Etre pris avec de la drogue devient l’équivalent d’une contravention de stationnement

Bonjour

01/09/2020. C’est donc fait. « A compter de ce 1er septembre, toute personne surprise avec un joint au bec ou de la drogue dans les poches pourra se voir adresser une amende de 200 euros par voie postale ou électronique, si l’usager accepte la destruction de son produit, nous rappelle Libération (Charles Delouche). A la manière d’une amende de stationnement, la somme pourra être minorée à 150 euros si elle est payée dans les quinze jours. Mais pourra grimper jusqu’à 450 euros en cas de retard. Lancée dans certaines villes de France depuis la mi-juin, On parle ici d’amende forfaitaire délictuelle (AFD) doit s’appliquer à « toutes les drogues » mais qui vise en particulier les consommateurs de cannabis – un procédé testée depuis juin dans plusieurs villes, dont Reims, Créteil ou Rennes.

Surpris ? Fin juillet, lors d’un déplacement à Nice, le premier ministre, Jean Castex, avait annoncé sa généralisation à la rentrée afin d’aider les forces de l’ordre à « appliquer une sanction sans délai » et de lutter « contre les points de revente qui gangrènent les quartiers ». Dans les villes tests, au 26 août, 545 amendes avaient été infligées, dont 172 à Rennes, selon le procureur de la République de la ville, Philippe Astruc. Sur ces 172 verbalisations, « 166 portaient sur du cannabis et 7 sur de la cocaïne », a-t-il précisé dans un communiqué. « 70 % des avis d’infraction ont été transmis aux contrevenants dont 32 % se sont déjà acquittés du paiement de l’amende », a ajouté le procureur.

Et une fois de plus cette impasse que l’exécutif s’obstine à ne pas vouloir prendre en compte : en dépit d’une politique parmi les plus répressives d’Europe les Français demeurent les premiers consommateurs de cannabis et se placent au troisième rang pour la cocaïne. Ainsi, en août, le ministre de l’Intérieur, Gérard Darmanin, a promis que cette amende, qui sera appliquée « partout en France, dans les quartiers de Créteil comme dans le 16e arrondissement de Paris » (sic), est une « technique qui consiste à tuer tout trafic de drogue » (re-sic).

Rappel et commentaires : la loi de 1970, qui indique qu’un consommateur risque un an de prison et 3 750 euros d’amende, s’est donc vue agrémentée d’une possibilité de verbaliser directement sur la voie publique une personne surprise avec de la drogue. On est passée de la «tronçonneuse inutilisable» de la loi de 1970 à une «agrafeuse de masse» avec cette AFD estime fort justement, dans Libération, le Dr William Lowenstein, addictologue et président de SOS Addictions. «La répression contre le trafic de stupéfiants a sa place en France. Mais à condition qu’elle se fasse en même temps que le soin, la prévention et la réduction des risques, ajoute-t-il. Un pilier sécuritaire ne peut pas à lui seul corriger une politique de santé des addictions.» 

Pour le Dr Lowenstein, une idée efficace, «évoquée depuis quinze ans» pour lutter contre les problèmes d’addiction serait la création d’unités d’urgence en addictologie. «La prohibition seule ne peut pas avoir valeur de protection préventive ». Selon Jean Maxence Granier, également interrogé par Libé, président de l’association Asud (Auto support des usagers de drogues), cette AFD n’est que «la reconduite d’une politique de prohibition qui ne fonctionne pas depuis cinquante ans. La criminalisation de l’usage va à l’encontre de ce qu’il se passe dans le monde en matière de drogues».

Dès le 30 juillet, un collectif d’associations s’est formé en opposition à ce projet. Le Syndicat des avocats de France, la Ligue des droits de l’homme ainsi que des organismes spécialisés dans la santé tels que la Fédération Addiction ou Médecins du monde dénoncent une «promesse de fermeté illusoire» de la part du Premier ministre.

Rien n’y fait. Comme depuis des décennies, lee président de la République, le Premier ministre et le ministre de l’Intérieur n’écoutent pas les arguments des soignants. Et l’actuel ministre de la Santé, que l’on avait cru sensible à une politique de réduction des risques, se tait. Désespérer ?

A demain @jynau

Le cannabis à 150 euros : réquisitoire contre les mesures et la «posture» du gouvernement

Bonjour

28/07/2020. C’est peu dire que la majorité des soignants professionnels spécialisés en addictologie n’ont pas apprécié l’annonce par le premier ministre de la généralisation de l’amende forfaitaire à 200 euros pour les usagers de drogues illicites. Une mesure présentée comme « sécuritaire »….  A peine évoquée par le futur président de la République cette mesure avait  été très largement critiquée par les spécialistes  pour son incohérence et sa très probable inefficacité. Puis vinrent l’heure des auditions au Parlement. « Ces auditions se sont avérées être une consultation de façade puisque le projet présidentiel est resté identique » regrette aujourd’hui, amèrement, l’Association nationale de prévention en alcoologie et en addictologie (ANPAA).

Et de dénonce le fond, la forme et la méthode. « Alors qu’une expérimentation était en cours depuis peu à Marseille, Lille, Reims, Rennes et Créteil, le Premier ministre a décidé la généralisation à l’ensemble du territoire national sans attendre l’évaluation de cette expérimentation, dont nous ne connaitrons jamais les résultats ni les modalités de cadrage local » observe l’ANPAA.

