«Trouille» : un urgentiste chef de service dénonce le manque d’autorité du Premier ministre

Bonjour

12/08/2020. C’est un nouvel épisode marquant d’un affrontement, désormais récurrent: celui entre le pouvoir exécutif et un corps médical qui, avec la pandémie, a (re)trouvé les moyens de parler haut et fort. Un tacle politique à découvrir sur franceinfo.

Cible : Jean Castex, Premier ministre, ancien « Monsieur Déconfinement ». Il est visé par le Pr Philippe Juvin, chef du service des urgences de l’hôpital européen Georges-Pompidou, par ailleurs maire (LR) de La Garenne-Colombes. Un adversaire redoutable. Il s’exprime au lendemain des quelques annonces du Premier ministre souhaitant un renforcement de la lutte contre l’épidémie.

Face à l’évolution de la situation épidémique en France, le Premier ministre a notamment annoncé qu’il allait « demander aux préfets de se rapprocher des élus locaux pour étendre le plus possible l’obligation du port du masque dans les espaces publics ». Jean Castex a aussi annoncé le report au 30 octobre de la levée de l’interdiction des rassemblements de plus de 5 000 personnes, un renforcement des contrôles et un meilleur accès aux tests de dépistage.

Réaction-commentaires du Pr Juvin : « L’absence de clarté devient un problème de santé publique. Un homme politique, ça fait preuve d’autorité. Le rôle du Premier ministre n’est pas d’alerter. Il n’est pas de plaider pour les masques. Ce qu’il faut c’est décider. J’ai l’impression de revivre au plan politique comme citoyen ce que j’ai vécu comme soignant pendant des semaines et des mois, à savoir des ordres, des contre-ordres, des demi ordres. C’est flou. Et quand on veut lutter contre une épidémie il faut de la rigueur ».

«Combien avons-nous de masques actuellement en stock ? »

Selon lui (il n’est pas le seul) « personne ne peut comprendre la carte de Paris qui détaille les rues où le port du masque est obligatoire ». Autre exemple : « quand on nous dit que les rassemblements seront limités à 5 000 personnes, ça ne veut rien dire. 5 000 personnes au stade de France, qui a 80 000 places, c’est ridicule. On peut être beaucoup plus nombreux au stade de France. En revanche, 3 000 personnes dans un stade de 4 000, c’est trop. »

Le Pr Juvin plaide également pour que les soignants connaissent l’état des stocks de masques, l’état des stocks de gants, l’état de stocks de respiratoires. « Ce serait une mesure de clarté et de transparence (…) Les bruits courent qu’il y aurait des difficultés sur les gants. Les bruits courent qu’il y aurait des difficultés sur les masques. Il y a dix ans, au moment du H1N1, on avait deux milliards de masques en stock. Je serais curieux de savoir combien nous avons de masques actuellement en stock. »

Et le Pr Juvin de se demander publiquement « si le Premier ministre n’a pas un problème, n’a pas un peu la trouille de faire preuve d’autorité ». La « trouille » 1, voilà un terme qu’aucun chef de service hospitalier n’aurait publiquement utilisé à l’adresse du chef du gouvernement. C’était, il est vrai le « monde d’avant ».

A demain @jynau

 1 Trouille : Peur intense. Synon. frousse, pétoche. Avoir une trouille bleue, noire; coller, flanquer la trouille (à qqn)ne pas avoir la trouille. « Il ne s’agit pas (…) d’accepter la victoire de Franco, avec la trouille pendant vingt ans à la merci d’une dénonciation » (Malraux, Espoir, 1937, p. 658). « J’ai le trac, pour ne pas dire la trouille, du missionnaire qui débarque chez les cannibales » (H. Bazin, Lève-toi, 1952, p. 95).

Pour nous comporter en citoyens éclairés, rendons-nous sur «maladiecoronavirus.fr»

Bonjour

Quels sont les signes, comment faire le diagnostic, quelle meilleure conduite tenir ? On ne compte plus la somme des conseils donnés, sur les ondes et les réseaux sociaux, pour répondre aux inquiétudes, calmer les angoisses, guider au mieux, désengorger préventivement autant que faire se peut.

Dans ce contexte osons une publicité. Ne pas hésiter : « maladiecoronavirus.fr » « Vous pensez avoir été exposé au Coronavirus COVID-19 et avez des symptômes ? Je reste vigilant ? Je programme une téléconsultation ? J’appelle le 15 ? Faites le test pour répondre en citoyen éclairé selon vos symptômes. »

Suit un test accompagné de toutes les précautions nécessaires :

« L’utilisateur reconnaît que l’application y compris le test et les autres informations qu’elle contient, ne constituent en aucun cas un avis, une recommandation, un examen, un diagnostic, une prescription, ou tout autre acte de nature médicale notamment établi ou réalisé par un médecin ou un pharmacien. L’utilisation de l’application et de son contenu ne remplace en aucun cas le conseil nécessaire donné par votre médecin ou votre pharmacien ou tout autre professionnel de santé compétent dans chaque cas particulier.

