Bonjour
Il y a un mois, nous recevions un mail lancé comme, jadis, une bouteille à la mer. Un mail « pour dénoncer la situation scandaleuse dans laquelle vont bientôt se trouver environ trois cents malades français atteints d’une maladie orpheline chronique, très invalidante et très douloureuse, le syndrome douloureux vésical ou cystite interstitielle ».
Le seul médicament disposant d’une autorisation de mise sur le marché pour cette maladie ne sera plus disponible en France à compter du 16 mars prochain. 300 malades qui bénéficient aujourd’hui de ce médicament, certains depuis plusieurs années, vont se retrouver du jour au lendemain sans alternative thérapeutique. « Le 16 mars, leur vie va basculer de nouveau dans l’enfer de cette maladie » nous expliquait Françoise Watel, présidente de l’Association française de la cystite interstitielle (AFCI) – qui avait déajà alerté Agnès Buzyn, ministre de la Santé et des Solidarités pour lui demander le maintien de la disponibilité de ce médicament en France. Un médicament fabriqué en Allemagne, disponible dans plusieurs pays européens, totalement remboursé au Royaume-Uni. De nombreux malades, désespérés à l’idée de perdre le traitement qui leur permet de mener une vie normale, ont adressé leur témoignage à l’association, engagé des actions, mis en ligne une pétition : https://www.change.org/p/minist%C3%A8re-de-la-sant%C3%A9-contre-le-d%C3%A9remboursement-de-l-elmiron
Silence d’Agnès Buzyn et de ses services. Nous avons alors interrogé la présidente de l’AFCI :
Avez-vous contacté l’ANSM ? Si oui, quelle réponse ?
- Nous n’avons pas contacté l’ANSM. Le médicament a reçu une autorisation de mise sur le marché européenne. C’est donc l’EMA qui l’a délivré, en 2017 (https://www.ema.europa.eu/en/medicines/human/EPAR/elmiron). Cette décision rend le médicament automatiquement commercialisable en France. Le comité de la transparence de la HAS a ensuite rendu un avis, le 31 janvier 2018, pour évaluer le service médical rendu (SMR), et l’amélioration du service médical rendu (ASMR) : https://www.has-sante.fr/upload/docs/evamed/CT-16342_ELMIRON_PIC_INS_Avis3_CT16342.pdf. La HAS a rendu un avis favorable à la prise en charge. Le dossier est donc passé au CEPS (Comité économique des produits de santé) de façon a négocier le prix du médicament avec le laboratoire, comme cela se fait pour les médicaments remboursés. Malheureusement, les négociations n’ont pas abouti, le CEPS estimant les prétentions tarifaires du laboratoire trop élevées. En effet, le prix d’un médicament à ASMR faible ou nul (ce qui est le cas d’elmiron) est comparé au prix d’un comparateur (médicament rendant le même service médical). Le comparateur choisi par le CEPS, l’hydroxyzine, un anti-histaminique de vieille génération qui coûte quelques euros.
- Or la HAS avait considéré, à juste titre, qu’il n’existe pas de comparateur pertinent. Par ailleurs, la HAS avait demandé que des études complémentaires lui soient fournies lors de la prochaine évaluation quinquennale. Les études existantes sont, de fait, insuffisantes. L’AFCI demande que l’accès à ce médicament soit maintenu pour les malades qui en bénéficient et qui sont soulagés, en attendant des études complémentaires. La HAS estime à un peu plus de 10 000 le nombre de malades en France. Actuellement, d’après les informations fournies par le labo, 300 malades sont sous traitement. Il s’agit des malades qui n’ont pas pu être soulagés par un autre moyen : s’ils arrêtent ce traitement, ils n’auront pas de solution.
- A noter que l’organisme britannique NICE, avec les mêmes données médicales, a accepté la prise en charge intégrale du médicament, au prix de 450 livres (environ 500€).
Avez-vous contacté le laboratoire pharmaceutique concerné ? Le ministère de la Santé ?
- Nous avons alerté le ministère de la Santé dès juillet 2019. A l’époque, le ministère nous a indiqué que le traitement resterait accessible aux malades en post-ATU tant que les négociations du remboursement n’auraient pas abouti (prise en charge par rétrocession hospitalière). Notre comité médical nous ayant informé, en décembre, d’une première décision ministérielle de cessation de la rétrocession, nous avons fait part de notre très grande inquiétude à la DSS (direction de la Sécurité sociale). La décision a été repoussée d’un mois seulement, ce qui porte la fin de la disponibilité d’elmiron en France, tous délais écoulés, au 16 mars prochain. Nous sommes également en lien avec le laboratoire Inresa qui commercialise le produit en France, et le laboratoire allemand Bene qui assure sa fabrication.
Quel est le prix de ce médicament ?
- Le prix de ce médicament a été négocié pour chaque pays.Nous n’interférons pas dans les négociations menées en France par le CEPS mais nous croyons savoir que le prix proposé par le laboratoire est l‘un des plus bas, sinon le plus bas, d’Europe.Il varie de 482€ (Suède) à 522€ (Danemark) et tourne en moyenne autour de 500€. Le blocage semble bien être, en effet, un désaccord sur le prix, ce qui économiquement est un non-sens car les 300 malades qui vont bien avec ce médicament coûteront bien plus cher à l’Assurance Maladie et à la société en général s’ils doivent rechercher d’autres traitements (beaucoup en hôpital de jour, en instillations vésicales), consulter en centres anti-douleur, renoncer à travailler…
Agnès Buzyn a quitté son ministère pour conquérir la mairie de Paris. L’arrêté du 20 décembre 2019 qui met fin à la rétrocession hospitalière du médicament n’a pas été annulé. Sliance de l’ANSM. Olivier Véran, spécialiste de neurologie, a pris la succession d’Agnès Buzyn. Le dossier reste à régler. Nous ferons bien évidemment écho à la décision que prendra, ou pas, le nouveau ministre de la Santé.
A demain @jynau
PS : 24/02/2020. L’Association française d’urologie vient, sur ce thème, de s’adresser directement à Olivier Véran.« (…) Devant l’évidence scientifique mais d’abord et avant tout l’impact du syndrome de la vessie douloureuse au quotidien et tout au long de la vie, le Comité d’Urologie et de Pelvipérinéologie de la Femme (CUROPF) de l’Association Française d’Urologie, ainsi que l’AFU dans son ensemble, sont opposés à cette décision concernant le non-remboursement et l’arrêt de distribution de la spécialité ELMIRON dans l’indication suscitée. Il est encore temps pour l’ANSM de revenir sur sa position en apportant un regard plus humain sur cette pathologie et ce, notamment, en s’appuyant sur les travaux du NICE, l’avis des urologues français réunis au sein du CUROPF de l’AFU et sur la parole des patients portée par les associations. Nous ne doutons pas qu’en tant que Ministre et plus encore en tant que médecin à l’écoute des patients, vous saurez écouter nos arguments, ceux des associations de patients, et relayer ceux-ci vers l’ANSM. Nous sommes totalement mobilisés et disponibles pour vous apporter des informations complémentaires (…). »