Nos sénateurs et députés vont-ils autoriser la création d’embryons humains transformés ?

Bonjour

Les médias en ont-ils beaucoup « trop fait » sur l’extension à « toutes les femmes » de l’accès aux techniques de PMA ? Au lendemain de la manifestation parisienne contre ce projet gouvernemental c’est ce que pensent, dans les colonnes de Libération,  Philippe Meirieu, professeur émérite en sciences de l’éducation à l’université Lumière-Lyon II et Hélène Le Gardeur , formatrice en bioéthique .  Ils développent leur (dérangeant) propos dans une tribune intitulée « PMA, un (bel) arbre qui cache la forêt… ». Et rejoignent ici, peu ou prou, les voix de José Bové, Jacques Testart, Dominique Bourg ou Sylviane Agacinski.

Sans remettre en question le bien-fondé de la promesse présidentielle de l’extension des techniques de PMA « à toutes les femmes qui forment le projet d’avoir et d’élever un enfant », M. Meirieu et Mme Le Gardeur  rappellent une donnée malheureusement trop oubliée des médias généralistes  : la loi dite de «bioéthique», actuellement en débat entre l’Assemblée nationale et le Sénat, comporte trente-quatre articles dont trente traitent de sujets sur lesquels le débat public a été largement escamoté.

« Qui sait que cette loi, dans son article 14 (25-26), autorise l’implantation d’embryons humains dans un animal à des fins de gestation ? Qui a compris toutes les conséquences de la suppression de l’actuel article 17 du code de la santé publique («la création d’embryons transgéniques ou chimériques est interdite») et de son remplacement par un nouvel article qui autorise, de fait, la création d’embryons humains génétiquement modifiés avec la technique dite des «ciseaux ADN» ? Qui a vu l’impact de la possibilité (ouverte par l’amendement posé par le Sénat sur l’article 2) donnée à des structures à but lucratif de conserver et de commercialiser des gamètes, des ovocytes et des embryons ? »

Bienvenue chez Frankenstein et à Gattaca

Pour les deux auteurs de cette tribune, ce qui est en train de se décider sous nos yeux « change radicalement le rapport anthropologique de l’humain à la procréation ». « Même si la loi réserve pour le moment – mais pour combien de temps ? – cette possibilité à la recherche, il s’agit bien de pouvoir enlever tel ou tel gène ou d’en remplacer un par un autre pour modifier des embryons humains : rien d’autre que la possibilité de ‘’fabriquer’’ des enfants en manipulant les données génétiques selon notre bon vouloir » ajoutent-ils. Ce n’est pas tout.

« Il n’est plus seulement question de permettre aux femmes de choisir le moment de leur grossesse, il sera possible, dès maintenant et grâce à la congélation d’ovocytes (autorisée à l’article 2), d’améliorer la «performance» des femmes au travail et d’ouvrir la porte à leurs employeurs pour qu’ils décident à leur place de leur maternité. Il n’est plus seulement question de conserver dans des banques de sperme publiques les moyens offerts aux femmes et aux couples infertiles de procréer, il s’agit d’organiser un véritable marché des spermatozoïdes où les officines privées feront sans doute miroiter, moyennant finance, des enfants de meilleure qualité. »

Où l’on en revient, immanquablement, aux marchands et à l’entrée dans Gattaca.

« Comment ne pas voir qu’il s’agit là, tout simplement, de la marchandisation du vivant ? Comment ne pas déceler, dans les interlignes d’une loi qui s’avance masquée sous le vœu légitime de «la PMA pour toutes», la vieille songerie du docteur Frankenstein ? Comment ne pas s’inquiéter des risques d’eugénisme que font courir les techniques légitimées par cette loi : à quand l’élimination systématique des embryons qui ne correspondraient pas exactement à nos vœux ? Et comment ne pas imaginer que nous ouvrons la porte, grâce au recueil systématique des données génétiques (auquel la loi fait référence à de nombreuses reprises), à la mise en place de fichiers dont l’usage par un pouvoir politique ou par des «industries de l’humain» pourrait s’avérer terrifiant ? »

Pour M. Meirieu et Mme Le Gardeur, cette loi dite de «bioéthique» n’est «ni faite ni à faire», le débat sur la bioéthique « a été confisqué ». Entreprises capitalistes et laboratoires de biotechnologie « y trouveront leur compte ». Et « sans un sursaut de démocratie » c’est « l’humain même, dans sa précieuse spécificité, qui est menacé ». Résumons : les sénateurs et les députés français vont-ils, demain, autoriser la création d’embryons humains transformés ?

