Les transsexuels sont-ils propriétaires de leurs cellules sexuelles ?

Bonjour

Questions de genre. La quintessence des questions du genre. Tout commence avec un courrier en date du 23 juillet 2013 dans lequel le Défenseur des droits dit souhaiter connaître la position de l’Académie nationale de médecine concernant « la demande des personnes transsexuelles qui souhaitent procéder à une autoconservation de leurs gamètes [cellules sexuelles] pour éventuellement pouvoir lesréutiliser après leur transition dans un projet de parentalité de couple ».

Un homme devenu femme peut-il conserver ses spermatozoïdes ? Une femme devenue homme peut-elle conserver ses ovocytes ? La chose est possible en cas de traitements stérilisants. L’est-elle en cas de chirurgie visant à une « réassignation sexuelle », chirurgie prise en charge par la Sécurité sociale ?

Nouvelles demandes sociales

Le Défenseur des droits juge  que cette question soulève des interrogations liées à la problématique de l’Assistance Médicale à la Procréation (AMP) et aux nouvelles demandes de la société ; des questions qui vont au-delà des raisons médicales prévues par les textes de loi. Il entend que l’Académie mène une réflexion « sur le rôle de la médecine par rapport aux demandes de la société, quand celles-ci ne sont pas liées à une maladie ».

Un groupe de travail est bientôt constitué. Il concentre sa réflexion sur les questions médicales et scientifiques liées à la « préservation de la fertilité des personnes transsexuelles ». (1)

Obsession de changer de sexe

« Transsexualisme » ? Ne pas confondre avec les états « intersexués ». Pas d’anomalies corporelles. Ce fut longtemps le mythe, le diable, la maladie mentale. C’est aussi une entité contestée. On peut retenir aujourd’hui la définition de l’Académie : « le transsexualisme est caractérisé par le sentiment profond d’appartenir au sexe opposé, malgré une conformité physique sans ambiguïté, et par le désir intense et obsédant de changer de sexe ». Combien de personnes directement concernées ? Si l’on en croit une analyse de la littérature faite par la Haute Autorité de Santé (HAS) la prévalence devrait se situer entre 1 : 10 000 et 1 : 50 000. Elle semble augmenter depuis quelques années. Pourquoi ? Les « femmes devenant homme »s (female to male, FtM) seraient deux à trois fois moins nombreuses que les hommes devenant femmes (male to female, MtF).

En France, les interventions chirurgicales, une fois acceptées sont prise en charge par l’assurance maladie. Il existe quatre équipes réunissant psychiatres et psychologues, endocrinologues et chirurgiens, localisées dans des hôpitaux publics à Bordeaux, Lyon, Marseille et Paris. Les praticiens travaillant dans ces centres sont regroupés dans la Société Française d’Etude et de prise en Charge du Transsexualisme (SOFECT).

« Réassignation sexuelle »

Entre septembre 2009 et septembre 2010, ces équipes ont mis en route 329 nouveaux traitements hormonaux et pratiqué 153 transformations chirurgicales. Ces données sont comparables à celles obtenues par l’Inspection Générale des Affaires Sociales (Igas) qui recensait, en 2010, 125 actes chirurgicaux de « réassignation sexuelle » et mentionnait 127 requêtes pour changement d’état civil formées dans 36 cours d’appel en 2010.

« Ces chiffres doivent cependant être nuancés pour deux raisons, estime l’Académie. D’une part les actes chirurgicaux sont très divers incluant de la chirurgie plastique cherchant à remodeler les organes génitaux mais aussi d’autres parties du corps pour lui donner un aspect masculin ou féminin et des ablations d’organes génitaux (orchidectomie, ovariectomie, hystérectomie) qui ont pour conséquence une stérilisation, ces derniers n’étant pas toujours pratiqués dans les parcours chirurgicaux de transition. D’autre part un certain nombre de personnes sont traitées en dehors des centres régionaux précités ou à l’étranger, il est impossible d’en  apprécier le nombre. »

Entre 100 et 200 personnes par an

 Au final le groupe de travail n’a considéré que la situation des personnes transsexuelles sollicitant un traitement hormonal et/ou chirurgical susceptible de les stériliser. Leur nombre est probablement compris entre 100 et 200 chaque année en France.

Certaines d’entre elles  souhaitent parfois congeler leurs gamètes avant leur « transition » et ce dans le but de pouvoir préserver leur fertilité. Cette mesure d’autoconservation peut être mise en œuvre en stricte application de la loi en cas d’orchidectomie, d’ovariectomie ou d’hystérectomie. Les dispositions législatives en vigueur permettent en effet une telle possibilité aux personnes devant subir de telles interventions programmées (le plus souvent dans le cadre de traitements anticancéreux).

Interdit par la loi

Mais il faut savoir que les traitements hormonaux utilisés dans les procédures de « transition »  n’altèrent pas la fonction gonadique « de manière irréversible ». Dès lors les capacités de procréation des personnes transsexuelles peuvent être maintenues si on évite de procéder à une stérilisation chirurgicale. Entendre ici que la personne qui change de sexe par la seule voie hormonale (sans intervention chirurgicale stérilisatrice) n’est pas concernée par l’autoconservation de ses cellules sexuelles.

Un autre problème, majeur, se pose : l’utilisation des cellules sexuelles qui seraient ainsi conservées ne serait « en principe » envisageable que par un couple homosexuel. Or la loi française interdit formellement cette possibilité comme viennent de le rappeler à l’envi les controverses récentes sur les projets gouvernementaux autour de la « PMA ».

Dilemmes de genre

« Indépendamment de cet aspect légal  les enjeux et les conséquences de cette utilisation ne devraient pas être ignorés, souligne l’Académie. Les personnes transsexuelles qui sont déjà parents peuvent trouver des aménagements pour que la conversion de l’identité parentale accompagne la conversion de l’identité de la personne. En revanche l’utilisation de gamètes conservés préalablement au changement de sexe reflèterait une incohérence identitaire dont les conséquences sont difficiles à évaluer, notamment pour l’enfant. »

Traduire : comment un homme ayant eu des enfants et devenu femme pourrait-il sans difficultés continuer à procréer à partir de ses spermatozoïdes conservés par congélation préalablement à sa « transition » ?

Embarras académique

Conclusion, sinon jésuite du moins bien embarrassée de l’Académie de médecine : « La conservation éventuelle de gamètes ou de tissus germinaux ne peut être entreprisesans considérer leur utilisation potentielle en fonction des possibilités médicales et légales existantes. »

Et encore : « Dans tous les cas, c’est au médecin d’en assurer ou non la mise en œuvre au cas par cas en fonction des situations des personnes qui le sollicitent et de leurs projets parentaux potentiels. »

Qu’en fera  le  Défenseur des droits ? Qu’en feront les médecins ?

A demain

(1)     Ce groupe a réuni Claudine Bergoignan-Esper, Roger Henrion, Marie-Thérèse Hermange, Pierre Jouannet et Guy Nicolas (membres de l’Académie) ainsi que Catherine Brémont-Weill  Jean-François Guérin, Pierre Lamothe et  Marc Revol (experts extérieurs). Le rapporteur en a été Pierre Jouannet.

Cinquante ans avant Michel Cymes, la télévision médicale existait déjà

Bonjour

Grosse journée cardiologique française, hier 11 mars 2014. Cela commença rue Bonaparte à Paris.  Le Pr Alain Carpentier y était fait docteur honoris causa de l’Académie nationale de médecine. Titre attribué par le Pr Yves Logeais, président de cette compagnie. Puis conférence donnée par le Pr Carpentier membre (et ancien président) de l’Académie (voisine et concurrente) des Sciences.

Carmat® et la nécessité

Au programme : « La recherche médicale, entre hasard et nécessité ». On pouvait y voir une forme de fatalité : la cérémonie était prévue de longue date avait. Bien avant que l’on sache  que le premier cœur Carmat®  serait alors implanté. Ni que le premier patient serait décédé soixante-quinze jours après  l’implantation – ce qui a jeté comme un étrange trouble sur la suite de l’aventure médicale et commerciale (« Carmat® : mort du premier greffé. Hommage et clôture du marché »).

Grosse journée cardiologique. La nuit à peine tombée il fallait être devant son écran-plat. Et sur la Deux. On promettait « un voyage à la découverte des théories, batailles et expériences des pionniers de la transplantation cardiaque ». Michel Cymes retracerait « le cheminement d’un cœur, du donneur au receveur, ainsi que sa transplantation au bloc opératoire de l’Hôpital de la Pitié-Salpêtrière, à Paris, à l’aide d’images de synthèse. » Ce serait  « Aventures de médecine » sur France 2.

« Passez-moi La Pitié ! »

Spectacle promis, spectacle dû. Des gyrophares, des avions de nuit, des blocs opératoires, des chirurgiens parlant dans des téléphones portables. Des chirurgiens préleveurs et gantés : « Passez-moi la Pitié ! ». Des malades en attente de greffon. Des angoisses portées en écharpe.

Et nous tous devant des familles angoissées au téléphone (« As-tu mangé ?» – « As-tu commencé le livre que je t’ai apporté ? » – « Il va avoir un nouveau cœur mon papa ! ». Toutes ces pauvres choses que nous dirions et que ne nous voudrions pas entendre. Ces coulisses de la mort offerte et, peut-être celles de  la vie retrouvée. Ou peut-être pas. Des images jadis réservées. Réservées  à celles et ceux qui font l’un des plus beaux métiers qui soit. Des tableaux qui s’effondrent quand d’autres les voient. Trop d’oxygène.

C’est une loi, le spectacle meurt quand on en voit les coulisses. Le rugby n’est plus le rugby quand on filme les vestiaires.

Monsieur Loyal

Hier ce fut un Connaissance du Monde avec plongées dans le passé lointain (William Harvey) ou plus proche Christiaan Barnard  (1922 -2001). Un cabinet des curiosités cardiaque. Un plateau avec intermittents du spectacle vivant. Le tout, c’est la loi du genre, orchestré par un monsieur Loyal plus que présent. Son ombre recouvre tout. Le matin il s’affichait sur une pleine page du Parisien : « Sur le qui-vive avec ses équipes, le médecin présentateur qui exerce comme ORL… ». « Je suis chirurgien de formation ce qui m’a permis d’être aux côtés du malade au bloc ». « J’ai tenu le cœur dans la main ».