« Tout examen ou décision de l’utilisateur doit être réalisé ou prise de manière autonome sur la base de l’information scientifique et clinique pertinente, de la notice officielle du produit concerné le cas échéant et en cas de doute, en consultant un médecin compétent. Les informations mises à disposition dans le cadre de l’application servent uniquement d’informations de premier niveau. L’absence d’avertissement au sujet d’un risque ne signifie pas qu’il n’existe pas. »

Projet solidaire d’urgence

Le site rappelle d’autre part l’importance du suivi de tous les conseils, précautions et recommandations officielles. Il fournit également toutes les informations à jour en provenance de Gouvernement.fr . On précise que la date et l’heure auxquelles l’algorithme a été mis à jour selon les recommandations en vigueur. On ajoute que ce « site d’information » n’est pas un « dispositif médical », et qu’à ce titre « il ne délivre pas d’avis médical ».

Mieux encore : c’est là un « projet solidaire d’urgence » financé par l’Alliance Digitale contre le COVID-19  @maladiecovid19

Partenaires fondateurs : « L’algorithme utilisé sur ce site a été établi sous l’égide du groupe de travail COVID-TELE, module triage, action coordonnée par le Pr Bruno Hoen de l’Institut Pasteur et le Pr Xavier Lescure de l’AP-HP. Le groupe de travail réunit des spécialistes de l’AP-HP et de l’Institut Pasteur, des CHU de Rennes, Lille et Angers avec la contribution de médecins généralistes libéraux, d’urgence, des infectiologues, des ingénieurs en e-santé et des équipes des plateformes de téléconsultation et de télésurveillance.

Le contenu est mis à jour en continu par une équipe de médecins, ingénieurs et spécialistes de l’épidémie sous la direction du Dr Fabrice Denis. Le site est référencé par le site Ministère de la Santé, en date du 20 mars 2020. »

On découvrira ici, venus de bien des horizons, les membres fondateurs et les membres contributeurs.On ajoutera que l’Alliance digitale est ouverte aux personnes morales souhaitant soutenir leurs efforts: alliance@maladiecoronavirus.fr. Et que ses membres « n’ont pas d’accès aux données transférées à travers ce site ». Il n’est pas, non plus, interdit de les féliciter.

A demain @jynau

Après l’hommage du chef de l’Etat, la superbe réponse des «héros en blouses blanches»

Bonjour

13/03/2020. Ainsi donc le président de la République eut ces mots solennels, adressés hier à la France entière :

« Durant plusieurs semaines, nous avons préparé, agi. Les personnels des hôpitaux, médecins, infirmiers, ambulanciers, les agents des Samu et de nos hôpitaux, les médecins de ville, l’ensemble des personnels du service public de la santé en France sont engagés avec dévouement et efficacité. Si nous avons pu retarder la propagation du virus et limiter les cas sévères, c’est grâce à eux parce que tous ont répondu présents.

« Tous ont accepté de prendre du temps sur leur vie personnelle, familiale, pour notre santé. C’est pourquoi, en votre nom, je tiens avant toute chose à exprimer ce soir la reconnaissance de la Nation à ces héros en blouse blanche, ces milliers de femmes et d’hommes admirables qui n’ont d’autre boussole que le soin, d’autre préoccupation que l’humain, notre bien-être, notre vie, tout simplement. »

Le retour n’a guère tardé. Dès le lendemain les « blouses blanches » ont remercié le chef de l’État pour son « soutien » et « ses paroles ». Mais elles exigent désormais « des moyens en urgence ». « Ces héros de l’hôpital sont épuisés et à bout », écrivent dans un communiqué commun les collectifs inter-hôpitaux (CIH) et inter-urgences (CIU). Cette crise intervient alors que l’hôpital public connaît depuis un an une mobilisation sans précédent. Des soignants, « quittent l’hôpital par centaines et des lits continuent d’être fermés alors que la crise explose », alertent les deux structures.

Pour lutter contre l’épidémie, CIH et CIU demandent à Emmanuel Macron de « débloquer en urgence les moyens financiers » nécessaires pour accueillir l’ensemble des patients qui en ont besoin et « éviter que la prise en charge des malades du coronavirus ne se fasse au détriment de tous les autres ». Ils appellent aussi vigoureusement le chef de l’exécutif à permettre le recrutement et la rémunération des personnels « à la hauteur de leurs missions, pas seulement aujourd’hui en temps de crise mais de façon pérenne ».