A demain @jynau

Polémique eugéniste : de quel droit nous interdire de connaître nos gènes et notre avenir?

Bonjour

C’est aujourd’hui une question majeure de bioéthique politique. Une question rarement traitée dans les médias généralistes français – et un sujet qui passe à l’as dans le projet de loi bioéthique. L’affaire est opportunément rappelée aujourd’hui par Le Parisien/Aujourd’hui en France (Florence Méréo: « Maladie, faut-il miser sur la médecine prédictive ? ». Avec, coïncidence, la sortie du « livre-plaidoyer » 1 du Pr Pascal Pujol, 55 ans, spécialiste d’oncogénétique au CHU de Montpellier.

Le Pr Pujol est par ailleurs président de la Société française de médecine prédictive et personnalisée (SFMPP). Il s’agit ici d’une forme de lobby créé en 2014 « pour répondre à des questions médicales et transversales dans le contexte d’une médecine prédictive et personnalisée en plein essor ». La volonté de la SFMPP est de répondre de façon multidisciplinaire et sociétale aux questions que pose cette nouvelle approche de la médecine en intégrant les dimensions éthiques et économiques. La SFMPP a notamment pris position sur le dépistage prénatal non invasif de la trisomie 21 en 2016, l’extension des indications d’analyse BRCA1 et BRCA2, l’utilisation des signatures génomiques et a élaboré des recommandations cliniques pour les données secondaires du génome.

Dans son ouvrage l’oncogénéticien « appelle à un élargissement des tests génétiques aux adultes qui le demandent ». Et plus particulièrement aux futurs parents afin de rechercher des gènes responsables de maladies graves pour leurs futurs enfants (dépistage préconceptionnel). « Mais voilà, alors qu’elles faisaient partie du débat initial, ces applications ont disparu des travaux actuels de révision des lois de bioéthique » précise Le Parisien. . « Catastrophique et ridicule, tranche Jean-Louis Mandel, 73 ans, généticien de renom et professeur honoraire au Collège de France. Il y a une évidente perte de chance de mise en place d’actions préventives pour des patients. Je pense aux femmes porteuses de BRCA qui ne sont pas détectées parce que leurs antécédents familiaux ne les y autorisent pas. »

Qu’en pense Agnès Buzyn, elle dont le passé médical et le fonctions passées et présentes font qu’elle ne peut pas ne pas avoir un avis argumenté ? Silence total. « Prudence et réserve, tempère de son côté le ministère de la Santé, confie Le Parisien. ‘’Les risques et inconvénients d’un tel élargissement seraient plus grands que les avantages supposés’’, nous confie-t-il, arguant les répercussions immanquables sur ceux qui ont recours aux tests. Cela peut générer par exemple l’angoisse d’une maladie qui ne se déclarera jamais la consommation de soins inutiles ou encore des comportements ou choix de vie que la personne s’imposera à tort ». Ce qui mériterait, face aux Prs Mandel et Pujol, de plus amples explications.  

Pascal Pujol : « Après avoir été en avance, nous nous sommes fait doubler ces cinq dernières années. L’Europe du nord, la Hollande, la Chine ont véritablement mis en place leurs plans gouvernementaux pour une politique de santé avec la génétique. Nous avons le nôtre : France Médecine Génomique 2025, qui doit nous permettre d’étudier le génome dans sa globalité. Un outil formidable… qui a un train de retard à l’allumage. Il a été lancé il y a quatre ans mais n’est pas opérationnel. Pendant ce temps, les Anglais ont passé la barre des 120 000 personnes séquencées.

Les dépistages préconceptionnels consistent à détecter, chez des parents sains, un risque pour leurs enfants de développer des maladies génétiques terribles comme la mucoviscidose ou l’amyotrophie spinale. Mais aujourd’hui, alors que dans neuf cas sur dix il n’y a pas d’antécédents, seuls les couples ayant déjà eu un premier enfant atteint par une pathologie ont le droit d’y avoir accès. Ce n’est ni satisfaisant, ni éthique. Alors qu’en septembre, le Comité d’éthique s’était prononcé pour l’élargissement de ces tests, le projet de loi de bioéthique ne l’a pas retenu 2. Je le regrette car le progrès médical est réel.

