éloges destinés aux soignants ?

Bonjour

31/07/2020. C’est un mail véridique autant que symptomatique. Adressé aux chefs de service il est signé de la responsable des « Relations avec les Usagers, les Associations et les Cultes » de plusieurs hôpitaux de l’AP-HP. On imagine qu’il n’est pas unique. Extraits :

« Afin de comptabiliser le nombre exact de courriers d’éloges qui nous sont envoyés chaque année, à la Direction comme dans vos services respectifs, pourriez-vous me communiquer chaque lettre de remerciements que vous recevez ? En effet, chaque année l’ARS demande un bilan de la Commission des Usagers et les chiffres que nous communiquons ne reflètent pas la réalité car ne sont comptabilisés que les courriers directement envoyés à la Direction. Je vous remercie pour l’intérêt que vous porterez à ma demande qui contribuera à l’image positive de notre établissement. »

Extraits de la réponse de l’un des chefs de service concernés :

«  J’ai préféré ne pas vous répondre de mon lieu de vacances tant ce mail m’a sidéré et laissé dans l’incompréhension la plus totale. Mais je le fais le jour de mon retour. Je souhaite vivement que vous ne soyez pas à l’origine de ce mail.

« Les lettres d’éloge sont du ressort du colloque singulier entre un médecin ou une équipe et le malade ou sa famille. Il s’agit de documents intimes et confidentiels. En aucun cas, ils ne vous seront communiqués.
Ils ne relèvent pas d’un traitement comptable et encore moins exact.

« Ou bien alors, il faudrait pondérer ces lettres en fonction de la circonstance dans laquelle elles ont été envoyées (X 4 si le patient est décédé, X 0,25 en cas de chirurgie esthétique sans justification médicale, X 7 si une vie a été sauvée, bref, je vous laisse établir les facteurs correctifs).
« Sans doute aussi, faudra-t-il générer des tableaux excel, des hiérarchies, des valorisations, des lauréats du mois affichés dans le hall? Sans doute aussi, pour être vraiment exact, faudra-t-il comptabiliser les remerciements oraux, les mains tendues, les larmes, les caresses, les clins d’œil, les sourires, les silences qui en disent long, les boîtes de chocolat ou de café.

« Il faudra aussi soustraire les lettres de mécontentement. Peut-être faudra-t-il, pour améliorer « l’image positive de notre établissement », comptabiliser les lits fermés faute de PNM, les consultations sans personnel d’accueil, les secrétaires enceintes ou malades non remplacées, etc, etc, etc. Avez-vous compris le sens de la révolte du corps médical et soignant contre la déshumanisation des soins ? Trop, c’est trop. »

Extraits d’une autre réponse :

« Voyez-vous, une lettre de remerciement d’un patient est un instant souvent intime et subjectif entre deux individus (ou plusieurs , familles, équipe..) qui n’a, à mon sens, nullement à être comptabilisé. Il faut avoir la volonté de transformer chaque signe de vie relationnelle en « indicateur qualité » pour en arriver à des propositions aussi saugrenues mais je crains que ce soit justement le piège de cette langue de ne plus être capable d’y percevoir leur fonction première: une trace de lien. »

S’enflammer ? Comprendre ? Conclure ? Peut-être en rappelant, comme le fait dans ce contexte la responsable de la direction d’un CHU, que les courriers de réclamation et de remerciements « relèvent au premier chef du colloque entre le médecin, l’équipe médicale et l’équipe soignante, quand ils ont trait au soin ».

« Mais le patient ou la famille qui fait le choix d’écrire au directeur pour les exprimer, fait aussi celui de partager le mécontentement ou la satisfaction sur sa prise en charge, ajoute-t-elle.  Il espère souvent que les enseignements en seront tirés, comme il espère réponse, voire indemnisation de préjudices. » Et de conclure : « Noyer ces réalités dans la sempiternelle mise en cause de la prétendue technocratie décérébrée incarnée par tel ou tel directeur, n’est pas digne du sujet ni de sa complexité, ni de nous tous en définitive. »

A demain @jynau

«Violences conjugales» : fallait-il vraiment faire une nouvelle exception au secret médical ?

Bonjour

22/07/2020. Un vote que l’on aurait jadis qualifié de soviétique. Unanimité absolue, trop belle pour ne pas interroger. Dans un dernier votre au Sénat, le Parlement a adopté définitivement, mardi 22 juillet, la proposition de loi destinée à mieux « protéger les victimes de violences conjugales »– et ce en introduisant notamment une exception au secret médical en cas de « danger immédiat ». Déjà approuvée la semaine dernière par l’Assemblée nationale ce texte de loi autorise dorénavant le médecin ou tout autre professionnel de santé à déroger au secret professionnel – et ce lorsqu’il « estime en conscience » que les violences mettent la vie de la victime « en danger immédiat » et qu’il y a situation d’emprise.

