Emmanuel Macron, après la «médaille» aux soignants, songe au «Mémorial des victimes»

Bonjour

16/05/2020. Qui dira les dégâts causés par la métaphore présidentielle ? Pourquoi vouloir à tout prix vouloir faire une « guerre » d’une question sanitaire, aussi périlleuse complexe et majeure soit-elle ? Une fois forgée la métaphore de la guerre à l’ancienne fut filée : virent le « front », la « première ligne » et les suivantes, les « héros en blouses blanches », l’ « ennemi qui n’a pas de frontières », ou « pas de passeport ».

Il y a quelques jours surgirent d’autres idées, comme celle de la « réactivation » d’une « médaille de l’engagement » et d’un hommage rendu lors des cérémonies du 14 juillet – deux initiatives présidentielles qui ont plus irrité que séduit  dans le milieu des soignants. Précisons que la « médaille de l’engagement contre les épidémies » est une médaille française créée le 31 mars 1885, un an après la grave épidémie de choléra qui avait touché la France. Elle visait à « récompenser ceux qui s’étaient particulièrement dévoués pendant cette période », a rappelé Sibeth Ndiaye, porte-parole du gouvernement, en expliquant les choix présidentiels.

Le mémoriel et l’émotion

Aujourd’hui, à la veille du lancement, par Emmanuel Macron dans l’Aisne d’une année de commémorations centrées sur le général Charles de Gaulle, voici qu’émerge l’idée d’un « Mémorial des victimes du coronavirus » – une idée qui lui aurait été soufflée par des membres de son Conseil scientifique, selon Le Parisien (Olivier Beaumont).

« Il n’y a pas de réflexion à ce stade sur ce point », précise le canal officiel de l’Élysée. En coulisses pourtant, ce projet de mémorial agite bel et bien quelques cerveaux autour d’Emmanuel Macron. Avec ses partisans… et ses détracteurs. « ‘’C’est séduisant sur le papier, mais le président n’a pas d’avis pour le moment. Il nous demande juste d’y réfléchir’’, confie un proche au Parisien. Un autre, pas vraiment fan, évoque plutôt ‘’une opération hasardeuse’’ : ‘’Avant de se lancer dans l’instauration d’une journée mémorielle Covid, ou de l’érection d’une sorte de monument, il faut peut-être voir comment tout cela va se terminer. Il n’y a rien de pire que de faire du mémoriel sur de l’émotion. Surtout quand l’histoire est encore en train de s’écrire’’. »

L’histoire n’est certes pas écrite. Le sera-t-elle, le 14 juillet, sur les Champs-Elysées ? « Faire du mémoriel sur de l’émotion » … : on retiendra l’expression.

A demain @jynau

Emmanuel Macron et l’abcès des contaminations non reconnues «maladies professionnelles»

Bonjour

13/04/2020.  Ce soir, après les applaudissements aux soignants, dans sa nouvelle adresse aux Français, Emmanuel Macron tranchera-t-il ce qui n’a que trop duré ? Un abcès qui, si rien n’est fait, deviendra scandale.

 Nous étions le 23 mars, peu après l’annonce de la mort du Dr Jean-Jacques Razafindranazy, médecin urgentiste de l’hôpital de Compiègne âgé de 67 ans victime du Covid-19 – suivie de celle de deux médecins originaires du Haut-Rhin et de Moselle décédés des mêmes causes. Le Syndicat national français des praticiens hospitaliers anesthésistes-réanimateurs (Snphare) demandait alors que l’infection à Covid-19 soit inscrite dans la liste des maladies professionnelles des professionnels de santé

Quelques heures plus tard Olivier Véran, ministre des Solidarités et de la Santé prenait la parole :

«  Hier, deux nouveaux médecins, un médecin généraliste et un médecin gynécologue, ont trouvé la mort en faisant leur métier. Ils ont trouvé la mort parce qu’il était médecin. Pour ses deux confrères, j’ai une pensée particulière, qui éclaire d’une lumière dramatique la hauteur de l’engagement des soignants au service de leurs malades. Nous ne les oublierons. Nous ne les oublierons jamais.