Prenant exemple sur l’Espagne et l’Italie, les deux collectifs estiment à plusieurs milliards d’euros la somme nécessaire pour faire face au virus. « Le gouvernement mobilisera tous les moyens financiers nécessaires pour porter assistance, pour prendre en charge les malades, pour sauver des vies quoi qu’il en coûte », a déclaré hier Emmanuel Macron. « Les Français peuvent compter sur nous mais c’est maintenant qu’il faut agir », lui répondent aujourd’hui les héros en blouse blanche.

Héros brossés dans le sens du poil

Le Quotidien du Médecin observe qu’à l’appel du CIH, des soignants de toute la France s’affichent depuis sur les réseaux sociaux arborant des pancartes sur lesquelles on peut lire « Oui, monsieur le président vous pouvez compter sur nous, mais l’inverse reste à prouver ! » Une référence appuyée à la réplique d’un neurologue lors d’une récente et déjà célèbre visite d’Emmanuel Macron à La Pitié-Salpêtrière @EmmanuelMacron #EnsembleSauvonslHopital#ComptezSurNous

Pour sa part le président du CIU Hugo Huon a déclaré à la presse  « Nous n’avons pas besoin d’être brossés dans le sens du poil, nous ferons comme toujours notre travail », regrettant un discours présidentiel « désincarné » et n’apportant « aucune donnée chiffrée » sur les enveloppes qui seront allouées à l’hôpital public.

Des chiffres ? Il faut écouter, sur France Culture, le Pr André Grimaldi, grand « historique » de la défense de l’hôpital public. Extraits:

« Les soignants en ont un peu assez qu’on leur dise qu’ils sont des gens admirables et qu’en conséquence, ils peuvent débuter à 1 600 euros brut par mois. Si on veut mobiliser les soignants, si on dit que les valeurs suprêmes ce n’est pas le premier de cordée, ce ne sont pas les milliardaires, ce sont les gens qui se dévouent à la cause commune, alors, il faut faire un rectificatif budgétaire pour l’hôpital. On prendra les mesures nécessaires pour que les soignants soient correctement payés, que les infirmières soient embauchées et évidemment les hôpitaux seront payés pour le bien qu’ils rendent à la nation et non dans un calcul comptable, comme s’ils étaient une entreprise commerciale. Ce qui est actuellement toujours le cas. 

« Il s’agit donc de mettre des milliards sur la table. Oui, des milliards sont nécessaires pour que l’hôpital puisse tenir (…)  5% des patients infectés vont en réanimation. Alors si nous avons un million de personnes infectées, cela fait 50 000 personnes en réanimation : notre système de santé sera débordé. Et si cela ce produit, le Président n’en a pas parlé mais il faudra faire comme l’Italie. On sera amené à faire des choix et à les assumer. Pas des choix médicaux mais des choix de l’ordre : il a 45 ans ou 50 ans, je le prends. S’il a 60 ans ou 70 ans, je ne le prends pas. Ce n’est jamais arrivé encore. Donc, la priorité absolue est d’ouvrir des lits de réanimation. 

« Mais il faudra des infirmières, des infirmières formées présentes 24h/24 heures. Donc, on va payer aussi dix ans d’une politique, et qui a continué encore ces trois dernières années malgré nos alertes ! Cette épidémie montre l’absurdité du système hospitalier actuel. Il n’est pas adapté aux urgences, à la réanimation, aux maladies chroniques. On le dit depuis dix ans. On l’a dit à madame Buzyn qui en avait convenu, mais qui n’en a rien fait. Du point de vue de l’hôpital, les mots ne suffiront pas. »

Agnès Buzyn n’est plus là. Reste les mots du chef de l’Etat.

A demain @jynau

Comprendre le «mal-être» hospitalier français? Deux conseils de lecture pour Olivier Véran

Bonjour

Agnès Buzyn partie, ils ne désarment pas. Olivier Véran arrivé, la lutte se poursuit. Douze collectifs et syndicats de soignants hospitaliers et d’usagers 1 réclament à nouveau à Matignon l’ouverture de « négociations urgentes » pour sortir de la crise de l’hôpital. Ou comment mettre immédiatement la pression sur le nouveau ministre de la Santé.  