Non à la médecine-spectacle

Michel Cymes fait sérieusement le pitre. C’est son côté carabin. On ne le changera pas. Hors plateau il peut aussi être bigrement sérieux. Comme l’an dernier. Invité par le président du Conseil national de l’Ordre des médecins  il professe qu’il faut en finir avec la médecine-spectacle (voir notre chronique sur Slate.fr).  Aujourd’hui l’animateur fait valoir que son show « est aussi une façon de demander aux gens de prendre position sur le don d’organes » (« Le Parisien »). Il est vrai que tout est possible aujourd’hui.

Barrère, Lalou, Desgraupes

Tout était déjà possible, il y a cinquante ans, à la télévision française. A commencer par une émission médicale sur la transplantation cardiaque. C’était une émission en direct de l’hôpital Marie-Lannelongue. Elle  traitait « de la greffe du cœur, mais aussi de chirurgie cardiaque de manière plus générale ». Aux manettes: Igor Barrère et Etienne Lalou. Au micro: Pierre Desgraupes. Coproducteur:  l’Office national de radiodiffusion télévision française.

C’était mieux avant ? C’était ainsi. Attention : les images qui suivent sont de l’Ina.fr . Elles peuvent vous fendre le cœur. Les voici : « La chirurgie cardiaque à l’heure de la greffe, 4 février 1969 ».

A demain

Le cannabis en spray réveille les trop vieilles allergies de l’Académie

 L’arrivée annoncée du Sativex® réactive les frayeurs inhérentes au cannabis, à la marijuana, au chanvre indien. La prise de position de l’Académie nationale de médecine en fournit un éclairant symptôme. 

Un jour prochain (encore assez lointain) le Sativex® sera en France. Annoncée par la ministre de la Santé en personne, l’affaire a fait un certain bruit médiatique (mémoires-blog). Elle a aussi trouvé un écho rue Bonaparte, sous les ors de l’Académie nationale de médecine.

Les médias ignorent trop souvent l’existence de cette institution bicentenair ou presque – son existence et sa production. On la dit en cure durable de rajeunissement. De fait elle a pris, ces dernières années des prises de position courageuses, à contre-courant, sur différents sujets de société et de santé publique.  Elle peut aussi être le reflet de certains invariants qui ne sont pas toujours parmi les plus progressistes.  On voit aujourd’hui que le cannabis thérapeutique peut réveiller des frayeurs que l’on pouvait tenir pour évaporées.

Aucune justification

Dans leur prise de position réflexe les académiciens reconnaissent  ne pas pouvoir rester insensibles « aux espoirs suscités chez les patients souffrant de sclérose en plaques par la publicité faite autour d’effets remarquables attribués au Sativex®. Sativex® : association de deux principes actifs du chanvre indien/cannabis –  le tétrahydrocannabinol (THC) et le cannabidiol (CBD). Sativex® agissant  sur des symptômes insuffisamment soulagés par les médicaments disponibles et qui altèrent gravement la qualité de vie.

Pour autant l’Académie estime de son devoir de « mettre en garde » patients et les médecins prescripteurs contre les effets adverses avérés du THC, notamment au plan psychique. Rappel de l’Académie :

« Aucun progrès significatif dans le domaine de leurs intérêts thérapeutiques allégués n’est apparu récemment, alors que les connaissances de leurs effets adverses se sont précisées et multipliées.  L’évolution de la législation en faveur de leur inscription comme agents thérapeutiques ne  semble  pas  justifiée pour des raisons pharmaco-thérapeutiques ».

« Vrais médicaments »

« Non seulement les bénéfices potentiels du THC sont tous modestes, sans exception, mais on dispose de vrais médicaments plus efficaces pour chacun des bénéfices attendus. En revanche, les risques que fait courir le  tétrahydrocannabinol / THC sont très nombreux, souvent graves et incompatibles avec un usage thérapeutique. Toutefois, on peut s’étonner, sur le plan pharmacologique, de voir associés le  THC, dans une proportion mal justifiée, et le CBD, au mécanisme d’action incertain, afin d’amoindrir les méfaits du THC. »

Urines durablement chargées

Pour les académiciens aucun doute n’est permis : le tétrahydrocannabinol,(THC) est  agent toxicomanogène, générateur d’une dépendance psychique et physique. Le stockage du THC se fait de manière intense et très durable dans les lipides de l’organisme (en particulier cérébraux), ce qui rend son utilisation complexe parce que ses effets sont prolongés, difficiles à prévoir d’un sujet à un autre,  et qu’ils favorisent  le développement d’une dépendance.  Et cette dépendance existe : il faut attendre près de 8 semaines pour ne plus retrouver de dérivés cannabinoïdes dans les urines du consommateur, « ce qui est  une situation  exceptionnelle pour un médicament ».

Sativex® au volant ?

Ajoutons que le THC « potentialise les effets de l’alcool, des benzodiazépines et d’autres sédatifs et/ou hypnotiques, y compris le reliquat matinal de certains de ces derniers ». Soulignons qu’il est incompatible avec la conduite automobile. Qu’en sera-t- il du Sativex® au volant ? N’oublions pas non plus que son usage chronique « aboutit à une diminution marquée des capacités intellectuelles ».

Tout cela pour en arriver à l’essentiel académique : l’autorisation de mise sur le marché (AMM) qui vient d’être accordée au Sativex® ne constitue nullement une légalisation du cannabis thérapeutique en France. « Utiliser la plante dans des préparations magistrales, tout comme fumer la plante (marijuana) pour soulager des douleurs restent interdits »  surligne en rouge l’Académie qui met en garde contre les risques de détournement d’usage du Sativex® ».

Compassion thérapeutique

Rue Bonaparte on sait que le cannabis en spray ne devrait pas intéresser les fumeurs de joints. Mais on y craint la multiplication de prescriptions hors AMM à divers usages « largement plébiscitées dans l’opinion : sevrer les toxicomanes,  atténuer les nausées des malades traités par  chimiothérapie, rendre l’appétit aux malades atteints de sida. Il est bon est sain que l’Académie existe et que sa parole soit libre, dégagée de toute pression. Il serait également bon que les élus de la rue Bonaparte prennent langue avec leurs collègues immortels en habit vert du quai Conti. Pour une petite réunion autour d’un bien joli nom. Celui de compassion.

Le médecin peut-il ou pas flirter avec la pornographie ?

Sexe et médecine. Sujet récurrent.  Ou plus précisément sexualité et pratique de la médecine. Moins dans la réalité du  colloque singulier que dans les représentations fantasmées que cette pratique peut générer. Dr House soulève régulièrement cette problématique. Généralement avec la distance sans laquelle on sombrerait vite dans le vulgaire. Relecture spoilée, ici, des épisodes 17 et 18 de la saison ultime. Une coïncidence veut ici que, dans un genre mineur, le Dr Michel Cymes pose une question symétrique : celle des rapports entre le docteur et l’animateur, le médecin et le baladin, le médical et le monsieur Loyal  (1)

Il y a, aussi, du cochon en House. Pas de ce sale porc orwellien, stalinien et trotskiste, de La Ferme des animaux. Non, du cochon à la fois plus ancien et plus contemporain. De ce porcin dont on fait, aussi, le boudin. Du porc métaphore, l’ambivalence de la jouissance;  mi groin-mi saloir. Pas vraiment du cochon où tout et bon. Non, du porc mi-figue mi-raisin. De ce mari de la truie dans lequel on voudrait que notre époque se mire (2). Genre verrat, vraie bête de concours agricole que l’on retrouve un beau matin sur le marché sous forme de langue de porc en gelée vendue à la criée.

On a souvent oublié, de nos jours, cette goûteuse préparation culinaire. Une présentation porcine à manier avec des pincettes. Si ses scandales sanitaires ne déferlaient pas à la vitesse de la marée la France se souviendrait de l’affaire dont elle porte le nom. C’était il y a, précisément, vingt ans: 63 morts et 22 avortements. Une belle enquête épidémiologique débouchant, en février 1993, sur la bien sale Listeria.C’est alors que fut porté sur les fonds baptismaux l’Institut national de veille sanitaire. L’époque n’était pas aux pauvres maquillages congelés entre l’équin et le bovin.

Hugh Laurie, maquignon sexuel

A bien y regarder, il y a aussi du cheval chez Hugh Laurie, né à Oxford, éduqué à Eton. Du sauteur qui n’aurait pas mesuré l’obstacle. Et à qui l’homme aurait laissé la vie sauve avec une canne et des opiacés pour la route. Pour l’heure, le claudicant a décidé de renouveler son écurie hospitalière. Il fait le maquignon sexuel devant un troupeau de professionnelles. Où l’on retrouve cette attirance-répulsion pour les femmes d’où, si l’on comprend bien, sourd tout le charme de cet homme. Aujourd’hui, ce docteur a tout pour plaire. Ayant quitté (dans les ébrieuses conditions que l’on sait) la femme de sa vie, il a doublement refait la sienne. On ne peut plus harmonieusement. La dichotomie paradisiaque. La beauté mariée à l’animalité.

Résumons. D’un côté un mariage blanc avec une beauté slave en quête de carte verte. De l’autre une beauté noire, dont les prestations sont justement rémunérées. Mais voilà que cette femme n’est pas loin de s’attacher à son cochon de client. Aussi entend-elle en rester là. Qu’House ne le perçoive pas de cette oreille ne change rien à l’affaire. D’où le ballet des professionnelles dans la salle de travail de l’hôpital. Avec cet assez joyeux exercice: sélectionner sa future partenaire sur la base de ses préférences dans la filmographie de Woody Allen. Sans oublier ses compétences en matière de réparation express de blenderdomestique (métaphore salace). Une expression de la perversité dans les beaux quartiers?