D’autres médecins, soignants, personnes portant assistance aux plus fragiles contractent le virus chaque jour dans nos hôpitaux, dans leurs cabinets ou au domicile de leurs patients. Pour tous ces soignants qui tombent malades, je le dis : le coronavirus sera systématiquement et automatiquement reconnu comme une maladie professionnelle. C’est la moindre des choses. Il n’y a aucun débat là-dessus. » 

Après les applaudissements adressés aux soignants

Trois semaines plus tard, rien, en pratique, ne semble avoir avancé et Le Monde (Bertrand Bissuel) soulève la question au-delà des seuls soignants. Toutes les personnes qui ont été atteintes par le Covid-19 en exerçant leur métier pourront-elles bénéficier d’une prise en charge spécifique par la Sécurité sociale ? « Oui, mais pas toutes : le gouvernement semble, en effet, vouloir réserver un tel dispositif à certaines catégories, évoluant dans le monde de la santé » croit savoir le quotidien. Or plusieurs associations et organisations syndicales plaident, elles, pour une approche beaucoup plus large. Rappel du Monde :

« La reconnaissance d’une maladie professionnelle obéit à des règles complexes, qui se sont sédimentées depuis la fin du XIXe siècle. Lorsqu’une pathologie est considérée comme ayant un lien avec l’activité professionnelle, l’individu concerné a droit à des indemnités, qui diffèrent selon le régime de protection sociale auquel il est affilié. Si l’affection entraîne une incapacité, le dédommagement peut être durable. En cas de décès, les proches du défunt sont éligibles à une rente. »

Pour les soignants infectés on évoque, dans l’entourage d’Olivier Véran une reconnaissance automatique. Mais qu’en sera-t-il pour d’autres professions ? Le ministre de l’Intérieur, Christophe Castaner, a d’ores et déjà exprimé le souhait qu’un traitement analogue soit réservé aux policiers :  le « lien » entre la pathologie et « le service » doit être « présumé » pour les fonctionnaires de son administration qui « ont assuré des missions en contact avec le public durant l’urgence sanitaire ». Une demande qui n’est que l’expression de l’attente de plusieurs syndicats des agents des forces de l’ordre. On recenserait 1 400 personnes, sur un total de « plus de 300 000 » relevant de la Place Beauvau, sont contaminées.

Après la révélation des prémices du déconfinement

Mais au-delà ? Le Monde cite la CFDT et l’Association des accidentés de la vie (Fnath) qui estiment qu’il conviendrait d’élaborer une solution extérieure au système des maladies professionnelles, au-delà des seuls fonctionnaires et travailleurs salariés de la sphère publique, les salariés du privé, les fonctionnaires, les indépendants ainsi que les bénévoles, qui ont apporté leur aide dans la lutte contre l’épidémie. L’équivalent, en somme de l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux (Oniam). Jusqu’à l’Académie de médecine qui, le 3 avril dernier, demandait au gouvernement des mesures équivalentes :  

« Que les professionnels de santé et les personnels travaillant pour le fonctionnement indispensable du pays (alimentation, transports en commun, sécurité…), qui ont été exposés et ont subi des conséquences graves du fait de Covid-19, soient pris en charge au titre des maladies professionnelles dues à des virus, en analogie avec différents tableaux de maladies professionnelles liées à des agents infectieux (tableaux 80, 76, 56 ou 45). »

Ce soir, après les applaudissements adressés aux soignants et sa révélation des prémices du déconfinement, il serait regrettable qu’Emmanuel Macron ne tranche pas, coûte que coûte, au nom de la solidarité, cette question qui n’a que trop duré.

A demain @jynau

Covid-19 dans les Outre-mer : l’alerte rouge du Conseil scientifique au gouvernement

Bonjour

10/04/2020. Nouvel avis rendu public du Conseil scientifique du gouvernement qui regarde, cette fois, au-delà de l’Hexagone. Et à la veille d’une nouvelle allocution présidentielle qui traitera immanquablement des perspectives du déconfinement le Conseil considère pour sa part « indispensable le maintien strict du confinement dans les territoires d’outre-mer » et ce « jusqu’au décours du passage du pic épidémique ». Mais aussi, mais surtout, il « souligne la nécessité de mesures d’accompagnement pour les personnes en situation de précarité ». Dans l’attente, aucun doute n’est permis : « l’épidémie dans les territoires d’outre-mer va s’aggraver dans les semaines qui viennent ».

On sait que les territoires d’outre-mer sont frappés par l’épidémie de Covid-19 avec un décalage de plusieurs semaines dans le temps par rapport à la métropole. Pour autant, la France jacobine étant ce qu’elle peut être, le confinement général y a été décrété au même moment, le 17 mars.

« Les premiers cas de Covid-19 sont apparus dans les territoires d’outre-mer, à partir du 1er mars, d’abord à Saint-Barthélémy et Saint-Martin, puis en Guyane, Martinique, Guadeloupe, à la Réunion, en Polynésie française, à Mayotte et en Nouvelle-Calédonie » rappelle le Conseil scientifique. Les premières personnes infectées ont été des voyageurs ayant contracté l’infection hors des outre-mer, puis sont apparus des cas secondaires dans leur entourage immédiat. De plus en plus d’infections autochtones, sans lien avec les voyageurs, sont maintenant diagnostiquées. 