Contexte 1 : cette loi  constitue le deuxième volet législatif, en quelques mois, d’un arsenal ouvertement offensif et qui a fait l’objet d’un accord sans difficultés majeures entre députés et sénateurs en commission mixte paritaire (quand bien même des élus comme des associations souhaiteraient aller plus loin). Il fait suite au «  Grenelle des violences conjugales » piloté à l’automne 2019 par Marlène Schiappa, alors secrétaire d’Etat à l’égalité femmes-hommes et à la lutte contre les discriminations.

Le texte alourdit d’autre part les peines en cas de harcèlement au sein du couple, les portant à dix ans d’emprisonnement lorsque le harcèlement a conduit la victime à se suicider ou à tenter de se suicider. Il réprime la géolocalisation d’une personne sans son consentement et crée une circonstance aggravante en cas de violation du secret des correspondances par un conjoint ou ex-conjoint, pour mieux lutter contre les « cyberviolences conjugales ».

Contexte 2 : cette adoption définitive du 2e volet législatif s’inscrit dans un contexte polémique après la double nomination comme ministre de l’Intérieur de Gérald Darmanin, visé par une plainte pour viol 1, et d’Eric Dupond-Moretti, très critique envers le mouvement #metoo, à la justice. C’est ainsi que dans la « bronca des féministes », la sénatrice PS Laurence Rossignol (ex-ministre des droits des femmes) a dénoncé « une grande claque lancée à toutes les femmes et à toutes les victimes de violences sexuelles et sexistes ». Cette « claque » sera-t-elle suivie de plaintes ?

Y avait-il un danger à modifier les dispositions relatives au secret médical et à sa possible levée ? Etrangement l’Ordre des médecins ne le pense pas qui a donné son feu vert au Parlement. Pour autant il faut sur ce sujet lire la tribune publiée (un peu tard) dans Le Monde et signé par Anne-Marie Curat, présidente du Conseil national de l’Ordre des sages-femmes : « Violences conjugales : ‘’Lever le secret médical sans accord contribuerait à la perte d’autonomie de la patiente’’ ». « Cette mesure, prévue pour les cas d’emprise et de danger immédiat, revient à positionner le soignant en sauveur alors qu’il doit éclairer le consentement de la victime » dénonce-t-elle.

« Rompre le lien de confiance et ne pas respecter le choix des femmes »

Sur le constat, aucune divergence :  les violences conjugales sont un fléau. Chaque année, en France, plus de 120 femmes meurent sous les coups de leurs conjoints. La lutte contre les violences conjugales est une question sociétale et de santé publique qui appelle une réponse politique cohérente. Et la place des professionnels de santé est déterminante au quotidien pour dépister et accompagner ces femmes.

« Mais peuvent-ils agir à leur place, interroge Mme Curat. Cette question est essentielle : elle définit la relation de soin et l’autonomie des femmes. Or, la proposition de loi visant à protéger les victimes de violences conjugalesremet en cause cet équilibre fragile. ‘’Il n’y a pas de soins sans confidences, de confidences sans confiance, de confiance sans secret’’, affirme Bernard Hœrni, professeur émérite de cancérologie à l’université de Bordeaux et auteur de plusieurs ouvrages sur l’éthique médicale. »

Faudrait-il encore rappeler que le secret médical est un droit fondamental « pour les patients », et un fondement essentiel du soin qui permet d’établir la confiance entre le patient et le professionnel de santé ? Et que sa levée (aujourd’hui strictement définie) doit donc absolument rester strictement encadrée et limitée.

« La relation patient-soignant doit être équilibrée et fondée sur la confiance. Le professionnel de santé ne doit pas décider pour le patient en omniscient, mais éclairer le consentement du patient et le conseiller sans jugement, écrit encore Mme Curat. Laloi Kouchner du 4 mars 2002, sur ce sujet, a été une avancée majeure. Ne retombons pas dans un modèle paternaliste du soin. Maintenir le secret médical est essentiel pour que les femmes puissent continuer à se confier aux soignants, mais aussi à consulter les professionnels de santé. »

Mme Curat le dit autrement : « Lever le secret médical en cas de violences conjugales sans accord de la patiente, c’est donc rompre le lien de confiance et ne pas respecter le choix des femmes. C’est considérer la femme comme incapable et positionner le soignant en sauveur. Une telle mesure contribue à la perte d’estime de soi et d’autonomie de la femme, alors que c’est notamment là l’objectif de l’homme violent. »

De plus la levée du secret médical sans le consentement peut être dangereuse : aujourd’hui, après un signalement effectué au procureur, si la femme nie les faits, le dossier est classé. Cette dernière se retrouve ainsi sans protection, tandis que l’auteur des violences est, lui, alerté et pourra se retourner contre la femme. C’est pourquoi le Conseil national de l’ordre des sages-femmes s’opposait à la proposition de loi actuellement étudiée au Sénatde lever le secret médical « en cas d’emprise et de danger immédiat ».  Le Parlement, nourri de clichés et de bonnes intentions, en a décidé autrement. Au grand bénéfice des hommes devenus (pourquoi ?) violents…