Panama pathologique

Avec un peu de patience, nous verrons (épisode 18) que de notre parallèle porcin n’était pas vain; via une autre forme de découpe hémorragique de la bête. Ce sera alors décapitation  s’inscrivant dans le cadre d’un rituel thérapeutique de la communauté Hmong. Mais ne spoilons pas plus. Et ce d’autant que tout s’achève dans un merveilleux non-dit célébrant les épousailles de la médecine occidentale et d’une autre venue des antipodes. Tout cela (métaphore anatomique) autour du diagnostic (assez coton) de persistance du canal artériel, ce Panama pathologique.

Restons un instant concentré sur l’épisode 17. On pourrait certes n’y voir que sarabande avortée, le dérèglement (triste car athée) de tous les sens. Incitation à Sodome. Mais on peut aussi saisir cette occasion pour disséquer l’obsession de House, sa propension à vouloir non pas tout marier mais accoupler toutes celles et tous ceux qui l’entourent; généralement de manière hétérosexuelle. Précaution: la dissection ne se fait pas sans un peu de spoilation.

Larmes de sang et femme en latex

Le dossier médical s’ouvre le versement incoercible de larmes. Des larmes de sang chez un homme d’environ trente ans. Catéchisme ou pas, cela ouvre quelques horizons. D’autant que l’homme en question semble ne jamais avoir connu la moindre femme. Bibliquement s’entend. L’affaire s’avère vite plus complexe, avec notamment la présence d’une femme en latex. On sait que ces produits pneumatiques sont généralement présentés, perçus et commercialisés comme la femme idéale. Avec tous les attributs souhaités, rêvés, fantasmés. Souvent sans la sans la parole qui demeure sur option. (Il ne semble pas que la version mâle de l’ustensile soit très courue).

On imagine la suite. Nous ne la livrerons pas. Pour le diagnostic, ce sera une bien improbable «méningo-encéphalite amibienne primitive». Une rareté qui voit une bête ronger non pas l’oreille de la femme muette mais bien le cerveau de l’homme pensant. Ce qui provoque une jonction entre l’âme et le corps. D’où le jaillissement des larmes de sang par l’intermédiaire de la tige pituitaire. Précisons que tous ces épisodes sont interdits aux enfants de moins de dix ans.

Profondément régressif le propos peut, précisément, faire peur. A quatre ou cinq stations de la fin de Dr House, il pleut sur le Princeton-Plainsboro. De nuit, Wilson-Watson confie à House qu’il a un cancer. Uncancer du thymus, cette glande improbable que l’on a baptisée ris chez le veau. Chez House, ce soir, les femmes sont loin, la chair est triste.

Une version de ce billet a été initialement publiée sur le site Slate.fr

 

 (1) La coïncidence veut que nous découvrions  ce jour un article que La Nouvelle République du Centre Ouest (éditions du 22 mars article signé Vincent Buche) consacré au consacré au Dr Michel Cymes . On lira cet article ici. Il est rangé dans la catégorie journalistique « people ». Quelle actualité ? Le tournage effectué  avec Adriana Karembeu dans le département de la Vienne avant le départ du médecin  Michel Cymes pour la Tanzanie. Pour l’heure le couple attend la sortie des bonobos de la Vallée des Singes, à Romagne (Vienne).

Question opportune du quotidien régional :

« L’animateur n’est-il pas en train de prendre le pas sur le médecin ? »

« Adriana Karembeu et Michel Cymes sont venus exprès de Paris avec l’équipe de tournage des Pouvoirs extraordinaires du corps humain, série scientifique diffusée sur France 2 qu’ils co-présentent. Il s’agit, à Romagne, seul parc animalier d’Europe à accueillir des bonobos, d’enregistrer la minute et demie de prégénérique de l’émission. Dans deux semaines, toute l’équipe, présentateurs compris, sera en Tanzanie, au milieu des singes en liberté. Le thème du second épisode de l’émission est : Retrouver l’animal qui est en nous. Et Peggy Olmi, conceptrice et productrice, jure que la scène enregistrée à Romagne sera la seule « jouée » de toute l’émission.

Il n’empêche : on se demande un peu ce que le docteur Cymes, qui a toujours dit être et vouloir rester médecin, fait dans cette aventure, bien loin de ses deux consultations hebdomadaires à l’hôpital. « C’est compliqué, reconnaît-il. J’ai 25.000 propositions différentes et je me pose beaucoup de questions parce que je me sens et je reste médecin. Je ne veux pas m’aventurer dans des domaines où d’autres sont bien meilleurs que moi. Je peux faire autre chose, à la condition que ce soit compatible avec mon métier de médecin. »

Apparemment apporter des réponses scientifiques aux questions faussement naïves d’Adriana Karembeu est compatible : « Je joue un rôle scientifique. Je suis là pour expliquer l’anatomie. On reste dans le domaine du corps humain. Ça me passionne, moi, l’anatomie. »

Le soutien plein et entier du Conseil de l’Ordre et de l’Académie de médecine

Pas langue de bois, Michel Cymes reconnaît que l’exercice le conduit parfois un peu loin. Jusqu’à des concessions par rapport à son éthique ? « Ce n’est pas une concession, c’est un jeu. Quand je suis avec Adriana pour faire ce prégénérique où je peux faire un peu le cabot, je le fais parce que j’aime ça. Le truc, c’est de trouver un équilibre entre la crédibilité que je dois avoir en tant que médecin et la légèreté de ce que j’ai envie de faire. Si vous êtes trop dans la déconne, vous n’êtes pas crédible et si vous n’y êtes pas assez, vous êtes chiant ! »

Michel Cymes jure qu’il a le soutien plein et entier du Conseil de l’Ordre et de l’Académie de médecine pour ce qu’il fait. Et que depuis vingt ans qu’il hante les plateaux de télévision, il reste un grand traqueur. Mais moins qu’au début quand même : « La première émission de télé que j’ai faite, il y a vingt ans, j’ai failli tomber dans les pommes ! » Moche pour un toubib.  »

(2) Une actualité bruyante peut, en France, inciter à prendre au plus vite pas mal du recul; et à en savoir plus sur les regards que l’homme a au fil des siècles porté sur les animaux. On trouvera alors un grand plaisir à (re)découvrir le formidable «Bestiaires du Moyen-Âge» de Michel Pastoureau (Editions du Seuil). Au rayon du cochon, l’auteur cite un texte anglais de la fin du XIIe siècle: «Bien qu’il ait l’ouïe fine le verrat n’entend pas la parole de Dieu mais préfère écouter les appels incessants de son ventre. Il symbolise les puissants qui ne travaillent pas et ne sont jamais rassasiés des plaisirs. La truie est une femelle lascive, dépourvue de bile ; ses porcelets sont plus nombreux que ses mamelles.» 

On peut aussi réécouter l’émission « Le secret des sources » de Jean-Marc Four diffusée le 2 mars sur France Culture. Laurent Joffrin (Le Nouvel Observateur) y livre (à partir de la quatorzième minute) une version très personnelle est assez glaçante de ce qu’un patron de la presse contemporaine peut s’autoriser à faire. Ou quand un homme (devenu « personnage ») ne s’appartient plus (de son vivant) – et ce au motif que l’ « on » décide qu’il est entré dans la « mythologie contemporaine ». L’émission  pose plus généralement la question de savoir si, dans cette affaire pathologique, la presse a ou non « dépassé les bornes ». Question : qui est habilité à répondre à cette question ?  

 

 

 

Pilules : enfer sur ordonnance et bouche cousue sur le tabac

L’affaire est loin d’être close. L’ANSM annonce vouloir modifier les règles de prescription des pilules des dernières générations. « Consternée »  CSMF dénonce une « absurdité » et refuse d’obéir. L’Académie de médecine prend position. Les blogueurs commentent souvent de manière virulente. Pendant la polémique on oublie la menace majeure que constitue le tabagisme. Incompréhensible.

 Face à la montée des inquiétudes, l’Agence nationale de sécurité du médicament (Ansm) va demander aux prescripteurs de notifier sur l’ordonnance de pilules contraceptives de nouvelles générations   qu’ils ont bien indiqué les risques encourus à leur patiente. L’affaire est notamment exposée sur le site http://www.egora.fr/ « Pour tenter de rassurer les utilisatrices de pilules contraceptives, l’Ansm a pris deux décisions. A partir de la fin mars, le médecin prescripteur d’une pilule de nouvelle génération ou la sage-femme, devront obligatoirement notifier de manière manuscrite sur l’ordonnance que leur patiente a été informée des risques potentiels de thrombose qu’elle encourait. C’est à cette condition que le pharmacien pourra délivrer le médicament » peut-o lire sur ce site En juin 2013, toutes les boîtes de pilules de nouvelles générations devront contenir, en plus de la notice, une fiche explicative. »

Multiplier à l’infini les formulaires de consentement

Ces initiatives prises sans exposé des motifs ont aussitôt suscité l’ire de la CSMF qui « a pris connaissance avec consternation des décisions des pouvoirs publics et de l’ANSM ».  Rappelons la mesure : désormais, la délivrance de ces pilules sera conditionnée à la confirmation écrite que le médecin prescripteur a bien vérifié que l’état de santé de sa patiente était bien compatible avec ce type de contraceptifs oraux.

La CSMF s’élève « contre l’absurdité d’une telle mesure, qui rend aujourd’hui plus facile de prescrire des produits opiacés qu’un contraceptif ». Elle « dénonce une mesure qui ajoute des complications administratives inacceptables, au seul motif que l’ANSM ne prend pas ses responsabilités dans ce dossier et se construit des alibis, sans mesurer qu’elle porte gravement atteinte à la relation médecin / patient en institutionnalisant la méfiance ». La CSMF « rappelle à l’ANSM qu’en application des règles les plus élémentaires de prescription, le médecin s’assure des antécédents de son patient, de ses allergies et prescrit ce qui correspond le mieux à l’état de santé de celui-ci. C’est évidemment le cas pour les contraceptifs oraux, comme c’est le cas pour tous les autres produits dont les antibiotiques, les chimiothérapies ou l’aspirine ».