« Les Antilles sont aussi confrontées au risque de Covid-19 à bord des navires de croisière, ajoute le Conseil. Ainsi un bateau actuellement en quarantaine au large de Fort-de-France est touché par l’infection et a dû transférer certains membres de son équipage au centre hospitalier universitaire de Fort de France. En Guyane, sur le Haut-Maroni, les allées et venues de pirogues d’orpailleurs clandestins venus pour la plupart du Brésil, se multiplient, sans aucun respect du confinement. » Ces mouvements font craindre une propagation accélérée du virus parmi les amérindiens. Un autre sujet d’inquiétude, généralisé à l’ensemble des territoires tropicaux, est celui de la recrudescence de la dengue depuis quelques mois. La prise en charge des malades fébriles risque fort de s’en trouver compliquée.

Et ce Conseil de lancer un cri d’alarme pour Mayotte 

« La situation à Mayotte est particulièrement préoccupante : plus de 80 % de la population vit sous le seuil de pauvreté, 30 % des habitations n’ont pas l’eau courante et l’offre de soins est limitée. Cependant, 50 % des habitants ont moins de 18 ans et seulement 4% plus de 70 ans ; à tempérer par le fait que diabète et obésité, facteurs de risque de formes graves de Covid-19, touchent une partie importante de la population. Il faut anticiper que le système de santé, du fait de l’hyper-concentration de son service et de la méfiance d’une partie importante de la population envers l’administration, sera totalement dépassé lorsque les quartiers pauvres de Mamoudzou, comme le bidonville de Kaweni, seront touchés. »

Que faire ? « Pour être efficace, le confinement général doit être strictement mis en œuvre et bénéficier d’une large adhésion de la population, comme ceci semble être le cas, observe le Conseil scientifique pour les outre-mer.  Mais le stade précoce de l’épidémie et l’insularité de la plupart des territoires d’outre-mer rendent possibles d’autres mesures pour freiner la propagation de l’infection. »

Ces mesures pourraient être fondées « sur une utilisation plus large des tests de diagnostic » – et ce « avec un isolement des patients positifs » – sans oublier des « mesures de quarantaine des nouveaux arrivants ». Les situations des territoires d’outre-mer sont toutefois hétérogènes et les mesures, pour être opérationnelles, devront être réalistes et adaptées aux contextes. Elles devront aussi être différenciées selon les territoires et élaborées avec les autorités et les acteurs impliqués.

Dès maintenant le Conseil scientifique exhorte le gouvernement à « renforcer les capacités hospitalières », à « mettre en place dès maintenant une stratégie de tests diagnostiques (RT-PCR COVID) » et à rendre disponibles des masques et des équipements de protection individuelle. « Des commandes sont en cours, observe-t-il. Il est impératif d’éviter les ruptures de stock et de permettre une large utilisation des masques en privilégiant en cas de tension les personnels de santé. » Tenter de tout faire, en somme, pour éviter que l’on observe, au-delà des mers, une réplique de ce qui a pu être malheureusement observé sur le sol de la Métropole.

A demain @jynau

L’offensante réplique du Pr Didier Raoult à ses accusateurs du Conseil scientifique

Bonjour

08/04/2020. Un jour prochain on se lassera de cette polémique. Pour l’heure elle flambe. Hier le Conseil scientifique du gouvernement dénonçait et menaçait. Aujourd’hui le Pr Didier Raoult réplique via une vidéo diffusée sur Internet. A découvrir dès lors que l’on cherche non pas à juger, mais bien à prendre date, à tenter de comprendre.

« Le Pr Didier Raoult a de nouveau choisi de court-circuiter les médias pour donner son point de vue sur la polémique qui vise son traitement contre Covid-19, basée sur l’hydroxychloroquine associée à un antibiotique, résume Le Quotidien du Médecin. Pendant 10 minutes, le directeur de l’IHU Méditerranée Infection répond à ses détracteurs. ‘’C’est une opposition entre des médecins et des gens qui ont fini d’être des médecins ou qui n’en sont pas’’, dit l’infectiologue, qui se classe dans la première catégorie et celle des ‘’grands scientifiques’’. » Comment réagiront ceux qui, au sein du Conseil « ne sont plus médecins » ?