Elle ajoute que l’amende forfaitaire a pour objectif initial d’alléger la charge de travail des policiers et gendarmes, alors même que Jean Castex annonce une intensification des contrôles. « Le Premier ministre considère que l’efficacité de cette politique dépend de la certitude de la sanction pour les contrevenants. Or aujourd’hui, les contrôles ne concernent qu’une faible proportion des consommateurs (175 000 selon l’OFDT en 2016) alors que les consommateurs réguliers sont estimés à 1,2 millions sans parler des consommateurs occasionnels (près de 5 millions). On voit mal comment la certitude de la sanction pourrait se concrétiser sans une mobilisation considérable des forces de police alors que l’objectif est d’alléger leur charge de travail en ce domaine. »

« Seule une légalisation encadrée du cannabis …. »

Comment le Premier ministre peut-il présenter cette mesure comme un moyen de lutter contre l’insécurité alors même que la prohibition est à la racine de l’économie souterraine et de l’enrichissement des réseaux mafieux ? Pourquoi développer une politique en apparence répressive alors que la logique sanitaire voudrait avant tout un effort accru de prévention – une prévention dont le candidat Emmanuel Macron avait fait l’une de ses priorités. Et ce réquisitoire de l’ANPAA :

« Mais c’est surtout la philosophie politique de la mesure qui parait de plus en plus anachronique. Alors que le constat de l’échec de la guerre à la drogue fait désormais consensus, que nous avons la politique la plus répressive d’Europe et que se multiplient les appels à dépénaliser l’usage de stupéfiants et réformer la politique des drogues, le gouvernement persiste dans une logique qui a démontré son absurdité.

« Traiter le problème de manière cohérente supposerait un courage politique qui aborderait les drogues de manière universelle, en particulier pour les plus consommées qu’elles soient légales (tabac, alcool) ou illégales (cannabis). Seule une légalisation encadrée du cannabis peut permettre une prévention cohérente, et un assèchement des réseaux mafieux qui en vivent et qui enferment des cités dans des ghettos de pauvreté. Ce courage pourrait trouver des arguments dans un grand débat citoyen sur le modèle de la convention pour le climat. »

« Mais le nouveau gouvernement démontre que l’heure n’est pas à l’ambition, ni au débat transparent sur des sujets difficiles, pas plus qu’à la recherche de solutions efficaces à un problème sociétal chronique. C’est pourquoi il faudra se contenter jusqu’aux présidentielles de postures et de coups de menton. »

On connaît les coups de menton en politique. Mais quelles différences entre « posture » 1 et « imposture » 2 ?  

A demain @jynau

1 « Attitude, position du corps, volontaire ou non, qui se remarque, soit par ce qu’elle a d’inhabituel, ou de peu naturel, de particulier à une personne ou à un groupe, soit par la volonté de l’exprimer avec insistance ».

2 « Acte, parole qui tend à tromper autrui dans le but d’en tirer profit ».

Un géant de Big Tobacco accuse Olivier Véran de ne pas faire appliquer la loi sur le tabac

Bonjour

28/07/2020. Publicitaire et commerciale l’affaire n’en est pas moins à la fois troublante et cocasse. On sait que depuis le 20 mai 2020, les cigarettes mentholées sont interdites à la vente au sein de l’Union européenne. Pour autant il est établi que certains fabricants continuent de mettre sur le marché des produits de tabac contenant du menthol. Or on apprend aujourd’hui que le géant British American Tobacco (BAT) 1 demande au ministère de la Santé de se prononcer rapidement sur la légalité de la présence d’arôme caractérisant dans ces cigarettes.

« Deux mois après l’interdiction du menthol, 62% des anciens fumeurs de menthol consomment toujours du tabac et 12,5 % se sont tournés vers de nouvelles cigarettes contenant encore du menthol sous forme résiduelle  : les références Camel Shift Fresh et Winston Xsphere Fresh, commercialisées par Japan Tobacco International (JTI) » dénonce BAT.

À la suite du lancement de ces nouvelles références, et face à la suspicion d’arôme caractérisant mentholé, BAT explique « avoir réalisé une étude sensorielle sur ces nouveaux produits en interne et par un institut français spécialisé ». « Il en ressort que le panel de fumeurs a significativement identifié la caractéristique « mentholée » de ces produits et ce de manière spontanée » ajoute le géant.

La présence de ces cigarettes mentholées sur le territoire interpelle

Pascal Marbois, Directeur des Affaires Publiques de BAT : « La présence de ces cigarettes mentholées sur le territoire interpelle, deux mois seulement après l’entrée en vigueur de l’interdiction. La France doit assumer son statut de leader européen en matière de lutte contre le tabagisme (sic). D’autres pays comme l’Autriche et le Danemark ont déjà réagi avec plus de célérité ».

BAT nous apprend aussi que le 15 juin 2020, une enquête a été ouverte par les pouvoirs publics français pour étudier ces références, mesurer le niveau de menthol et déterminer leur légalité. L’ensemble des acteurs du secteur attendent toujours les résultats. Ailleurs en Europe, la situation a été prise en charge rapidement. En Autriche et au Danemark par exemple, les Ministères de la Santé et les autorités exécutives respectives se sont penchés sur la légalité de ces produits et ont demandé au fabricant des observations dans un délai imparti.

Or en France, malgré l’ouverture de l’enquête depuis un mois et demi, le Ministère de la Santé ne s’est pas encore prononcé sur ce sujet. On ajoutera que BAT se fait fort de ne pas commercialiser de cigarettes à « l’arôme caractérisant mentholé », le géant préférant « accompagner les anciens fumeurs de menthol vers des produits à risques potentiellement réduits comme le vapotage ». Sans doute est-ce ici qu’il convient d’applaudir.

A demain @jynau

1 British American Tobacco (BAT) se présente ainsi : entreprise fondée en 1902, est la seconde plus grande entreprise de tabac manufacturé au monde en parts de marché. Ses marques sont vendues dans plus de 200 pays. Sa filiale française, British American Tobacco France emploie près de 250 collaborateurs à travers le pays. Son activité comprend le soutien commercial, la vente et la distribution des produits du tabac du Groupe BAT sur le territoire national ainsi que ses gammes innovantes de produits de vapotage à travers la marque Vype

Alcool: que peut nous dire une journaliste, critique œnologique, en période épidémique ?