A demain @jynau

1 Sur ce thème on lira non sans délectation un échange journalistique d’une violence toute masculine : « Je ne soutiens pas Monsieur Darmanin, quoi qu’en écrive Monsieur Schneidermann » de Claude Askolovitch (Slate.fr,  21 juillet 2020) – mais seulement après avoir pris connaissance de « Gérald Darmanin et ses soutiens » de Daniel Schneidermann (Libération 19 juillet 2020).

L’Etat va-t-il encore continuer à priver de lits hospitaliers les héros en blouses immaculées ?

Bonjour

03/07/2020. Epidémie ou pas, la mécanique semble irréversible. Avec tous les risques que l’on peut imaginer. Quelques lignes de l’AFP en témoignent; lignes tirées d’un rapport publié ce vendredi 3 juillet par la Drees, le service statistique des ministères sociaux : « Les établissements de santé – édition 2020.

Où l’on apprend que les fermetures de lit se sont inexorablement poursuivies dans les établissements de santé français, publics et privés, qui avaient déjà franchi à la baisse la barre des 400 000 lits d’hospitalisation complète en 2017. C’est ainsi que 4 195 lits d’hospitalisation ont été supprimés en 2018 en France, tandis que les urgences ont enregistré 400 000 passages supplémentaires. Présentation du rapport:

« Cette édition présente les données de l’année 2018, dernière année complète disponible, relatives à la France métropolitaine et aux départements et régions d’outre-mer (Martinique, Guadeloupe1, Guyane, La Réunion et Mayotte). Elle fournit les chiffres clés sur l’activité et les capacités des structures hospitalières, ainsi que sur les personnels et leur rémunération. L’ouvrage offre une analyse plus détaillée d’activités spécifiques comme la médecine, la chirurgie et l’obstétrique, la psychiatrie, l’hospitalisation à domicile, les soins de suite et de réadaptation ou encore la médecine d’urgence. Il présente également des indicateurs de qualité et de sécurité des soins, ainsi que des éléments de cadrage économique et financier ».

La Dress précise qu’en 2018, plus de 3 000 établissements de santé assurent le diagnostic, la surveillance et le traitement des malades. « Dans un contexte marqué par le vieillissement de la population et l’augmentation des pathologies chroniques, explique-t-on, les structures hospitalières, dont le nombre continue de diminuer, s’adaptent et modifient en profondeur leur offre de soins, par le biais notamment du développement de l’hospitalisation à temps partiel ou de l’hospitalisation à domicile.

Plus de 21,8 millions de passages aux urgences, en hausse de 2 % en un an.

« Les 3 042 hôpitaux et cliniques français disposaient exactement de 395 670 lits fin 2018, selon le « panorama » annuel de la Drees. Cette perte de capacité d’accueil a été en partie compensée par la création de 1 845 places d’hospitalisation partielle (sans nuitée), portant leur nombre à près de 77 300 précise l’AFP Un rééquilibrage qui illustre le « virage ambulatoire » des soins hospitaliers, avec une nouvelle hausse des hospitalisations partielles (16,1 millions de journées, soit + 2 %) et un nouveau tassement des hospitalisations complètes (118,2 millions de journées, soit − 1 %). »

Toujours en 2018, onze maternités ont fermé leurs portes, le pays comptant désormais moins d’un demi-millier (492) de lieux de naissance. Dans un contexte de baisse de la natalité depuis plusieurs années, quelque 500 lits d’obstétrique ont été supprimés (15 400 au total). A l’inverse, la fréquentation des 709 services d’urgences a encore battu des records, avec plus de 21,8 millions de passages, en hausse de 2 % en un an.

On sait que c’est cette spectaculaire saturation des urgences qui a conduit quelques mois plus tard à une longue grève inédite des soignants, – mouvement qui s’est rapidement étendue à l’ensemble de l’hôpital public, sans que les plans successifs du gouvernement ne parviennent à enrayer ce mouvement social.

On sait aussi que nous en sommes aujourd’hui à un « Ségur de la santé » qui semble plus que jamais peiner à répondre aux attentes des soignants. Tout cela pendant l’épidémie et dans l’attente d’un nouveau gouvernement pour la fin du quinquennat.