Le coût des tests n’est pas comparable au coût de la prise en charge de ces maladies par la société. Certes, des dérives sont possibles mais il y aura toujours des garde-fous et je crois en la raison des hommes. La vraie question est : le patient veut-il savoir ? Cette liberté doit primer. Si tel est le cas, nous devons l’accompagner au mieux. L’enjeu est bien d’améliorer sa santé. »

Jean-Louis Mandel : « Je ne comprends pas pourquoi nous freinons à ce point. Sur le préconceptionnel, il y a, selon moi, une peur d’être taxés d’eugénistes, alors que ce n’est ni plus, ni moins, que le même principe que le dépistage de la trisomie 21. »

Précisément. Où l’on en revient au concept de pente glissante – et à celui d’ « eugénisme mou » développé par un Jacques Testart que personne ne veut entendre dans le champ de l’exécutif et du législatif.

A demain @jynau

1 Pujol P, Peylet B (avec) «Voulez-vous savoir ? Ce que nos gènes disent de notre santé » Humensciences. 184 p. 20 €.

« Nos prédispositions génétiques touchent le cancer comme les maladies cardiaques ou certaines pathologies rares que l’on peut transmettre à ses enfants sans en être atteint soi-même. Les progrès de la génétique permettent aujourd’hui de prédire un nombre croissant de ces maladies afin de mieux les soigner en les dépistant plus tôt, voire de les éviter. En parallèle, l’avènement d’une médecine de précision basée sur la génomique offre des traitements « personnalisés » qui transforment des chances de rémission faibles en guérison pour la plupart des malade : Des chimiothérapies peuvent être évitées.

« Mais pour les maladies qui restent sans solution pour l’instant, la seule option est celle du diagnostic avant la naissance. Jusqu’où faut-il aller ? Que dire à cette jeune femme porteuse d’un gène héréditaire de cancer du sein ? Et à ce couple de non-voyants qui demande un diagnostic prénatal parce qu’ils veulent « un enfant qui voit » ? Eugénisme ? Faut-il étendre les tests génétiques à la population générale ? Quelle est la pertinence des tests commerciaux ? Et d’ailleurs, à qui appartiennent nos données génétiques ? Pour aider à répondre à ces questions, l’auteur, professeur de médecine, nous amène dans ses consultations et nous fait vivre les situations auxquelles il est quotidiennement confronté. La médecine vit une révolution et cela nous concerne tous »

2 Nous y reviendrons sous peu.

Loi de bioéthique : l’Assemblée nationale, après René Frydman, se doit d’entendre Jacques Testart

Bonjour

Ainsi donc il existe une « Commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi relatif à la bioéthique. Forte de soixante-et-onze membres, présidente, vice-présidents et secrétaires. Et cette commission vient d’entamer le marathon de ses auditions – quelques dizaines de personnalités dont quelques unes inatendues et d’autres, incontournables :  Dominique Martin, directeur général de l’Agence nationale du médicament et des produits de santé (ANSM) ; Geneviève Delaisi de Parseval, psychanalyste ; Pr Serge Uzan, Vice-président du Conseil national de l’Ordre des Médecins (CNOM) et Dr Anne-Marie Trarieux, présidente de la section Éthique et Déontologie.

Et encore : Haïm Korsia, Grand Rabbin de France ; Mgr Pierre d’Ornellas, responsable du groupe de travail sur la bioéthique, Conférence des évêques de France ; Pasteur François Clavairoly, président de la Fédération protestante de France ; « X » Conseil français du culte musulman (en attente de confirmation) ; Fédération de la libre pensée : M. Dominique Goussot, responsable de la Commission « Droit et Laïcité » ;  Grande Loge Mixte de France : Mme Élise Ovart-Baratte, conseillère ; Grand Orient de France : M. Bruno Tavernier, vice-président de la commission nationale de santé publique et bioéthique ; Fédération française de l’Ordre Maçonnique Mixte International ;  Le Droit Humain : Mme Nadine Le Forestier, membre expert de la commission bioéthique ; « X » Grande Loge de France (en attente de confirmation) ; « X » Grande Loge Féminine de France (en attente de confirmation) ; « X » Association Philosophique Française Le Droit Humain (en attente de confirmation) ; « X » Grande Loge nationale Française (en attente de confirmation).