Dans une virulente tribune publiée sur le site de « France Info » et relayée par Le Quotidien du Médecin (Anne Bayle-Iniguez) les douze organisations écrivent notamment: 

« Olivier Véran prévient d’emblée qu’il n’y aura pas de « tour de chauffe » et nous n’en avons aucun doute, puisqu’il a été un rapporteur zélé du projet de loi de financement de la Sécurité sociale et l’un des plus actifs parlementaires sur le domaine de la santé. Il est dès lors, très surprenant que sa première mesure puisse être une enquête sur le mal-être des hospitaliers, monde qu’il dit « si bien connaître ». Cette disposition apparaît comme une provocation et une manœuvre dilatoire alors que la situation empire sur le terrain et que l’heure est à l’ouverture d’urgence de négociations avec les organisations ainsi que les différents acteurs de terrain. »

« Soigner, la chose est ingrate, laborieuse, elle prend du temps »

Pour les signataires aucun doute : le départ d’Agnès Buzyn doit permettre à son successeur de « se saisir de l’opportunité de sa nouvelle fonction et de ses nouvelles responsabilités pour faire sortir de la crise l’hôpital et les établissements de santé et d’action sociale ».

« Toute autre attitude conforterait l’idée que ce grand ministère n’est finalement qu’une coquille vide sans marges de manœuvre, budgétaires et politiques, pour gérer les urgences sociales et humaines que traversent les établissements du sanitaire, médico-social et social de métropole et des territoires ultramarins, écrivent-ils encore. Toute autre attitude conforterait, in fine, la légitimité de notre démarche visant à négocier auprès du Premier ministre. »

Un an après le début de la grève des urgences des hôpitaux publics les signataires estiment que les mesures comptables du pouvoir exécutif relèvent d’une « prestidigitation arithmétique, là où il faudrait des humains 2 ». Ils reprochent aussi au gouvernement de continuer à fermer des lits  – voire des structures entières dans le cas de la psychiatrie. Agnès Buzyn n’avait apparemment que fort mal compris le « mal-être » de soignants hospitaliers avec lesquelles elle ne travaillaient plus depuis longtemps. Pourquoi Olivier Véran, qui il y a peu encore exerçait encore au CHU de Grenoble, a-t-il, sur ce thème besoin d’une « enquête » sur un monde qui lui est tout sauf étranger ?

Si, entre mille-et-un amendements au projet de loi de réforme des retraites (et en attendant le 49-3), le ministre de la santé dispose de quelques instants, il (re)découvrira avec profit l’opuscule de combat 2 signé par la psychanalyste Cynthia Fleury. Sans oublier celui, redoutable, (« L’Hôpital est une industrie ») de son confrère neurochirurgien Stéphane Velut où il se penche sur le foisonnement, rarement exploré, du langage managérial qui a envahi et étouffe l’hôpital public français. Où l’on retrouve quelques-unes des perversités de la novlangue imaginée par George Orwell dans son 1984. Une langue que le nouveau ministre ne saurait, sans danger, manier.

A demain @jynau

1 Action praticiens hôpital (APH), Association des médecins urgentistes de France (AMUF), la CFTC, la CFE-CGC, la CGT, le comité de défense des hôpitaux, le collectif inter-blocs, le collectif Inter-urgences, le collectif inter-hôpitaux, le Printemps de la psychiatrie, SUD et l’UNSA

2 « Le soin est un humanisme »  de Cynthia Fleury Collections Tracts, Editions Gallimard

« Soigner, la chose est ingrate, laborieuse, elle prend du temps, ce temps qui est confisqué, ce temps qui n’est plus habité par les humanités. Ici se déploie une tentative de soigner l’incurie du monde, de poser au cœur du soin, de la santé, et plus généralement, dans nos relations avec les autres, l’exigence de rendre la vulnérabilité capacitaire et de porter l’existence de tous comme un enjeu propre, dans toutes les circonstances de la vie.
« Cynthia Fleury expose une vision humaniste de la vulnérabilité, inséparable de la puissance régénératrice des individus ; elle conduit à une réflexion sur l’hôpital comme institution, sur les pratiques du monde soignant et sur les espaces de formation et d’échanges qui y sont liés, où les humanités doivent prendre racine et promouvoir une vie sociale et politique fondée sur l’attention créatrice de chacun à chacun. »

Coronavirus : l’affolement menace, la métaphore de l’incendie, la quarantaine en question

Bonjour

25 janvier 2020, l’affaire se structure déjà en feuilleton pré-catastrophe. Trois premiers cas en France. Le virus progresse en Chine et « à l’international ». La grande métropole de Wuhan, épicentre chinois de l’épidémie, est depuis deux jours « coupée du reste du monde » – ou presque. La zone de confinement vient d’être été élargie à 56 millions de personnes, soit pratiquement toute la province du Hubei.

