Covid-19: les quatre dérangeantes propositions «pragmatiques » signées de deux spécialistes

Bonjour

10/08/2020. La double peine, tissulaire et thermométrique. Après Bruxelles et Madrid, le port du masque est devenu, depuis ce matin, obligatoire dans certains quartiers très fréquentés de Paris. Berges de la Seine, hauteurs de Montmartre, rue Mouffetard, ses miracles et son Eglise Saint-Médard. La Seine-Saint-Denis, les Hauts-de-Seine, le Val-de-Marne et le Val-d’Oise sont aussi concernés.

Prévue pour une durée d’un mois (renouvelable) cette mesure doit permettre, selon les autorités sanitaires, d’enrayer un rebond du virus qui fait craindre une seconde vague de l’épidémie. La tâche s’annonce toutefois délicate en pleine période de canicule. Ces dernières 48 heures, dans plusieurs pays européens, on enregistre des températures dépassant les 35°C – aussi de nombreux habitants et estivants estiment-ils ne plus pouvoir respecter toutes les mesures sanitaires qui leur sont imposées _ à commencer par vivre masqués.

Question-transition  : l’exécutif doit-il se remettre en question dès lors que les mesures qu’il impose ne sont pas appliquées – et que la menace de la sanction financière (difficilement applicable) est sans effet sur le citoyen, touriste ou pas ? Plus généralement le moment n’est-il pas venu de réfléchir à de nouvelles modalités préventives prenant en compte la réalité « de terrain » et le choix éclairé du citoyen.

On vient, dans ce domaine, d’observer l’édifiante controverse lancée par le Pr Eric Caumes, chef du service des maladies infectieuses de La Pitié-Salpêtrière :

« Ce qui semble ne pas avoir été compris dans mes propos c’est que de toute façon les jeunes n’en ont rien à faire. Il faut composer avec cette réalité incontournable ou assumer d’envoyer police ou armée pour faire respecter la distanciation ou le port du masque.

« Comme ce n’est pas fait, avec juste raison, je pense qu’il faut composer – c’est à dire relever le positif (immunité dans ce groupe qui s’avérera bien utile au moment de reprendre école, collèges, lycées et universités), tout en avertissant des dangers pour eux (formes rares possibles aussi, même si rares), et pour les autres (respect des anciens). »

Phosphorer collectivement sur le sujet 

Toujours au nom du pragmatisme, pour mieux avancer dans les prochaines semaines,  nous découvrons aujourd’hui les quatre « propositions schématiques » élaborées par les Prs Antoine Flahault, spécialiste d’épidémiologie (Institut de santé globale, Genève) et  Thomas Hanslik, spécialiste de médecine interne, (Hôpital Ambroise Paré, AP-HP).

« Proposition 1. Chercher un consensus sur l’évaluation du risque Covid-19 selon l’âge : 40 ans : très rarement autre chose qu’une banale infection respiratoire aiguë ; 40-80 ans : parfois une mauvaise grippe qui peut tourner au vinaigre ; après 80 ans, aussi dangereux qu’Ebola.

« Proposition 2. Prioriser la prévention selon le niveau de risque en incitant à se protéger le mieux possible : personnes âgées de plus de 50, 70, 80 ans ; personnes à risque, obèses, hypertendues, diabétiques en particulier de sexe masculin ; personnes socialement précaires.

« Proposition 3. Encourager les familles au format « jeunes enfants et parents quarantenaires » qui le souhaitent à vivre presque normalement (bars, concerts, spectacles …) mais à bien se masquer en dehors du cocon familial et à s’isoler en cas de « PCR + » ou de contacts à risque.

« Proposition 4. Inciter chacun(e) à évaluer la part de risque qu’il (ou elle) est prête à accepter : par exemple, je peux avoir 85 ans et souhaiter continuer à voir régulièrement mes enfants et/ou petits-enfants, ou pas. »

Le temps est-il venu où de telles propositions pourront faire l’objet de débats scientifiques et médicaux, citoyens et démocratiques et d’une analyse transparente des données par l’exécutif ? Faut-il au contraire redouter qu’elles soient regardées de haut par le Conseil scientifique ? Serait-il encore trop tôt pour phosphorer collectivement sur le sujet ?