Bonjour

11/07/2020. Les lecteurs du Monde ont appris à découvrir la plume d’Ophélie Neiman. Une journaliste connue ailleurs sous son appellation blogueuse « Miss glou-glou » (elle s’en explique ici). On connaît assez bien cette rubrique journalistique – une forme de critique comme il en existe pour la littérature ou le cinématographe. Une rubrique qui, dans les médias écrits généralistes souvent mise à l’ombre de celle dite « gastronomique ».

Dans le meilleur des cas cette rubrique aide le lecteur à s’ouvrir sur les innombrables univers culturels des vignes et des vins. Il arrive aussi, trop souvent, qu’elle se borne à de simples classements fondé sur le goût du critique. Où l’on voit se rejoindre le vin, la littérature et les arts florissants. On pouvait aussi, jadis, par chance, n’être critique œnologique qu’à ses heures, le reste de son activité journalistique étant consacrée à d’autres disciplines.

Ophélie Neiman, donc. Hier, marronnier d’été, elle sélectionnait pour Le Monde, les vins rosés : « (Château de la Grille, chinon, 2019. Quel joli nez de griotte nous monte aux narines dès qu’on approche le verre ! Ce 100 % cabernet franc est aussi bien en chair, gourmand et juteux. Et doté d’un très joli retour sur la cerise et la compote de fraise. C’en est presque régressif, mais on ne sombre jamais dans le bonbon pâteux.11 € ; Domaine du Four à Chaux, coteaux-du-vendômois-gris, 2019. Sous cette appellation peu connue de la Loire, au nord de Tours et de Blois, on trouve de jolis rosés à prix modique, comme celui de Sylvie et Dominique Norguet. Franc et gourmand, acidulé en bouche, avec des notes d’abricot cuit et de coing, voilà une très bonne affaire. 100 % pineau d’Aunis. 5,20 €. »

Avant-hier elle évoquait les conséquences de la pandémie sur le vignoble français. Aujourd’hui elle s’attaque, non sans courage à un tout autre sujet : « Gestes barrières : boire ou guérir, il faut choisir ». Sujet sanitaire et politique puisque « distanciation sociale et alcool font rarement bon ménage ». Question : la fête « raisonnable » est-elle un vœu pieux ?

« A chaque fois que j’ai bu, c’est parti en sucette »

Selon elle le confinement a aiguisé le besoin de contact, de toucher de la peau. Quid, dès lors de la fête alcoolisée ? « Elle va vite se compliquer, écrit-elle. Car enfin, comment rester raisonnable dans la bringue ? La ‘’ fête raisonnable’’ est un oxymore. Si on ne peut pas lâcher les manettes, autant rester chez soi. Pour autant, l’éventualité de se transformer en cluster ambulant ne fait pas vibrer, admettons-le (…) Car face au vœu pieux de la ‘’fête raisonnable’’, un élément entre en scène et force le destin. Le plus souvent, l’alcool. Son effet désinhibiteur est d’une efficacité redoutable. Au niveau neuronal, il perturbe l’action de la noradrénaline et de la sérotonine. La perception de l’environnement et le niveau de vigilance descendent une volée de marches. Parallèlement, l’alcool stimule la production de dopamine ; on se sent heureux, euphorique, tout baigne. »

« Et tout s’enchaîne. Le bol de cacahuètes égaré qui ne méritait pas un regard semble soudain irrésistible. La planche de charcuterie, dans laquelle on piochait consciencieusement avec sa fourchette, on y égare maintenant les doigts. On tripote le téléphone de la voisine pour zoomer sur une photo, on pousse le verre du voisin au passage, tant pis pour la trace d’empreinte grasse. Quant au pétard qui tourne, il passe gaiement de bouche en bouche. Autant rouler une pelle à tous les convives.Pour compenser, le fêtard repentant dégainera régulièrement son gel hydroalcoolique et s’en enduira comme un roux use son écran total sur une plage espagnole. Mais n’est-ce pas déjà trop tard ? »

Sans doute. Témoignage de Violeta, à peine quadra, qui confectionne elle-même son désinfectant, à base l’alcool pharmaceutique et d’huile essentielle de lavande : «L’alcool n’est absolument pas compatible avec les gestes barrières. A chaque fois que j’ai bu, c’est parti en sucette. La dernière soirée que j’ai faite, je l’ai commencée en disant bonjour du coude, je l’ai terminée en dansant enlacée et en tenant les mains de tout le monde. » 

On lit Ophélie Neiman et on parvient à sa chute :  « Ce qui amène à une question, mère du problème : est-ce qu’on se touche parce qu’on a bu ou est-ce qu’on boit pour se toucher ? ». Boire ou conduire ? Etre ou ne pas être ? On attend avec impatience de lire la réponse des spécialistes – dans la rubrique addictologie.

A demain @jynau

Après la guerre de l’hydroxychloroquine, voici que celle du baclofène est soudain relancée

Bonjour

18/06/2020. Comme un lointain parfum poudré, celui de l’hydroxychloroquine. Toutes proportions gardées.  Nous évoquions il y a quelques heures le rebondissement sans précédent sur le front de la lutte médicamenteuse contre la maladie alcoolique : celle du Baclocur (10, 20 et 40 mg) à peine arrivé dans les pharmacies d’officine et aussitôt retiré du marché suite à une décision de justice. Nous ajoutions que, désavouée, l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) gardait le silence. Quelques heures plus tard, changement de politique et communiqué de presse annonçant la saisine du Conseil d’Etat. La guerre du baclofène est relancée. Comprendra qui pourra.