Plus grave : « les confirmations écrites exigées par l’ANSM constituent une remise en cause profonde de la prescription en général. S’engager dans cette voie aujourd’hui, conduira, demain, les médecins, ou leurs assureurs, à demander aux patients de signer des formulaires de consentement éclairé pour chaque prescription, et après-demain un juriste ou un avocat tiendra le stylo de chaque prescripteur ». En pratique la CSMF refuse d’entrer dans ce « cycle infernal » et regrette que les pouvoirs publics et les agences de santé « cèdent à la panique » et cherchent avant tout à se protéger. Et, enfin, demande au gouvernement de ne pas faire supporter aux médecins libéraux le poids de ses « contradictions ».

Inverser la charge de la mention manuscrite

Cette mesure coïncide avec celle annoncée au beau milieu de la crise par Marisol Touraine, ministre de la Santé de ne plus rembourser les pilules de 3ème génération qui l’étaient jusqu’alors. L’ANSM s’engage-t-elle là dans  une politique ouvertement destinée à freiner drastiquement la consommation des contraceptions oestroprogestatives de 3è et 4è générations, jugée excessive en France ? Est-il logique de peser sur les prescriptions via le non remboursement et ce qui sera immanquablement perçu de nouvelles contraintes ? Le Quotidien du médecin précise que ce nouveau format de délivrance est actuellement soumis pour validation aux firmes pharmaceutiques, ce que la réglementation nomme période contradictoire. Comme toujours les firmes font silence.

« Nouvelle mention manuscrite sur les prescriptions de pilules de 3ème et 4ème génération : une mesure intéressante, mais perfectible » fait valoir Dominique Dupagne sur son blog www.atoute.org où il lance une pétition. Objectif : que l’ANSM se rende compte rapidement de son erreur et inverse la charge cette mention manuscrite. « Le principe d’une information de la patiente et de la traçabilité de cette information est bon, mais la méthode est mauvaise, fait-il valoir. En effet, ce n’est pas au médecin d’écrire qu’il a bien informé la patiente, c’est à la patiente d’écrire qu’elle a bien été informée par le médecin. Seule la patiente peut réellement attester de la réalité et de la qualité de cette information. Cette procédure est à la fois bien plus fiable, bien plus impliquante (et donc pédagogique) pour la patiente et bien plus simple pour le médecin. » Le Dr Dupagne recueille aussi les signatures de celles et ceux qui « trouvent aussi idiot de faire écrire le médecin que la patiente ».

Pourquoi oublier le risque majeur du tabac ?

 Dernière voix dans ce chapitre : l’Académie de médecine qui vient de publier un communiqué sur le thème « contraception et risque vasculaire » et signé  de Philippe Bouchard, Alfred Spira, Yves Ville, Jacqueline Conard et Régine Sitruk-Ware. On y retrouve une série de dix recommandations de bon sens, la première étant  « l’éducation des médecins et des autres acteurs de la contraception, et information écrite des femmes vis à vis des risques thrombotiques, et de la façon de les reconnaitre ». Dans l’immédiat, les méthodes contraceptives existantes doivent toutes rester disponibles, en harmonie avec les décisions européennes, sous stricte surveillance, avec un renforcement du dépistage des facteurs de risque, et, une information des femmes. C’est là une des retombées majeures de la crise française. C’est seulement à ce prix que la maitrise de la contraception, et la qualité de vie des femmes resteront satisfaisantes et, permettront de diminuer encore le nombre de grossesses non désirées.

Comment comprendre que dans ce concert on ait une fois encore oublié de saisir cette opportunité pour mettre en lumière le risque majeur que constitue la consommation conjointe de tabac, toutes pilules confondues ? C’est là un gâchis majeur que rien ne justifie et qui ne parvient pas décidemment pas à mobiliser.  Sauf à imaginer que l’arrêt du tabac est –aux yeux es autorités sanitaires de la seule responsabilité de la femme. Que cette dernière  est ici pleinement responsable et qu’elle sera, le cas échéant, la coupable. On connaît de meilleures politiques de santé publique.

 

Les sophrologues n’ont plus froid aux yeux de nos jours

C’est un « prière de télécharger » bien curieux que l’on vient de proposer aux journalistes. Une pratique méconnue mais plus répandue qu’on pourrait naïvement le croire.  Une pratique symptomatique des zones grises entre les thérapies officielles et celles qui ne le sont pas. Ou pas encore, sujet sur lequel l’Académie de médecine va intervenir à la suite d’une initiative de l’Assistance Publique-Hôpitaux de Paris  

Jadis on parlait de « prière d’insérer ». L’éditeur priait le rédacteur du journal d’insérer une sorte de notice-prospectus dans les colonnes de son journal. Une forme de réclame-publicité qui ne disait pas son nom. La demande existe toujours, sous de multiples formes,  mais la formule est devenue obsolète. Elle pourrait être remplacée par un prière de télécharger ». Ainsi cette « Information Presse de la Chambre Syndicale de la Sophrologie »

« Méthode psycho corporelle associant la respiration, la décontraction musculaire et la visualisation d’images positives, la sophrologie est un art de vivre de plus en plus pratiqué en France. Efficace dans de nombreux domaines, la sophrologie peut illustrer vos dossiers : Stress – douleur- régimes – arrêt du tabac – santé/bien-être performance professionnelle – apprentissage scolaire, performance sportive, accompagnement thérapeutiques,…

N’hésitez pas à télécharger nos communiqués de presse pour illustrer vos articles :

Nous restons à votre disposition pour tous renseignements complémentaires (demande d’interview, séance d’essai de sophrologie, …).

 Contact Presse Chambre Syndicale de la Sophrologie, 27 boulevard Saint-Martin 75003 Paris Site Internet : www.chambre-syndicale-sophrologie.fr »

 Où l’on apprend ainsi que cette méthode psycho corporelle proche de la thérapeutique est aussi un « art de vivre » ; que cette méthode est efficace dans de nombreux domaines ; qu’elle  peut « illustrer » les « dossiers » des journalistes ; que ces mêmes journalistes ne doivent pas hésiter à télécharger des dossiers constitués à cette fin  et que ceux d’entre eux qui aimeraient bénéficier d’une séance d’essai ne doivent pas, eux non plus, hésiter.

L’Académie à l’heure de la patamédecine

Sophrologie, toujours. Le même jour on apprenait que l’Académie nationale de médecine allait sous peu croiser le fer sur le pré des médecines qui ne sont pas officielles. « Médecines douces, médecines naturelles, médecines alternatives, médecines complémentaires, thérapies complémentaires, soins de support, patamédecine... Ces pratiques sont-elles de possibles compléments aux moyens de traitement qu’offre la médecine proprement dite ? Peuvent-elles se comparer, voire se substituer à la médecine par les preuves ? » demande l’Académie.

Elle ajoute ( Miviludes, La Documentation française ) que « près de quatre Français sur dix font appel aux thérapies complémentaires, et tout particulièrement les malades atteints de cancer. »

En réponse à la reconnaissance de certaines médecines complémentaires (dont la sophrologie) par l’AP-HP, qui les fait figurer officiellement dans son plan stratégique des quatre prochaines années, un groupe de travail a été constitué à l’Académie de médecine pour faire le point sur :

1. les connaissances scientifiques relatives à ces techniques, leur efficacité au regard de la médecine fondée sur les preuves, et leurs dangers éventuels ;

2. la formation et les conditions d’exercice de ceux qui les pratiquent

3. l’état présent de leur utilisation dans les hôpitaux et centres d’oncologie ;

L’Académie fera aussi, bientôt, « des recommandations propres à contenir au mieux le recours aux thérapies  complémentaires dans un usage raisonnable et à justifier le rôle des hôpitaux dans l’expérimentation et l’évaluation de ces pratiques ». A l’occasion de l’adoption du rapport « Les thérapies complémentaires ; leur place parmi les ressources de soins » les Prs  Daniel Bontoux, Daniel Couturier et Charles-Joël Menkès répondront  aux questions de la presse. Ce sera le mercredi 6 mars, peu avant midi. Sous les ors du 16 rue Bonaparte.

 

Dr House: le médecin se doit-il d’être un loup pour le médecin ?

La question est régulièrement soulevée par le Dr Gregory House. Attention, il va bientôt nous quitter. Les loups se cachent-ils pour mourir ?  

Quand il est bon le médecin est généralement (perçu comme) bizarre. Hautain ou compatissant. Dédaigneux ou en empathie régressive. Mais jamais normal. Surtout pas. Rien d’étonnant, donc, à percevoir  du lycanthrope en House. Les internistes autopsient rarement dans les caveaux de famille. Lui, si. Ce 7e épisode le retrouve à genoux devant le cadavre (assez bien conservé) d’un jeune enfant de quatre ans (au moment de sa mort). Les prélèvements sur le cartilage nasal ne donnent rien. Les ongles en revanche (on sait qu’il leur arrive parfois de croître après le décès) sont une mine: intoxication au plomb. Enfin, c’est ce que croit House.

Et, pour dire le vrai, nous adhérons. Car –et ce n’est pas spoiler– nous sommes à cet instant précis Gregory House. Serait-ce spoiler que d’avouer que nous sursautons avec lui quand son téléphone sonne dans le désert de ce cimetière? Nous sommes House comme nous aurions pu être l’épatant Pr Louis Delage (Pierre Fresnay; Un grand patron, réalisation du Dr Yves Ciampi, musique de Joseph Kosma). Il s’agissait alors, à Cochin, d’une nouvelle technique de greffe de rein pour entrer plus vite, rue Bonaparte, à l’Académie. L’âge d’or en noir et blanc. Voilà bien un film à voir ou à revoir et à faire voir. Un film dont la diffusion pimenterait à coup sûr les facultés de médecine, animerait les déserts médicaux et réveillerait les membres titulaires et suppléants de notre belle Académie de médecine.  On en parle d’ailleurs dans ce film comme on en parlait dans le bien beau film Augustine et la maîtrise que cette hystérique a de son beau Charcot. Elle est décidément durable et curieuse cette attirance généralisée pour les ors de la rue Bonaparte. Une lointaine réminiscence des salles de garde ?

L’exorciste et l’interniste

Dans ce cimetière américain, House entend qu’on lui parle de la très jeune fille dont il ne veut pas s’occuper. Aujourd’hui il préfère les morts. Quoique vierge, elle va donner la vie. On sait que c’est là un grand classique. Dans les sphères gynéco-obstétricales, cela conduit généralement à une impasse tumorale: le choriocarcinome. Nous parlons du placentaire bien sûr, pas du testiculaire. Il en va de la sorte quand on se pique de faire le diagnostic de grossesse sur la seule foi d’un dosage biologique des hormones féminines. Ici l’échographie reste utile.