A demain @jynau

Scandale: 79 ans, condamnée pour avoir, via la fenêtre de l’Ehpad, salué son mari, 93 ans

Bonjour

14/04/2020. On pourrait parler de scandale. Ou de honte. Chacun qualifiera. Dans le département du Tarn une femme vient d’être verbalisée pour violation de «cordon sanitaire». La verbalisation a été effectuée devant l’Ehpad public du Pré de Millet (Graulhet). Cette femme, septuagénaire venait de saluer son mari résident. Hedwig, 79 ans, stationnait devant la fenêtre fermée de la chambre de son époux, 93 ans, résident confiné. L’affaire vient d’être rapportée par La Dépêche (Martine Lecauday)

« Jeudi 9 avril, comme tous les jours, Hedwig, 79 ans, est venue à pied. Elle habite à moins de dixminutes de l’Ehpad où depuis deux ans réside Jean-Jacques, 93 ans, son mari. Avant le confinement, Hedwig venait le voir deux fois par jour et c’est presque toujours elle, et parfois sa fille Mariani, qui lui donnait son repas du soir. Le personnel n’y voyait pas d’inconvénient d’autant qu’Hedwig est bénévole à la maison de retraite.

« Mais depuis le début du confinement, impossible, pour les personnes extérieures, de pénétrer dans l’établissement. Pour Helwig, pas question d’enfreindre la règle, mais pas question non plus de renoncer à soutenir son mari, même si elle sait que le personnel fait de son mieux. « Mon père est un peu dans son monde et communiquer avec lui par Skype, ce n’est pas évident » témoigne Mariani qui habite à Moulayrès, à dix km de là. »

Or Hedwig veut rester présente aux yeux de son époux. Chaque jour à 16 h, muni d’une attestation en bonne et due forme, case promenade ou assistance à personne vulnérable cochée, elle vient devant la fenêtre de la chambre de son mari pour qu’il puisse la voir. Munie d’une ardoise, elle lui adresse de petits messages à travers la vitre.

« Dans son fauteuil, Jean-Jacques, qui ne peut pas bouger risquait encore moins d’ouvrir la porte-fenêtre qui donne sur l’extérieur. Mais il savait qu’Hedwig était là. Il la voit derrière la vitre. Elle reste cinq ou dix minutes, pas plus, rassurée. « Il est un peu perdu malgré les informations qu’on lui donne. Il ne comprendrait pas de ne plus la voir » explique Mariani. »

Le souhait d’Emmanuel Macron dans son Adresse aux Français

Tout ceci est à mettre au passé. Le 9 avril malgré son attestation, deux gendarmes ont interpellé Hedwig devant la fenêtre, l’ont verbalisée et renvoyée chez elle. Sa fille appelé la gendarmerie de Graulhet qui lui a confirmé la verbalisation. Elle a aussi envoyé un mail à la préfecture du Tarn. « Depuis, ma mère n’ose même plus sortir de chez elle, dit-elle. C’est une personne très respectueuse de la loi. D’avoir été chassée comme ça, même si les gendarmes ont été très corrects, ça l’a bouleversée. Ce qui me fend le cœur c’est que mon père va se sentir abandonné. La dernière fois qu’il a vu ma mère, c’est derrière la vitre, encadrée par deux gendarmes. Vous vous imaginez ce qu’il peut penser ? »

Explications de la préfecture : «Même si la visite en extérieur de votre mère peut être considérée comme une assistance à personne vulnérable, un cordon sanitaire autour des Ehpad doit être absolument respecté. De ce fait, votre mère était bien en infraction». Extrait de l’Adresse aux Français, 13 avril 2020  d’Emmanuel Macron, suivie hier par plus de trente millions de Français :

« Je souhaite aussi que les hôpitaux et les maisons de retraite puissent permettre d’organiser pour les plus proches, avec les bonnes protections, la visite aux malades en fin de vie afin de pouvoir leur dire adieu ».

On espère que Catherine Ferrier, préfète du Tarn, après avoir mis en place un cordon sanitaire infranchissable, saura mettre en œuvre au plus vite le souhait du président de la République au sein de l’Ehpad du Près de Milet, à Graulhet.

A demain @jynau

Une première large opération de dépistage viral va, enfin, être lancée dans les Ehpad

Bonjour

06/04/2020. Le ministre de la santé Olivier Véran vient de donner le bilan quotidien : 8 911 morts sont dues au Covid-19 depuis le 1er mars en France (le bilan a augmenté  de 833 en 24 heures).Le coronavirus a fait 6 494 morts dans les hôpitaux (605 de plus en 24 heures), et 2 417 morts en Ehpad.