« Par ordonnance du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise du 17 juin 2020, les autorisations de mise sur le marché des spécialités Baclocur (10, 20 et 40 mg) du laboratoire Etypharm sont suspendues à titre conservatoire dans l’attente d’un jugement définitif, résume l’ANSM. Les spécialités Baclocur (10, 20 et 40 mg) ne doivent plus être dispensées. Le laboratoire Ethypharm procède au rappel des lots en pharmacie. La spécialité Baclocur 30 mg n’est pas concernée. L’ANSM va saisir le Conseil d’Etat d’un pourvoi en cassation contre cette décision de suspension en référé des autorisations de mise sur le marché des spécialités Baclocur. »

Contrairement à ce que prescripteurs, pharmaciens et patients pouvaient redouter l’accès au baclofène dans l’alcoolo-dépendance est toujours possible pour les patients dans le cadre de la recommandation temporaire d’utilisation (RTU) via livrer le Baclofène-Zentiva 

Après des années de polémique, la commercialisation du Baclocur avait été accordée en octobre 2018 sous conditions et à doses limitées. La Haute autorité de Santé (HAS) avait finalement donné un feu vert à son remboursement (à hauteur de 15%) en dépit d’un service médical rendu « faible » et d’une absence « d’amélioration du service médical rendu » … Comprendra qui pourra. Texte officiel de la HAS:

« Avis favorable au remboursement pour réduire la consommation d’alcool, après échec des autres traitements médicamenteux disponibles, chez les patients adultes ayant une dépendance à l’alcool et une consommation d’alcool à risque élevé (> 60 g/jour pour les hommes ou > 40 g/jour pour les femmes). Cet avis est conditionné à la collecte de données d’efficacité et de tolérance dans un délai maximal de 3 ans en vue d’une réévaluation.

« Le baclofène, constitue, en association à un suivi psychosocial axé sur l’observance thérapeutique et la réduction de la consommation d’alcool, une option thérapeutique de dernier recours pour réduire la consommation d’alcool chez les patients adultes ayant une dépendance à l’alcool avec consommation d’alcool à risque élevé, ne présentant pas de symptômes physiques de sevrage et ne nécessitant pas un sevrage immédiatement. Le bénéfice potentiel du traitement est conditionné par l’observance du patient.

« Son utilisation doit s’accompagner d’un suivi médical rapproché en particulier pendant la phase de titration. La dose journalière maximale de baclofène est de 80 mg par jour. En l’absence d’efficacité après 3 mois de traitement, celui-ci doit être arrêté de façon progressive. »

La mise en vente le 15 juin est aujourd’hui annulée à la suite de l’action du collectif « Baclohelp » qui avait déposé un référé-suspension auprès du tribunal administratif de Cergy-Pontoise (Val-d’Oise). Motif de cette action : la dose du traitement limitée à 80 mg par jour, décidée par l’ANSM en raison de « risques accrus d’hospitalisation et de décès » à fortes doses. Or ce collectif et, depuis des années, une fraction des spécialistes de la maladie alcoolique estiment qu’une partie des patients doivent bénéficier d’un traitement compris entre 80 et 300 mg, selon leurs besoins ». ce qui était jusqu’ici toujours officiellement déconseillé mais ouvertement pratiqué. Comprendra qui pourra.

A demain @jynau

Alcoolisme : nouveau et invraisemblable rebondissement dans l’affaire du baclofène

Bonjour

18/06/2020. C’est sans précédent : un médicament à peine arrivé dans les pharmacies d’officine et aussitôt retiré du marché… Au carrefour du soin et de la justice c’est la résultante d’une somme d’incompréhensions, de mauvaises volontés – et, tout bien pesé, du peu d’intérêt que nombre des autorités en charge du médicament portent à la maladie alcoolique, cette délaissée.

Au terme de quelques années de violentes polémiques un médicament contre l’alcoolisme à base de baclofène, le Baclocur, venait d’être autorisé en France et commercialisé à compter du 15 juin. Or la justice a ordonné l’arrêt des ventes, mercredi 17 juin. « Nous apprenons que nos autorisations de mise sur le marché sont suspendues, a annoncé au Parisien (Elsa Mari)  Ethypharm, le fabricant. Ce qui signifie l’arrêt de la commercialisation et le retrait des lots déjà sur le marché. »

La commercialisation du Baclocur avait été accordée en octobre 2018 sous conditions et à doses limitées. Des négociations quant au prix avaient suivi qui conduisirent à l’annonce de sa mise en vente le 15 juin. C’était compter sans l’action du collectif « Baclohelp » qui avait déposé un référé-suspension auprès du tribunal administratif de Cergy-Pontoise (Val-d’Oise). Motif de cette action ; la dose du traitement limitée à 80 mg par jour, décidée par l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) en raison de « risques accrus d’hospitalisation et de décès » à fortes doses. Des éléments vivement contestés par ce collectif et, depuis des années, par une fraction des spécialistes de la maladie alcoolique. Selon eux la quantité de 80 mg par jour est insuffisante pour permettre à une majorité de patients de sortir de cet esclavage addictif.  

Exécutif versus décision de justice

Et c’est ainsi que les juges tribunal administratif de Cergy-Pontoise se sont prononcés en faveur de la suspension de mise sur le marché du nouveau comprimé. Cette mise sur le marché « pourrait faire obstacle à la poursuite du traitement à des doses supérieures à 80 mg », selon l’ordonnance, consultée par Le Parisien. « Il existe un risque très élevé de rupture dès lors que les pharmaciens ne voudront plus délivrer le Baclofène-Zentiva pour l’alcoolodépendance en l’absence d’une recommandation temporaire d’utilisation (RTU). »

« C’est une bonne nouvelle ! a aussitôt réagi auprès du Parisien Thomas Maës-Martin, fondateur de l’association, à l’origine de ce référé. Les patients vont pouvoir poursuivre leur traitement au dosage prescrit par leur médecin, entre 80 et 300 mg, selon leurs besoins. » Le baclofène était en effet autorisé dans le traitement de la maladie alcoolique depuis 2014 grâce à une RTU.