On ne racontera pas la suite, surtout quand le sang expulsé du choriocarcinome est suivi de ce regard de jeune fille que n’oublient guère les spectateurs de The Exorcist (1973). L’intoxication au plomb n’en était pas vraiment une, évidemment. Elle ne faisait que guider, sur fond de divorce et d’alcoolisme, vers une affection génétique transmise via la mère. Pour résoudre cette énigme, House devra s’enfuir une nouvelle fois du Princeton-Plainsboro. Ce qui lui vaudra d’être reconduit en prison.

Plus la fin de House approche, et plus l’évidence nous est révélée: hôpital et prison sont à front renversé. On soigne dans le premier quand la seconde punit mais la vérité-vraie est toujours ailleurs. Le détenu le sait, l’hospitalisé le pressent. C’est ce qui explique l’irréfragable propension du claudicant-dépendant à sortir de ses murs hospitaliers. A dire vrai, il n’est pas le seul.

L’interniste est un Holmes qui ne s’ignore pas

Tous les spécialistes français de médecine interne (ils ne sont pas très nombreux et exercent pratiquement tous à l’hôpital) vous confieront volontiers qu’eux aussi sont atteints du syndrome de Gregory: faire le mur pour mieux comprendre. Sortir enfin de cet univers clos où l’on surveille (parfois en punissant). Partir quelques instants sur les lieux où s’est nouée la pathologie sur laquelle ils planchent et doivent mettre un nom. Il y a du Holmes en eux, du Maigret, du Rouletabille, voire du petit reporter. Mais la règle est la règle. Ce privilège est réservé aux légistes, ces artistes souvent méprisés car travaillant à l’ombre de la police.

C’est bien cette dimension métaphorique qui est prégnante dans ce septième épisode de la dernière saison. L’acmé est atteinte dans les profondeurs obscures  d’un caveau de famille. Le légiste House veut par effraction voir de ses propres yeux. Et tous les légistes, toujours muets, savent ce qu’au fil du temps, il peut en coûter. Ici on ne jurerait pas qu’House ne pleure pas. Devant lui, le père de cet enfant mort aura les yeux de ceux qui boivent. D’ailleurs il boit, et il ne s’en cache pas, au goulot d’une flasque. Du gin vraisemblablement. Et il pleure volontiers, jusqu’au moment où House lui dit que son enfant est en paix. A ce moment House n’est plus House et et la série entre dans une nouvelle dimension. Mais ne spoilons pas plus avant.

Au risque de passer pour un triste cérébral, on observera que le huitième épisode est encore une métaphore. Celle de l’Amérique baptiste qui nourrit une paranoïa croissante au moyen d’armes individuelles de destruction massive. Pour mieux se protéger dit-elle, à commencer par ses femmes et ses enfants. Jusqu’au moment où cette psychose débonde devant les caméras des télévisions tachées de sang.

La « toux aboyante » (dite croup).

On dit que les personnalités paranoïaques courent les rues aux Etats-Unis, que l’on n’y recense plus, depuis les pères fondateurs, les râteliers et les armes à feu. Le huitième épisode témoigne du caractère hautement contagieux de l’ensemble. Numéro de virtuoses autour d’une fausse arme de poing qui se révèlera méchamment vraie. Bientôt la neige tombera. Tous les autres trouveront la chaleur de la sexualité et le réconfort de l’amour. Cuddy est partie. House restera seul ce soir, avec son sabre.

Au fait, et le malade? De même que les hypocondriaques ont généralement une fin, les paranoïaques peuvent avoir des ennemis. Pour ne pas spoiler, on ne dira pas précisément de quoi il retourne. Difficile en revanche de ne pas entendre résonner le croup, cette «toux aboyante». Croup, pas le chien des sorciers écossais, mais bien l’onomatopée franco-anglaise qui signe une maladie dont nos contemporains croient à tort s’être débarrassés. Une maladie qui doit beaucoup aux hygiénistes allemands Théodor Klebs et à Friedrich Löffler. Mais qui doit plus encore au médecin tourangeau Pierre Bretonneau et à la trachéotomie.

Quand il est considéré comme bon, le médecin est généralement perçu comme bizarre. C’est cette série qui le dit et  House l’est. A l’envi. Et il y a aussi du loup garou en lui. Mais un loup garou qui n’alimente pas la paranoïa. Il fait peur, certes, mais cet animal est au service de notre santé. Un animal social ou un loup pour l’homme ? Et qui des femmes ?

Une version de ce billet a été publiée sur Slate.fr

 

 

Quand l’Académie de médecine se mire dans l’absinthe

110 ans. C’est le temps qu’il aura fallu à l’Académie nationale de médecine pour revenir  sur la question de l’absinthe. La compagnie avait-elle poussé le bouchon un peu loin quant à ses méfaits médicaux? C’est l’un des objets du document passionnant exposé devant elle par le Pr Yves Chapuis, membre de l’Académie de médecine, président honoraire de l’Académie de chirurgie ; exposé  que nous reproduisons ci-dessous 1. Un sujet sur lequel s’était longuement penché le Pr Emile Aron.

On y apprend tout ou presque sur l’ambivalence de l’alcool, ambivalence portée à sa quintessence par l’absinthe. On y apprend à quel moment elle est passée de l’élixir dépuratif à la liqueur apéritive. Comment il fallut  attendre treize ans pour que la loi  (1915) applique les recommandations de la Commission de l’alcoolisme de l’Académie quant à son interdiction. Les deux lectures (l’amertume et le réconfort) de la signification de sa présence dans l’éponge portée aux lèvres du Christ. Ce qui s’est joué dans le Val-de-Travers suisse. Les secrets de Pontarlier. L’usage qui en fut fait sur l’anus du Roi Soleil.

Peut-être n’est-il pas inutile de connaître cet historique et cette symbolique quand on lutte contre les dépendances aux boissons alcooliques.

A la fin de l’éloge de Emile Aron qu’il prononça le 31 janvier 2012, Jacques Louis Binet montrait combien dans une carrière foisonnante, notre regretté confrère s’était intéressé à l’absinthe, à ses plus illustres consommateurs et à leurs œuvres écrites, peintes ou sculptées. Il avait par ailleurs publié en 1994 dans la revue Médecine et Nutrition un remarquable article, parfaitement documenté sous le titre «  Le saviez-vous ? La leçon de l’absinthe ».

Je reviens devant vous sur cet apéritif alcoolisé car si dans son interdiction en mars 1915 notre Académie a joué un grand rôle, sa fabrication, sa vente, sa consommation sont à nouveau autorisées en France  depuis 2000, en Suisse depuis 2005. A l’heure où l’on débat des lanceurs d’alerte, où le développement de l’alcoolisme en particulier chez les jeunes est préoccupant, ou des courants d’idée opposés s’expriment sur divers sujets de société, il peut être intéressant de rappeler combien cette boisson alcoolisée mobilisa  il y a un peu plus d’un siècle la Société française, déchaina les passions, bref fut la cause de ces secousses qui marquent de temps à autre le cours des états et où l’on retrouve volontiers des mécanismes contradictoires intéressants à analyser  d’un point de vue sociologique.

Et d’abord  un mot sur la plante, Artemisia absinthium, consacrée à la déesse Artémis. Elle pousse facilement à une altitude de 600 à 1000 mètres sur des terrains propres, aérés, rocailleux. Elle est connue depuis la plus haute antiquité. Un papyrus égyptien datant de 1600 avant J.C. vante ses vertus tonique, stimulante, fébrifuge , vermifuge et emménagogue. Hippocrate l’a dit utile contre l’ictère. L’Ecole de Salerne en 1649 confirme ses vertus. Galien la recommande contre la malaria. Les armées napoléoniennes l’utiliseront à ce titre dans leurs déplacements vers l’Europe de l’Est. Ses vertus antiseptiques et cicatrisantes conduiront Monsieur Fagon ,un des médecins de Louis XIV, a panser les ulcérations ano-périnéales du Roi à l’aide d’une solution d’absinthe, de feuilles de roses et de vin de Bourgogne. Madame de Coulanges dans une lettre à Madame de Sévigné vante ses effets digestifs mais déplore son amertume.

Hamlet, Rabelais et l’éponge tendue au Christ

L’absinthe est en effet amère. Elle tire son nom du grec apsinthion . «  Elle est fâcheuse à boire » dit Rabelais. Son amertume nourrit la légende. Dans le Livre des Rois  Salomon invite à se méfier des lèvres de miel des belles étrangères qui peuvent laisser un goût d’absinthe au palais. On prétend que l’absinthe fut mêlée à la ciguë qui tua Socrate et le Prince de Jutland dans Hamlet. On prétend aussi que l’éponge tendue au Christ par ses bourreaux était imbibée non de vinaigre mais d’absinthe, dernière coupe amère selon Mathieu alors que Jean y voyait u n geste de réconfort.

Comment la potion médicinale va-t-il devenir une boisson apéritive ? En Suisse, dans le Val de Travers, à Couvet, près de Neufchâtel, l’absinthe pousse volontiers. Une femme alchimiste  et un peu sorcière, la mère Henriod en tire vers les années 1780 un élixir apprécié. Elle en aurait donné la formule à un exilé politique, le Docteur  Pierre Ordinaire, natif de Quingey dans le Doubs, herboriste et pharmacien à ses heures. A la mort de la mère Henriod, ses filles vendent la formule au major Daniel-Henry Dubied, commerçant à Boveresse. La distillation industrielle commence. Puis la fille de Dubied épouse un certain Pernod, qui reprend l’affaire. La marque prend de l’essor. En 1802 pour échapper aux droits de douane la distillerie Pernod fils et Dubied s’installe à Pontarlier au 73 de la Grand Rue, aujourd’hui rue de la République, puis s’étend rue de l’Armée de l’Est au bord du Doubs. Un incendie s’y déclare le 11 août 1901. Un ouvrier a la présence d’esprit d’ouvrir les cuves qui se déversent dans la rivière voisine. Le lendemain la Loue, chère à Courbet, se colorait à sa source d’absinthe et démontrait qu’elle était une résurgence du Doubs. A cette époque la ville de Pontarlier comptait 26 distilleries, Ornans la patrie de Courbet 4. On en trouve bientôt à Paris, Marseille, Montpellier. La consommation se développe.