Eugénisme, transhumanisme et libéralisme intégral

Sans oublier le Pr René Frydman, pionnier-de-la-procréation-médicalement-assistée (PMA), que l’on ne présente plus, depuis très longtemps déjà. Et qui maîtrise suffisamment les médias pour avoir dit, la veille, via le site du Journal du Dimanche, ce qu’il dirait aujourd’hui aux députés de cette commission. 

« Je veux leur dire que la France est très en retard en matière de PMA et leur expliquer pourquoi. » Voici les trois points qu’il compte aborder :

1. La PMA donne de meilleurs résultats chez les femmes jeunes : Frydman plaidera pour que toutes les Françaises en soient informées par la Sécurité sociale. 2. Il demandera la légalisation des techniques permettant de détecter le « potentiel des embryons », des tests chromosomiques qui peuvent permettre « d’éviter de faire des FIV pour rien, des fausses couches, bref,de lancer des femmes dans le mur ». 3. Il réclamera « un soutien accru à la recherche » afin de « comprendre pourquoi les problèmes d’infertilité augmentent ».

Nul ne sera surpris : Frydman reprend et développe ces thèmes depuis des années dans les nombreux médias où il jouit du pouvoir médiatique de s’exprimer haut et fort. Où l’on en vient à regretter l’absence de cet autre « pionnier », son exact double inversé. Jacques Testart, qui guerroie sur d’autres fronts, défend d’autres nobles causes, nourrit d’autres polémiques dans le vaste champ de la bioéthique. Testart qui embrasse un horizon plus large aurait pu, sous les ors de l’Assemblée nationale, dessiller quelques députés en marche.

Nous ignorons, ici, les raisons de cette absence. S’il nous était possible de conseiller les soixante-et-onze membres de la commission spéciale nous leur indiquerions, en parfait écho des paroles du Pr René Frydman la lecture d’un texte du biologiste éthique Jacques Testart, disponible sur son blog. Un texte mesuré, politique et prophétique  : « L’eugénisme va dans le sens politique du libéralisme intégral ».

A demain @jynau

PMA : Comment, sur France Inter, ne pas avoir le droit de dire que l’on n’est pas réactionnaire

Bonjour

Trop, c’est trop. Comment en moins de cinq minutes parvenir à dire la complexité du sujet ? Et comment le faire sans aussitôt être soupçonnée, sur France Inter, de n’être qu’une « conservatrice », voire une « réactionnaire ». Soupçonnée, accusée, condamnée. La philosophe Sylviane Agacinski, auteure de « L’Homme désincarné : du corps charnel au corps fabriqué » 1 est l’invitée de la journaliste Léa Salamé.

La philosophe a senti le piège mais s’y précipite tête baissée, avec délice semble-t-il. Elle cite son ennemie jurée, l’improbable juriste transhumaniste Marcela Iacub. Elle tire à tout va, au-delà même de la GPA. Elle parle de notre « rapport à la chair », du désir de s’en émanciper ». Elle s’excusera bientôt de vouloir trop en dire en si peu de temps. Comme, par exemple, que l’on a pas un « droit » à « avoir un enfant ».

Trop c’est trop, cela se résumera bientôt à ceci : « @franceinter Sylviane Agacinski, philosophe, sur la #PMA : « La famille, c’est comme la sexualité, c’est une totale liberté, mais ce n’est pas (avoir) un droit à un enfant » #le79Inter 08:08 – 24 juin 2019 »/

Léa Salamé comprend que, décidément, l’invitée à trop à dire. Que le sujet, réactionnaire en diable, méritait un plus large créneau. C’est promis, Sylviane Agacinski sera réinvitée. Promis juré. Après la canicule, l’été sera entièrement bioéthique et philosophique. Et furieusement politique.

A demain @jynau

1 « L’Homme désincarné : du corps charnel au corps fabriqué » Collection Tracts (n° 7), Gallimard Parution : 27-06-2019. 48 pages, 150 x 210 mm, agrafé.