« Les trains sont à quai, les autoroutes fermées, précise l’AFP. En dehors du Hubei, les autorités ont annoncé la mise en place de mesures de dépistage du virus dans tout le pays. Le 24 janvier 450 médecins et autre personnel médical de l’Armée populaire de libération (APL) sont arrivés par avion pour intensifier la lutte contre le virus. Certains d’entre eux ont l’expérience du virus Ebola et du Sras, un virus similaire au coronavirus qui a contaminé près de 1 300 de personnes et fait 41 morts dans toute la Chine, selon le dernier bilan livré par les autorités chinoises. Sur le total des malades, 237 sont dans un état critique, d’après les chiffres officiels. »

L’agence de presse Chine nouvelle a précisé que les militaires, qui appartiennent aux armées de terre, de l’air et à la marine, étaient arrivés vendredi soir. Ils doivent être répartis dans les hôpitaux de la ville qui accueillent un grand nombre de patients de la pneumonie virale. Parmi eux figurent des spécialistes des maladies respiratoires et infectieuses, des maladies nosocomiales et des soins intensifs.

A Paris, Agnès Buzyn n’a pas craint, au risque d’ajouter à l’affolement, d’user de la métaphore de l’incendie. « Nous avons aujourd’hui les premiers cas européens, probablement parce que nous avons mis au point le test très rapidement et que nous sommes capables de les identifier, a-t-elle déclaré. Il faut traiter une épidémie comme on traite un incendie, très vite repérer la source » et la « circonscrire le plus vite possible. »

Un point-presse quotidien est prévu par le ministère de la Santé. Et la question est d’ores et déjà soulevée de savoir si Mme Buzyn pourra raisonnablement continuer à être sur tous les fronts : épidémie naissante, réforme des retraites, crise de l’hôpital – sans parler de la course à la mairie de Paris.

Régimes autoritaires et mise en quarantaine

Toujours en France, il faut lire Libération (Eloïse Bussy) : « Coronavirus : «On sait que la quarantaine est inefficace» ». Patrick Zylberman, « historien de la santé » réputé 1 ( également professeur émérite à l’Ecole des hautes études en santé publique) y traite du concept de « quarantaine » et de ses limites. Un sujet essentiel au vu de ce qui se trame aujourd’hui en Chine. Ecoutons-le :  

« La mesure était déjà expérimentée aux XIVe et XVe siècles en Italie, dans les villes où se propageait la peste. Aujourd’hui, cette maladie peut se soigner avec des antibiotiques, mais cette mesure reste appliquée dans certains pays où elle n’est pas encore bien prise en charge.

« On sait depuis cent cinquante ans que la mesure n’est pas efficace, car il y a toujours des personnes qui cherchent à quitter le territoire. C’est une décision impraticable, faite pour être enfreinte. Ce qui peut fonctionner, c’est le confinement à domicile. Ce fut le cas en 2003 dans un secteur de Singapour, une ville très hygiéniste, pour lutter contre une épidémie de SRAS. On a menacé les habitants de leur mettre un bracelet électronique s’ils sortaient de chez eux. Des équipes distribuaient chaque jour de la nourriture aux habitants confinés. La mesure a duré quelques semaines.

En 1916, il y a eu une mise en quarantaine dans plusieurs petites villes américaines au nord de New York après une épidémie de poliomyélite. La mesure a duré plusieurs semaines, et ce qui devait arriver arriva : il y a eu des troubles. »

Patrick Zylberman rappelle aussi qu’il n’y a jamais eu de mesure similaire prise dans l’Hexagone. « Cela a failli être le cas en 1955 après des cas de variole dans le Morbihan, mais les autorités ont renoncé. Les préfets ont, depuis 2003, la capacité de décider d’une zone d’exclusion si un nombre significatif de cas est détecté. En Chine une telle mesure avait déjà été prise en 2003, également pour des cas de SRAS. Les autorités chinoises aiment cette solution. Il existe d’ailleurs une thèse, qui date de 1848 et qui est discutée, qui dresse un lien entre les régimes autoritaires et la mise en quarantaine. C’est une mesure qui permet de rassurer les gouvernements. »

A demain @jynau

1 On peut également, avec le plus grand intérêt, l’écouter sur France Culture (25 janvier 2020)

Coronavirus : les trois premiers cas en France ! Attention, urgence : n’appelez que le 15 !

Bonjour

C’était immanquable, c’est fait : les trois premiers cas de contamination par le « 2019 n-CoV » ont été confirmés en France. L’annonce en a été réservée, vendredi 24 janvier, à Agnès Buzyn, ministre des Solidarités et de la Santé. Il s’agit aussi des premiers cas européens, a-t-elle souligné lors d’une conférence de presse tenue en urgence, précisant que l’un des malades était hospitalisé à Bordeaux et les deux autres à Paris.

Le patient de Bordeaux est un Français de 48 ans d’origine chinoise, actuellement placé à l’isolement au CHU de Bordeaux. Il a été pris en charge le 23 janvier par SOS Médecins Bordeaux avec des symptômes grippaux classiques de fièvre et de toux.

