L’arrivée annoncée du Sativex® réactive les frayeurs inhérentes au cannabis, à la marijuana, au chanvre indien. La prise de position de l’Académie nationale de médecine en fournit un éclairant symptôme.
Un jour prochain (encore assez lointain) le Sativex® sera en France. Annoncée par la ministre de la Santé en personne, l’affaire a fait un certain bruit médiatique (mémoires-blog). Elle a aussi trouvé un écho rue Bonaparte, sous les ors de l’Académie nationale de médecine.
Les médias ignorent trop souvent l’existence de cette institution bicentenair ou presque – son existence et sa production. On la dit en cure durable de rajeunissement. De fait elle a pris, ces dernières années des prises de position courageuses, à contre-courant, sur différents sujets de société et de santé publique. Elle peut aussi être le reflet de certains invariants qui ne sont pas toujours parmi les plus progressistes. On voit aujourd’hui que le cannabis thérapeutique peut réveiller des frayeurs que l’on pouvait tenir pour évaporées.
Aucune justification
Dans leur prise de position réflexe les académiciens reconnaissent ne pas pouvoir rester insensibles « aux espoirs suscités chez les patients souffrant de sclérose en plaques par la publicité faite autour d’effets remarquables attribués au Sativex®. Sativex® : association de deux principes actifs du chanvre indien/cannabis – le tétrahydrocannabinol (THC) et le cannabidiol (CBD). Sativex® agissant sur des symptômes insuffisamment soulagés par les médicaments disponibles et qui altèrent gravement la qualité de vie.
Pour autant l’Académie estime de son devoir de « mettre en garde » patients et les médecins prescripteurs contre les effets adverses avérés du THC, notamment au plan psychique. Rappel de l’Académie :
« Aucun progrès significatif dans le domaine de leurs intérêts thérapeutiques allégués n’est apparu récemment, alors que les connaissances de leurs effets adverses se sont précisées et multipliées. L’évolution de la législation en faveur de leur inscription comme agents thérapeutiques ne semble pas justifiée pour des raisons pharmaco-thérapeutiques ».
« Vrais médicaments »
« Non seulement les bénéfices potentiels du THC sont tous modestes, sans exception, mais on dispose de vrais médicaments plus efficaces pour chacun des bénéfices attendus. En revanche, les risques que fait courir le tétrahydrocannabinol / THC sont très nombreux, souvent graves et incompatibles avec un usage thérapeutique. Toutefois, on peut s’étonner, sur le plan pharmacologique, de voir associés le THC, dans une proportion mal justifiée, et le CBD, au mécanisme d’action incertain, afin d’amoindrir les méfaits du THC. »
Urines durablement chargées
Pour les académiciens aucun doute n’est permis : le tétrahydrocannabinol,(THC) est agent toxicomanogène, générateur d’une dépendance psychique et physique. Le stockage du THC se fait de manière intense et très durable dans les lipides de l’organisme (en particulier cérébraux), ce qui rend son utilisation complexe parce que ses effets sont prolongés, difficiles à prévoir d’un sujet à un autre, et qu’ils favorisent le développement d’une dépendance. Et cette dépendance existe : il faut attendre près de 8 semaines pour ne plus retrouver de dérivés cannabinoïdes dans les urines du consommateur, « ce qui est une situation exceptionnelle pour un médicament ».
Sativex® au volant ?
Ajoutons que le THC « potentialise les effets de l’alcool, des benzodiazépines et d’autres sédatifs et/ou hypnotiques, y compris le reliquat matinal de certains de ces derniers ». Soulignons qu’il est incompatible avec la conduite automobile. Qu’en sera-t- il du Sativex® au volant ? N’oublions pas non plus que son usage chronique « aboutit à une diminution marquée des capacités intellectuelles ».
Tout cela pour en arriver à l’essentiel académique : l’autorisation de mise sur le marché (AMM) qui vient d’être accordée au Sativex® ne constitue nullement une légalisation du cannabis thérapeutique en France. « Utiliser la plante dans des préparations magistrales, tout comme fumer la plante (marijuana) pour soulager des douleurs restent interdits » surligne en rouge l’Académie qui met en garde contre les risques de détournement d’usage du Sativex® ».
Compassion thérapeutique
Rue Bonaparte on sait que le cannabis en spray ne devrait pas intéresser les fumeurs de joints. Mais on y craint la multiplication de prescriptions hors AMM à divers usages « largement plébiscitées dans l’opinion : sevrer les toxicomanes, atténuer les nausées des malades traités par chimiothérapie, rendre l’appétit aux malades atteints de sida. Il est bon est sain que l’Académie existe et que sa parole soit libre, dégagée de toute pression. Il serait également bon que les élus de la rue Bonaparte prennent langue avec leurs collègues immortels en habit vert du quai Conti. Pour une petite réunion autour d’un bien joli nom. Celui de compassion.