«Notre corps charnel nous est propre, mais il ne nous appartient pas comme un bien, autrement dit une propriété aliénable, que l’on peut donner ou vendre, comme un vélo ou une maison. La confusion fatale entre les deux est délibérément entretenue par l’idéologie ultralibérale qui veut nous persuader que, puisque notre corps « nous appartient », nous sommes libres de l’aliéner. Admirons le paradoxe.  Sylviane Agacinski. 
L’homme moderne veut dominer la nature, changer sa nature, et s’affranchir de la chair, de la mort et de la génération sexuée. Grâce à la puissance scientifique et technique, certains rêvent de changer de corps et de produire leur descendance en laboratoire. L’homme futur sera-t-il sexuellement indifférencié? Naîtra-t-il sans père ni mère? Aux dépens de qui?  À la veille du débat au Parlement, et alors que la «bioéthique» semble perdre tout repère, ce Tract nous alerte sur les dangers d’un ultralibéralisme dont le modèle, en ce domaine, est la Californie.

Déontologie bafouée : quand des médecins troquent des prescriptions d’antalgiques opiacés

Bonjour

C’est un papier du Washington Post (Sari Horwitz and Scott Higham ) : « Doctors in seven states charged with prescribing pain killers for cash, sex » – un papier relayé par Slate.fr (Audrey Renault) : « Docteur américain échange opioïdes contre argent ou rapport sexuel ».

Où l’on apprend, alors que  les États-Unis luttent contre les conséquences spectaculaires d’une consommation massive  d’antalgiques opiacés  (218.000 morts prématurées entre 1999 et 2017), que des dizaines de professionnels de santé viennent d’être interpellés. La raison : prescription illégale de plus de trente-deux millions de « pain pills ». Et, dans ce cadre, plusieurs médecins sont soupçonnés d’avoir délivré des ordonnances en échange de rapports sexuels ou d’argent.

Parmi les soixante personnes inculpées figurent notamment trente-et-un médecins, sept pharmaciens et huit infirmières. Les accusé·es encourent une peine d’emprisonnement maximale de vingt ans. Sept Etats semblent plus particulièrement concernés. Plus de 350.000 ordonnances illégales ont été rédigées en Alabama, au Kentucky, en Louisiane, en Ohio, en Pennsylvanie, au Tennessee et en Virginie occidentale.

Brian Benczkowski, procureur général adjoint chargé de la division criminelle du département de la Justice : «C’est l’équivalent d’une dose d’opioïdes pour chaque homme, femme et enfant de la région. Si ces professionnels de la santé se comportent comme des trafiquants de drogue, soyez assurés que le département de la Justice va les traiter comme des trafiquants de drogue.»

Agents infiltrés

Comment en est-on arrivé à ces interpellations ? Grâce aux informations de sources « confidentielles » et « d’agents infiltrés » dans les centres médicaux que l’équipe chargée de l’enquête a pu documenter de quelles manières les professionnels abusaient de leur prérogatives pour prescrire ces spécialités pharmaceutiques à très haut potentiel addictif en échange d’argent et/ou de relations sexuelles.

« Les forces de l’ordre ont découvert que pour passer sous les radars de la justice, des spécialistes n’avaient pas hésité à aller très loin. C’est par exemple le cas d’un médecin du Tennessee, qui avait installé une pharmacie attenante à son cabine en toute illégalité, rapporte Slate.fr. Après un examen superficiel, sa patientèle n’avait qu’à passer dans la pièce d’à côté pour récupérer directement une ordonnance d’antidouleurs.»

Autre cas relevé par le bureau du procureur : un dentiste n’acceptait de délivrer des ordonnances d’opioïdes que si ses patient·es le payaient en espèces et acceptaient de se faire arracher une ou plusieurs dents, en guise de couverture. Dans l’Alabama, un docteur en médecine a même appâté des jeunes femmes et des prostituées en leur proposant de s’approvisionner et de consommer ces antidouleurs à son domicile, en échange de faveurs sexuelles. »

Sauf à méconnaître la bibliographie médiatique sur le sujet (ou à pécher par trop de naïveté) il ne semble pas que de telles pratiques existent de ce côté-ci de l’Atlantique.

