Bonjour
On n’écoute jamais assez nos tr-s chères « mutuelles ». A commencer par la MACSF 1. Avec ses 950 000 sociétaires « professionnels de santé » elle nous assure « bénéficier d’une vision très large sur le monde de la santé, le risque médical et les pratiques des soignants ». Mieux encore, « soucieuse de prévenir le mieux possible la survenance d’accidents médicaux » notre MACSF « souhaite participer au débat actuel concernant l’automédication » (entendre la polémique qui a suivi la « liste noire » de 60 millions de consommateurs »)
C’est ainsi qu’elle nous rapporte l’histoire d’une femme de 57 ans qui s’était vue prescrire des anti-inflammatoires pour un lumbago en août. Et qui, en décembre, décida reprendre « quelques comprimés restés dans sa pharmacie pour enrayer un syndrome grippal débutant »… « Dès le lendemain, elle se plaignait d’une gingivostomatite et quelques heures plus tard une éruption fébrile nécrotique apparaissait, raconte notre mutuelle. Ne se sentant vraiment pas bien, elle se faisait hospitaliser au centre hospitalier voisin. »
Là, le bilan biologique ne laisse aucun doute sur le diagnostic : syndrome inflammatoire majeur avec cytolyse hépatique. Ce n’est pas tout : un décollement cutané de la plante des pieds et des mains apparaît bientôt, suivi d’une importante dégradation de l’état général. Transfert dans un service hospitalo-universitaire de dermatologie : syndrome de Stevens Johnson imputable à la prise de l’anti-inflammatoire. L’acuité visuelle est atteinte (4/10ème à droite et 1/20ème à gauche) avec photophobie majeure et larmoiement réflexe imposant le port de lunettes noires. Perte totale des cils – œdème palpébral bilatéral et permanent – importantes douleurs neuropathiques de la plante des pieds nécessitant la prise d’antalgiques puissants et limitant considérablement ses déplacements.
Prise en charge rejetée
L’affaire ne fait que commencer. La malade met en cause son médecin. Deux experts sont nommés qui écartent toute faute de ce dernier : la prescription d’août était parfaitement justifiée et la consommation de décembre correspondait à une automédication ne pouvant en rien relever de sa responsabilité. La demande de prise en charge de la patiente est rejetée, la CCI jugeant que « l’automédication relevait de la seule responsabilité du preneur », rappelant au passage que « l’accident médical au sens de l’article L. 1142-1 II du code de la santé publique et indemnisable au titre de la solidarité nationale impose qu’il soit directement imputable à un acte de prévention, de diagnostic ou de soins ce qui n’est pas le cas en l’espèce ».
Pour la MACSF cet exemple illustre, s’il en était besoin, les dangers de l’automédication qui prive définitivement la victime en cas d’effet indésirable (même grave) de tout espoir de réparation financière de ses préjudices. Pour autant cette automédication dite « responsable » a, en France, ses défenseurs. Et notre mutuelle de pointer du doigt la peu banale Association française de l’industrie pharmaceutique pour une automédication responsable (Afipa) 2 ; une association qui présente le « selfcare » comme « la solution de santé de premier recours pour de nombreux Français» rappelant que 80% d’entre eux la pratiqueraient ; une association qui interpellait même il y a quelqes mois les candidats à l’élection présidentielle pour une prise en compte du « selfcare » dans les programmes politiques.
Où il est rappelé que « le selfcare représente 10,7% du chiffre d’affaire des officines et contribue pour 25% à leur croissance ». Où l’on voit que l’Afipa propose dans son manifeste d’accorder notamment un rôle plus important au pharmacien d’officine afin que « les Français soient encore plus responsables et informés dans leur démarche d’automédication ». Où l’on comprend que bien des choses se passent dans les pharmacies d’officine.
A demain
1 La MACSF se présente ainsi : « Premier assureur des professionnels de santé, la MACSF (Mutuelle d’assurance du corps de santé français) est, depuis plus de 80 ans, au service de toutes les personnes exerçant une profession de santé en France. Elle emploie plus de 1 555 collaborateurs et réalise un chiffre d’affaire de 2 milliards d’euros en 2016. Fidèle à sa vocation de mutuelle professionnelle d’assurance, la MACSF assure aujourd’hui 950 052 sociétaires pour les risques privés comme pour les risques professionnels des membres des professions de santé libéraux ou hospitaliers. »
2 L’Afipa explique représenter les industriels qui produisent et commercialisent des produits de santé disponibles en pharmacie sans ordonnance (médicaments, dispositifs médicaux et compléments alimentaires) : 33 laboratoires, 25 000 salariés, 60% du marché du « selfcare ».