Nerval, Daudet et les dandys

De quoi se compose cette liqueur ? Quelle est sa fabrication ? Elle procède dans un premier temps d’une macération dans l’alcool de la grande absinthe desséchée  à laquelle sont associée d’autres plantes locales en variétés et en proportion variable selon les distillateurs (petite absinthe, hysope, mélisse, sauge, génépi, coriandre, camomille, angélique d’origine locale associées à l’anis vert et au fenouil venu du midi de la France ou d’Espagne). L’alcool est d’origine végétale provenant de la distillation du vin ou de la betterave. Ces alcools d’origine végétale feront place dans des distilleries clandestines à des alcools frelatés qui accentuent la toxicité de la boisson. Au terme de la macération la liqueur est obtenue par distillation après double passage dans l’alambic.Elle titre entre 68 et et 72 degrés d’alcool. L’addition d’eau lui donne son opalescence particulière.

Durant plus d’un siècle l’apéritif à base d’absinthe va connaître un succès considérable. En effet le cérémonial de sa préparation dans le verre, la belle opalescence qui en résulte, la douce griserie qui nait de son absorption attirent les artistes, la bourgeoisie puis par imitation le peuple. Sa consommation est  habituelle dans les régions productrices .Elle est de 2,4 l  par an et par habitant en 1900 à Pontarlier, mais c’est à Paris que l’effet culmine. D’abord au quartier Latin et Place du Palais Royal ( au Procope, à la Régence ) où l’on rencontre Alfred de Musset, Nadar, Daumier, Verlaine, Rimbaud et bien d’autres, puis sur les grands Boulevards, vers 5 heures, « à l’heure du persil » chez Riche ,  au Tortoni, à la Caverne du Bagne que fréquentent de Nerval, Daudet mais aussi dandys et élégantes, mondaines et demi-mondaines, bourgeois prêts à s’encanailler, enfin au Helder, fief des militaires galonnés.

Les tripots de Tokyo

La fièvre gagne la butte Montmartre où s’ouvrent le Chat Noir, refuge des hydropathes, le Rat mort , tous lieux où l’on va « étouffer un perroquet », « tuer le verre », « gouter une hydre verte ». Renoir, Daumier, Manet , Valloton, Picasso témoigneront dans leur toile de cette coutume de café, laissant apparaître déjà sur le visage de certains de leurs personnages les premières traces de la déchéance que Raffeli, Adler, Ilhy à la fin du 19 ème porteront au paroxysme dans des scènes sociales cruelles et bouleversantes, tandis que Zola, Edmond de Goncourt en font d’affreux récits. Car il n’y a pas que les écrivains, les artistes, certains bourgeois qui s’alcoolisent. Il y a le peuple qui, dans les caboulots de banlieue, « tue le verre » à coup d’absinthe frelatée, de cette absinthe portée aux nues d’une « boisson nationale » et qui laisse tant de gens dans le ruisseau, y compris ces pauvres filles raillées par Maurice Rollinat. (« Oh, cette jupe déchirée, qui se bombait chaque hiver, pauvre buveuse d’absinthe, sa voix n’était qu’une plainte, son estomac qu’un cancer, elle était toujours enceinte »).

Mais la France n’est qu’une étape et l’exportation devient mondiale. Dans nos colonies d’Afrique d’abord : Algérie, Madagascar, Soudan où « Sitôt hissé le pavillon national, on déballe les caisses.( Docteur Ledoux, 1908) ( Voir à cet égard les films Fort Saganne etCoup de torchon ). Sans pour autant choquer en pays musulman. Comment ne pas rapprocher la cérémonie du thé de celle de l’absinthe ? La plante n’est-elle pas honorée par les religieux eux-mêmes si on en croit Alphonse Daudet, fort consommateur, qui met en scène dans Tartarin de Tarascon le grand muezzin devant un grand verre d’absinthe fraiche.

L’Asie elle aussi sera conquise, l’Indochine en premier. Dans les cales de la Marie Thérèse naufragée en 1872 au large de Saïgon on retrouvera 540 bouteilles d’absinthe. Elle gagne les tripots de Tokyo, l’Amérique du Sud, Argentine, Brésil ,Uruguay. En Europe elle conquiert la Belgique, l’Espagne, mais l’Allemagne, l’Italie lui résistent. Quant aux Russes ce sont leurs belles comtesses qui s’enivrent dans les cafés parisiens à la mode. Même la Grande Bretagne lui ouvrira ses portes, en dépit de la romancière Marie Corelli ( L’absinthe, un drame de Paris), mais George Moore, Oscard Wilde , les peintres Sickert, Orpen, Rutherson l’apprécient.

La bien triste affaire Lanfrey

Cette boisson apéritive n’est pas la seule à concourir au développement de l’alcoolisme en France à la fin du XIX ème et au début du XX ème car en 1900 elle ne représente que 3%  de la consommation d’alcool. Mais sa réputation est sulfureuse car l’absinthe contient une cétone aromatique, la thuyone réputée toxique pour le système nerveux, à l’origine de crise d’épilepsie, de délirium tremens, d’altérations des fonctions cérébrales, capable de conduire au crime , comme le montrera l’affaire Lanfrey, du nom de l’ouvrier agricole qui en Suisse, en août 1905 tua sa femme et ses deux enfants dans une crise alcoolique.

Les ravages de l’alcoolisme vont alors susciter la création d’une Ligue  anti-alcoolique nationale à l’origine de ligues locales. Affiches, tracts, brochures en vers ou en prose, revues, pétitions, discours mobilisent la France entière, école, armée, milieu ouvrier, élites scientifiques et intellectuelles. Elles vont se heurter aux partisans de la Fée verte. Le conflit se complique car les viticulteurs du midi voient dans l’absinthe une redoutable concurrente et font pression sur les hommes politiques pour en obtenir l’interdiction. Ce combat est symbolisé le 14 juin 1912 par un grand meeting au Trocadéro. Mais non loin de là une contre- manifestation était organisée par Girod, député de Pontarlier, qui dénonçait en particulier l’affairisme des marchands de vin. La position de ce dernier était difficile car en 1896 le Docteur Philippe Grenier, député de cette même ville avait prôné devant la Chambre l’interdiction de la fabrication de l’absinthe.

Parallèlement à ce mouvement préoccupé de l’hygiène publique, le régime fiscal des boissons alcoolisées va intervenir . En effet une loi de décembre 1900 crée une barrière fiscale ayant pour objet de réduire la consommation des « absinthoïdes ». De surcroit l’article 13 de la Loi stipule que «  le gouvernement interdira par décrets la fabrication, la circulation et la vente de toute essence reconnue dangereuse par l’Académie de Médecine ». C’est ainsi que  le 10 novembre 1902 le Ministre de l’Intérieur saisissait  l’Académie de Médecine en lui demandant de dresser la liste des essences dangereuses afin de mettre en application la loi .

Faire la part exacte

La Commission contre l’alcoolisme présidée par Jean-Baptiste Laborde et composée de MM Brouardel, Lancereaux, Magnan, Pouchet et Motet conduisit ses travaux de Juin 1902 à février 1903. Les comptes rendu figurent dans le Bulletin de l’Académie, tome LVII aux pages 685 à 712. Dans une première partie ils dressent la liste des méfaits des  essences regroupées sous le nom d’absinthisme : tuberculose, aliénation mentale, épilepsie, convulsions, paralysies périphériques. Puis le degré d’agressivité des 22 essences retenues est classé avec au premier rang Artemisia absinthium.

Ces études sur l’agressivité s’appuyaient sur les travaux de chimistes, de nombreux travaux expérimentaux qui s’efforçaient de faire la part respective des effets toxiques de la thuyone et des alcools associés. Toutefois s’agissant de  la thuyone  dont l’action est convulsivante les doses administrées aux animaux et à l’origine de détériorations cérébrales étaient plus de 10 fois celles d’une consommation ordinaire chez l’homme. Ce biais expérimental ne manqua pas d’être relevé. D’autre part le Professeur Chauffard remarquait, comme le rappelle Emile Aron « qu’il est difficile de déterminer la part exacte de l’absinthe dans les phénomènes cliniques en raison du cumul des boissons alcooliques diverses ingérées par les buveurs d’absinthe ». C’est ainsi que Toulouse Lautrec sirotait un mélange d’absinthe et de cognac qu’il appelait « un tremblement de terre » et qu’Alfred Jarry commençait sa matinée par deux litres de vin suivis à l’apéritif de trois absinthes.

Le 23 mars 1903 l’Académie déposait ses conclusions . Elle déclarait que « toutes les essences naturelles ou artificielles sans exception, ainsi que les substances extraites incorporées à l’alcool ou au vin, constituent des boissons nuisibles ou dangereuses ».La Loi interdisant la fabrication, la vente et la consommation de l’absinthe attendra cependant le 8 mars 1915 , en dépit ou en raison d’une grande activité parlementaire. Il fallut modifier la Loi de finances en 1907, car l’interdiction privait l’état d’importantes ressources. Clémenceau figura parmi les plus actifs adversaires de l’absinthe. Il suscita une enquête nationale cherchant à évaluer le pourcentage d’aliénés mentaux selon les régions les plus consommatrices. Contrairement à son attente c’est dans le canton de Pontarlier, capitale de la production, qu’il était le plus faible. Les tergiversations parlementaires se prolongeant le général Lyautey prit d’autorité l’initiative d’interdire l’absinthe au Maroc. L’entrée en guerre avec l’Allemagne en août 1914 accéléra l’application de la Loi précédée d’un décret du 2 août qui en interdisait la vente.  Curieusement son application fut évitée au vermouth et à la grande chartreuse, pourtant riche en thuyone.