Nostradamus local

Et que fera le Conseil national de l’Ordre des médecins à qui le Pr Raoult fait appel pour régler ce qui constitue, selon lui, une question majeure de déontologie ? Le médecin infectiologue justifie sa démarche, comme il l’avait fait il y a quelques jours dans une tribune adressée au Quotidien du Médecin  et une autre au Monde. « Les gens sont devenus fous avec la méthode, avec le fait que tout est de la recherche », dit-il. Selon lui, « il y a un fossé entre la pratique médicale et des gens qui confondent la pratique médicale et la recherche ».

Le Pr Raoult se gausse d’un Nostradamus local et prévoit de publier les résultats de ses travaux dès qu’ils seront analysés. « On est en train de finir l’analyse de 1 000 cas qu’on a traités et les choses sont très rassurantes sur le traitement, dit-il. On n’a pas eu d’ennui cardiologique avec aucun des patients qu’on a traités. Les résultats montrent qu’on a une plus grande efficacité que celle qu’on a vue sur les autres séries. Tout va bien ! Un peu de patience pour que cela devienne un ou ‘’le’’ papier de référence ».

A demain @jynau

Chloroquine : les menaces du Conseil scientifique contre ceux qui ne respectent pas la loi

Bonjour

08/04/2020. Ainsi donc le gouvernement a décidé de rendre public le sixième avis de son Conseil scientifique : « COVID-19, 2 avril 2020 Etat des lieux du confinement et critères de sortie ». Ce texte lui avait été remis cinq jours auparavant. Nous savons qu’à ce stade de la lutte c’est un document essentiel. Par son contenu d’une part. Et, de l’autre parce qu’il éclaire d’un jour nouveau la suite des rapports entre le « scientifique » et le pouvoir exécutif. Que retiendra, demain, Emmanuel Macron de la somme considérable des recommandations que ce Conseil lui prodigue ? Nous y reviendrons.

Mais cet avis comporte aussi un chapitre qui marquera la suite des événements. Un septième chapitre signé par les membres d’un Conseil où ne figure plus le Pr Didier Raoult 1. Ces lignes sont titrées : « Pratique de recherche sur Covid-19 : un rappel aux réglementations ». Les voici :

« La France encadre la recherche scientifique et médicale sur l’être humain de manière rigoureuse afin de respecter le droit des personnes et de garantir un haut niveau de qualité scientifique dans le respect plus général de valeurs essentielles. Cet encadrement fait l’objet de dispositions légales et réglementaires s’appliquant aux acteurs de la recherche, y compris en temps de crise et d’épidémie. La recherche est encadrée par des dispositions légales et réglementaires protégeant la vie privée des personnes participant à cette recherche3 .

« Le respect de ces dispositions juridiques est garanti par un ensemble d’institutions spécialisées. En cas d’urgence, comme l’état d’urgence sanitaire actuel, la CNIL et les Comités de protection des personnes (CPP) peuvent être mobilisés et donner un accord rapidement. La recherche clinique impliquant des patients, leurs données ou les échantillons biologiques de ces patients, est encadrée par un environnement réglementaire qui est applicable même en situation d’urgence et de situations sanitaires extrêmes grâce à des procédures accélérées, y compris pour les études de cohortes observationnelles et les essais thérapeutiques.

« Les données doivent pouvoir être accessible en ‘’open access’’ par la communauté scientifique comme cela a été demandé par les ministères en charge de la santé et de la recherche. Dans les conditions actuelles de grande pression et dans l’urgence, le Conseil Scientifique tient à saluer le travail des Comités de protection des personnes (CPP) et de l’Agence Nationale de Sécurité du Médicament (ANSM) ainsi que par REACTIng.

« Le Conseil scientifique rappelle que dans le contexte épidémique les chercheurs et toutes les parties prenantes de la recherche sont tenus de respecter les réglementations françaises et internationales encadrant la recherche publique et privée, en particulier dans le domaine des essais cliniques. Il sera attendu, après la crise, que ces pratiques soient évaluées et elles seront jugées à l’aulne des réglementations préexistantes à la pandémie. Il n’existe aucune dérogation aux réglementations en vigueur. »

Où l’on comprend que l’affaire de la chloroquine n’en est, aujourd’hui, qu’à son début 2. Et où l’on saisit le sens de ce coup de semonce : tous les protagonistes doivent désormais, en urgence, choisir clairement leur camp. Et où l’on comprend que de nouveaux affrontements ne sauraient, désormais, tarder.