En accordant une autorisation de mise sur le marché au Baclocur, l’ANSM avait souligné que « ce médicament n’est pas anodin et doit être manié avec beaucoup de précautions ». Alors même que son efficacité est jugée sans équivalent par ses partisans, l’ANSM n’a de cesse que de souligner les risques inhérents à sa consommation. Selon elle, le baclofène à fortes doses (plus de 180 mg par jour) ferait plus que doubler le risque de mort par rapport aux autres médicaments contre la maladie alcoolique, et accroît de 50 % le risque d’hospitalisation.

C’est pourquoi l’ANSM avait décidé que le Baclocur ne pouvait être prescrit aux alcooliques qu’à la dose maximale de 80 mg/jour …. et après échec constaté des autres traitements médicamenteux. De plus, en l’absence d’efficacité après trois mois de traitement, il devait être arrêté de façon progressive.

Contactée par Le Parisien l’ANSM est restée silencieuse. Que dira-t-elle demain ? Que pourra, ici, l’exécutif contre une décision de justice ? Que feront, demain, prescripteurs et pharmaciens ?

A demain @jynau

Quelques chiffres français assez surprenants concernant l’alcool, le tabac et le confinement

Bonjour

13/05/2020. Voici la première photographie « tabac, alcool » de la France confinée. Elle nous est gracieusement fournie par Santé publique France (SpF). Où il apparaît qu’environ un quart des fumeurs déclare avoir, durant le confinement, augmenté sa consommation de tabac alors que d’autres la diminuait. Il en irait différemment avec l’alcool : si environ un consommateur sur dix déclarent avoir augmenté sa consommation, un sur cinq assure l’avoir diminuée.

Tabac. Les fumeurs sont : · 27% à déclarer que leur consommation de tabac a augmenté depuis le confinement, · 55% qu’elle est stable · 19% qu’elle a diminué. La hausse moyenne du nombre de cigarettes fumées par les fumeurs quotidiens (94 % des fumeurs interrogés) est de cinq cigarettes par jour. L’augmentation de la consommation de tabac est plus fréquemment mentionnée par les 25-34 ans (41 %), les actifs travaillant à domicile (37%). Rien n’est dit sur la réduction des risques associée au vapotage et à la cigarette électronique.

Alcool. Près d’un quart des Français ont diminué leur consommation d’alcool Parmi les consommateurs d’alcool interrogés3 : · 11 % déclarent que leur consommation d’alcool a augmenté depuis le confinement, · 65% qu’elle est stable · 24% qu’elle a diminué. Parmi ceux qui déclarent avoir augmenté leur consommation, 51 % déclarent avoir augmenté leur fréquence de consommation, 10% le nombre de verres bus les jours de consommation et 23% les deux paramètres.  L’augmentation de la consommation de boissons alcooliques est plus fréquemment mentionnée par les moins de 50 ans, les personnes vivant dans une ville de plus de 100 000 habitants et les parents d’enfants de moins de 16 ans.

« Retrouvailles avec le noyau familial, une étonnante surprise » 

« L’ennui, le manque d’activité, le stress et le plaisir sont les principales raisons mentionnées par les fumeurs ou usagers d’alcool ayant augmenté leur consommation. On note également que l’augmentation aussi bien pour le tabac que pour l’alcool est corrélée au risque d’anxiété et de dépression » observe Viêt Nguyen Thanh, responsable de l’unité addictions à la direction de la prévention et de la promotion de la santé à SpF.

« Pour ma part je redoutais des chiffres plus mauvais, nous explique le Dr William Lowenstein, président de SOS Addictions. Et ce à cause de l’effet cumulatif de la pandémie, de sa médiatisation et des comptes-rendus quotidiens oppressants de la morbi-mortalité par la Direction générale de la santé – le tout associé au confinement, au stress ou à l’ennui. Or seul un quart des fumeurs aurait augmenté sa consommation – et ce après annonce d’un possible rôle protecteur de la nicotine sur la contamination par le SARS-CoV-2 … – et un cinquième l’aurait diminué. Ce n’est certes pas rien, mais c’est moins que ce nous pouvions redouter. »

Pour le Dr Lowenstein il serait désormais utile de disposer des chiffres sur la consommation de cannabis et sur celle des benzodiazépines. « Durant la période que nous venons de vivre j’ai été parfois (et non rarement) été surpris (notamment lors des 3eme et 4ème semaines de confinement) d’entendre des patients ‘’soulagés’’ par le confinement, confie-t-il.  Certains rapportaient la diminution du stress par rapport au travail, d’autres l’allègement des ‘’efforts sociaux’’ ou des tentations dites conviviales : pas de sorties, pas de tentations pour des patients confrontés à des abus d’alcool ou des abus de cocaïne associée à l’alcool.  Quelques-uns, sûrement psychologiquement et socialement privilégiés, m’ont même confié à quel point le temps libre et les retrouvailles avec le noyau familial étaient une étonnante surprise ; et qu’ils voulaient vivre positivement cette période exceptionnelle tout en ayant conscience du drame épidémique. »

A demain @jynau

Confinement, alcool et violences familiales : non, l’Etat ne doit surtout pas interdire la vente

Bonjour

25/03/2020. Voilà le parfait exemple la fausse « bonne idée ». Le préfet de l’Aisne a pris la décision d’interdire toute vente d’alcool à emporter en cette période de confinement généralisé. Ce pour « éviter les troubles et les violences notamment intra-familiales ». « A part promouvoir, dans ce département, la distillation au domicile et surcharger les urgences et services hospitalier pour delirium tremens, je ne vois guère l’intérêt de cette mesure préfectorale » commente le Dr William Lowenstein, président de SOS Addictions.