Et le ministre d’annoncer qu’une vaste opération de dépistage va être lancée auprès des personnes les plus vulnérables, « en mettant la priorité sur des personnes âgées, les personnes handicapées, les plus fragiles ainsi que les professionnels qui les accompagnent, en établissements comme à domicile ». Selon Olivier Véran, le principe est de tester dans les Ehpad « tous les résidents et tous les personnels à compter de l’apparition du premier cas confirmé de malades de coronavirus au sein de l’établissement ». 

Pourquoi aura-t-il fallu attendre si longtemps ? Le sujet avait été traité, une nouvelle fois, par le Comité national d’éthique (CCNE) dans un document daté du 1er avril. Un document essentiel qui traitait notamment de la préservation, dans les Ehpad, « d’un espace de circulation physique, même limité ». Une mesure qui, aux yeux des sages du Comité, « semblait impératif en dépit des mesures d’isolement, afin d’éviter que le confinement, quelle que soit sa justification au regard des impératifs de santé publique, ne devienne pour ceux qui n’ont plus la liberté de choisir leur cadre et leur mode de vie, une mesure de coercition. » Extraits:

« Pour les résidents ‘’testés négativement’’, la visite de proches, eux-mêmes contrôlés négativement, pourrait être autorisée, dans des conditions strictes de sécurité sanitaires . Cette proposition exige évidemment que des tests puissent être proposés à grande échelle.

« Concernant les familles et les proches aidants qui souhaitent que le résident puisse au moins temporairement les rejoindre à leur domicile, de telles initiatives devraient être encouragées, après avoir bien entendu recueilli l’assentiment du résident et pratiqué des tests permettant de prévenir des risques de contamination intrafamiliale. Ces préconisations ne peuvent être mises en œuvre que si les établissements disposent de la possibilité d’assurer les tests de dépistage du Covid-19 auprès des personnels et des résidents. »

Et le CCNE de rappeler, alors, « l’impérieuse nécessité de faciliter la mise en place des tests de dépistage dans ces établissements et l’accès aux moyens de protection pour le personnel, comme pour les résidents ». Il semble désormais acquis, du moins pour partie, que les « sages » du CCNE ont été entendus. Sans doute est-il trop tôt pour demander pourquoi il aura fallu attendre si longtemps pour que le gouvernement braque ses projecteurs sur ces établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes.

A demain @jynau

 

Comment un médecin peut-il désigner le patient «qui a le plus de chances de survivre» ?

Bonjour

06/04/2020. Sans précédent. C’est une « prise de position » sans précédent connu. Elle dit tout de la tragédie que certains, soignants, patients et familles traversent aujourd’hui ou pourraient traverser demain. En écho elle résonnera largement au sein d’une société française confinée. Elle est signée du Conseil national de l’Ordre des médecins et sobrement titré : « Décisions médicales dans un contexte de crise sanitaire et d’exception ». Extraits (nous soulignons):

« L’état d’urgence sanitaire actuel en France a des conséquences majeures, par une pression inédite, sur le système de santé, notamment sur l’offre de soins et la prise en charge des patients. La situation dans de très nombreux établissements publics et privés de santé, médicosociaux, comme les EHPAD, voire en ambulatoire atteint un niveau alarmant. Certains n’hésitent pas à l’assimiler à une situation de catastrophe sanitaire.

« Les problèmes posés aux médecins concernés s’avèrent effectivement de plus en plus difficiles à gérer, en raison du déséquilibre entre les moyens humains, thérapeutiques, matériels, voire médicamenteux disponibles et les situations, souvent complexes, graves et urgentes, auxquelles ils doivent faire face. Il en résulte pour les médecins des conditions d’exercice en rupture avec le mode normal de prise en charge des patients, qui peuvent les placer devant des interrogations déontologiques majeures et des cas de conscience face auxquels ils se trouvent désemparés. »

L’Ordre des médecins explique « être bien décidé à ne pas les laisser ces médecins seuls devant les choix qu’ils ont à faire, et à les accompagner ». Choix entre

1 d’une part leurs obligations déontologiques, tout spécialement de soins consciencieux, dévoués et conformes aux données acquises de la science, dont il doit être rappelé qu’elles restent les mêmes quel que soit le contexte, y compris en période d’état d’urgence sanitaire, « en toutes circonstances » dit le code de déontologie ;

2  d’autre part la réalité des situations rencontrées, qui conduit nécessairement à des conditions d’application qui en tiennent compte.