A demain @jynau

Découverte d’une «absurdité administrative» à l’Assistance Publique-Hôpitaux de Paris

Bonjour

28/06/2020. Encore une découverte due à l’épidémie ; une trouvaille qui réjouira celles et ceux qui entendent bien en finir avec un hôpital public devenu industrie 1. Cela se passe dans le plus grand ensemble hospitalier d’Europe : l’Assistance Publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP). Et l’affaire est racontée dans le Journal du Dimanche par Martin Hirsch, directeur général de l’ensemble ; un petit papier en complément d’un autre (Anne-Laure Barret), édifiant, qui rapporte que les malades de la Covid-19 ne disposent pas de mutuelles « se voient réclamer des milliers d’euros après un passage en réanimation ». On découvre ainsi que l’épidémie met en lumière un phénomène jusqu’ici resté dans l’ombre, celui « des factures impayées qui gonflent la dette des établissements ».

C’est ici qu’intervient Martin Hirsch qui en appelle à « mettre fin à la folie de la paperasse ». Pour tardif qu’il soit, son appel mérite d’être entendu.

Martin Hirsch : « Il y a un paradoxe en France : on cotise beaucoup pour l’Assurance maladie, mais les soins les plus critiques et les plus coûteux ne sont pas les mieux couverts. Et si cette faiblesse n’est pas perceptible pour une grande partie de la population, elle peut être catastrophique pour certains patients, sans mutuelle. Ce problème me préoccupe depuis de nombreuses années. J’avais, avec d’autres, plaidé pour un ‘bouclier sanitaire’ quand j’étais Haut-commissaire aux solidarités actives, en 2007. Un rapport a été vite enterré. » L’auteur ne dit malheureusement pas qui, il y a treize ans, a procédé à l’enterrement. Ni s’il a, depuis, remis l’ouvrage sur le métier.

« Débureaucratiser l’hôpital »

Martin Hirsch, toujours : « Là, le problème devrait sauter aux yeux de tous : demander un ticket modérateur de plusieurs milliers d’euros à des patients qui sortent de réanimation après avoir été malades du ­Covid-19 ? N’est-ce pas absurde ? A l’heure où on cherche à tirer les leçons du ­Covid – dont il faut rappeler qu’il touche davantage les plus vulnérables socialement – et à ­’débureaucratiser’ l’hôpital, il y a là une occasion historique de résoudre un double problème : les inégalités d’accès aux soins et la folie de la ­paperasse. A ­l’AP-HP, on a plus de personnel pour s’occuper de ces formalités administratives – 1.500 employés – que de manipulateurs radio pour faire des radiothérapies, des scanners et des IRM.»

L’idéal, selon lui, serait de supprimer ce ticket modérateur à l’hôpital. L’Assurance maladie pourrait payer la totalité du séjour et se faire rembourser auprès des mutuelles ce qui leur revient. « C’est demandé, dit-il par tous les acteurs hospitaliers car ça simplifierait grandement la vie de l’hôpital et consoliderait ses finances. » Le sujet est-il acté au « Ségur de la santé » ? Le ministre Olivier Véran, ancien hospitalier est-il informé de cette absurdité ?

On croit ne pas avoir bien saisi. On relit : « A ­l’AP-HP, on a plus de personnel pour s’occuper de ces formalités administratives – 1.500 employés – que de manipulateurs radio pour faire des radiothérapies, des scanners et des IRM. » Depuis quand ? Pourquoi le découvre-t-on maintenant ? Et l’on voudrait que les soignants ne soient pas en colère ? Quinze jours après une première journée de mobilisation très suivie, les hospitaliers annoncent qu’ils battront à nouveau le pavé, mardi 30 juin, pour réclamer plus de moyens.

A demain @jynau

1 « L’hôpital une nouvelle industrie. Le langage comme symptôme » (Editions Gallimard, collections Tracts) du Pr Stéphane Velut, chef du service de neurochirurgie du CHU de Tours.

Chloroquine et déontologie : l’Ordre des médecins condamnera-t-il le Pr Christian Perronne ?

Bonjour

21/06/20020. Au départ, un pamphlet doublé d’un premier entretien médiatisé pour le lancer : « Covid et chloroquine: un spécialiste dénonce ‘’l’union de l’incompétence et de l’arrogance’’ ». Auteur : le Pr Christian Perronne, chef du service des maladies infectieuses à l’hôpital de Garches, personnalité controversée, a été président de la Commission spécialisée Maladies Transmissibles du Haut Conseil de santé publique.  

C’est un pamphlet nourri d’une colère tenant à la «chloroquine» : l’administrer sous une forme préventive aux patients fragiles aurait selon lui permis de réduire le nombre de morts. « J’en suis convaincu. Il était criminel de ne pas la prendre au sérieux, alors qu’on savait par la Chine et par les résultats, certes insuffisants au début, de Raoult, qu’elle était efficace. Encore fallait-il l’administrer de la bonne manière. J’ai été sidéré par le nombre d’études bidon qui étudiaient ses effets dans des conditions défiant tout bon sens. »

Le Pr Perronne accuse d’autre part des membres du Conseil scientifique ou du Haut Conseil de la santé publique d’avoir écarté la chloroquine à cause de liens d’argent avec des laboratoires concurrents. Puis il s’attaque au Conseil scientifique du gouvernement (et à son président) dont il moque les « avis contradictoires » et les « commentaires évasifs ».