Lors de cette consultation, le médecin lui a demandé s’il avait voyagé récemment, selon le récit de SOS Médecins publié sur Facebook. Celui-ci a déclaré revenir des Pays-Bas mais qu’il venait aussi de séjourner en Chine, dans la province de Wuhan. 

« Instantanément », le médecin est passé « en mode urgence absolue » : masque, isolement. En collaboration avec le SAMU de Gironde, le patient a été hospitalisé au CHU de Bordeaux pour bilan et observation. Un point d’information quotidien sera effectué par le ministère.

Agnès Buzyn a, sans surprise, déclaré être « extrêmement attentive » à l’évolution de la situation. Selon elle « nous aurons probablement d’autres cas ». Elle estime qu’il n’est pas possible de contrôler les « multiples voies » pour revenir de Chine : « On voit bien la difficulté, dans un monde comme le nôtre, de fermer les frontières, ça n’est en réalité pas possible. »

Dont acte. Et ensuite ? « Le moment est crucial, estime le Dr Agnès Ricard-Hibon, présidente de la Société française de médecine d’urgence (SFMU) et chef de service du SAMU 95, cité par Le Quotidien du Médecin . La transmission humaine est avérée par voie aéroportée ou manuelle. La population doit avoir le réflexe de faire le 15, plutôt qu’aller aux urgences ou dans les cabinets médicaux et prendre le risque de contamination en salle d’attente. On a la capacité d’éviter toute propagation en France en repérant très tôt les premiers cas possibles. »

Fièvre, courbatures, asthénie, symptômes respiratoires, toux, sueurs...

De même, lors d’une demande de rendez-vous au téléphone, les médecins traitants et leur secrétariat doivent réorienter leurs patients vers le 15 devant toute suspicion. « Il s’agit de patients de retour de voyage ou en contact avec quelqu’un de retour de voyage, en particulier en provenance de l’épicentre épidémique de Wuhan, poursuit le Dr Ricard-Hibon. Les symptômes ne sont pas spécifiques : fièvre, courbatures, asthénie, symptômes respiratoires, toux, sueurs… Au moindre doute, faire le 15. À l’aide de questionnaires très précis, prenant en compte notamment la chronologie et la géolocalisation, les patients sont classifiés en cas possibles ou exclus, explique-t-elle. Si le cas est possible et sans signe de gravité, des ambulanciers volontaires équipés sont habilités à assurer le transfert. S’il y a des signes de gravité, ce sont les équipes du SAMU qui viennent sur place. »

Et si, malgré tout, un patient vient consulter au cabinet d’un médecin ? Alors le port du masque est recommandé pour le patient et le soignant, le temps que le classement se fasse au téléphone par le SAMU. « Le patient doit être mis en isolement tant que le diagnostic n’est pas exclu. »

Ce n’est pas tout. Pour le Dr Ricard-Hibon, les détecteurs de fièvre sont « une fausse sécurité ». Certains patients ne sont pas repérés car ils sont encore en incubation ou ont pris un antipyrétique, comme le paracétamol. Les mesures d’information de la population sont capitales. En France, le dispositif du 15 est très bien organisé depuis les dernières alertes sanitaires. Dans la grande majorité des cas, le diagnostic est exclu et cela permet de rassurer. C’est le réflexe essentiel à avoir dans ce contexte en France. » 

A demain @jynau

L’urgentiste de Vire est condamné à dix mois de prison: son jeune patient s’était suicidé

Bonjour

Lu dans La Manche Libre du 22 janvier 2020 : « Un homme de 55 ans a été jugé pour non-assistance à personne en danger. Urgentiste à l’époque, il n’avait pas pris assez rapidement le patient suicidaire en charge. Le jeune homme s’est effectivement suicidé dans la nuit sans que sa fuite du centre hospitalier ne soit signalée.

Dans la nuit du 18 au 19 octobre 2012, un homme se présente aux urgences de l’hôpital de Vire, en faisant part de ses envies suicidaires. Le médecin urgentiste de garde choisit néanmoins de finir de remplir ses dossiers administratifs en cours. Lorsqu’il veut s’en occuper, le patient est parti de l’hôpital sans que sa fuite soit signalée à qui de droit. Il se suicidera en sautant sur les voies ferrées au passage d’un train. Le 17 décembre 2019, le tribunal correctionnel de Caen a traité cette affaire de non-assistance à personne en danger, et l’a mise en délibéré au 16 janvier 2020.