Ne pas réhabiliter, mais montrer

L’absinthe avait-elle pour autant disparue ? Sa fabrication clandestine, réservée à quelques fidèles usagers, persista durant  90 ans . Des boissons anisées titrant 45° d’alcool, Pernod, Ricard, Pontarlier- Anis allaient s’y substituer. Mais la constations la plus troublante est la fin de l’interdiction au point  que sa consommation,  des manifestations festives sont aujourd’hui communes dans les régions de production, Val de Travers en Suisse et canton de Pontarlier en France depuis l’année 2001. De nombreuses recherches ont en effet prouvé que les accusations portées contre cet apéritif n’était pas fondées si bien qu’un décret autorise de nouveau sa commercialisation.  Mais sa fabrication est rigoureusement contrôlée aussi bien pour l’alcool employé dans la distillation (alcool de vin exclusivement) pour son titre, au maximum 55 °, et surtout le taux de thuyone qui ne doit pas excéder 35 mg par litre.

En faisant ce récit historique mon intention n’est en aucun cas de réhabiliter une boisson alcoolique mais de montrer à son propos quel ravage l’alcoolisme fit dans notre pays durant plus d’un siècle, quelles réactions contradictoires et passionnées elle déchaina dans la Société de l’époque, la lenteur avec laquelle les pouvoirs publics réagirent aux recommandations de l’Académie et finalement combien son retour est troublant mais finalement anecdotique.

Elle est même l’enjeu d’une bataille commerciale entre la France et la Suisse dont les distilleries réclament le monopole de l’appellation « absinthe », « fée verte » ou « fée bleue ».

1 Les intertitres sont de notre fait

 Références.

Marie-Claude Delahaye « L’absinthe,  histoire de la fée verte » Editions Berger-Lavrault, 1987.

Eloge de Emile Aron, par Jacques-Louis Binet, Bull. Acad. Ntle. Med. 2012, T. 196, N°1 p 9-12

Emile Aron, « Le saviez-vous. La leçon de l’absinthe ». Méd.et Nut, 1994, N°5

Benoît Noël, « L’Absinthe, une fée franco-suisse »  Editions Cabédita, 2001

 

 

 

Nocivité des antennes relais : l’Académie de médecine ne l’entend pas de cette oreille

Une proposition de loi déposée au nom de la santé publique par un député socialiste. Il n’en fallait pas plus pour piquer au vif les sages de la rue Bonaparte. Via un communiqué de presse ils portent le fer brûlant de la science dans la plaie de l’incertitude. On y traite notamment de part et d’autres de l’hypersensibilité aux ondes.

Les députés concernés et les écologistes inquiets des développements la téléphonie mobile répondront-ils ? Sous quelle forme ? Verra-t-on enfin s’ouvrir un débat démocratique et scientifique sur ce thème essentiel ne serait-ce que  parce qu’il est sociologiquement  passionnant  ?   

 Il y eut un temps, pas si lointain, où les séances de l’Académie nationale de médecine (chaque mardi après-midi, rue Bonaparte) permettaient d’admirer l’une des plus grandes concentrations au monde de sonotones. Ce n’est plus le cas. Les prothèses auditives ont connu de considérables progrès et l’Académie est désormais bien à l’écoute de notre monde. Rajeunie, ragaillardie elle entend participer à tous les débats de société ayant à voir avec la médecine et la santé publique. Elle communique activement avec la presse, en a compris les modes de fonctionnement et les priorités. Reste peut-être à animer un site désespérément statique. Et elle n’hésite plus à en découdre, à dénoncer des pratiques (selon elle contraire à la raison et à l’intérêt sanitaire collectif) de désinformation collective au nom d’une conception dévoyée du principe de précaution.

C’est précisément sur ce thème qu’elle agit aujourd’hui. Son initiative résulte du dépôt d’une proposition de loi visant à limiter la puissance des antennes relais de téléphonie mobile, dont la nocivité n’a, selon elle, pas été confirmée. La proposition de loi a été déposée le 1er  octobre dernier par le député (PS, Bouches-du-Rhône) Jean-David Ciot. « L’Académie regrette une initiative fondée sur un flou scientifique et réglementaire qui, ne pouvant se prévaloir en dernier recours que du principe de précaution, est de nature à renforcer artificiellement chez nos concitoyens un sentiment de peur et de défiance injustifié, mais préjudiciable en terme de santé publique » affirme-t-elle dans un communiqué de presse. Elle dit souhaiter  « que les arguments scientifiques ne soient pas encore une fois occultés ou déformés » lors du débat parlementaire à venir.

La proposition de loi

On trouvera ici le texte de cette proposition de loi . Ce texte  « ne vise pas à interdire ou à rendre inutilisables les technologies émettant des champs électromagnétiques ». « Le développement de technologies sans fil est souhaité dès lors que des seuils de protection sanitaire de la population sont clairement définis » peut-on lire dans l’exposé des motifs. Pour aller au plus vite on peut dire :

. qu’il propose la réalisation d’une étude d’impact impartiale sur la santé humaine et sur l’environnement lors du développement de toute nouvelle application technologique émettant des rayonnements électromagnétiques.

. qu’il  propose de contraindre les fabricants d’appareils dotés de la technologie WIFI à les munir d’un système mécanique simple de désactivation. « On constate en effet que le Wifi couvre une surface de plusieurs dizaines de mètres alors qu’il est le plus souvent utilisé dans un rayon de quelques mètres, renforçant ce « bain d’ondes », notamment au sein des copropriétés » expliquent les auteurs.

. qu’il vise à faire indiquer le niveau d’émission de champs électromagnétiques sur tous les émetteurs, afin d’informer la population sur l’accumulation d’ondes de toute nature provenant d’une multitude d’appareils de la vie courante.

. qu’il propose l’interdiction du Wifi dans les structures d’accueil de la petite enfance et vise à favoriser les connexions filaires dans les établissements scolaires et dans les établissements recevant du public.

. qu’il traite de l’électro-hypersensibilité, une « maladie encore peu connue ». « Les champs électromagnétiques sont partout et constants, rendant difficile voire insupportable la vie des personnes électro-hypersensibles. Ce mal du siècle doit être mieux appréhendé, mieux étudié et traité » écrivent les auteurs qui estiment nécessaire que des solutions soient trouvées pour les personnes qui souffrent de cette pathologie ; l’expérimentation de « zones blanches » en fait partie.

. qu’il  vise à lancer une campagne de prévention sanitaire sur les risques potentiels des ondes électromagnétiques ainsi qu’à établir une charte de bonne utilisation du téléphone portable.

Les dénonciations académiques

Extraits du communiqué de presse :

« Tout en adhérant à la demande de nos concitoyens en faveur de davantage de débat public et de transparence dans la décision en santé publique élargie aux questions environnementales, l’Académie regrette une initiative fondée sur un flou scientifique et réglementaire qui, ne pouvant se prévaloir en dernier recours que du principe de précaution, est de nature à renforcer artificiellement chez nos concitoyens un sentiment de peur et de défiance injustifié, mais préjudiciable en termes de santé publique. »

De nombreuses contestations techniques sont faites par les académiciens, dont celle-ci : le classement en « possiblement cancérigène » (2B) par le Centre International de Recherche sur le Cancer (CIRC) ne concerne pas les antennes relais mais les portables, dont les niveaux d’émission sont très différents. En effet, les antennes de téléphonie mobile entraînent une exposition aux champs électromagnétiques 100 à 100.000 fois plus faible que les téléphones portables : être exposé pendant 24 heures à une antenne à 1 volt par mètre donne la même exposition de la tête que de téléphoner avec un portable pendant 30 secondes.

L’un des chapitres les plus intéressants pour les médecins concerne cette entité qu’est l’ « électro-hypersensibilité ». « A ce jour, aucun système sensoriel humain permettant de percevoir les champs électro-magnétiques utilisés par la téléphonie mobile n’a été identifié. Des dizaines d’études ont été effectuées ; elles ont montré à la quasi-unanimité que les sujets se disant électro-hypersensibles, bien que manifestant des troubles variés en présence de dispositifs émetteurs de champs électromagnétiques, sont incapables de reconnaître si ces dispositifs sont actifs ou non. Les études suggèrent un effet nocebo (inverse de l’effet placebo : troubles relatés résultant d’un mécanisme psychologique) et des facteurs neuro-psychiques individuels. L’angoisse et des perceptions somatiques très variées en présence d’émetteurs de champs électromagnétiques peuvent justifier une prise en charge adaptée. L’Académie déplore d’autant plus que ces troubles, pouvant entraîner de graves handicaps sociaux, soient utilisés à des fins contestables au détriment des intéressés. »

Question: des représentants des électro-hypersensibles seront-ils un jour, rue Bonaparte, invités à se faire entendre ?

 

 

 

Finissons-en avec la GPA : GPH ou GPF ?

Grossesse pour autrui, location d’utérus. Seules les féministes prennent la parole (souvent pour se déchirer). Un gynécologue-obstétricien entre aujourd’hui en scène : François Olivennes. A la veille de la manifestation nationale du 13 janvier contre le projet de loi instituant le mariage pour tous il  vient de prendre la parole dans Le Monde. On connait des points de vue moins intéressants

Il y a six ans le Dr François Olivennes quittait la prestigieuse Assistance Publique – Hôpitaux de Paris. Il disait adieu à une chefferie de service en médecine de la reproduction situé à Cochin pour un exercice libéral dans de plus beaux quartiers de la capitale. C’est peu dire que ce choix personnel, assez largement médiatisé, fut mal compris de ses confrères hospitaliers. Certains parlèrent de trahison.

Depuis on retrouve ici ou là le Dr Olivennes dans les médias. Il ne craint pas d’y prendre position assez tranchées sur l’évolution de la pratique médicale, déclarations qui peuvent lui valoir de sévères critiques en retour comme celle-ci sur le blog La Plume et le Bistouri situé sur le site de Libération. Et il est généralement à nouveau mal compris. Sans doute en ira-t-il de même avec ce point de vue qu’il vient de signer dans Le Monde. Point de vue intitulé « Les couples homosexuels hommes et femmes ont tous à part égale droit à la gestation pour autrui ».