On sait que la difficulté se pose tout particulièrement à propos de la question de la priorisation entre des patients à laquelle, dans divers territoires, des médecins pourraient se trouver (ou se trouvent d’ores et déjà) confrontés, du fait de l’impossibilité de prise en charge de leurs malades. L’Ordre :

« Une telle réponse extrême ne saurait être retenue qu’en l’absence avérée de toute autre possibilité et s’il est constaté qu’aucune autre alternative ne se présente au terme d’une appréciation collégiale tracée dans le dossier, fondée sur l’état du patient, prenant en compte notamment ses comorbidités. L’âge du patient, sa situation sociale, son origine, une maladie mentale, un handicap ou tout autre facteur discriminant ne peuvent être l’élément à retenir. »

Puis, après avoir rappelé l’essentiel déontologique et éthique (Des décisions médicales qui doivent rester guidées par l’intérêt du patient ; Les principes éthiques et déontologiques qui entourent toute décision médicale ; L’accompagnement des patients) l’Ordre écrit ceci :

« Dans ce contexte d’exception, et devant une possible situation de rupture, en l’absence de toute alternative, faute de pouvoir faire mieux, le plus douloureux pour un médecin, après avoir épuisé toutes ses ressources, est d’avoir à déterminer, parmi ses patients, non pas une personne, non pas un âge, mais celui d’entre eux qui a le plus de chances de survivre. »

Et d’ajouter :

« Dans ce moment de solitude, même assortie d’une appréciation collégiale, la décision repose sur le médecin et seule peut lui servir de guide sa conscience, éclairée par ses pairs. Nous l’affirmons, aucune contrainte politique, administrative, organisationnelle, ne peut imposer à un médecin des critères de prise en charge pré déterminés par d’autres acteurs. L’Ordre est là pour guider les médecins dans l’intérêt des patients et sera à leurs côtés pour les accompagner. »

Sans précédent.

A demain @jynau

Est-il moral d’isoler les résidents des Ehpad ? Voici un appel solennel des médecins soignants

Bonjour

01/04/2020. On ne s’est jamais autant penché qu’aujourd’hui sur les résidents des Ehpad. Après l’avis du Comité national d’éthique sur le confinement des personnes âgées hébergées nous avons appris la publication de celui du Conseil scientifique que l’on peut lire ici. Au gouvernement, à Olivier Véran de nous apprendre en quoi ils s’opposent, en quoi ils sont complémentaires.

Et déjà l’exécutif est ciblé par un autre document, un texte signé du Dr Jean-Paul Ortiz, président de la puissante CSMF. Un appel solennel. Extraits :

« Depuis le début de la crise du COVID-19, les médecins coordonnateurs des EHPAD, et autres structures, alertent sur les conditions d’exercice et le bilan dramatique qu’il faudra affronter lorsque l’épidémie sera terminée.

L’État n’ignore pas cette réalité. Les chiffres de l’épidémie communiqués tous les jours par le Ministère de la Santé ne font jamais état des dramatiques statistiques que nous pouvons imaginer dans les EHPAD et qui, hélas, pourraient représenter jusqu’à 70% des décès en France.
Les médecins libéraux, acteurs majeurs de la médecine libérale et sociale, demandent solennellement de mettre en œuvre de toute urgence les mesures suivantes (nous soulignons):

  1. L’ensemble des soignants, mais aussi tous les acteurs (aides-soignants, auxiliaires de vie, agents d’entretien, etc.) doivent prioritairement bénéficier de tests de dépistage. Et lorsque celui-ci est positif, le personnel concerné doit être mis en quatorzaine.
     
  2. Les résidents des EHPAD qui sont positifs au test, fiévreux et en pneumopathie, doivent être placés dans des établissements de soins de suite et de réadaptation (SSR), pour bénéficier de protocoles d’aides pour les détresses respiratoires mais aussi de protocoles permettant les produits injectables dans leur prise en charge pour assurer une digne fin de vie. Quant aux résidents positifs non décompensés, ils doivent aussi être placés dans un établissement de surveillance spécifique.
     