A demain

@jynau

Transhumanisme: le vrai-faux moratoire contre les futurs humains génétiquement modifiés

Bonjour

C’est une bien étrange tribune à lire dans Nature : « Adopt a moratorium on heritable genome editing » Auteurs : Eric Lander, Françoise Baylis, Feng Zhang, Emmanuelle Charpentier, Paul Berg « and specialists from seven countries call for an international governance framework » – un goupe de dix-huit biologistes et éthiciens de sept pays (Etats-Unis et Chine pour l’essentiel) 1.

Où l’on voit qu’officiellement  les signataires appellent à un « moratoire » sur l’utilisation clinique des nouvelles méthode d’édition/réédition  du génome sur des cellules germinales ou des embryons humains «pour produire des enfants génétiquement modifiés». On saisit d’emblée que cet appel fait suite à la récente et spectaculaire annonce, en novembre dernier, par le chercheur chinois He Jiankui, de la naissance de jumelles dont pù aurait modifié le génome afin de les rendre « protégées contre le VIH ». « Dans ce document de quatre pages, accompagné d’un éditorial, les experts exposent les raisons de leur demande et le cadre dans lequel CRISPR-cas9 devrait être utilisé, résume la Revue Médicale Suisse. Ils soulignent ne pas exclure pas définitivement l’utilisation de cette technique d’édition de génomes humains mais insistent sur le fait que toute transformation des cellules germinales exige que les conséquences à long terme aient été comprises, tant pour l’individu que pour l’espèce humaine. »

Un moratoire, en somme, pour mieux « ne pas exclure définitivement ». Orwell et sa novlangue rôdent et l’on ne peut pas ne pas songer à la conférence d’Asilomar organisée en 1975, déjà, par Paul Berg.

Il est désormais pleinement établi que le Chinois He Jiankui a transgressé toutes les recommandations en matière de modification du génome humain. «Non seulement il n’était pas en mesure de prouver qu’il pouvait maîtriser les conséquences de ces modifications sur la santé de ces enfants ni que celles-ci ne seront pas délétères par la suite, mais il n’avait en plus aucune autorisation pour le faire, souligne Catherine Bourgain (Cermes 3 – Génétique humaine et statistiques, recherche participative) membre du comité d’éthique de l’Inserm (elle a signé la tribune de Nature). En l’occurrence, la modification qu’il a réalisée n’est pas celle qu’il avait prévue à l’origine, il y a eu beaucoup d’incertitudes. Sans compter que l’intérêt d’un tel acte n’est pas du tout prouvé.»

« A moins que certaines conditions ne soient remplies »

Où l’on voit que si l’intérêt de l’acte devait être prouvé les condamnations de son auteur pourraient être aussitôt effacées. Une trentaine de pays, dont la France, interdisent déjà ce type de pratiques. «Ce n’est pas le cas aux États-Unis et en Chine, explique Catherine Bourgain au Figaro (Cécile Thibert). Par “moratoire mondial”, nous ne voulons pas dire interdiction permanente, précisent les signataires. Cela signifie plutôt que nous demandons la mise en place d’un cadre international dans lequel chaque pays, tout en conservant le droit de prendre ses propres décisions, s’engagerait volontairement à interdire l’utilisation de cellules germinales génétiquement modifiées à moins que certaines conditions ne soient remplies.»

Où l’on voit, enfin, que le moratoire ne vise pas les manipulations génétiques faites dans le cadre de recherches « tant qu’elles n’aboutissent pas à une naissance ». Et loin d’un interdiction définitive des humains génétiquement modifiés les auteurs réclament l’interdiction « temporaire » (cinq ans, par exemple) de ces modifications génétiques – sans oublier la mise en place d’une « institution internationale » dont l’objectif serait de vérifier la pertinence des décisions prises par les pays. «On touche à la création d’êtres humains, à la notion même d’humanité, fait valoir Catherine Bourgain. Cela pose des questions qui concernent tout le monde. Le débat doit avoir lieu de façon large et ouverte, pas seulement au sein de la communauté scientifique.»

« Les conséquences d’un acte sont incluses dans l’acte lui-même ». George Orwell est bel est bien parmi nous.