« Quelles suites pourront connaître ces différentes accusations ? » nous demandions-nous le 14 juin.  Une semaine plus tard voici qu’une pétition cible l’auteur.  

« Nous interpellons le Conseil National de l’Ordre des Médecins sur les propos inacceptables du Professeur Perronne, chef du service de maladies infectieuses à l’hôpital Raymond Poincaré de Garches, Assistance Publique-Hôpitaux de Paris. Celui-ci affirme que « 25 000 morts » auraient pu être évités en France si la combinaison hydroxychloroquine et l’azithromycine avait été prescrite massivement. Il poursuit en prétendant que le service de maladies infectieuses du CHU de Nantes et les médecins de l’hôpital auraient « laissé crever son beau-frère ». Christian Perronne accuse ainsi directement, à de multiples reprises, sans aucune retenue ni preuve médicale ou scientifique, des collègues médecins d’avoir refusé de prescrire un traitement et laissé « crever » des gens du fait d’intérêts financiers, entretenant ainsi l’idée que ses collègues sont des « criminels » au service de l’industrie pharmaceutique. »
 
Et de citer Sud Radio le 16/06 (https://www.youtube.com/watch?v=crbITXQTo24&feature=youtu.be ainsi que  
C News le 18/06 (https://www.youtube.com/watch?v=j_oR4gXc4WA .

« Non seulement ces propos sont scandaleux, inacceptables et totalement faux, médicalement et scientifiquement, mais ils contreviennent au code de déontologie médicale et au code de la santé publique, écrivent les pétitionnaires. En effet, de tels propos, tenus par un professeur de médecine, chef d’un service hospitalier, sont à même d’attiser la haine du public envers les médecins visés et mettent en danger des collègues, exposés à la vindicte populaire sur la base d’arguments fallacieux. »

Pour eux le Pr  Perronne contrevient à l’article 39 du code de déontologie médicale (article R.4127-39 du code de la santé publique) qui dispose que « les médecins ne peuvent proposer aux malades ou à leur entourage comme salutaire ou sans danger un remède ou un procédé illusoire ou insuffisamment éprouvé. ». De même, ces propos ne tiendraient pas compte de l’article 13 du code de déontologie médicale (article R.4127-13 du code de la santé publique) qui rappelle que « lorsque le médecin participe à une action d’information du public de caractère éducatif et sanitaire, quel qu’en soit le moyen de diffusion, il doit ne faire état que de données confirmées, faire preuve de prudence et avoir le souci des répercussions de ses propos auprès du public ».  Tous ces éléments seraient à même de déconsidérer la profession de médecin, ce qui est contraire à l’article 31 (article R.4127-31 du code de la santé publique) : « Tout médecin doit s’abstenir, même en dehors de l’exercice de sa profession, de tout acte de nature à déconsidérer celle-ci. ». 
 
Et les signataires de demander instamment au Conseil National de l’Ordre des Médecins de « réagir en urgence » en » condamnant les propos de M. Perronne, et en le convoquant afin qu’il s’explique et rende des comptes ».

On peut aussi, sur ce thème, lire le Pr Axel Kahn : « (…) le professeur Christian Perronne, a non seulement pris fait et cause pour le traitement préconisé par Didier Raoult, ce qui est admissible. Mais il a de plus déclaré que ceux qui ne l’utilisaient pas, voire dont les essais cliniques disqualifiaient l’hydoxychloroquine, sont des assassins. Et que les incrédules du conseil scientifique Covid-19 sont vendus aux majeurs de l’industrie pharmaceutique (…)  imaginez ce que représente une telle accusation, dénonciation, calomnie ? Sans doute passible de poursuites pénales, en l’occurrence. Mais auparavant, au plan déontologique ? (…) Il ne me revient pas de me mêler de l’aspect judiciaire de l’affaire. En revanche, j’ai établi, quelque soient les critiques que l’on puisse faire au Conseil de l’Ordre des médecins, l’évidence d’une instance déontologique pour ce métier qu’est la médecine. Et alors expliquer mon incompréhension qu’elle ne se saisisse pas de cette affaire. »

Que fera l’Ordre ? Quelles suites une telle affaire connaîtra-t-elle ? Quelles suites devrait-elle, raisonnablement, connaître ?