A demain @jynau

Membres du Conseil scientifique : Jean-François Delfraissy, Président Daniel Benamouzig, Sociologue Lila Bouadma, Réanimatrice Jean-Laurent Casanova, Immunologie/Pédiatrie Simon Cauchemez, Modélisateur Franck Chauvin, Haut Conseil de la Santé Publique Pierre Louis Druais, Médecine de Ville Laetitia Atlani Duault, Anthropologue Arnaud Fontanet, Epidémiologiste Marie-Aleth Grard, Milieu associatif Bruno Lina, Virologue Denis Malvy, Infectiologue Yazdan Yazdanapanah, Infectiologue Correspondant Santé Publique France : Jean-Claude Desenclos En présence de d’un membres en attente de nomination : Aymeril Hoang, Spécialiste des nouvelles technologies

2 Chloroquine: pourquoi le passé de Didier Raoult joue contre lui, Pascale Pascariello. Mediapart, 7 avril 2020.  

Le Pr François Bricaire, ancien de la Pitié-Salpêtrière s’exprime sur l’hydroxychloroquine

Bonjour

29/03/2020. C’est un petit entretien qui nous en dit beaucoup. Celui accordé par le Pr François Bricaire et que l’on peut lire dans  Le Parisien (Frédéric Mouchon). François Bricaire, ancien chef du prestigieux service d’infectiologie parisien de la Pitié-Salpêtrière. On lui demande son point de vue sur l’hydroxychloroquine et sur le Pr Didier Raoult – lui dont Olivier Véran, ministre de la Santé, dit dans le JDD qu’il « est haut en couleur, parle sans filtre et a des relais politiques forts » (sic).

François Bricaire, membre de l’Académie nationale de médecine et que Le Figaro présente comme le « médecin antipanique »

« Je n’ai pas encore pu analyser dans le détail le résultat de ses derniers essais menés sur 80 patients reconnaît-il Mais une chose d’abord : il ne faut pas faire le procès de Didier Raoult. On peut penser ce que l’on veut de ce monsieur, qui peut sans doute en heurter certains, mais c’est un médecin de qualité en termes de recherche au niveau international. »

Efficace contre le Covid-19, l’hydroxychloroquine ? « Je comprends que l’on ait essayé de l’utiliser comme l’ont fait en premier les Chinois. Car c’est une molécule ancienne qui a une activité in vitro contre un certain nombre de virus. Il était donc rationnel de le tester même si jusqu’à maintenant cela n’a jamais donné de résultats positifs in vivo sur l’Homme. »

Les vives, parfois violentes, critiques sur la méthodologie de son étude ?  « Il a fait un travail scientifique mais dont la méthodologie peut être critiquée car elle comporte plusieurs biais, notamment la validité du groupe témoin et ses essais ne répondent pas aux critères parfaits qu’exige la science. D’après ces essais, la chloroquine permettrait d’abaisser la charge virale des patients mais cela ne démontre pas l’efficacité certaine de ce médicament ni que l’on guérit du covid-19 si on le prend.

Et Le Parisien de poser une question délicate :

« Si vous étiez encore chef d’un service d’infectiologie, vous le prescririez ? » Réponse :

« Je serais très embêté mais je crois que non, je ne le prescrirais pas en dehors de cas très particuliers. A titre personnel, j’ai plutôt le sentiment que la chloroquine se révélera inefficace en termes cliniques. Je crois que j’attendrais les résultats à plus grande échelle de l’étude lancée au niveau européen qui est en cours. Seule cette étude permettra de savoir si ce médicament a une action ou pas sur le covid-19. Le problème est qu’il y a tellement de bruit autour de ce médicament qu’il a aujourd’hui le vent en poupe dans l’opinion. Et il semblerait que certains patients n’acceptent de se prêter aux études en milieu hospitalier sur cette molécule qu’à la seule condition d’en recevoir. Or, si l’on veut faire une étude sérieuse, il faut bien comparer des gens qui en reçoivent et d’autres qui n’en reçoivent pas. »

Certes. Mais que pense-t-il de ceux qui, parmi ses confrères, la prescrivent déjà ?

« Puisqu’il n’existe actuellement aucun autre traitement efficace, je comprends que certains le proposent en milieu hospitalier en se disant : à la guerre comme à la guerre, soit c’est efficace et tant mieux pour mes patients, soit ça ne l’est pas et on aura au moins tenté d’améliorer le sort de ceux qui sont durement affectés. Mais que l’on soit bien clair : Je dis non à une utilisation large de la chloroquine au sein de la population. Car cela conduirait, comme on le voit déjà, à des usages dévoyés du médicament, hors d’un contrôle hospitalier strict. Et cela pourrait rapidement déraper. »

Nul ne sait encore quel jugement le Pr Didier Raoult portera sur ces propos le concernant ; propos émanant d’un représentant du monde hospitalo-universitaire parisien – monde dont il dénonce, depuis Marseille, la morgue qu’il afficherait vis-à-vis de ses confrères de province.