  3. Que le personnel qui pratique les soins à la personne et plus particulièrement les aides-soignants et infirmier(e)s, soit prioritairement équipé de l’ensemble des protections nécessaires à leur travail quotidien (lunettes, blouses, masques, gants, …). C’est encore trop peu le cas actuellement dans ces structures. »

Pour la CSMF ces trois mesures sont le minimum acceptable pour une prise en charge convenable dans les EHPAD qui ne doivent plus, espère-t-elle, « être un monde parallèle ».

A demain @jynau

1 Créée en 1928, la Confédération des Syndicats Médicaux Français est le premier syndicat de médecins français. Elle regroupe des syndicats de médecins libéraux généralistes et spécialistes et deux structures nationales, Les Généralistes-CSMF (médecins généralistes) et Les Spé-CSMF (médecins spécialistes). Elle fédère également 101 syndicats présents dans chaque département de métropole et d’outre-mer, les médecins à exercice particulier (MEP) et les médecins hospitaliers exerçant en libéral.

Covid-19 : les soignants des Ehpad pourront-ils tous respecter leur «devoir d’humanité»?

Bonjour

28/03/2030. Voici un texte majeur qui dit l’urgence et la gravité croissante de la situation que nous traversons. Un texte qui interpelle pour mieux dire ce qui est peut-être, ici et là, une tragique réalité. Signé de l’Académie nationale de médecine, daté du 27 mars, il est intitulé « Permettre auxmédecins et aux soignants d’exercer leur mission en accord avec leur devoir d’humanité ». Comment faire autrement que de le publier :

« La fulgurance de la crise sanitaire due au Covid 19 a créé une rupture d’équilibre entre les besoins des patients et les ressources en personnels, produits et matériels disponibles. Le manque de moyens se fait ressentir avec une acuité particulière dans les structures qui accueillent les personnes âgées et dépendantes.  Dans les établissements qui les hébergent, ces personnes pâtissent d’un isolement accru, et les personnels de santé souffrent de ne pouvoir honorer les valeurs qui les animent, faute de bénéficier des conditions de soin requises. Pour les familles, l’annonce du décès d’un proche est d’autant plus traumatisante qu’elle s’accompagne de mesures d’hygiène sanitaire qui transgressent leur droit fondamental au recueillement. 

Face à ce constat très grave, l’Académie considère comme une urgence de pourvoir les établissements de personnes âgées en masques et en tests de dépistage, autant à destination des patients que des personnels et ce dès les premiers symptômes. 

La visite d’accompagnants devrait être autorisée lorsque le glissement rapide de l’état de santé du résident survient suite à la rupture relationnelle, à la condition du strict respect des mesures barrières.  

L’Académie en appelle à la création de lits dans les établissements de moyen séjour/soins de suites, permettant le transfert des résidents testés positifs. 
Les personnels en place devraient également bénéficier de moyens humains en renfort afin de pouvoir pratiquer des soins en accord avec les textes qui garantissent le respect du consentement éclairé des personnes et la procédure collégiale.  

Le sort d’une vie demande un instant de réflexion qui ne peut être le fait d’un seul. 

L’Académie rappelle par ailleurs qu’une décision médicale ne peut dépendre de la seule lecture de scores de prédiction dont l’application automatique serait inhumaine, voire arbitraire puisque variable en fonction de diverses spécialités. Les scores apportent un éclairage utile et nécessaire, mais qui ne saurait être exclusif sauf à substituer la froideur d’un protocole à l’analyse clinique et humaine de chaque situation.

S’agissant de la décision de ne pas transférer dans un établissement de recours ou en réanimation, l’Académie souligne qu’elle doit être assortie des alternatives de soin et d’accompagnement, avec le soutien des équipes mobiles de gériatrie et de soins palliatifs et des acteurs associatifs.

Un temps d’accompagnement religieux ou spirituel doit être aménagé en cas de volonté exprimée par le patient ou ses proches. Un soutien psychologique par un professionnel peut s’avérer nécessaire, en complément de l’écoute empathique et des sentiments d’humanité que le médecin se doit de manifester auprès du patient et de ses proches. »

Nous sommes le 28 mars 2020. On annonce, dans la journée, une longue conférence de presse pédagogique du Premier ministre Edouard Philippe et d’Olivier Véran, ministre des Solidarités et de la Santé. Comment ne pas espérer que ces deux représentants du pouvoir exécutif abordent l’ensemble des questions soulevées ici par l’Académie nationale de médecine ?