A demain @jynau

Hydroxychloroquine : comme le discret parfum d’un début de commencement de la fin

Bonjour

20/06/2020. Tout se délite, à qui se fier ?  A Marseille Didier Raoult revient sur ses premières annonces quant à une possible « nouvelle vague ». Et à Bâle le géant pharmaceutique suisse Novartis annonce qu’il met fin à l’essai clinique avec l’hydroxychloroquine pour traiter des malades du Covid-19.  Le 20 avril, ce géant avait annoncé avoir conclu un accord la Food and Drug administration américaine, pour procéder à des essais cliniques de phase III de l’hydroxychloroquine sur des malades souffrant de Covid-19 hospitalisés. Ces essais visaient à évaluer l’utilisation de ce traitement auprès d’environ 440 malades sur une dizaine de sites aux Etats-Unis.

Effet ou pas des convictions chloroquinesque de Donald Trump la FDA avait donné le 28 mars son feu vert pour que la chloroquine et l’hydroxychloroquine puissent être prescrits, uniquement à l’hôpital, à des patients souffrant de la Covid-19. contaminés par le nouveau coronavirus.

Or dans un communiqué publié le 19 juin, Novartis explique avoir pris «la décision d’arrêter et de mettre fin à l’essai clinique avec l’hydroxychloroquine contre la Covid-19 – et ce en raison de graves difficultés de recrutement de participants, rendant «impossible» la finalisation de l’étude. Le groupe précise qu’au cours de l’étude, «aucun problème de sécurité n’a été signalé», et qu’elle n’a pas permis «de tirer des conclusions sur l’efficacité» de l’hydroxychloroquine contre le nouveau coronavirus.

Il y a quelques jour l’Organisation mondiale de la santé a renoncé aux essais qu’elle dirigeait, arrivant à la conclusion que l’hydroxucloroqiuen ne réduisait pas le taux de mortalité des malades hospitalisés. « La France, conclut l’AFP, où un médecin controversé, le Pr Didier Raoult, a défendu l’hydroxychloroquine, en a officiellement banni l’usage contre le Covid-19 . » C’était le 27 mai via un décret publié au Journal officiel,  à la suite d’un avis défavorable du Haut Conseil de la santé publique.

Depuis  la fin mars, l’hydroxychloroquine pouvait être prescrite à titre dérogatoire en l’absence d’autre traitement, à titre compassionnel ou dans le cadre d’essais cliniques « sous la responsabilité d’un médecin, aux patients atteints de Covid-19, dans les établissements de santé qui les prennent en charge, ainsi que, pour la poursuite de leur traitement si leur état le permet et sur autorisation du prescripteur initial, à domicile », selon un premier décret datant du mois de mars. Le nouveau décret annulait cette disposition.

Puis vint la publication, dans  The Lancet, d’une étude pointant son inefficacité et les risques entraînés par ce médicament qui devait précipiter son interdiction en France.  Puis l’étude du Lancet fut contestée, puis finalement rétractée. Puis les arrêts successifs des essais…. Comme le début du commencement de la fin d’une série bien trop mal engagée à Marseille. Une série certes addictive mais qui, finalement, n’aura sans doute que trop duré.

A demain @jyanu

« Hydroxychloroquine – Didier Raoult », la grande affaire française étrillée depuis Genève

Bonjour

04/06/2020. C’est acquis : l’affaire « Didier Raoult – Chloroquine » est devenue la grande affaire nationale française du moment. Elle intègre à merveille la peur et l’espoir, la médecine à la science, la croyance à la politique, le médiatique aux polémiques, les élites aux Gilets Jaunes. Jouant miraculeusement de l’étrange, l’homme parle où et quand il veut, délivre des messages, philosophe sur la médecine, cet art qui se nourrit de science, dénonce les vices de sa confrérie, accuse les méthodologistes-mathématiciens glorifie en permanence son parcours et ses compétences.

C’est sans précédent et cela dure, l’affaire s’auto-alimente. Pour autant, sauf à imaginer une rapide propulsion vers les sphères politiques (Didier Raoult, ministre de la Santé et/ou maire de Marseille) le sujet, bientôt, s’épuisera.

Pour l’heure, tout ceci intéresse-t-il au-delà de nos frontières ? Comment, par exemple, perçoit-on ce phénomène depuis Genève ? Donnons ici un extrait du « bloc-notes » 1 que tient le Dr Bertrand Kiefer dans la Revue Médicale Suisse dont il est le rédacteur en chef :

« Il était un savant de Marseille qui, depuis son bain de bulles, affirmait que la pandémie commençante serait moins mortelle que les accidents de trottinette. Il savait, avec certitude. Le même savant annonce ces jours la fin imminente de la pandémie. Il sait, là encore. Et c’est lui qui, enveloppé dans son immense savoir et télégénisé par son look ésotérico-rebelle, a entraîné le monde sur la piste savonneuse d’un antimalarique miracle.

« Avec ses disciples (groupe qui comprend une partie non négligeable de l’humanité, quantité de chefs d’État, plein de professeurs et de médecins de tous poils, et un quarteron de spécialistes fumeux), il affronte les autres, l’élite, les « bien-pensants », affirmant que l’urgence pandémique exige d’abandonner la servitude de la méthode et de l’éthique de la recherche scientifique. S’imposerait donc, selon lui, l’instinct, le savoir infus.