A demain @jynau

«Crash test» pour l’hôpital français ; l’appel solennel et politique de Martin Hirsch

Bonjour

25/03/2020. Pourquoi, pour quelles raisons politiques en sommes-nous là ? Il y a quelques jours le Pr Jean-François Delfraissy avait eu cette formule : cette vague épidémique constituera un « crash test » pour l’hôpital public français. Bien dit. Nous sommes au stade du test. « Hier en Île-de-France, nous avons passé le cap des 1 000 patients graves pris en charge dans les réanimations des hôpitaux, a déclaré, mercredi 25 mars, sur franceinfo Martin Hirsch, directeur général de l’Assistance publique – Hôpitaux de Paris (AP-HP) qui, avec la Fondation de France et l’Institut Pasteur, lance « Tous unis contre le virus », un appel aux dons pour soutenir les soignants, les chercheurs et les personnes fragiles.

« Oui, les équipes tiennent, mais elles ont besoin de quatre fortes assurances. Dans mes interventions précédentes, je savais devant moi que j’avais une visibilité d’une semaine sur la capacité d’en prendre davantage. Là, j’ai une visibilité de trois jours » ajoute l’ancien président d’Emmaüs France  (2002-2007).

Il demande aujourd’hui de pouvoir mettre un respirateur pour chaque malade grave, et rapidement. « Je ne veux pas qu’on connaisse les difficultés qu’on a connues sur les masques, car les respirateurs permettent de sauver des vies. Les réanimateurs, qu’on a réunis jusqu’à tard hier soir pour recenser nos besoins, me disaient que ça aller piquer fort les yeux… Quand ils disent ça, c’est que la situation est grave ».

Deuxième demande du directeur de l’AP-HP : obtenir davantage de soignants au sein des hôpitaux. « On a besoin de toutes les équipes, de tous les personnels, qu’ils soient volontaires ou qu’on fasse appel à la réquisition. Aujourd’hui, les techniciens, les médecins, les infirmiers, travaillent tout le temps. Je ne veux pas qu’on soit face à un épuisement, affirme un directeur général qui ne redoute plus de tenir le discours d’un général d’armée. Il faut qu’on ait les milliers de personnes supplémentaires dont on a besoin pour être auprès des patients, auprès des malades, auprès des malades graves. »

Avant tout, ne pas dégringoler

Sa troisième demande concerne la reconnaissance envers les personnels soignants : « On a aujourd’hui des soignants qui font des efforts qu’on peut qualifier de surhumains. Des primes ? Je ne sais pas, mais il faut qu’on leur dise aujourd’hui ‘merci’. Il ne faut pas mégoter avec eux. C’est moral, c’est pour le moral des troupes. Ils en ont besoin. »

Enfin, quatrième demande : que les médicaments ne soient pas « en manque » au sein de l’AP-HP et que les industriels et pouvoirs publics puissent se coordonner au mieux. « Il va falloir produire des médicaments essentiels et assurer l’approvisionnement. On est dans un moment qu’on peut qualifier de moment ‘charnière’, poursuit Martin Hirsch. Je ne veux pas que ça soit un moment de bascule, ce qu’on appelle quand on est dans une escalade difficile le ‘crux’, le moment où toutes les prises comptent pour ne pas dégringoler, ne pas se casser la gueule. On peut y arriver, mais il faut que ces assurances soient là.

« C’est plus qu’un appel à l’aide. Je le dis avec solennité : jusqu’à présent, on tient, encore une fois. Il y a quelques temps, je pouvais dire : je vois ce qui va se passer dans un délai d’une semaine. Là, on est mercredi. Je sais que pendant les trois jours qui viennent, ça devrait aller. Mais je ne veux pas me retrouver ce week-end avec toutes celles et tous ceux qui font des efforts surhumains, à leur dire : on n’a pas tout fait, la France n’a pas tout fait, les moyens de vous soutenir, de vous aider et de vous donner des assurances n’ont pas été suffisants. On peut le faire ! »

Voilà donc les demandes pour l’AP-HP. On peut imaginer qu’elles sont similaires dans d’autres établissement hospitaliers dont les directions ne disposent pas de la même puissance de feu, du même porte-voix. « Crash test ». Plus le temps passe et mieux on mesure que la formule du Pr Delfraissy ne concernait pas seulement l’hôpital public français mais bien le système médico-social français dans son ensemble, l’hospitalier et le libéral, les médecins et l’ensemble de ceux dont la mission est, au sens le plus large, de soigner. Tenir, bien évidemment. Mais aussi, demain comprendre pourquoi.