A demain @jynau

NB En France, fin 2015, 728 000 personnes fréquentaient un établissement d’hébergement pour personnes âgées ou y vivaient, soit 10 % des personnes âgées de 75 ans ou plus et un tiers de celles âgées de 90 ans ou plus. Huit sur dix étaient accueillies en établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD). Les résidents étaient de plus en plus âgés : la moitié avait plus de 87 ans et 5 mois, contre 86 ans et 5 mois fin 2011 (Source Insee)

Pénurie:«donner la priorité à l’espérance de vie» Mais qui songe aujourd’hui à aider l’Italie?

Bonjour

10/03/2020. Qui, en France ou en Europe, songe aujourd’hui à venir en aide à l’Italie ?

Ce sont des mots redoutables, au carrefour de la médecine, de l’éthique et de la déontologie. Des mots générés par l’épidémie et que l’on n’aurait jamais imaginé entendre en Italie. Ils sont rapportés aujourd’hui dans Le Monde par nos confrères Jérôme Gautheret et  Chloé Hecketsweiler. On les lira à la lumière de l’avis émis, il y a onze ans déjà, par le Comité national français de bioéthique et dont nous venons de résumer le contenu et la portée sur Slate.fr.

Ainsi donc le président du conseil italien, Giuseppe Conte, a annoncé lundi 9 mars au soir, depuis la salle de presse du Palais Chigi et « dans une ambiance d’extrême gravité » la généralisation des restrictions à l’ensemble du pays, jusqu’au 3 avril. « Avec plus de 1 800 cas supplémentaires diagnostiqués en vingt-quatre heures, soit plus de 9 000 tests positifs et 97 morts, ce qui porte le nombre de décès à 463, c’est tout le système sanitaire italien qui menace de s’effondrer, observe Le Monde. Le nombre de nouveaux cas croît de 25 % à 30 % par jour, à un rythme très supérieur aux nouveaux moyens mobilisables. Cette aggravation semble justifier, à elle seule, les mesures d’urgence annoncées le 9 mars.»

On sait que la crise a pour foyer principal la Lombardie, la région, à la fois la plus peuplée et la plus riche d’Italie. Pour autant ses infrastructures médicales et hospitalières ne semblent pas dimensionnées pour répondre à cette crise épidémique. Pour le Dr Antonio Pesenti, coordinateur de l’unité de crise de la région, 18 000 patients devraient y être hospitalisés d’ici au 26 mars, dont environ 3 000 en soins intensifs. Or ce sont là des chiffres très supérieurs aux ressources disponibles : pour l’heure, sur l’ensemble de son territoire, et aussi surprenant que cela puisse apparaître, l’Italie ne dispose que de 5 100 lits de ce type.

« Désormais, nous sommes obligés d’installer des lits de soins intensifs dans le couloir, dans les salles d’opération, dans les salles de réveil. Nous avons vidé des salles d’hôpital entières pour faire de la place aux personnes gravement malades. L’un des meilleurs systèmes de santé au monde, celui de la Lombardie, est à deux pas de l’effondrement », explique le Dr Pesenti dans une interview au quotidien milanais Il Corriere della Sera.

Cauchemar et médecine de guerre

La situation est d’autant plus tendue que le nombre de respirateurs artificiels est limité. « Nous faisons de notre mieux, mais sommes dans une situation de pénurie, reconnaît le Dr Matteo Bassetti, qui dirige le service des maladies infectieuses de l’hôpital San Martino (Gênes). Nous les réserverons aux patients qui ont le plus de chance d’en bénéficier ».

Le Monde ajoute que pour accompagner au mieux les médecins italiens réanimateurs dans leurs décisions, des recommandations éthiques viennent d’être publiées. Objectif : « assurer un traitement intensif aux patients ayant les plus grandes chances de succès thérapeutique : il s’agit donc de donner la priorité à l’espérance de vie », estime la Societé italienne des réanimateurs. Il n’est plus possible, dans un tel contexte, d’appliquer la règle du « premier arrivé, premier servi ».

« C’est un cauchemar, lâche le Dr Bassetti. Nous avons beaucoup de patients âgés avec des comorbidités, mais nous avons aussi beaucoup de patients plus jeunes, qui souffrent de pneumonies avec une insuffisance respiratoire », explique le médecin, ce qui requiert « une ventilation pendant une semaine ou deux ». 