A demain

@jynau

1 Eric S. Lander is president and founding director of the Broad Institute of MIT and Harvard in Cambridge, Massachusetts, USA. Françoise Baylis is a university research professor, Dalhousie University, Halifax, Canada. Feng Zhang is a core member of the Broad Institute of MIT and Harvard. Emmanuelle Charpentier is founding and acting head of the Max Planck Unit for the Science of Pathogens in Berlin, Germany. Paul Berg is Robert W. and Vivian K. Cahill Emeritus Professor in the biochemistry department at Stanford University, Stanford, California, USA. Catherine Bourgain, Bärbel Friedrich, J. Keith Joung, Jinsong Li, David Liu, Luigi Naldini, Jing-Bao Nie, Renzong Qiu, Bettina Schoene-Seifert, Feng Shao, Sharon Terry,Wensheng Wei, Ernst-Ludwig Winnacker

De l’eugénisme et du transhumanisme: les prophéties auto-réalisatrices de Jacques Testart

Bonjour

Qui aurait pensé lire, un jour, Jacques Testart dans Valeurs actuelles (propos recueillis par Charlotte d’Ornellas) ?

Jacques Testart, 80 ans ou presque, phosphorescence intacte et un site où il guerroie contrele libéralisme économique et l’eugénisme, son allié naturel. Jacques Testart héraut solitaire d’une « science citoyenne » et allergique sinon à la « médecine » du moins à presque tous les médecins. Jacques Testart qui voit dans le Diagnostic préimplantatoire (DPI) et les Centres d’études et de conservation du sperme et des œufs humains (CECOS) la source du mal présent et à venir. Jacques Testart qui, si tout va bien, fêtera dans trois ans et avec René Frydman les quarante ans d’Amandine-premier-bébé-éprouvette-français.

Pour l’heure l’ancien chercheur paradoxal ne commente pas l’actualité médiatique et la prochaine révision de la loi de bioéthique qui devrait (si rien ne change) bouleverser la donne français en dépénalisant la pratique de la « PMA pour toutes ». C’est que, pour Testart, « il y a des questions infiniment plus graves et dont personne ne parle. Pas même ceux qui sont censés voter la loi ! Or l’eugénisme s’affirme comme projet de société. C’est ça dont il faudrait parler aujourd’hui. »

« Eugénisme » ?

« La volonté de constituer une espèce humaine de meilleure qualité, plus performante, plus compétitive… C’est le transhumanisme, finalement ! Le but de la médecine serait d’avoir des individus en bonne santé mais elle augmente sans cesse le nombre de ses clients en identifiant des malades qui s’ignoraient et en élevant la barre du « normal ». Si l’on ne fixe pas de limites, cela peut conduire à l’eugénisme. En Europe, on n’ose pas en parler parce que ça rappelle le nazisme. Alors nous évitons le débat. Sauf que, dans la pratique du tri des embryons, il est bien question de mettre en compétition les individus qui vont survivre selon des critères de plus en plus exigeants.

 « Voilà trente ans que j’alerte et que je préviens. Hélas, je suis bien obligé de vous dire que cela n’a absolument rien changé. J’ai parlé devant des députés, des sénateurs, le Conseil d’État… Les décideurs m’interrogent chaque fois que l’on veut changer une loi. Je leur sers toujours la même rengaine : le gros problème, c’est l’eugénisme. J’explique, ils acquiescent. Me disent que j’ai raison. Et tout se poursuit sans embûches. »

Le dernier avis (n°129) du Comité national d’éthique 

« Le CCNE franchit cette fois-ci des pas énormes, sans que rien n’ait été discuté dans les états généraux de la bioéthique. Les députés vont se retrouver avec cet avis qui est le même que celui du comité d’éthique de l’Inserm ou de l’Académie de médecine. Ils sont tous d’accord et ils poussent sans que personne ne réagisse.

 « L’avis préconise de libéraliser encore un peu plus la recherche sur les embryons, en supprimant la nécessité d’une finalité médicale. Maintenant, ce pourrait être pour des enjeux économiques, par exemple ; l’humain devient matière première. On pourrait établir des gestations chez l’animal avec des chimères humain-animal…

 « Mais il y a aussi l’élargissement du recours au diagnostic préimplantatoire, au diagnostic pré-conceptionnel ainsi qu’au diagnostic génétique à généraliser dans la population totale. Il est clairement question de tri d’embryons pour ne garder que les plus performants. Cela mériterait au minimum de longues discussions, or il n’y en a aucune, pas même dans les médias. Nous sommes en train de laisser passer des choses gravissimes. »

 Mais encore ?