A demain  @jynau

Rituels, les fenêtres, les balcons, l’Annonciation

25/03/2020 L’heure est aussi au rituel, ancien et nouveaux. On découvre, chaque soir, en lieu et place du début de l’antique messe télévisée du « 20 heures », les applaudissements et les cris pour saluer et soutenir les soignants. On apprend que la conférence des évêques de France a décidé de faire sonner les cloches des églises sur tout le territoire national ce mercredi 25 mars, jour de l’Annonciation, à 19h30. Les évêques entendent ainsi témoigner du soutien de l’Église catholique à «la nation toute entière», a déclaré le président de la conférence des évêques, Mgr Eric de Moulins-Beaufort. Les évêques appellent aussi les Français à déposer une bougie à leur fenêtre «en signe d’espérance, une marque de communion de pensée et de prière avec les défunts, les malades et leurs proches, avec tous les soignants et tous ceux qui rendent possible la vie de notre pays».

N° d’appel médico-pychologique le « 19 » : le gouvernement entendra-t-il Xavier Bertrand ?

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24/03/2020. C’est un ancien ministre de la Santé, toujours homme politique (LR), qui n’a rien oublié de ses dossiers Xavier Bertrand, aujourd’hui président d’une région, les Hauts-de-France, qui fut l’une des premières touchées par l’épidémie. Invité, le 23 mars, sur France Inter, il a abordé un sujet qui n’est pas encore devenu pleinement d’actualité, les conséquences médico-psychologiques liées aux mesures de confinement et à leur durée.

L’ancien ministre de la Santé rappelle que « le confinement, c’est pas une option, c’est pas fait pour embêter les gens : c’est tout simplement que tant que vous n’avez pas de vaccin ou de traitement, le confinement est le meilleur moyen de freiner et de stopper l’épidémie. Il n’y a pas d’autre solution, il faut le respecter et ceux qui s’amusent à le braver doivent être punis pour comprendre. Ils se mettent en danger eux-mêmes et mettent en danger ceux qu’ils aiment. »

« La semaine qui commence va être plus dure que la précédente, explique-t-il. C’est une épreuve collective et individuelle, et nous devons anticiper ce que vont vivre des millions de nos concitoyens. » C’est pourquoi il souhaite  la mise en place d’«un numéro d’appel national, dès cette fin de semaine, qui pourrait être le ’19’». «Il permettrait à chaque personne de pouvoir être en contact avec quelqu’un qui lui répond. Ça peut être des conseils, de l’aide, un soutien médico-psychologique», a-t-il proposé, assurant que «chaque foyer est comme une cocotte-minute».

Pour n’être pas nouvelle, la métaphore de la cocotte-minute est ici parfaitement adaptée. Nous devrions apprendre sous peu la prolongation de la durée de l’actuel confinement auquel la France est soumise. Il n’est pas trop tard pour que l’exécutif commence à traduire dans les faits la suggestion de Xavier Bertrand. Ce dernier propose, d’ores et déjà, un nom pour un tel projet : le Dr Xavier Emmanuelli.

A demain @jynau

Coronavirus : le Collectif inter-hôpitaux réclame entre trois et quatre milliards d’euros

Bonjour

Entre trois et quatre milliards d’euros. C’est, certes, « beaucoup » mais c’est devenu « indispensable ». Tel est le commentaire du collectif inter-hôpitaux (CIH) en marge de la demande qu’il formule à l’attention de l’exécutif pour que l’hôpital public puisse faire face, au mieux, à l’épidémie de Covid-19. Demande formulée via un communiqué de presse daté du 8 mars – et relayé par Le Quotidien du Médecin.

« Le gouvernement doit proposer au Parlement un correctif budgétaire immédiat afin de financer l’hôpital » soutient le CIH  qui cite l’Italie où un milliard d’euros a été débloqué en urgence. Pour la France le collectif réclame en outre un « plan pluriannuel de recrutement et de revalorisation des personnels » estimé entre « 3 et 4 milliards d’euros ». 

On sait que, depuis le début de la crise, les hôpitaux sont pleinement mis à contribution pour tenter de faire face à l’épidémie. « Plans blancs, déprogrammation d’interventions pour libérer des lits, déplafonnement des heures supplémentaires… Tout est fait pour faire surmonter la crise sanitaire et c’est bien. Mais cette mobilisation de tous les personnels ne pourra être suffisante et durable, si elle n’est pas soutenue », estime le CIH.