L’ancien urgentiste de 55 ans écope de dix mois de prison avec sursis, peine qui ne figurera pas sur son casier judiciaire B2. »

Il y a un an on pouvait retrouver l’hôpital de Vire dans La Voix-le-bocage : « Une page se tourne à l’hôpital de Vire Normandie. Cette fois, les choses sont claires, Vire Normandie (Calvados) n’a plus d’hôpital général. C’est la filière gériatrique qui va notamment se développer. » Un an plus tard, à lire son annuaire, il ne semble pas que ce soit vraiment le cas.

A demain @jynau

Opération coagulation : «oubliés», les médecins généralistes vont bientôt fermer leurs cabinets

Bonjour

C’est un nouveau front qui menace Agnès Buzyn, ministre fragilisée. En charge des « retraites » et confrontée au séisme hospitalier la voici menacée par les médecins généralistes libéraux qui redoutent (à juste titre) d’être les dindons d’une triste farce. Réunie le 7 décembre l’Assemblée Générale de MG France a voté unanimement la fermeture des cabinets dès le samedi 14 décembre. Slogan : « 14 décembre, continuité des soins, samedis noirs ». Pourquoi ?

« L’Assemblée Générale de MG France, réunie à Paris ce samedi 7 décembre, a constaté l’absence des moyens nécessaires pour organiser la continuité des soins.  Sans moyens  disponibles pour la régulation, l’organisation d’un service d’accès aux soins ambulatoires est un marché de dupes. Sans aménagement des horaires, comment penser que les généralistes pourront dégager le temps nécessaire pour libérer des créneaux dans des emplois du temps chargés ? 

«  Les difficultés d’accès aux soins de nos concitoyens sur les territoires, conséquences d’une mauvaise organisation de notre système de santé, conduisaient en septembre la ministre de la santé à lancer un pacte pour la refondation des urgences et un service d’accès aux soins qui devra être disponible le 30 juin prochain sur tout le territoire. Ce service d’accès aux soins est un défi pour les professionnels de santé ambulatoires parce qu’il s’agit d’une responsabilité collective territoriale qui n’entrait pas jusqu’à maintenant dans le cadre de leurs missions. 

Sans rémunération des effecteurs, comment motiver les professionnels à effectuer ce travail supplémentaire ? »

« Les médecins de famille estiment être les grands oubliés des mesures annoncée à la fin du mois de novembre par Agnès Buzyn pour calmer la crise des urgences, résume Le Figaro (Jean-Baptiste de la Torre) Le syndicat souhaite ‘’sensibiliser’’ le gouvernement sur ‘’ce qui arriverait si les médecins généralistes n’étaient plus en mesure d’assumer la continuité des soins’’, alors qu’Agnès Buzyn avait exprimé sa volonté de s’appuyer sur eux pour soulager les services hospitaliers.

Manque de moyens financiers, incapacité de l’exécutif à prendre en compte de la réalité du terrain… «Le gouvernement annonce partout qu’il va mettre en place sur toute la France un service d’accès aux soins permanent à partir du 30 juin prochain, il nous demande de faire plus, alors que nous sommes débordés et que cela demande de l’organisation. Mais le gouvernement ne veut rien mettre sur la table, explique au Parisien Jacques Battistoni, président de MG France qui appelle les autres syndicats médicaux à rejoindre le mouvement.Le pacte de refondation des urgences prévoit 100 millions à partager entre la médecine de ville et les Samu, ça fait 1,50 euro par habitant à se partager.  Autant dire rien.»

Opération coagulation : «Ce mouvement est susceptible de s’étendre si le signal lancé par ces ‘’samedis noirs de la médecine générale’’ n’est pas entendu». Un nouveau front s’ouvre.

A demain @jynau

Le SAMU a-t-il vraiment «raccroché trois fois»? Mourir à 54 ans d’une rupture de l’aorte à Nancy.

Bonjour

C’était il y a deux ans. Naomi Musenga, 22 ans, était décédée aux urgences de l’hôpital de Strasbourg, après avoir été raillée au téléphone par une opératrice du Samu. Deux enquêtes, judiciaire et administrative avaient été ouvertes. L’affaire avait suscité une immense émotion en France et entraîné une réforme de la formation des assistants de régulation médicale du Samu.

On apprend aujourd’hui que parquet de Nancy a ouvert une enquête pour « recherche des causes de la mort » et visant la prise en charge par le Samu de la ville d’un homme décédé le 6 novembre, a indiqué mercredi 13 novembre à l’AFP le procureur de la République.