Ce texte doit être replacé dans son contexte : celui d’un affrontement radical entre les partisans et les adversaires de cette pratique  (la « location d’utérus ») interdite et condamnée en France. Ce sujet a été largement exploré et exposé sur le site de la « fondations progressiste » Terra Nova proche du Parti socialiste. Nous avons pour notre part traité des derniers épisodes de cet affrontement sur ce blog dans le billet intitulé « la guerre utérine est déclarée ». En substance un affrontement entre des femmes ayant des points de vue radicalement opposés.

D’une part celles (menées par Elisabeth Badinter, Irène Théry) déclarant « ne pas accepter pas que la GPA soit le bouc émissaire pour continuer à discriminer des enfants » et demandant « que la filiation des enfants nés par GPA à l’étranger soit légalement reconnue ». « Aujourd’hui, ces enfants sont les petits fantômes de notre République alors que leurs parents sont français, estiment-elles. Combien de temps va-t-on continuer à refuser l’état civil à certains enfants à cause de leur origine procréative ? La France ne saurait accorder plus ou moins de droits à un enfant en fonction de son mode de conception. »

D’autre part celles (menées par Thalia Breton, Carine Favier et de  Yvette Roudy, ex-ministre des droits de la femme) estimant en substance que le « mariage pour tous » ne devait en aucun cas être le cheval de Troie de la GPA, cette nouvelle forme d’esclavage, de marchandisation du corps des femmes.  

Que peut nous dire sur un tel sujet le Dr Olivennes ?

« Les sorties anti-gestation pour autrui (GPA) sont de plus en plus virulentes et caricaturales. Demander, au nom de la liberté, l’accès à l’assistance médicale à la procréation (AMP : on ne dit plus PMA depuis la loi de bioéthique de 1994) pour les couples d’homosexuelles qui ne peuvent pas procréer entre elles, et dénoncer de manière caricaturale la GPA, en s’opposant au droit à l’enfant pour les homosexuels hommes, est au mieux risible, au pire malhonnête ou plus simplement sectaire ; observe-t-il. De plus, amalgamer la GPA pour les homosexuels avec celle qui est proposée à des femmes dont l’utérus est absent, détruit ou mal formé est proprement scandaleux. Oui, il existe une GPA mercantile inacceptable qui bafoue le droit des femmes et les instrumentalise, et cette GPA-là doit être proscrite. Elle n’est cautionnée par aucun des membres du prétendu  ‘’lobby pro-GPA’’, qui est en fait composé de personnes de tous horizons. »

Voilà pour les prolégomènes et le cadre général. « Mais il y a aussi une GPA fondée sur l’altruisme entre femmes qui existe depuis la nuit des temps. Cela a d’ailleurs été la conclusion d’un groupe d’experts de l’Académie de médecine (au sein duquel siégeait son ancien président). En effet, ces experts proposaient une autorisation temporaire de la GPA, avec la mise en place de conditions drastiques destinées à éviter les dérives tout à fait condamnables. Ils proposaient une surveillance étroite de la pratique et des études scientifiques pour répondre aux questions qui se posent, tant pour les femmes impliquées que pour les enfants, et vérifier ainsi si la GPA peut être réalisée de manière éthique. »

Un souvenir de l’Académie nationale de médecine

Le Dr Olivennes fait ici référence à une initiative souvent oubliée de l’Académie de médecine. L’affaire date de mars 2009. Elle est résumée de la manière suivante dans le communiqué de presse de l’époque :

« A l’issue de sa séance du 10 mars 2009,  consacrée au débat sur la question de la gestation pour autrui, l’Académie nationale de médecine a adopté le rapport « La Gestation pour autrui » et les recommandations suivantes :

-profondément concernée par la détresse des couples frappés par une infertilité d’origine utérine, d’autant plus ressentie que les autres causes d’infertilité ont progressivement trouvé le secours des techniques d’Assistance médicale à la procréation,

 -consciente que cette pratique interdite en France est l’objet de la part de couples français d’un recours à l’étranger qui est cause de sérieuses difficultés quant au statut des enfants à leur retour en France,

-constate que la GPA

.soulève, comme les autres modes d’Assistance médicale à la procréation, des problèmes graves et inhabituels ; graves parce qu’ils concernent le domaine personnel  le plus sensible, celui de la filiation et aussi le plus intime, celui de la sexualité et de la conception ; inhabituels parce que, intéressant deux générations, on entre dans une dimension inédite, la médecine intergénérationnelle ;

.inaugure une rupture entre d’une part la grossesse et l’accouchement et d’autre part la filiation ; rupture qui remet fondamentalement en cause le statut légal, anthropologique et social de la maternité et de ce fait ne manque pas de susciter de légitimes réserves éthiques ;

.a la particularité, de plus, de concerner une personne en bonne santé, la gestatrice, engagée dans un parcours, la grossesse qui n’est pas sans risque »

.met en jeu non seulement les intéressés directs, couple d’intention, gestatrice et enfant conçu, mais aussi d’autres personnes, le partenaire de la gestatrice, et  les fratries du couple d’intention et de la gestatrice.

En conséquence, l’Académie nationale de médecine

° consciente de l’importance du désir d’enfants de certains couples frappés par une infertilité d’origine utérine d’autant que les autres causes de stérilité ont trouvé une solution grâce au secours des techniques d’AMP,

°considère qu’au titre de sa mission médicale elle ne peut être favorable à la GPA.

° tient à souligner que la démarche de la GPA se situe sur un terrain totalement différent. Par la nature des problèmes qu’elle soulève, la GPA interpelle avant tout la Société et relève de la décision du législateur.

° considère que, tout à fait consciente de sa responsabilité médicale, il lui appartient d’apporter tous les éléments concernant les complications que pourrait entraîner une éventuelle reconnaissance législative, complications et situations complexes contre lesquelles elle met en garde. »

Soit une fin de non recevoir académique prononcé in extremis avec une voie d’écart et en dépit de l’énergie et des arguments développés notamment par le Pr Georges David, fondateur des CECOS et qui a beaucoup fait pour l’IAD fondée sur les principes de bénévolat, de gratuité et d’anonymat. 1  

Parlons clair : GPH ou GPF ?

« Le vote négatif des membres de l’Académie a rejeté cette proposition, tout comme les députés lors de la dernière révision des lois de bioéthique, poursuit le Dr Olivennes. Nier l’existence d’une GPA respectant le droit des femmes relève d’une cécité ou d’une obstination subjective irréaliste. Mettre dans le même panier la GPA pour un couple hétérosexuel ou homosexuel est aberrant. Savoir si la GPA est possible et souhaitable pour un couple d’hommes est une vraie question. On peut être favorable à la GPA comme véritable technique d’AMP pour les indications médicales féminines et se montrer plus circonspect pour son indication comme mode de procréation des couples d’homosexuels. » Ainsi donc le message est clair : il faut distinguer les  GPA pour couples hétérosexuels et celles pour couples homosexuels. Allons plus loin : on pourrait utilement parler désormais de GPF et de GPH.

Pour sa part le Dr Olivennes va plus loin et ne craint pas, une nouvelle fois, de fâcher : « Il ne sera de toute façon pas possible de débattre de l’accès des homosexuels hommes ou femmes à l’AMP sans aborder les questions qui fâchent : l’anonymat des donneurs, qui pourrait être préjudiciable au bien-être des futurs enfants ; les conditions de couple que devront remplir les femmes demandeuses ; la possibilité d’utilisation d’un donneur connu – aujourd’hui interdite – aux couples hétérosexuels. Les aspects symboliques de la filiation et le projet inquiétant du livret de famille doivent également être pris en compte, car un enfant ne peut pas avoir pour parents biologiques deux individus du même sexe. »

Et de se découvrir pour finir : réaffirmer l’égalité des droits entre les homosexuels hommes et femmes, et donc de la GPA ; et ce que cela plaise ou pas « à Mmes Breton, Favier et Roudy ». « Les enjeux de l’AMP pour les homosexuels hommes ou femmes sont immenses, assure-t-il. Il faut en débattre car, chaque jour, de nombreux couples homosexuels, hommes ou femmes, ont recours à l’AMP à l’étranger, sans aucun encadrement et avec des coûts importants. Une hypocrisie que l’on retrouve aussi pour les couples hétérosexuels qui vont à l’étranger bénéficier de pratiques interdites ou dont il est très difficile de bénéficier dans notre pays, comme la GPA ou le don d’ovocyte. »

Où l’on retrouve cet argument conjoncturel selon lequel une pratique non interdite « à l’étranger » se doit d’être légalisée en France. A ce stade du débat il est fréquent de faire le parallèle avec la peine de mort.

 

1 Sur ce thème on se reportera avec le plus grand intérêt à l’ouvrage suivant

« La gestation pour autrui  » de  David GeorgesHenrion RogerJouannet  PierreBergoignan-Esper  Claudine (Editions Lavoisier)

Résumé de l’éditeur : À l’occasion d’une nouvelle révision des lois de bioéthique, le débat concernant la levée éventuelle de la prohibition de la gestation pour autrui (GPA) a redoublé d’intensité. L’Académie nationale de médecine a constitué un groupe de travail qui a d’une part recensé les arguments plaidant pour ou contre le maintien de la prohibition et d’autre part fait le bilan des connaissances acquises dans le domaine médical à partir des applications de cette pratique à l’étranger.

Considérant comme prioritaire une prise de position morale, l’Académie s’est prononcée pour le maintien de l’interdiction. C’est la conclusion majeure retenue et diffusée par les médias. Ce message a obscurci l’aspect plus spécifiquement médical du problème particulièrement bien souligné dans le rapport du groupe de travail, qui constitue la première partie de cet ouvrage.

Dans la deuxième partie sont exposés divers points de vue opposés, parfaitement argumentés, de différentes personnalités montrant l’extrême complexité de légiférer sur le sujet, tant sur les plans médical, psychologique et humain, que sur les plans juridique et éthique. En cas d’ouverture législative, l’Académie insiste sur la nécessité d’un encadrement et d’une phase d’évaluation objective dont le groupe de travail a détaillé les conditions et les contraintes.

Ce dernier aspect, parce qu’il est totalement absent du débat public, et la diversité des témoignages, parce qu’ils mettent en évidence des positions difficilement conciliables, font l’intérêt principal de l’ouvrage »