La bouée, le parachute et le savoir du gourou

« Quand quelqu’un se noie, on lui lance une bouée, sans d’abord vérifier son efficacité, ou encore, quand on saute d’un avion, on utilise un parachute, même s’il n’a jamais fait l’objet d’une recherche contre placebo (cet argument prend au sérieux un article du BMJ sur le sujet, publié dans l’un des numéros de Noël connus pour servir de défouloir annuel à l’humour british). Certes, mais comment savoir qu’on a bien affaire à une bouée ou un parachute ? Le gourou, lui, sait.

« En conséquence, tout a été fait à l’envers. Courant derrière l’engouement international, quantité d’études ont été lancées, impliquant des dizaines de milliers de patients dans le monde, sans coordination, avec des protocoles souvent bâclés. Il a fallu trois mois d’un immense effort pour que la marge d’ignorance se resserre. Résultat : l’antimalarique n’est en tout cas pas le médicament-miracle annoncé, celui qui devait sonner la « fin de partie » (selon le savant) ou s’imposer en « game changer » (selon un autocrate narcissique nord-américain). Mais l’argent et l’énergie drainés par ces études (sans compter la difficulté à recruter les patients : personne ne voulant plus prendre le risque de se trouver dans un bras autre ou placebo) ont empêché de tester d’autres hypothèses intéressantes, à l’efficacité a priori autant, voire davantage plausible. Un immense gâchis. »

Il nous restera à comprendrecomment une telle « flambée d’irrationnel » a pu se mondialiser à la vitesse de la pandémie. « Il faudrait analyser les ressorts archaïques qui meuvent les humains, même à l’ère des réseaux sociaux, écrit le Dr Kiefer. Besoin de croire, transes émotionnelles, attachement à la figure sacrée de la victime (le savant persécuté), violence mimétique antiscience et anti-establishment ? Les technologies de l’information sont de formidables machines à amplifier les vieux modèles. » Il ajoute :

« A quoi se reconnaît un pseudo-scientifique ? A ceci : il sait. Il est soit infatué, soit incompétent. Mais l’infatué ne cherche pas à savoir. Et savoir qu’on est incompétent demande d’être compétent. »

A demain @jynau

1 Kiefer B Science et doutes : le bazar Rev Med Suisse 2020; volume 16. 1068-1068

Cannabis médical reporté : comment qualifier la désinvolture de nos «autorités de santé» ?

Bonjour

04/03/2020. Sans doute faudrait-il faire un effort, comprendre les difficultés de l’instant, les agendas perturbés, les responsables trop occupés … On peut, aussi, dire qu’il y a, dans le dernier communiqué de l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM), sur l’usage médical du cannabis , une forme de désinvolture que l’on peu tenir pour inacceptable vis-à-vis des malades concernés par le sujet. On lit ainsi :

«  Dans la continuité des travaux menés depuis 2018, la Direction générale de la santé (DGS) et l’ANSM restent pleinement engagés (sic) dans mise en place de l’expérimentation de l’usage médical du cannabis en France. Cependant, en raison de la nécessaire mobilisation des autorités de santé sur la gestion de l’épidémie de COVID-19, le début de l’expérimentation, initialement prévu en septembre 2020 est reporté au plus tard en janvier 2021. »

Nous disposons donc, en France, d’autorités de santé qui ne peuvent à la fois se mobiliser sur la « gestion d’une épidémie » et poursuivre un travail engagé depuis près de deux ans – un travail déjà accompli dans de multiples pays étrangers comparables à la France.

Autorités de santé beaucoup trop occupées

Tout était en place pour qu’enfin, une expérimentation puisse débuter en septembre prochain. Dans le jargon de l’ANSM, cela donne : « Conduits en concertation avec les membres du Comité scientifique de l’ANSM et les sociétés savantes concernées, les travaux pour la prochaine mise en place de l’expérimentation ont récemment permis de consolider différentes actions (…). ».Et l’on découvre aujourd’hui qu’il faut encore attendre « la publication d’un décret attendu d’ici l’été ».

L’ANSM a initié les travaux sur le cannabis « à usage médical » en septembre 2018. Il avait donc fallu près de deux ans pour programmer la première expérimentation  – et ce après avoir  jugé cet usage « pertinent pour les patients dans certaines situations cliniques et en cas de soulagement insuffisant ou d’une mauvaise tolérance des thérapeutiques accessibles, qu’elles soient ou non médicamenteuses ».

Cette expérimentation « permettant d’évaluer la faisabilité du circuit de mise à disposition du cannabis pour les patients » ? Elle attendra, pour commencer, le début de l’année 2021. En postulant que les « autorités de santé » ne seront pas, d’ici là, trop occupées.