Selon une amie de cet homme âgé de 54 ans, ce Samu a raccroché à trois reprises en l’espace d’un quart d’heure alors qu’elle-même et le malade, résidant à Dombasle-sur-Meurthe, à une quinzaine de kilomètres de Nancy, tentaient d’obtenir de l’aide, a rapporté L’Est Républicain (Alain Thiesse), révélant l’affaire. Selon le quotidien régional, au terme d’un quatrième appel, les pompiers qui avaient transmis les trois premiers au Samu, se sont eux-mêmes déplacés. Le patient, qui souffrait de fortes douleurs à la poitrine et dont l’état de santé ne cessait de se dégrader, a fait un arrêt cardiaque et n’a pu être ranimé – et ce en dépit de l’arrivée d’une équipe du Samu, venue finalement en renfort.

Saisie et exploitation de l’enregistrement de la régulation

L’amie de l’homme décédé a raconté à L’Est Républicain ses appels au Samu. «On me demande alors si je suis médecin avant de m’entendre dire :  »Vous n’allez pas faire le diagnostic à ma place ». On m’explique qu’il s’agit d’une grippe et qu’il faut l’emmener chez son médecin traitant. Et puis ça raccroche», a-t-elle relaté au sujet du premier appel.

Trois minutes plus tard, deuxième appel. Cette fois, c’est la victime en personne qui se saisit du téléphone portable. « Il a parlé avec le Samu et je l’ai entendu dire : ‘’Il a raccroché !’’ », indique-t-elle avant un… troisième appel. « Le 18 me passe à nouveau le 15 mais ça raccroche encore ! », reprend-elle. Durant ces trois appels qui s’inscrivent dans un créneau de 15 minutes, l’état du quinquagénaire, qui rentrait d’un voyage en Chine, s’est fortement dégradé. « Mais il était toujours conscient ». Un quatrième appel d’urgence est lancé, toujours sur le 18. « Là, j’ai haussé le ton. Et cette fois, on ne m’a pas passé le Samu ! Et trois pompiers sont arrivés », déclare-t-elle enfin au quotidien régional.

Interrogée par l’AFP, l’Agence régionale de santé (ARS) Grand Est a indiqué avoir ouvert de son côté une enquête administrative qui donnera lieu «à une inspection dans les prochains jours». «Une enquête interne, en lien avec l’ARS est en cours», devant permettre «d’analyser les conditions de prise en charge du patient», a également indiqué à l’AFP le Centre hospitalier régional universitaire (CHRU) de Nancy.

Une autopsie médico-légale a permis de préciser l’origine du décès : une rupture de l’aorte. Et le procureur a précisé que les enquêteurs procéderont à la saisie et à l’exploitation de l’enregistrement de la régulation du SAMU.

A demain @jynau

Né en 1923, le Pr Louis Lareng, créateur éclairé du premier SAMU français, vient de décéder

Bonjour

Un grand servant de la médecine. C’était un descendant du baron Dominique-Jean Larrey, père de la médecine d’urgence et, sous Napoléon, promoteur des premières « ambulances volantes » (voitures à chevaux transportant deux à quatre blessés) : dispenser les premiers soins le plus tôt possible au plus près des victimes ; rapatrier ces dernières au plus vite dans un espace hospitalier.

Né le 8 avril 1923 à Ayzac-Ost (Haute-Pyrénées) le Pr Louis Lareng avait connu les premières heures de l’anesthésie-réanimation. Avant de créer sous ce nom, en 1968 à Toulouse, le premier service d’aide médicale urgente (SAMU) avec le Dr Madeleine Bertrand. Comme quelques autres esprits éclairés « il avaient fait le constat de la surprenante disproportion entre les moyens mis en œuvre lors de l’arrivée à l’hôpital d’un malade ou d’un blessé grave, et ceux toujours très sommaires ou archaïques utilisés avant la phase hospitalière dans les longues minutes qui suivent l’accident ou le malaise ».

Ces médecins trouvent alors des ambulances, les équipent à grande peine avec du matériel récupéré dans les unités hospitalières et se mettent à la disposition des services publics de secours, gendarmerie, police ou pompiers. Cette innovation fut d’emblée perçue comme dérangeante (comme oser transporter l’Hôpital hors les murs ? ) 1. Avant de devenir indispensable et, parfois, victime de son succès. Elle fut consacrée en 1986 lorsque Louis Lareng, devenu député (socialiste, Haute-Garonne), fera adopter la « loi Lareng sur la médecine d’urgence et les transports sanitaires ».

Depuis 1989, visant toujours plus loin, le Pr Lareng présidait la Société européenne de télémédecine et e-santé. Sur Twitter, plusieurs personnalités lui ont rendu hommage. Comme l’ancien premier vice-président de l’Ordre des médecins, le Dr Jacques Lucas, qui a salué « un homme engagé plein d’humour, combatif et grand humaniste ». On ne dira pas mieux.

A demain @jynau

1 On se reportera avec grand intérêt rétrospectif à la tribune du Pr Louis Lareng publiée dans Le Monde du 9 février 1977: « Une planification de l’urgence »