« Cette décision, qui part de l’affichage d’une bonne intention, n’est pourtant pas aussi pertinente qu’on pourrait le penser a priori, explique l’Association nationale de prévention en alcoologie et en addictologie (ANPAA). En effet, si l’alcool est souvent impliqué dans la survenue de violences familiales, comme facteur favorisant ou causal, cela ne saurait justifier l’interdiction totale à l’ensemble d’une population. » Et ce pour cinq raisons majeures :

  1. Si le confinement peut exacerber les tensions familiales, et éventuellement les violences, dans certains couples, ce n’est évidemment pas le cas dans la très grande majorité des familles qui vivent cette période avec les difficultés que nous connaissons tous, mais sans verser dans l’agressivité envers son conjoint ou ses enfants.
  2. Certaines familles sont à risque de conflits aigus voire de violence, et le confinement, avec ou sans alcool, peut aggraver ces situations, mais il n’y a rien d’automatique, en tout cas rien de démontré.
  3. La cessation de la vente d’alcool va entraîner chez certains buveurs dépendants des phénomènes de sevrage aigu, pouvant aller jusqu’au delirium tremens, dont les conséquences peuvent être plus sérieuses que le maintien de la consommation, même excessive.
  4. Tous les buveurs dépendants ne sont pas violents et toutes les personnes violentes n’ont pas besoin de l’alcool pour passer à l’acte.
  5. Les buveurs, excessifs ou non, qui ne souhaitent pas arrêter, vont pour une partie aller dans le département voisin, au risque de rompre le confinement et de diffuser le virus, sans compter les éventuelles conséquences sur la sécurité routière si l’on commence à consommer sur le parking du supermarché avant de reprendre le volant, ou sur le trajet du retour au domicile. L’interdiction va avoir une incidence sur les personnes qui, même en cette période de confinement, respectent les repères de consommation et qui n’ont pas envie de se priver du plaisir indéniable que l’alcool peut procurer.

« Il est hors de question de minimiser le rôle de l’alcool dans les violences intra-familiales, mais la décision du préfet de l’Aisne n’apporte pas de véritable solution et crée de nombreux autres problèmes qui n’ont manifestement pas été pris en compte, observe fort justement l’ANPAA La maîtrise des risques, plutôt que la prohibition qui a démontré son inefficacité, paraît plus nécessaire que jamais. »

Il faut aussi, face à cette question majeure, prendre connaissance de la réflexion majeure menée par la Fédération Addiction sur le thème : « Usages et addictions en temps de confinement  » 1. Nous en publions des extraits ci-dessous :

«  En ces temps de confinement, la question des usages de substances se pose de façon accrue pour tout un chacun. On peut distinguer trois publics qui nécessitent chacun des postures et actions spécifiques .

« Pour les personnes malades : L’addiction est un enfermement, une prison dont les personnes peinent à s’extraire alors même que leur vie en devient impossible. On a longtemps cru les aider à en les enfermant dans des hôpitaux ou des asiles mais ça n’a pas marché… Le présent nous frappe.  Pour les millions de Français dépendants de substances, légales ou non, le confinement pose avec une nouvelle acuité l’éternel problème de gérer une dépendance dans un contexte de crainte de pénurie. La réponse peut paraitre simple : il suffit d’arrêter. Cette idée, illustrée par quelques réactions s’étonnant de voir l’accès au tabac et à l’alcool préservés alors qu’il est si difficile de trouver des masques, des gels HA et parfois même des produits de première nécessité, réactive le mythe du « ce n’est qu’une histoire de volonté » et de la prohibition comme solution. Le confinement en deviendrait l’instrument, une sorte d’abstinence obligée grâce à une claustration salvatrice. Or c’est l’inverse qui nous semble être nécessaire : il faut assurer une garantie absolue d’approvisionnement en produits de dépendance, pour pouvoir ensuite aider ceux qui le souhaiteront à réduire ou à arrêter.

« Cela repose sur un constat pragmatique : l’angoisse cardinale de l’addict est celle du manque. Et l’angoisse, le stress sont les moteurs essentiels du besoin irrépressible de consommer, du « craving ». Cette situation d’angoisse du manque est donc non seulement à calmer en soi pour apaiser le patient mais aussi pour réduire l’intensité du craving et donc les risques de débordements, d’agressivité, de troubles du comportement, de violences, de prises de risques, d’overdoses, etc.

« Nous avons donc approuvé sans réserve la poursuite de l’approvisionnement en tabac et en boissons alcoolisées, et regretté de n’être pas plus avancés sur une régulation du cannabis. Mais s’il faut garantir l’accès, il est tout aussi important d’accentuer et de garantir l’accès aux différentes aides : nous avons demandé et soutenu la réouverture des boutiques de « vape », tout en les invitant à organiser un accueil sécure des usagers, et avons demandé l’extension des dispositions de l’arrêté du 14/03/20 sur les traitements chroniques, aux Traitements de Substitution aux Opaciés (TSO) et même aux stupéfiants prescrits de manière chronique (Skenan, Ritaline…). Cela a été entendu rapidement et intégré dans le nouvel arrêté du 20/03 pour les TSO !