Et puis on lit ceci : à Bergame, tout près de l’épicentre de l’infection, les médecins se retrouvent « à devoir décider du sort d’êtres humains, à grande échelle, témoigne le Dr Christian Salaroli, réanimateur à l’hôpital dans un entretien au Corriere della Sera. Pour l’instant, je dors la nuit. Parce que je sais que le choix est basé sur l’hypothèse que quelqu’un, presque toujours plus jeune, est plus susceptible de survivre que l’autre. C’est au moins une consolation. » 

Et ce médecin italien d’évoquer « une médecine de guerre », une médecine dont l’objectif est de « sauver la peau » du plus grand nombre. Une pénurie hospitalière révélée par une épidémie et qui conduit à des choix que l’on n’imaginait plus devoir faire, au carrefour de la médecine, de l’éthique et de la déontologie.

Où l’on en vient à se demander pourquoi aucun des pays amis de l’Italie ne semble encore avoir songé à lui venir en aide.

A demain @jynau

NB 1 Conséquence immédiate des mesures drastiques de quarantaine, les prisons italiennes sont, depuis lundi 9 mars le théâtre de protestations particulièrement violentes : sept morts au sein de la prison de Modène (Emilie-Romagne), une cinquantaine de détenus tentant de s’évader de Foggia (Pouilles) et des incidents signalés sur vingt-sept sites. Les détenus dénoncent à la fois la promiscuité et les restrictions aux droits de visite provoquées par la crise sanitaire nationale.

NB 2 « Inside China’s All-Out War on the Coronavirus. Dr. Bruce Aylward, of the W.H.O., got a rare glimpse into Beijing’s campaign to stop the epidemic. Here’s what he saw. » ( Donald G. McNeil Jr.). The New York Times, 4 mars 2020

Agnès Buzyn parle dans « EHPAD Magazine », premier journal pour les plus ou moins de 77 ans

Bonjour

La presse serait en crise ? Puisque c’est notre fatalité, il suffisait d’y penser : en 2017, les « 65 ans et plus » représentaient 19,5 % de la population française – et en 2050, plus d’un quart de la population aura dépassé cette ineluctable frontière.  Corollaire : chacun est ou sera aidant d’un proche âgé dépendant, en établissement ou à domicile. C’est dire le marché que constituent les aidants en quête d’informations sur leurs droits, sur leurs devoirs et sur la meilleure façon d’accompagner leur proche.

Permettre à tous de trouver les bonnes informations, les bons produits et services et d’optimiser l’accompagnement ou l’aide à un proche ? Voici EHPAD Magazine (https://www.facebook.com/EHPAD-Magazine – https://twitter.com/EHPAD_Magazine) et son format mieux adapté à cet objet. Le premier numéro en kiosque est ainsi destiné aux professionnels et au grand public concerné par une situation de dépendance dans son entourage. Sera distribué dans toute la France métropolitaine en septembre.

Cette revue a l’ambition « d’ouvrir les portes des EHPAD à ses lecteurs, non pas par voyeurisme (sic) mais pour que tout le monde puisse comprendre ce qu’il s’y passe et s’en inspirer pour gérer sa propre situation ».

Marché émergent, captif et croissant

« Les EHPAD ont mauvaise presse, pourtant les équipes en établissement font bien souvent le maximum pour accompagner dignement les personnes âgées. Il faut saluer leur travail, permettre à chacun de comprendre la réalité du métier et les difficultés auxquelles ils sont exposés. EHPAD Magazine participe à la valorisation du secteur médico-social en mettant en avant le quotidien du personnel et le travail des intervenants ».

Au sommaire : « Sexualité – sujet tabou en EHPAD. Or les personnes âgées sont encore nombreuses à avoir une sexualité». Ainsi qu’une exclusivité : une interview d’Agnès Buzyn, ministre des Solidarités et de la Santé. « Après les récentes manifestations, elle explique quelles seront les orientations pour le secteur » assure-t-on. Un papier concernant la nutrition dans les EHPAD, afin de «  prévenir des risques liés à la dénutrition des personnes âgées ». « La nouvelle tendance du numérique est aussi à découvrir : EHPAD Magazine décrypte ainsi la technologie au service des résidents, avec l’accès aux tablettes, à la réalité virtuelle ainsi qu’aux logiciels spécialisés pour les EHPAD. »

On y trouve, enfin, des réponses sur les questions concernant la loi Leonetti, à propos de la fin de vie, nos droits et devoirs dans ces périodes difficiles (re-sic). La presse en crise ? Il suffisait de songer à ce marché émergent, captif et croissant.

A demain