« À la page 64 de l’’’Avis 129’’ du CCNE, il est écrit : ‘’La médecine génomique et les examens génétiques permettent de réduire l’incidence de certaines maladies génétiques graves et ouvrent de nouvelles pistes pour des prises en charge adaptées pour les patients.’’ C’est absolument faux. Cela ne permet pas de réduire l’incidence sauf si l’on interdisait la procréation des couples découverts ‘’ à risque’’, et cela n’ouvre pas de nouvelles pistes puisque, en général, il n’y a pas de traitement. Les embryons sont triés, c’est tout. Ils affirment des choses fausses. Avec l’assurance que leur donne une expertise supposée être la meilleure. »

Désespéré ?

« C’est un peu désespérant, à vrai dire. J’avais essayé de prévenir en 1986, avant même l’invention du diagnostic préimplantatoire (DPI, en 1990). Je pressentais que ça déraperait très rapidement et qu’il n’y avait pas de limites possibles. Si l’on arrive à obtenir – par de nouvelles technologies – de nombreux embryons dans les années à venir, des centaines éventuellement, on pourra alors détecter des centaines ou des milliers de supposées pathologies et c’est un véritable système de tri eugénique qui nous guette, d’autant que les servitudes de la fécondation in vitro seraient alors épargnées aux patientes.

 « J’étais donc contre, mais quand le DPI a été légalisé en 1994, j’ai cherché des limites possibles. Et j’en ai trouvé une qui vaut ce qu’elle vaut : limiter le diagnostic à une pathologie ‘’particulièrement grave et incurable’’ par couple. Ça n’a jamais été repris, ni par mes collègues ni par les politiques, alors que c’était la seule façon d’éviter l’élargissement sans limites du DPI, même s’il demeure intrinsèquement eugénique. »

 Transhumanisme, nouvelle rupture du XXIème siècle ?

 « C’est une rupture définitive. Certains proposent, d’autres acceptent et les gens finissent par s’habituer, voire demander. Regardez le nombre de gens prêts à porter des bracelets pour savoir le nombre de pas, de battements cardiaques, le poids… Les techniques sont encore rudimentaires, mais l’habitude est là et la prise en compte du corps est incroyablement présente. Ils veulent absolument survivre, c’est tout. Comment imaginer un retour en arrière ? Les gadgets vont peu à peu s’introduire dans nos vies puis dans nos corps, sans que personne ne résiste. »

 Plus généralement Testart observe l’avancée à marche forcée vers la « libéralisation ». « Personne ne propose jamais d’interdire ce qui était autorisé, dit-il. Pour compenser, on parle d’encadrer les pratiques, on confie la gestion des limites à des autorités qui seraient par principe non critiquables. Le Comité consultatif national d’éthique ou l’Agence de la biomédecine, par exemple. Mais cette dernière est au service de la science elle aussi, et se laisse donc griser par les ‘’progrès’’ de la médecine ! ». Sans parler de  l’Académie de médecine : « la plupart des médecins qui en font partie ne sont pas compétents sur ces sujets précis, on peut leur raconter ce que l’on veut au nom des progrès de la science et du bien de l’humanité. Qui voudrait s’y opposer ? Personne. Il n’y a donc aucun contre-pouvoir dans ce domaine et quelques rares experts ont les coudées franches. »

Valeurs Actuelles lui demande alors s’il est ou non possible d’imaginer une autre raison de vivre que cette fascination pour tant et tant de dérives.

« Très honnêtement, je pense que c’est perdu tant que ce système attire et fascine. Parce que sa ‘’religion’’ est cohérente : elle est celle de la croissance économique, de l’amélioration des capacités humaines, de la toute-puissance d’Internet, de la compétition généralisée… Puisqu’on ne peut interdire, qu’il semble impossible de limiter en raison de comités cautions, de la pression internationale ou du tourisme médical, il faut donc espérer que les gens n’en veuillent plus. Il faut générer une autre attirance, comme ce que faisait la religion dans la société, avant. »

 Etait-ce « mieux avant », avec le Vatican  ? Sera-ce pire plus tard, sans ?

A demain

@jynau