« Les accompagnements thérapeutiques ont été proposés sous forme de consultation téléphonique et autres supports virtuels. Souvent improvisés, ils ont immédiatement reçu un accueil favorable de patients dont l’angoisse est d’autant plus pesante que le confinement leur impose parfois une promiscuité des contextes familiaux problématiques. Et les questions sociales, notamment de perte de revenus, sont aussi traitées sur ce mode, en lien avec les administrations concernées. (…)

« Pour les personnes cumulant situation de précarité et addictions Le confinement des sans-abris ne déroge pas à ces principes : si l’on veut qu’ils intègrent les « Centres d’hébergement spécialisés » dits de « desserrement », il faut leur garantir l’approvisionnement en tabac, alcool, benzodiazépines, TSO, etc. C’est une condition sine qua non pour qu’ils acceptent d’y entrer et d’y rester et pour que les troubles du comportement soient limités. Cette approche de Réductions des Risques (RDR) pourra aider certains à souhaiter aller plus loin et à « décrocher ». Là encore, les retours de cette première semaine de confinement vont dans ce sens dans des Centres de Soins d’Accompagnement et de Préventions des Addictions (CSAPA) résidentiels réalisation un accompagnement RDR alcool (Ferme Merlet du CEID en Aquitaine, par ex.) : les niveaux de consommation d’alcool baissent, malgré le stress, parce que beaucoup de résidents confinés se disent que c’est l’occasion ou jamais d’arrêter. Et ils le pensent d’autant plus qu’on ne leur demande pas de le faire.

« Pour les personnes cumulant situation de précarité et addictions. Le confinement des sans-abris ne déroge pas à ces principes : si l’on veut qu’ils intègrent les « Centres d’hébergement spécialisés » dits de « desserrement », il faut leur garantir l’approvisionnement en tabac, alcool, benzodiazépines, TSO, etc. C’est une condition sine qua non pour qu’ils acceptent d’y entrer et d’y rester et pour que les troubles du comportement soient limités. Cette approche de Réductions des Risques (RDR) pourra aider certains à souhaiter aller plus loin et à « décrocher ». Là encore, les retours de cette première semaine de confinement vont dans ce sens dans des Centres de Soins d’Accompagnement et de Préventions des Addictions (CSAPA) résidentiels réalisation un accompagnement RDR alcool (Ferme Merlet du CEID en Aquitaine, par ex.) : les niveaux de consommation d’alcool baissent, malgré le stress, parce que beaucoup de résidents confinés se disent que c’est l’occasion ou jamais d’arrêter. Et ils le pensent d’autant plus qu’on ne leur demande pas de le faire.

Pour les personnes confrontées aux stress et angoisses du confinement Enfin, nous avons aussi le souci d’utiliser en population générale les acquis du Dry January pour aider à ne pas trop « consommer », dans un contexte anxiogène pour tout un chacun : les acquis de ce premier DJ aident à ne pas faire passer la lutte contre l’angoisse par les seuls e-apéro, à utiliser les groupes sur internet, comme aussi pour le tabac « Jenefumeplus » et autres Tabac InfoService, réactiver les stratégies apprises pour gérer ses moments sensibles. Sans donner de leçons ni stigmatiser, c’est une excellente occasion de réfléchir aux effets de la démesure humaine dans la crise actuelle et de ne pas persévérer dans l’erreur, en réapprenant la maîtrise de soi, l’écoute des émotions, notamment dans ces fins de journées, après ces stress d’un quotidien menaçant. »

A l’heure où nous écrivons ces lignes nous apprenons que le préfet de l’Aisne a finalement renoncé à sa décision d’interdire toute vente d’alcool à emporter. On le remerciera pour avoir, à son corps défendant, alimenté cette somme de réflexions sur le confinement imposé et l’esclavage des addictions.

A demain @jynau

1 Jean Michel Delile, Psychiatre, Président de la Fédération Addiction Jean Pierre Couteron, Psychologue, Porte-parole de la Fédération Addiction Christian Andréo, directeur Addixio, animateur réseaux sociaux dryjanuary

Contre le fléau du tabagisme Olivier Véran se rangera-t-il du côté des militants intégristes?

Bonjour

La vie serait sans doute plus simple en noir et blanc, les gentils contre les méchants. Pour l’heure c’est fait : aujourd’hui 1er mars le paquet de Marlboro Red® (marque de cigarettes toujours la plus vendue en France) atteint les dix euros (augmentation de 70 centimes). Publié au Journal officiel mardi 11 février, un arrêté ministériel daté du 31 janvier avai fixé les nouveaux prix. Les Winston® passent à 9,60 euros. Chez Japan Tobacco International, le prix des Camel® sans filtre passe à 9,80 euros contre 9,10 euros.

Sans surprise l’Alliance contre le tabac « se réjouit de la poursuite de l’augmentation de la taxation du tabac ». Selon elle cette augmentation « démontre depuis trois ans qu’elle est un outil très efficace de santé publique pour réduire les ventes et la consommation de ces produits » – et ce  « aussi bien chez les plus précaires que pour le reste de la population » (sic). Et d’ajouter : « ces hausses successives des prix depuis 2017 constituent une réelle victoire pour poursuivre une baisse continue de la prévalence tabagique en France, celle-ci ayant déjà diminué de 2,5 points entre 2016 et 2018 passant de 29,4% en 2016 à 26,9% en 2017, soit un million de fumeurs quotidiens de moins en un an. » Des chiffres et des liens de causalité qui, on le sait, restent à démontrer.

Politique l’Alliance contre le tabac souhaite que le Dr. Olivier Véran, nouveau ministre de la Santé s’engage, dans la continuité des mesures prises ces dernières années : « poursuivre l’augmentation des prix du tabac au-delà de novembre 2020 à raison d’1€ par an pour parvenir en 2025 au prix symbolique de 15€ par paquet de 20 cigarettes. »

Comptable, l’Alliance contre le tabac tient par ailleurs à rappeler que les droits d’accise du tabac, générant des recettes de l’ordre de 13 à 15 milliards d’euros, sont versés en totalité à l’Assurance maladie. Une Assurance maladie qui,  elle, « supporte chaque année un coût exorbitant de plus de 29 milliards d’euros au titre de la prise en charge des effets délétères du tabac sur la santé des français ; une bien mauvaise affaire pour l’Etat ! ».