A demain @jynau

Anakinra: après l’hydroxychloroquine, ses espoirs thérapeutiques vont-ils faire polémique ?

Bonjour

30/05/2020. Déjà, l’ouverture de France Info. Un médicament, l’anakinra (commercialisé sous la marque Kineret par la firme SWEDISH ORPHAN BIOVITRUM) initialement destiné à des maladies rhumatismales, donne des résultats « encourageants » dans les formes graves de Covid-19-  en réduisant le risque de décès et le besoin d’être mis sous respirateur en réanimation.

Jadis on se serait borné, dans les médias spécialisés, à expliquer que c’était la conclusion d’une étude française, parisienne, qui vient d’être publiée dans The Lancet Rheumatology : « Anakinra for severe forms of COVID-19: a cohort study » 1. On aurait expliqué de quoi il s’agissait. « L’anakinra neutralise l’activité biologique de l’interleukine-1alpha (IL-1alpha) et de l’interleukine-1ß (IL-1ß) par inhibition compétitive de la liaison de l’IL-1 à son récepteur de type I (IL-1RI), résume le Vidal. L’anakinra est utilisé dans la prise en charge de polyarthrites rhumatoïdes. »

Puis on aurait poursuivi. Expliquait que l’objectif, ici, était de contrer l’ « orage cytokinique », cette violente réaction inflammatoire incontrôlée observée dans les formes graves de pneumonie de la Covid-19 – phénomène qui évolue généralement vers un syndrome de détresse respiratoire aiguë (SDRA) imposant l’assistance d’une ventilation artificielle avec l’utilisation de respirateur. Que ce travail a été mené via l’administration par injection sous-cutanée pendant dix jours d’anakinra à 52 patients atteints d’une forme grave de COVID-19 a permis une « réduction statistiquement significative du risque de décès et de passage en réanimation pour assistance respiratoire par ventilation mécanique ».

Brigades vérificatrices

On aurait ajouté qu’un quart des patients traités avec l’anakinra ont été transférés en réanimation ou sont décédés, contre près de 73% de ceux n’ayant pas eu cette thérapie. Que le groupe témoin avait été constitué formé de 44 patients qui avaient été auparavant pris en charge dans la même institution. Et que dans le groupe recevant l’anakinra, une diminution rapide des besoins en oxygène a été également observée au bout de 7 jours de traitement.

On aurait cité, avec l’AFP, le Pr Jean-Jacques Mourad, (service de médecine interne, Hôpital Paris Saint-Joseph, Paris) co-signataire de l’étude :  « En l’absence d’accès à des essais thérapeutiques incluant des médicaments immunomodulateurs pour nos patients, la décision (…) prise de proposer l’anakinra, selon des critères de gravité décidés de manière consensuelle et a priori, a rapidement changé le visage de la maladie en salle. Le bénéfice était palpable au quotidien. » Et ajouté qu’une douzaine d’essais cliniques explorant le blocage de la cytokine IL-1 associée au syndrome de tempête inflammatoire sont actuellement menés.

Avec cette conclusion, tirée d’un commentaire du The Lancet Rheumatology 2 : « Cette étude apporte la preuve la plus probante à ce jour que l’anakinra peut bénéficier aux patients souffrant du syndrome de tempête de cytokines associé à la Covid-19. Dans l’attente de résultats d’essais contrôlés, l’anakinra donne de l’espoir pour ceux qui sont gravement touchés par la Covid-19 ».

Mais il faut désormais compter avec les accusations du Pr Didier Raoult quant à la compromission des plus grandes revues médicales internationales, à commencer par The Lancet. Attendre, donc, l’éventuelle polémique quant à la réalité des effets annoncés de l’anakinara. Ne pas croire qu’il y a là un travail honnête et une vérité qui permet de nourrir une espérance thérapeutique. Attendre, désormais, le verdict des brigades vérificatrices.

A demain @jynau

1 « Anakinra for severe forms of COVID-19: a cohort study » Thomas Huet, Hélène Beaussier, Olivier Voisin, Stéphane Jouveshomme, Gaëlle Dauriat, Isabelle Lazareth, Emmanuelle Sacco, Jean-Marc Naccache, Yvonnick Bézie, Sophie Laplanche, Alice Le Berre, Jérôme Le Pavec, Sergio Salmeron, Joseph Emmerich, Jean-Jacques Mourad, Gilles Chatellier, Gilles Hayem (Hôpital Paris Saint-Joseph, Paris, Hôpital Marie Lannelongue, Université de Paris, INSERM, Hôpital Européen Georges-Pompidou)

2 « Coronavirus is the trigger, but the immune response is deadly ». Commentaire signé  Randy Q Cron Children’s of Alabama, Division of Rheumatology, University of Alabama at Birmingham).