Déplafonnement des heures supplémentaires

Il réclame notamment le recrutement, à court terme, de quarante mille infirmières nécessaires pour rouvrir les lits fermés, remplacer les arrêts maladie ou congés maternité et « obtenir des ratios d’effectifs soutenables au lit des malades y compris en psychiatrie, sous-dotée et asphyxiée ».

« Il faut avoir des lits disponibles, isoler les patients infectés, et prendre en charge les formes graves, écrit le CIH. Le gouvernement n’échappera pas, après l’épidémie, au débar sur l’absolue inadéquation entre une gestion de crise et le financement de l’activité à l’hôpital. Mais pour l’heure l’urgence est d’avoir les moyens de prendre en charge, recruter les infirmières qui font défaut et qui sont indispensables. »

Conclusion du CIH : « Nous attendons du gouvernement qu’il prenne conscience de l’urgence des décisions, qu’il prenne des actes budgétaires forts : des moyens MAINTENANT ».

Prochaine étape : les réponses d’Olivier Véran. Pour l’heure, le ministre de la Santé vient de signer un décret pour déplafonner les heures supplémentaires des professionnels de santé à l’hôpital « leur permettant ainsi de pouvoir plus facilement assurer la continuité des soins dans les services dans cette situation exceptionnelle ».

A demain @jynau

Le stade 3 de l’épidémie ? Un «crash-test» pour le système hospitalier et sanitaire français

Bonjour

« Inexorable » : qui est insensible aux prières, à quoi l’on ne peut se soustraire. Le terme présidentiel est désormais repris en chaîne par les médias. C’est le prélude de l’exécutif à la veille de la « phase 3 ». Quand ? « Dans quelques jours, une ou deux semaines maximum » a précisé dans la soirée du 5 mars le Pr Jean-François Delfraissy, à l’issue d’une réunion avec le président Emmanuel Macron à l’Élysée. Spécialiste reconnu de virologie, travaillant au sein du  réseau REACTing et président du Comité national d’éthique (saisi sur ce sujet par le gouvernement) le Pr Delfraissy est aujourd’hui au carrefour de tous les savoir comme de toutes les interrogations.

Il précisé à la presse que sous les ors du Palais de l’Elysée les invités du président de la République ont débattu des « enjeux du passage à la phase 3 », en particulier pour déterminer « si le système hospitalier, fatigué depuis plusieurs mois, est prêt à encaisser ce choc que va être un certain nombre de malades graves ». « On a eu des éléments pour, mais aussi des éléments qui posent questionnements aux équipes hospitalières, a-t-il ajouté. Certains cliniciens ont évoqué des difficultés pour récupérer certains matériels et motiver les équipes, surtout si on s’inscrit dans la durée. »

Collisions et coercitions

D’ores et déjà  se posent « des questions sur la capacité du système à être mis en tension pour une période longue ».Le chef de l’État a aussi, précise-t-il, demandé aux experts « ce qui manque aux équipes de recherche » en financement ou en moyens humains. Et il a souhaité « profiter de cette crise pour rebondir sur certains aspects de l’organisation des soins” ».

Aucun doute pour le président du Comité national d’éthique : le passage à la « phase 3 » imposera des « restrictions plus contraignantes », des formes de coercitions du type de celles aujourd’hui observées (sans grand succès) en Italie. Aucun doute non plus : « cette crise est une forme de ‘’crash test” pour le système de santé français. 1 

« Crash test » : opération réalisée en laboratoire consistant à tester le comportement des véhicules en cas de choc ou de collision. Le véhicule testé est soit projeté à une vitesse donnée sur un obstacle massif, soit immobilisé et soumis à un choc d’un mobile de masse déterminée de façon à reconstituer les conditions d’un choc et de mesurer les déformations de sa structure et les dommages résultants pour les passagers. Ceux-ci sont souvent représentés par des mannequins spécialement étudiés – et parfois des cadavres (ce qui n’a pas manqué, jadis, de susciter quelques polémiques). Ces essais, destructeurs par définition, sont relativement coûteux et doivent être soumis à un protocole rigoureux pour en tirer le maximum d’enseignements.

Possibles contraire d’ «inexorable » : indulgent ou, mieux, clément.

A demain @jynau

1 « L’hôpital français est-il apte à faire face à l’épidémie de coronavirus ? La vague épidémique annoncée s’ajoute à la crise hospitalière et aux colères des personnels. Elle menace un maillage sanitaire national fragilisé et en grand danger. » Slate.fr, 3 mars 2020