Entre l’idéal rêvé et le possible souhaitable

Un monde en noir et blanc : l’Alliance entend « contrer les manœuvres d’une industrie du tabac agissant en dehors de toute éthique au prix de la vie d’un fumeur sur deux et qui contourne les interdictions en utilisant notamment les nouveaux moyens de communications pour attirer de nouveaux jeunes consommateurs ». On pourrait ajouter les ventes aux mineurs par la majorité des buralistes français. Que fait la police ? Que fait le gouvernement ? Que fera Olivier Véran ?

Depuis peu écologique l’Alliance contre le tabac observe que le tabac n’est pas seulement un enjeu de santé publique causant plus de deux cents décès prématurés par jour ; pas seulement un facteur aggravant de déficit public trop rarement désigné – engendrant un coût social annuel estimé à plus de 120 milliards d’euros. Mais que c’est aussi une source majeure de pollution de l’air, des sols et des eaux des rivières et des mers – « les mégots représentant en effet 40% des déchets présents dans la mer Méditerranée ».

Tout cela est très largement vrai. De même que le sont les impasses d’une politique se bornant à une augmentation constante et sans fin des prix du tabac. Une politique conduisant au développement de commerces illégaux et à l’enrichissement de réseaux mafieux – sans oublier  qu’elle pénalise les fumeurs les plus défavorisés sans nullement les aider à sortir de leur esclavage. Au risque d’attiser les colères 1. Ajoutons, corollaire, que les discours anti-tabac radicalisés sont dans le déni constant des vertus de la cigarette électronique en terme de réduction des risques tabagiques.

Où l’on voit se dessiner er une opposition politique, idéologique, philosophique : entre l’idéal rêvé et le possible souhaitable, entre le ciel enfin pur et le plafond des volutes. A ce titre il sera intéressant d’observer, après Marisol Touraine et Agnès Buzyn, quel camp choisira Olivier Véran.

A demain @jynau

1 Jérôme Fourquet, politologue, directeur du département Opinion et Stratégies d’entreprise de l’Ifop : « 80 km/h, hausse du prix du diesel et des cigarettes: le terreau des ‘’gilets jaunes’’» (Le Figaro).

Le paquet de Marlboro® atteint les 10 euros : mais à combien est-il sur les marchés parallèles ?

Bonjour

C’est, souligne l’AFP, est une « barre symbolique ». Le prix du paquet de Marlboro Red® (marque de cigarettes toujours la plus vendue en France) atteindra les dix euros le 1er mars (une augmentation de 70 centimes). Publié au Journal officiel mardi 11 février, un arrêté ministériel daté du 31 janvier fixe les nouveaux prix.

Les Winston® passent à 9,60 euros (le leader du marché a donc répercuté la hausse de 50 centimes, et augmenté par la même occasion, sa marge de 10 à 20 centimes par paquet. Chez Japan Tobacco International, le prix des Camel® sans filtre passe à 9,80 euros contre 9,10 euros.

« Le paquet de Marlboro n’est toutefois pas le plus cher vendu dans l’Hexagone : les Gauloises® brunes de Seita (filiale française du britannique Imperial Brands), qui coûtaient déjà 10 euros depuis le 1er novembre, passent à 10,60 euros, et les Gitanes® brunes à 11 euros, contre 10,50 euros auparavant » observe l’AFP.

Marché de dupes ? Il faut ici savoir que les géants de Big Tobacco fixent librement leurs prix de vente, mais l’Etat peut inciter à des augmentations en faisant varier les taxes (qui représentent …. plus de 80 % du prix de vente). Chaque fabricant décide ensuite de maintenir, rogner ou augmenter ses marges, en fonction de la concurrence et de sa politique de prix. Sans aucun souci, bien évidemment, de la santé publique.

C’est devenu une antienne politique et médiatique : après l’élection présidentielle de mai 2017, le gouvernement a mis fin à quatre ans de stabilité des prix, relevant nettement les taxes pour faire passer le prix du paquet aux alentours de 8 euros le 1er mars 2018, et procédant depuis à deux hausses annuelles de 50 centimes, programmées l’une en mars, l’autre en novembre – et ce dans le « but affiché » de réduire la consommation de tabac.

Le vapotage a fait ses preuves en termes de réduction des risques tabagiques

De fait ces hausses de prix ont officiellement fait chuter les ventes : de 9,32 % en 2018 et de 7,2 % l’an dernier. Mais ce n’est là qu’un affichage savamment distillé. Selon Big Tobacco ce renforcement de la fiscalité a pour premier et principal effet de faire exploser le marché parallèle. Comme le prouvent « des saisies douanières de tabac illicite de plus en plus nombreuses », explique à l’AFP, Pascal Marbois, directeur des affaires publiques de British American Tobacco France (Lucky Strike® Bleu Classic, Winfield Rouge®).

« La France continue de faire cavalier seul avec une politique de choc de taxes déconnectée des pays voisins », estime M. Marbois. Il appelle « les autorités à une politique plus pragmatique axée sur la réduction des risques et la promotion du vapotage » qui « a fait ses preuves en termes d’alternative au tabagisme ».

Du côté des antitabac radicalisés on applaudit à l’augmentation gouvernementale des prix – sans jamais s’intéresser aux coulisses du marché parallèle. On oublie aussi le rôle majeur du recours à la cigarette électronique – un outil essentiel de la réduction des risques tabagiques mais qui continue à être absent du discours sanitaire officiel. Où l’on en arrive à ce paradoxe qui voit Big Tobacco donner des leçons de santé publique à Agnès Buzyn, ministre des Solidarités et de la Santé.

Chute de la dépêche de l’AFP : première cause de « mortalité évitable », le tabac tue prématurément, chaque année, environ 75 000 Français.

A demain @jynau